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Les Arabes et l'arabe - Forum arabe, berbère, hébreu - Forum Babel
Les Arabes et l'arabe
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Luc de Provence



Inscrit le: 11 Jul 2007
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Messageécrit le Tuesday 22 Jun 10, 21:36 Répondre en citant ce message   

Je pense que notre ami Adel évoque les " cinq soeurs de kâna ". Eclairez-moi, est-ce bien de cela dont il s'agit lorsqu'il regrette de devoir se les " farcir ". J'ai étudié l'Arabe Standard pendant quelques années et je crois qu'il s'agit des verbes d'existence. Exemple ; asbahtu cheïkhan. Et c'est aussi le même traitement après leïssa.
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Lwahranya



Inscrit le: 15 Jun 2010
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Messageécrit le Tuesday 22 Jun 10, 21:42 Répondre en citant ce message   

@ Luc de Provence
Oui, il s'agit bien des "cinq soeurs de kâna
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Adel514



Inscrit le: 11 Jun 2010
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Messageécrit le Tuesday 22 Jun 10, 21:54 Répondre en citant ce message   

@Luc de Provence


C'est là qu'est tout le problème, justement : les Maghrébins ne sont pas Arabes, au sens où les Saoudiens le sont, par exemple. Ce sont des arabo-berbères. De plus, la question ne se pose pas par rapport à l'appartenance ethnique, mais par rapport à la langue. De la même manière que le Turc est un musulman qui utilise sa langue maternelle dans tous les domaines, le Maghrébin a également le droit d'être musulman et de voir sa langue maternelle, qui n'est ni l'arabe coranique, ni l'arabe classique, ni l'arabe standard, utilisée dans l'enseignement et l'administration. Il n'y a aucun problème de principe, c'est juste une question de volonté politique. C'est la Nation Arabe mythique qui a barré la route aux peuples arabes réels.

Ceux qui veulent «arabiser» les Maghrébins à tout prix disent souvent à ceux qui ne maîtrisent pas l'arabe standard: «Vous n'avez pas honte de ne pas connaître votre langue?» Ils oublient juste que l'arabe standard n'est pas la langue maternelle des Maghrébins d'aujourd'hui.

Si nous analysons la situations des langues européennes, nous voyons qu'à partir du 16ème siècle, les langues nationales ont cassé l'hégémonie du latin - langue de l'Église, donc sacrée - et ont progressivement conquis leurs lettres de noblesse. Cette révolution n'a jamais eu lieu dans l'aire civilisationnelle arabo-islamique. La langue arabe classique a commencé à dépérir à partir du 13ème siècle, mais les dialectes arabes n'ont pas pris la relève. Il y a bien eu un débat à ce sujet, au 19ème siècle, parmi les intellectuels de la Nahdha, mais le choix s'est porté sur l'arabe moderne standard, dont je ne vois personnellement pas la différence avec l'arabe classique. Les religieux conservateurs ont certainement joué un grand rôle dans ce choix. Taha Hussein a bien essayé de défendre la langue populaire, mais il n'a pas été écouté.

Aujourd'hui, le fossé entre la langue standard et les dialectes nationaux (surtout au Maghreb) est la réplique du fossé qui existe entre gouvernants et gouvernés, entre lettrés et gens du peuple. Ce fossé n'existe pas en Europe et en Amérique. La langue anglaise utilisée par les médias et les lettrés est celle-là même qui est parlée dans les familles. C'est une langue simple et fonctionnelle. Les lettrés et les religieux arabes, par contre, font tout pour que leur langue soit compliquée et difficile à comprendre par la «populace». Ils tiennent absolument à se placer au-dessus d'elle. Ces lettrés n'ont pas encore compris qu'une formidable révolution a eu lieu dans le monde de la communication avec l'internet et que tous leurs modèles vont être balayés très vite. Ils n'ont pas encore compris que nous sommes à l'ère de la démocratisation et que toutes les barrières sont en train de tomber. L'internet a mis à la disposition du petit enfant de paysans du village le plus reculé des millions de bibliothèques virtuelles qui lui permettent d'apprendre en quelques années ce que les shouyoukhs d'El Azhar ne pourront jamais apprendre durant toute leur vie. Quand ils s'apercevront de leur erreur, il sera trop tard.

Est-ce un hasard si, parmi les pays musulmans, la Turquie, l'Iran, le Pakistan, l'Indonésie et la Malaisie avancent plus vite que les pays arabes dans tous les domaines?
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Lwahranya



Inscrit le: 15 Jun 2010
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Messageécrit le Tuesday 22 Jun 10, 22:32 Répondre en citant ce message   

J'ajoute que le fossé qui existe aussi entre l'élite francophone et l'élite arabophone ne peut être comblé que par l'utilisation d'une langue neutre et comprise de tous, une langue qui n'exclut personne et qui apprtient à tout le monde. Cette langue ne peut être que le maghribi.
L'élite francophone est toujours accusée de servir des intérêts étrangers ou d'importer des idées occidenatales contraires aux traditions locales et suspectes. L'élite arabophone s'enferme dans un dialogue de sourds en utilisant une langue morte, une langue d'initiés que chaque locuteur maghrébin comprend mieux qu'il ne parle. Je crois que c'est une caractérisque des langues mortes. Le berbère est une langue minoritaire et vernaculaire aujourd'hui. Seul le maghribi aménagé pourra contribuer à réunir autour d'une même table francisants et arabisants, islamistes et laïcs, jeunes et moins jeunes. Bref, c'est une étape essentielle à la démocratisation du Maghreb.
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la creme nta3 la creme



Inscrit le: 26 Apr 2008
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Messageécrit le Tuesday 22 Jun 10, 22:33 Répondre en citant ce message   

Luc de Provence a écrit:


Je me trompe peut-être mais voilà : les Turcs, les Pakistanais et les Indonésiens sont Musulmans mais ils ne sont pas Arabes même si dans le cas des Turcs et aussi des Iraniens un fort contingent de vocables Arabes est contenu dans leur langue et même si l'alphabet est Arabe au Pakistan et l'était autrefois en Turquie.
Les Arabes et donc Arabophones du Maghreb ne constituent-ils pas à l'ouest le versant des Arabes et Arabophones du Machreq de l'est dans une communauté ethnique et linguistique appelée Monde Arabe ou Nation Arabe ?


Et que fais tu des 40 millions de berbères( sans compter tous les arabisés) Question Question Question
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Lwahranya



Inscrit le: 15 Jun 2010
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Messageécrit le Tuesday 22 Jun 10, 22:57 Répondre en citant ce message   

@ La crème nta3 la crème
Je ne suis pas berbérophone mais je crois savoir que la composante éthnique (je n'aime pas ce mot mais je n'en trouve pas d'autre) de l'Algérie est majoritairement berbère. C'est pour cela que je me sens berbère au même titre qu'un berbérophone. Je pense qu'un berbèrophone se sent aussi arabe que moi s'il parle le maghribi et/ou s'il est musulman (c'est la situation de beaucoup de berbères). Je ne vois donc pas très bien où tu traces la "limite" entre berbérophones et arabophones. Qui est berbère et qui ne l'est pas? À mon avis, on peut parler de berbérophones, de maghribophones (ou arabophones puisque la nuance entre arabe et maghribi n'est pas tranchée), de berbérophonnes exclusifs (qui ne parlent pas l'arabe matenel), de maghribiphones exclusifs, et de bilingues. Tous étant, d'une manière ou d'une autre, arabo-berbères.


Dernière édition par Lwahranya le Tuesday 22 Jun 10, 23:06; édité 1 fois
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Adel514



Inscrit le: 11 Jun 2010
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Messageécrit le Tuesday 22 Jun 10, 23:02 Répondre en citant ce message   

Citation:
Le problème de l'arabe standard, c'est que les Arabes n'en veulent pas. Ils préfèrent leur dialecte.


La situation n'est - malheureusement - pas aussi claire.

Trois langues sont en compétition au Maghreb depuis les indépendances (fin des années 50 - début des années 60): le français, l'arabe standard et l'arabe dialectal/dialectes berbères (je considère ce dernier groupe comme une seule langue pour simplifier, car elles ne se concurrencent pas entre elles, chacune ayant un monopole de fait dans une région donnée).

La compétition entre le français et l'arabe standard est le reflet de la compétition entre les technocrates francisants (qui dominent dans le secteur économique et certaines administrations) et les lettrés arabisants qui ont conquis l'enseignement et certaines administrations, comme la Justice. La lutte sur le terrain de la langue traduit la lutte qui existe entre groupes sociaux pour la conquête du pouvoir politique et économique.

La masse du peuple n'est pas partie prenante dans cette lutte. Elle suit le mouvement et penche du côté du plus fort. Notons au passage que si l'arabe coranique est vénéré, l'arabe standard, langue de bois de la télévision du pouvoir, est tenu en piètre estime par le peuple, au même titre que le pouvoir lui-même!

Mon point de vue (moi qui suis théoriquement dans la classe des francisants) est que les deux choix (arabe standard ou français) sont mauvais. Selon moi, la prééminence devrait être donnée aux langues maternelles des Algériens. L'arabe standard, le français et l'anglais viendraient en deuxième position. Il y a des questions techniques qui ne peuvent être prises en charge que par des spécialistes, mais il y a une question de principe qui doit être tranchée par le pouvoir politique : la masse du peuple a le droit de voir les langues maternelles avoir la prééminence dans les médias, l'administration et l'enseignement (du moins jusqu'à un certain niveau). Il se trouve, malheureusement, que le pouvoir politique n'a jamais eu le courage de poser la question des langues en ces termes. D'autre part, les élites «modernistes» - ou ce qui en fait office -, et notamment les partis politiques, ont pris en charge la question de tamazight mais pas celle de l'arabe algérien. La revendication de l'arabe algérien comme langue d'enseignement n'a jamais été prise au sérieux. Par effet d'entraînement, les gens du peuple sont convaincus que l'arabe algérien et les dialectes amazighs ne sont que des patois qui ne méritent pas le statut de langues. Ils ne s'écrivent pas et ne disposent donc pas d'une littérature écrite. La situation de l'arabe standard n'est cependant guère plus brillante, car c'est une langue qui est toujours à la traîne dans le domaine des sciences, pour la simple raison que les Arabes ne produisent pas de science. Si on met de côté l'accès au patrimoine littéraire classique, auquel la masse du peuple ne s'intéresse pas, que permet de faire l'arabe standard aujourd'hui? Écouter les palabres des journaux télévisés des chaînes satéllitaires arabes, qui déversent le même discours panarabiste usé jusqu'à la corde, ou ceux des chaînes «islamiques», qui enseignent aux Musulmans la meilleure manière de punir une femme désobéissante selon le Coran et la Sounna! Rien de bien utile, en fait. Les langues maternelles, quant à elles, expriment la vie dans toute sa richesse (voir le succès foudroyant du raï). La langue arabe standard fait beaucoup de bruit, mais elle brasse du vent. Tout ce qui compte dans les pays arabes se fait en anglais ou en français (ou bien par des Anglais ou d'autres Occidentaux).

Ce qui est dramatique, c'est que très peu de linguistes, qu'ils soient arabisants ou francisants, se sont intéressés au dialectal et aux avantages qu'il présenterait comme langue d'enseignement par rapport à l'arabe standard.
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la creme nta3 la creme



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Messageécrit le Tuesday 22 Jun 10, 23:06 Répondre en citant ce message   

Je partage ton point de vue.
Il n'y a pas vraiment de limites exactes.

Je voulais juste souligner la question berbère, par rapport au propos de Luc de provence.
De toute manière le panarabisme de l'Irak à l'atlantique n'est qu'une grossière utopie bonne pour les musées....Par contre des unions dépassant les états nations sont possibles entre pays culturellement et historiquement proche. C'est le cas pour le Maghreb, même linguistiquement et il suffit de se rappeler que la langue du Malhoun est un arabe dialectal maghrébin commun à tout le Maghreb.
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Luc de Provence



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Messageécrit le Tuesday 22 Jun 10, 23:10 Répondre en citant ce message   

@ Adel :
- si l'on officialise la langue maghrébine algérienne en Algérie , les autres pays du Maghreb choisiront-ils aussi d'officialiser leur propre langue locale ou bien instituera-t-on l'une d'elles comme une koîné pour tout le Maghreb ?
- une autre solution est-elle envisageable comme : instituer l'arabe égyptien comme koîné de tous les Arabes ?
La deuxième solution a peut-être l'avantage de ne pas dissocier le Maghreb du Machreq tout en offrant les caractéristiques d'une langue véhiculaire populaire et moderne appréciée de tous depuis longtemps par la chanson et le cinéma. Les Italiens ont fait de même depuis 7 siècles avec le florentin de Dante Alighieri et les autres dialectes sont toujours vivants bien que non-officiels.

@la crème : oui, la réalité de la langue berbère doit être prise en compte. Je ne l'avais pas encore citée car j'y réfléchissais avant d'écrire quelque chose de juste.

Ceci dit, mes propos, je le souligne, sont ceux d'un profane ou d'un candide et je n'ai pas en ce domaine d'expérience de vécu vivant et réel. Ma connaissance de la langue arabe est livresque car je suis un arabisant de bibliothèque choqué et pas de terrain. J'ai été initié et formé dans ce domaine par un professeur Syrien pendant des années pour qui la fusha est un dogme incontournable de l'arabité.


Dernière édition par Luc de Provence le Tuesday 22 Jun 10, 23:32; édité 1 fois
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Papou JC



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Messageécrit le Tuesday 22 Jun 10, 23:30 Répondre en citant ce message   

L'histoire montre assez bien le rôle joué par la capitale d'un pays lorsque vient le moment d'officialiser une langue. C'est toujours la langue parlée dans la capitale qui l'emporte, forcément. C'est la langue du pouvoir, de l'administration centrale, du phare culturelle. On peut le déplorer ou s'en féliciter, mais c'est ainsi. Il est donc assez facile d'imaginer que si les pays du Maghreb optaient un jour - et le plus vite sera le mieux - pour l'officialisation de leurs dialectes comme langues nationales, la balance pencherait fort, au moment d'officialiser certains mots ou tournures plutôt que d'autres, en faveur des dialectes en usage dans leurs capitales. Le moment viendra plus tard de s'occuper d'inter-compréhension maghrébine d'abord, arabe ensuite, mais il ne faut pas mettre la charrue avant les boeufs.
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Lwahranya



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Messageécrit le Tuesday 22 Jun 10, 23:33 Répondre en citant ce message   

Je suis d'accord avec Adel514 et La crème nta3 la crème.
J'imagine très bien une Académie Algérienne des Lettres, divisée en deux bureaux, l'un pour le berbère, l'autre pour le maghribi. Y travailleraient des gens formés dans les deux langues (un mix entre l'académie française et l'INALCO) et qui mettraient en place des dictionnaires de définition. Tous les mots utilisés par les algériens y seraient inclus idée ! Les maltais l'ont fait pourquoi pas nous?
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Adel514



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Messageécrit le Tuesday 22 Jun 10, 23:38 Répondre en citant ce message   

@Luc de Provence

La renaissance (par rapport à l'âge d'or de l'Andalousie, d'Ibn Rushd et Ibn Khladûn) ou l'essor - c'est selon - du Maghreb ne pourra avoir lieu que le jour où tous les pays maghrébins prendront le projet de fédération maghrébine au sérieux et se concerteront dans tous les domaines. Cela ne pourra se faire qu'après la démocratisation des régimes politiques (ce qui pourrait arriver plus vite qu'on ne le pense). Une politique linguistique et une politique d'enseignement concertées, avec mise en commun des infrastructures et ressources, ainsi qu'une politique d'échanges intensifs, sont des passages obligés. La sortie du marasme actuel se fera progressivement et par étapes. Une académie de la langue maghrébine et une académie de la langue amazighe devront être mises en place afin d'accompagner ce processus. Les linguistes devront se retrousser les manches.

Une ou des langues maghrébines communes pourront être adoptées et promues. Elles seront plus utiles que la langue arabe standard, qui ne sert pas à grand-chose aujourd'hui (c'est mon point de vue), les filières universitaires arabisées formant de futurs chômeurs.

Quant à la koîné de tous les Arabes - et la Nation Arabe -, les Maghrébins n'en font pas leur priorité. Je ne crois pas que les Maghrébins s'enthousiasmeraient pour l'égyptien comme langue d'enseignement. Ce serait peut-être pire que l'arabe standard. Je crois que les «Arabes» sont condamnés à renoncer au mythe de la Nation Arabe. Les Maghrébins atteindront l'âge adulte lorsqu'ils prendront conscience de leur spécificité par rapport au Moyen-Orient et qu'ils cesseront de voir ce dernier comme un centre, le Maghreb n'étant qu'une périphérie.
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Lwahranya



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Messageécrit le Tuesday 22 Jun 10, 23:44 Répondre en citant ce message   

Adel514 a écrit:
Les Maghrébins atteindront l'âge adulte lorsqu'ils prendront conscience de leur spécificité par rapport au Moyen-Orient et qu'ils cesseront de voir ce dernier comme un centre, le Maghreb n'étant qu'une périphérie.


Tu me rappelles ce texte:

Identité Meurtrière
par Kamel Daoud
« Je ne suis le Magrébin de personne ! J'ai détesté ce mot depuis l'enfance : il traîne une sorte de crépuscule permanent, face à un Orient trop vaniteux et à l'insolence démodée. Pourquoi faut-il que je me situe toujours par rapport à une sorte de géographie qui me repousse vers la périphérie ? Pourquoi faut-il que je me déclasse éternellement sous l'ordre d'une géographie de croyances qui me répète que je suis sa banlieue et que le Hidjaz est mon centre ? Je n'ai rien contre le Hidjaz, mais je ne veux servir à aucun empire du verbe ou de la conquête. Je ne suis l'Occident d'aucune capitale de mémoire. Moi aussi je revendique le centre de la Terre : je peux le prouver par ma mère, mon père, leurs parents et toute une généalogie. Ma géographie, je la trace par ma présence, pas par des histoires où je suis l'éternel personnage secondaire. Je ne veux plus répéter ce mot «Maghreb» et je suis le citoyen de ma terre qui est mon centre et pas le sujet d'une conquête qui n'est qu'une partie de ma mémoire endolorie. Vois-tu mon frère, je refuse absolument cette cartographie qui me condamne au bégaiement entre une arabité pure et une amazighité radicale. Je n'aime pas me voir sur les plateaux d'Al Jazeera et d'Al Arabiya cherchant mes mots comme un récitateur inhabile, regardé comme un infirme linguistique, décolonisé imparfait sur l'échelle de la pureté de la race et de la langue officielle. Cela me rend malade de voir les miens quémander après une origine qui n'est pas la leur et où ils ne sont qu'à peine tolérés, ici comme ailleurs.

Non mon frère ! Je ne suis le Maghreb de personne, le coucher de soleil d'aucun empire de foi et de verbe. Je ne suis l'Occident d'aucune capitale imaginaire. Je ne suis l'habitant d'aucun pays de seconde couche. Qu'ils gardent leur Amr Moussa, leur Ligue, leur poésie apocryphe supposée éternelle depuis leur Djahiliya, qu'ils gardent leur grammaire qui ne sied plus à ma langue, qu'ils gardent aussi leur dédain et ce regard d'en haut qu'ils cultivent depuis la conquête sur les miens, qu'ils gardent aussi leur Orient, proche, moyen ou fantasmatique, moi je veux redistribuer les longitudes et ne pas les réduire à de l'huile d'olive ou à un chameau armé. Et ne va pas m'accuser de jouer à casser l'unité nationale ou à revendiquer quelques amazighités exclusives et manipulées, non ! Ce dont je parle c'est de ce que je suis réellement et de ce que je refuse : je veux rappeler que je suis algérien et que si cette identité n'en est encore qu'à l'intitulé des documents officiels, je veux en faire une vraie géographie pour mes enfants qui parleront algérien, vivront ici et renoueront avec une vraie histoire où ils seront, eux, ou leurs ancêtres, des héros et pas des assimilés, ni des archs, ni des autonomistes, ni des enturbannés et des barbus extasiés. Je suis fatigué de me regarder avec les yeux des Autres et je veux guérir de mes propres dénégations perpétuées au nom du Désert originel, de la croyance, des colonisations et des identités sournoises. Je rêve avec ténacité d'une seconde et plus radicale décolonisation ! Tu veux garder tes croyances et ta foi ? Gardes-les, mais corrige ta géographie : tu n'es la marge d'aucun royaume, ni le second rôle d'aucune Histoire qui n'est pas la tienne».


Dernière édition par Lwahranya le Wednesday 23 Jun 10, 0:04; édité 1 fois
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Papou JC



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Messageécrit le Tuesday 22 Jun 10, 23:51 Répondre en citant ce message   

MAGNIFIQUE !!!!!!!
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Adel514



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Messageécrit le Wednesday 23 Jun 10, 0:05 Répondre en citant ce message   

@Lwahranya

C'est un beau texte de Kamel Daoud.

Ce qui est navrant, c'est qu'en Algérie, beaucoup d'«intellectuels» ont critiqué les prises de position de ce chroniqueur inspiré, sous prétexte que lui et ses semblables veulent chasser l'arabe standard (et l'islam) pour le remplacer par le français. Ils ne peuvent pas accepter l'idée que l'on puisse revendiquer le statut de langue à part entière pour l'arabe dialectal.

Tous les Algériens savent que le sentiment d'appartenance au Maghreb est très fort chez eux. Vivant au Canada depuis quelques années, je peux vous dire qu'avec les Tunisiens et les Marocains je me sens avec les miens, ce qui n'est pas du tout aussi évident avec les autres Arabes. Il y a beaucoup de facteurs liés à l'histoire et à la géographie qui entrent en jeu. Il est difficile d'expliquer cela à un non-Maghrébin, mais on le sent. Je suis sûr que les Égyptiens, les Palestiniens, les Syriens et les Libanais ressentent la même chose entre eux.

Comme je l'ai déjà dit, de la Tunisie au Maroc, les différences de parler sont graduelles et ne s'arrêtent pas aux frontières. Si un Algérois peut comprendre un Annabi ou un Tlémcenien, alors il peut comprendre un Tunisois ou un Casablancais.
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