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rejsl Animatrice
Inscrit le: 14 Nov 2007 Messages: 3664 Lieu: Massalia
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écrit le Sunday 15 Jan 12, 10:50 |
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Cette perception des couleurs est culturelle donc linguistique. À ce sujet, un excellent bouquin de Michel Pastoureau, un médiévaliste, spécialiste de la symbolique des couleurs . Bleu , histoire d'une couleur. Il y montre que dans l'Antiquité les couleurs étaient associées à des notions d'intensité, de vitalité ou le contraire. Le bleu était en quelque sorte ignoré des Grecs et des Romains, lorsqu'on en parlait c'était pour l'associer à la mort, à la maladie, aux mauvaises moeurs, voire aux peuples barbares qui, eux, savaient déjà teindre les habits de cette couleur et en usaient. Il semble qu'au XIXème siècle, certains savants avancèrent même l'idée que les facultés humaines à percevoir les couleurs ( facultés physiques) auraient évolué depuis l'Antiquité. Autrement dit, ils pensaient que l'oeil romain n'avait pas la capacité à voir le bleu...
Il aura fallu attendre le Xème siècle environ pour que le bleu trouve droit de cité et soit associé à Marie. Les termes qui désignent cette couleur ne sont justement pas d'origine grecque ou romaine. Bleu, azur...
Quant à la différence entre hommes et femmes sur ce sujet... Ce schéma est tout aussi réaliste que l'image d'une femme prof de sport, blonde certainement - ca manquait au tableau- qui n'aurait aucune culture autre que celle du corps. On lance un petit articulet sur le complexe du prof de sport ?
Cette image n'était qu'une plaisanterie, tirée d'un site spécialisé dans les gags, ce peut être aussi bien l'oeuvre d'un homme que celle d'une femme qui aurait voulu jouer du revers.
Tout au plus, l'image peut-elle servir de révélateur car ce sont les commentaires qui mettront en couleur les idées reçues sur le sujet. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11171 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Sunday 15 Jan 12, 11:11 |
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Le bleu ne fait pas de bruit...
(extrait)
Le bleu ne fait pas de bruit.
C'est une couleur timide, sans arrière-pensée, présage, ni projet, qui ne se jette pas brusquement sur le regard comme le jaune ou le rouge, mais qui l'attire à soi, l'apprivoise peu à peu, le laisse venir sans le presser, de sorte qu'en elle il s'enfonce et se noie sans se rendre compte de rien.
Le bleu est une couleur propice à la disparition.
Une couleur où mourir, une couleur qui délivre, la couleur même de l'âme après qu'elle s'est déshabillée du corps, après qu'a giclé tout le sang et que se sont vidées les viscères, les poches de toutes sortes, déménageant une fois pour toutes le mobilier de ses pensées.
Indéfiniment, le bleu s'évade.
Ce n'est pas, à vrai dire, une couleur. Plutôt une tonalité, un climat, une résonance spéciale de l'air. Un empilement de clarté, une teinte qui naît du vide ajouté au vide, aussi changeante et transparente dans la tête de l'homme que dans les cieux.
L'air que nous respirons, l'apparence de vide sur laquelle remuent nos figures, l'espace que nous traversons n'est rien d'autre que ce bleu terrestre, invisible tant il est proche et fait corps avec nous, habillant nos gestes et nos voix. Présent jusque dans la chambre, tous volets tirés et toutes lampes éteintes, insensible vêtement de notre vie.
Jean-Michel Maulpoix
© Mercure de France, 1993 |
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flo
Inscrit le: 03 Oct 2010 Messages: 296 Lieu: La Rochelle
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écrit le Sunday 15 Jan 12, 12:03 |
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Peinte amateur, j'ai participé à un test de perception de la couleur. Il s'agissait de donner des nombres de nuances (sans les nommer) perçus sur des nuanciers, puis de placer les noms face aux nuances.
Avec une culture commune, une langue commune, et même si l'on était du même sexe, certains percevaient des différences évidentes là où d'autres n'en voyaient pas. Ceux qui voyaient moins de nuances n'ont pas, je le précise, de pathologie particulière. Que "l'outil" oculaire (nombre de cônes peut-être), le cerveau, voire l'entraînement occasionne(nt) ces différences : pas deux individus ne voient précisément la même chose.
Lorsque l'on en vient à nommer, c'est encore plus complexe. Bien sûr jaune bleu ou rouge... les couleurs "franches" sont identifiées de même par tous (sauf pathologie). Mais pour des nuances et des descriptions souvent imagées, c'était beaucoup plus complexe. Le vert anis, le bleu turquoise, le fraise écrasée... n'étaient pas associés par tous aux mêmes nuances.
La sagesse populaire veut que les goûts et les couleurs ne se discutent pas. Et la démonstration en était faite dans cet exercice bien que nous étions moins de trente.
Pour la détection des nuances des couleurs, j'ai lu je ne sais plus où une théorie selon laquelle c'étaient plutôt les femmes qui étaient à l'origine chargées de la cueillette et qu'une erreur sur la couleur pouvait faire la différence entre le comestible et le dangereux sinon mortel, affinant au fil des générations leurs sens.
Une autre théorie, cette fois-ci sur le manque de perception des nuances, tiendrait au fait qu'au cours de l'histoire dans notre culture, les couleurs étant chargées de sens, leur mélange était une impureté. D'où paraît-il un moyen-âge très coloré mais dénué de nuances.
Il existe pas mal de recherches dans ce domaine qui sont passionnantes. Ainsi a-t-on pu découvrir des "couleurs interdites", à priori impossibles, non cataloguées cf ce document ou encore cet autre. Les illusions d'optique et toutes sortes de tests viennent étayer tous les mystères qui demeurent encore. |
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gilou
Inscrit le: 02 Jan 2007 Messages: 1528 Lieu: Paris et Rambouillet
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écrit le Sunday 15 Jan 12, 14:10 |
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J'avais posté ceci dans un autre sujet, mais cela me semble utile de le citer ici:
gilou a écrit: | sab a écrit: | Je crois que certaines langues inuit ne distinguent que 2 couleurs : chaude/froide.
Inversement, j'ai lu quelque part que certaine langue africaine distingue 40 couleurs dans l'arc en ciel ! | Ca doit tenir du mythe linguistique, un peu comme les 40 noms pour la neige pour les inuits (qui ont 4 racines de base en fait pour la neige).
Le maximum de couleurs de base d'une langue est sans doute de l'ordre de la douzaine (11 d'après certains travaux)
La notion de couleur de base désignant un mot qui:
- n'est pas composé
- ne désigne pas une couleur contenue dans une autre couleur
- n'est pas un champ d'application restreint (châtain...)
- est d'usage courant et de sens connu par la majorité des locuteurs
Ce qui est assez interessant, c'est que la structuration en couleur semble obéir a un certain modele sous-jacent:
{blanc, noir} + {rouge} + {jaune, bleu, vert} + {marron} + {violet, rose, orange, gris}
C'est a dire que si une langue a 2 couleurs, ce sera noir et blanc (sombre et clair, froid et chaud...)
Si elle en a 3, la troisieme sera rouge
Si elle en a de 4 a 6, les couleurs suivant les trois premieres seront choisies parmi jaune, bleu et vert
etc.
(On peut en partie relier ce decoupage a la maniere dont les cellules traitent les signaux envoyés par les cones et batonnets de l'oeil) |
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ElieDeLeuze
Inscrit le: 14 Jun 2006 Messages: 1622 Lieu: Allemagne
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écrit le Sunday 15 Jan 12, 15:34 |
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Merci Gilou, c'est exactement la théorie de Berlin&Kay dont je parlais. |
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dawance
Inscrit le: 06 Nov 2007 Messages: 1887 Lieu: Ardenne (belge)
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écrit le Monday 16 Jan 12, 13:37 |
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Sur la vision des couleurs, qui est la même pour des humains vivant dans le même environnement et de même culture: (source Wikipedia) Citation: | La perception des couleurs est le résultat d'une combinaison de calculs de luminosité réalisés par les différents cônes comportant des pigments sensibles à des longueurs d'onde spécifiques du spectre lumineux (les principales couleurs perçues par les cônes sont représentées par un petit carré coloré).
Chez l'homme, la vision est normalement trichromique :
Les cônes rouges sont sensibles au ■ rouge, ■ orange et ■ jaune, un peu moins au ■ vert, et un peu au ■ magenta, mais pas au ■ bleu.
Les cônes verts sont sensibles au vert ■, mais un peu moins au ■ rouge et au ■ jaune. Ils sont aussi un peu sensibles au ■ bleu cyan.
Les cônes bleus sont sensibles au ■ bleu cyan, au ■ bleu et au ■ magenta.
Les pigments sont des protéines nommés L, M et S, les deux premiers étant codés sur des gènes situés sur le chromosome X, le dernier sur le chromosome 7. Cette vision trichromique existe également chez différents primates. L'information transmise par les différents cônes est intégrée à différents niveaux des voies visuelles depuis les mécanismes rétiniens d'opposition de couleur jusqu'au cortex visuel, en particulier l'aire V4.
Lorsqu'un de ces trois types de cônes ne fonctionne pas, on parle de daltonisme. Lorsque aucun cône ne fonctionne, l'individu ne voit aucune couleur, et on dit alors qu'il est atteint d'achromatopsie. | Bizarre que les scientifiques ne parlent pas, ou rarement, du noir comme couleur !
Et non plus du gris, comme la cassette d'Harpagon, quoique elle soit devenue "gris-rouge" selon Maître Jacques...
Il y aurait beaucoup à dire sur le contraste des couleurs, selon que l'on s'intéresse à la peinture ou... aux panneaux routiers. Par exemple, en signalisation routière, le contraste violent du noir et du blanc ne permet pas une bonne vision et est moins utilisé que le contraste bleu-blanc, suivi en deuxième par le jaune-noir, etc... |
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Léandros
Inscrit le: 19 Jul 2011 Messages: 31 Lieu: Alsace
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écrit le Tuesday 17 Jan 12, 3:21 |
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Peut être parce que le noir est dû justement a une absence de couleurs, contrairement au blanc qui lui est issu de la combinaison de toutes les couleurs. |
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ElieDeLeuze
Inscrit le: 14 Jun 2006 Messages: 1622 Lieu: Allemagne
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écrit le Tuesday 17 Jan 12, 18:39 |
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Noir = absence de couleur est un point de vue optique.
Linguistiquement, le noir est simplement le terme correspondant à la teinte la plus foncée encodée dans chaque langue. Selon ce que la langue encode à quel étape de son évolution, le sens pourra être assez différent. Exemple germanique:
allemand: schwarz / danois: sort
c'est une racine qui signifie "saleté", donc pas directement la couleur noire seulement à l'origine. Mais le vieux mot blà qui a donné blau/blå (et bleu) a migré vers le sens de "noir" dans le dialecte norvégien de Flåm.
Linguistiquement, noir/blanc ou autrement dit l'opposition des extrêmes d'intensité sont codifiables selon l'histoire propre de la langue. La variété réelle des teintes regroupées sous ces termes est fonction des autres mots de la langue pour les couleurs sombres. On peut très bien avoir un noir/rouge là où d'autres langues ont noir/marron/rouge. La nuance brune se répartie entre les deux autres termes, c'est tout. Le noir d'une langue sans marron a plus de chances de se voir lié à des nuances brunâtres qui ne seraient pas marron dans les langues qui ont les trois termes. C'est relatif. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11171 Lieu: Meaux (F)
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embatérienne Animateur
Inscrit le: 11 Mar 2011 Messages: 3861 Lieu: Paris
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écrit le Tuesday 17 Jan 12, 23:42 |
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Charles a écrit: | Une vision des couleurs dépendant du sexe... la traduction n'est probablement pas nécessaire. Mais vu que le garçon ne voit qu'un bleu c'est certainement une traduction de l'anglais.
[MÀJ - voici l'image d'origine en anglais plutôt que sa traduction russe, merci à AdM] |
L'image n'est d'ailleurs peut-être pas d'origine et comporte une curieuse coquille en parlant de "seam foam" au lieu de "sea foam".
Ce document a une version sans faute et semble reposer, entre autres, sur une étude de Joe Hallock en 2003. |
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Charles Animateur
Inscrit le: 14 Nov 2004 Messages: 2522 Lieu: Düſſeldorf
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écrit le Thursday 19 Jan 12, 9:39 |
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La question initiale, que je reformule plus clairement, est de savoir combien de termes simples désignant une couleur existent dans les différentes langues. Quels repères existent dans le vocabulaire pour segmenter le spectre de la lumière visible ?
en français je vois ici du violet, bleu, vert, jaune, orange, rouge ; en russe on voit deux couleurs à la place du bleu monolithique français : синий et голубой. |
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flo
Inscrit le: 03 Oct 2010 Messages: 296 Lieu: La Rochelle
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écrit le Thursday 19 Jan 12, 9:51 |
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Le russe fait effectivement cette nuance dans le bleu. Mais sans entrer dans les détails des nuances (sans utiliser de composé j'ai l'impression de voir plus que toi), je vois du rose puis du rouge et pas seulement un monolithique rouge. |
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Glossophile Animateur
Inscrit le: 21 May 2005 Messages: 2281
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écrit le Thursday 19 Jan 12, 14:50 |
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Citation: | La question initiale, que je reformule plus clairement, est de savoir combien de termes simples désignant une couleur existent dans les différentes langues. |
Ah ! Enfin !
Le schéma illustre des différences de vocabulaire.
Bourrin comme je suis, j'y cherchais désespérément des différences de perception, que je ne pouvais trouver, car elles n'y sont pas. |
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rejsl Animatrice
Inscrit le: 14 Nov 2007 Messages: 3664 Lieu: Massalia
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écrit le Thursday 19 Jan 12, 17:55 |
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Il existe en langue allemande un terme , longtemps un hapax, né de la plume d'un écrivain, Leo Perutz. Il apparaît dans son roman Der Meister des Jüngsten Tages ( Le Maître du Jugement Dernier) , où il parle d'une couleur surnaturelle, dangereuse, un rouge d'une telle intensité telle celle peut-être du Buisson Ardent qu'on ne saurait voir cette couleur et y survivre.
Drommetenrot. Je me demande comment les traducteurs littéraires qui se sont frottés à cette œuvre de littérature fantastique auront traduit? Car ce roman est considéré comme un de ses écrits majeurs et traduit en je ne sais combien de langues.
Dernière édition par rejsl le Wednesday 30 May 12, 17:31; édité 2 fois |
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José Animateur
Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 10945 Lieu: Lyon
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écrit le Saturday 26 May 12, 13:03 |
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jais [ TLFi ]
- (minér.) variété de lignite fossile, combustible, dur et d'aspect compact, d'un beau noir brillant
- dont la couleur, l'éclat rappelle le jais
- (littér.) couleur du jais, noir intense et brillant
angl. : jet-black
Lire le MDJ jais. |
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