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Le sauvetage d'un runabout par une bande de passionnés

Le bateau de Gatsby le Magnifique

Une épave acquise par le Musée de la Batellerie de Conflans-Sainte-Honorine, et restaurée par l'association Sequana, redevient le bateau de légende qu'elle fut dans les années 1930. Récit d'un partenariat réussi, et, au-delà, très belle histoire de passion et d'amitié. Conte de fées du XXIe siècle.
 
"Swing sur Seine" aurait été un bon titre, s'il n'avait déjà été pris ailleurs. Swing est en effet le nom que porte désormais ce rescapé d'avant-guerre.
L'histoire commence par une fin d'après-midi de janvier 1998 plutôt morne. En son château du Prieuré de Conflans-Sainte-Honorine, qui abrite le Musée de la Batellerie, le jeune conservateur Laurent Roblin reçoit un appel téléphonique.

Ambiance…

"C'était un jeudi. On n'oublie pas ce genre d'histoire ! " se souvient Laurent, qui dans notre conte tiendra le rôle du prince charmant. Des gens de Villennes-sur-Seine vendent la maison qu'ils y possèdent dans une île et doivent donner les clefs deux jours plus tard. Il reste dans leur garage trois vieux bateaux en bois : un canoë, une yole des années 1930 et "un vieux bateau à moteur en bois en très mauvais état, sans son moteur, sans doute bon à brûler" pensent-ils.
Villennes est à deux pas de Conflans, aussi Prince Laurent est-il sur place le soir-même, assisté de son fidèle adjoint et ami Marc Oberlé. "C'est à la lueur d'une lampe-torche, car l'électricité avait déjà été coupée, que nous avons pu découvrir pour la première fois "notre" Dodge. À vrai dire, on le distinguait seulement à travers un incroyable enchevêtrement d'objets." Ambiance Club des Cinq…

Un runabout Dodge !

Quelques années auparavant, Laurent a consacré une exposition aux "plaisirs de l'eau", et c'est dans cet esprit qu'il acquiert les trois pièces qui, à ses yeux, concrétisent bien toutes les facettes de ces plaisirs, y compris la voile, car le canoë en est pourvu. La somme de cette acquisition globale tient du symbole, et le canoë ou la yole, seuls, la justifierait déjà : sur cette dernière, paraît-il, le grand-père a participé aux Jeux Olympiques !
De retour au musée, Laurent et Marc découvrent la plaque du constructeur : le bateau, ou plutôt l'épave, est ce qui reste d'un runabout Dodge fabriqué aux Etats-Unis dans les années 1930. Bigre !
Un runabout ("vagabond") est un petit canot automobile dont se servent les riverains des rivières et grands lacs nord-américains pour se ravitailler dans les années 1920. Bien vite, ce bateau devient un instrument de défi et de compétition entre eux, avec une escalade typically yankee dans la décoration et la motorisation. Des moteurs de voitures, bien nerveux, viennent alors équiper ces "watercars", véritables jouets de luxe.

premiers tours d'hélice

Séquence émotion : premiers tours d'hélice  pour Swing.


S'ils sont plus connus dans le monde du camion et de la voiture, les Dodge père, fils et oncle, ont marqué de leur empreinte la construction nautique à cette époque. La plaque qui subsiste sur notre épave indique que son moteur disparu était un Lycoming UAB 40 cv.
Revenons à notre conte. Pour réveiller la belle coque endormie, Prince Laurent va être aidé d'une fée. Ou plutôt, d'une déesse, celle de la Seine elle-même :

Sequana entre en scène

À peu de temps de là, François Casalis, président de l'association Sequana, vient à passer au musée : Laurent et lui travaillent ensemble sur une prochaine expo sur le thème de l'aviron. François découvre alors le runabout et en tombe amoureux. "Voilà un travail de restauration dans lequel Sequana peut vraiment s'investir ! " déclare-t-il avec enthousiasme. L'amitié et la confiance aidant, entre les deux hommes, et plus largement entre le musée et l'association, un accord est vite trouvé : le musée financera la restauration qu'effectuera Sequana, à la condition expresse que cette dernière trouve un moteur identique au Lycoming d'origine. N'oublions pas que nous sommes dans le cadre d'un travail muséographique d'où l'à-peu-près est banni. La quête du moteur va commencer, elle durera un an et demi. Sequana, parmi ses nombreux druides, possède un véritable sorcier, un grand mage initié aux secrets de la Toile : Jean Jack Gardais.
Pendant 18 mois, Jean Jack l'internaute va déclamer toutes les incantations rituelles et faire chauffer tous les moteurs de recherches possibles et imaginables pour dénicher, dans les grimoires virtuels, son graal, ce moulin tant convoité. Pendant ce temps, aucun travail ne peut encore être effectué sur la coque elle-même, à part des recherches et examens préparatoires pour être prêts le jour où…

Waow ! Ca file !

Waow ! Ça file !

Conte de fées sur la Toile

C'est à Sacramento, en Californie, que la quête de Jean Jack aboutit. Bob Howard est un fan de moteurs qui comprend parfaitement le problème de Sequana. Pour le plaisir de savoir que son moteur va équiper un runabout de la grande époque, il le cède pour une somme qui confine au mécénat. L'association américaine des propriétaires de Dodge fournira aussi les écrous des têtes de bielles.
François Casalis : "Laurent, nous avons trouvé le moteur ! L'association se cotise pour le faire venir, pour ne pas embarrasser le musée, dès fois qu'il y ait un lézard…". Le risque pris par Sequana n'est pas mince.
Le Lycoming arrive enfin. Il est examiné et démonté jusqu'au dernier boulon. Verdict de l'expert André Gasparetto : il est en excellent état vu son âge, et seuls les régules, ces coussinets de bielles en alliage de plomb et d'étain, sont à refaire en urgence par un motoriste. Bob Howard, confirmant l'impression qu'il a donnée sur Internet, n'est pas un escroc. Bien au contraire, c'est quasiment un cadeau qu'il a fait aux frenchies. En fait, Bob est certainement, lui aussi, un mage.

Moteur

Le fameux moteur Lycoming retrouvé à Sacramento.

Le chantier commence

Sequana n'a pas attendu que le moteur arrive pour retrousser ses manches. Dès que Bob a donné des garanties, ils ont commencé à réparer la coque. La quille sera changée, et le fond refait. On utilise des colles modernes, mais l'on applique des principes de construction d'époque. De Sacramento à Nogent-le-Rotrou en passant par Cheasepeake, Angers, Soissons et Limay, s'établit tout un réseau de professionnels et de passionnés qui vont fournir les pièces manquantes dans le style de l'époque, la sellerie, les cadrans du tableau de bord…

Tableau de bord

Le tableau de bord reconstitué à l'identique.


Le musée finance à hauteur de 150 000 F, aidé par le Conseil Général des Yvelines et la DRAC Île de France.
La "Flying Lady", cette figure de proue que Russel M.Crook avait créée pour Dodge dans les années 30, avait bien sûr disparu de l'épave. À partir de documents d'époque, Guy Lécuyer, dit "Guidouille", le sculpteur de Sequana, en refait une maquette en "clay", argile synthétique thermo-malléable. Les élèves en bac pro de fonderie-modelage de MM. Briant, Rama et Lavigne, du lycée technique Eugène Ronceray de Bezons, en tireront la figure définitive qui ornera la proue du runabout. Ne peut-on voir en cette "Flying Lady", à la poitrine généreuse et aux ailes largement déployées, une personnification de la déesse Sequana elle-même, qui a ré-insufflé la vie dans cette vieille carcasse abandonnée ?

Flying Lady

La Flying Lady, créée en 1930 par Russel M. Crook et recréée par Guy Lécuyer.


Au terme de 24 mois de travail, le bateau a retrouvé sa jeunesse, et reçoit le nom de Swing.

Swing entre en Seine
La mise à l'eau et l'inauguration officielle sont fixés au 21 juin 2003 à Conflans, coïncidant avec le Pardon de la Batellerie. Jusque tard dans la nuit qui précède ce grand jour, François Casalis et ses amis règleront les ultimes détails. On imagine le stress !

Laurent

À couple de Berrichon, presque du même âge. Au premier plan de dos, Laurent Roblin.

Ce samedi matin, vers 10 heures, la foule se presse à la halte patrimoniale du musée pour voir évoluer Swing, qui, mis à l'eau en face au chantier Ambiance Yachting, vient bientôt se mettre à couple d'un bateau à peine plus âgé que lui, le Berrichon de l'auteur de ces lignes, qui servira de ponton d'embarquement (un peu acrobatique ! ). Parmi les officiels invités à cet événement, citons François Bordry, président de VNF (dont le mandat vient alors d'être renouvelé) et Philippe Esnol, maire de Conflans. Tous deux, ainsi que de nombreux invités, deux par deux, seront conviés à faire un petit tour sur la Seine à bord de Swing, qui se comportera à merveille. Grisante sensation procurée par ce petit jouet de luxe d'un autre âge !

Bordry et Esnol

François Bordry et Philippe Esnol, maire de Conflans, prennent place à bord de Swing.


Le lendemain, Sequana organisera une seconde inauguration devant son local de la maison Fournaise dans l'île des Impressionnistes à Chatou, avec le même succès.

Bordry et Esnol, vitesse

Les mêmes lancés à pleine vitesse sur la Seine, ravis.

L'avenir de Swing
Le bateau est la propriété du musée de la Batellerie. Mais lui et Sequana en ont la jouissance alternée, définie à l'avance selon un calendrier établi ensemble. On le verra donc dans diverses manifestations nautiques où l'un ou l'autre partenaire sera présent, sur la Seine ou même ailleurs.
Laurent Roblin, enthousiaste, qualifie l'ensemble de l'opération de "collaboration exemplaire entre une dynamique association amie et le musée". Il souhaiterait que semblable entente soit trouvée entre les musées de Conflans et de Poses-Amfreville. Ce dernier en effet possède la machine à vapeur du remorqueur centenaire Jacques, classé Monument Historique et propriété du musée de Conflans, sans qu'aucun accord n'ait encore été trouvé pour débloquer une situation qui n'avantage ni l'un, ni l'autre musée. Les bons contes (de fées et suivis d'effets) font les bons amis.
CB

Fiche technique de Swing

Runabout Dodge 1930, USA
Coque en acajou, quille et bouchains en chêne.
Dimensions 4,98 m x 1,60 m, tirant d'eau 0,35 m, poids 375 Kg,
Moteur Lycoming 4 cylindres en ligne, 2 litres, 45 cv.

Contacts Sequana :

www.sequana.org
Jean Jack Gardais : 06 20 96 66 59, courriel : jeanjack-gardais@ifrance.com
François Casalis : 06 16 01 07 92, courriel : francois.casalis@club-internet.fr

Musée de la Batellerie :

3 place Gévelot, 78700 Conflans-Sainte-Honorine
T. 01 34 90 39 50, site : www.cg78.fr/culturel/musees/6_musee.htm

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