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Formation des pronoms indéfinis latins - Forum latin - Forum Babel
Formation des pronoms indéfinis latins
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Athanasius



Inscrit le: 23 Feb 2009
Messages: 242
Lieu: Dinant

Messageécrit le Tuesday 28 Feb 12, 22:29 Répondre en citant ce message   

Papou JC a écrit:
Je fais l'hypothèse que la locution *quis quisque est à l'origine aussi bien de quisque (par perte de l'élément initial) que de quisquis (par perte de l'élément final).
Cela est bien possible.

Pour en revenir à une affirmation d'Horatius:
Horatius dans le fil coordinations latines a écrit:
L'enclitique «-que» n'a laissé aucune trace dans aucune langue romane.

On peut nuancer: il en reste plusieurs traces en français (quiconque/quelconque/quelque/chaque...), mais à part pour l'espagnol «algún que otro», hypothétique, et les quelques expressions espagnoles citées par Ramon, sans doute aucune (autre) trace d'un «-que» employé, plus ou moins consciemment, dans le sens d'une conjonction de coordination.
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Horatius
Animateur


Inscrit le: 11 Apr 2008
Messages: 695

Messageécrit le Tuesday 13 Mar 12, 21:56 Répondre en citant ce message   

Je regrette d'avoir découvert ce fil sur le tard ; cela dit le sujet est complexe, et il n'est pas plus mal de temporiser !...

Je ne connais pas le dictionnaire de Stowasser (date, fréquence de mise à jour...) mais, aux explications de quisque et quicumque citées par Mechtild, est rattaché traditionnellement le nom de Franz Skutsch (article de 1902). Selon lui, le sens de "-que" est originellement copulatif et l'origine de "quisque" est à chercher dans les constructions où il précède un subordonnant (pronom relatif ou conjonction).

Ainsi pour une phrase comme celle de Cicéron:
Citation:
Quam quisque norit artem, in hac se exerceat
Que chacun s'exerce dans l'art qu'il connaît
Skutsch repère deux relatives coordonnées avec le verbe en facteur commun, ce qui donnerait sous une forme développée :
Citation:
Qui norit artem, in hac arte quam norit, exerceat.
Celui qui connaît un art, qu'il s'exerce dans cet art qu'il connaît.

Selon cette explication, le -que serait ici copulatif.
En fait, je partage le scepticisme de Glossophile. Cette hypothèse de Skutsch a été critiquée par Jacob Wackernagel (1919). Ses deux arguments me paraissent plein de justesse :

1. Dans les langues anciennes, dans des séries de propositions (relatives ou interrogatives) de ce type, l'habitude est bien plutôt de juxtaposer que de coordonner les pronoms : il n'est que de citer l'exemple d'Athanasius : τίς πόθεν εἰς; (Odyssée 14, 187), c'est-à-dire littéralement: «Qui [et] d'où es-tu?». Ici, les deux interrogatifs sont juxtaposés. Il est bien connu qu'en latin, la parataxe, la juxtaposition, a précédé des constructions plus complexes. Cela me paraît donc fort gênant de poser ici une coordination comme originelle.

2. Skutsch part des constructions du type "quam quisque, ubi quisque..." en les considérant comme premières. Or, si l'on se fonde sur son interprétation de cette construction, le passage à d'autres constructions, non-relatives, du type suum quisque, ne s'explique pas. C'est gênant, là-encore.

En ce qui me concerne, je trouve par ailleurs de mauvaise méthode de poser sans preuve une construction originelle qui permettrait d'expliquer ce qui s'est fait ensuite (d'où mes réticences devant les hypothèses de Papou, où a fortiori, les constructions originelles en question ne sont nulle part attestées).

Par ailleurs, poser ce type de construction "quam quisque" comme première me paraît d'autant plus gênant que c'est oublier que -que a des antécédents en grec, avec τε . Sauf erreur de ma part, il n'en pas été vraiment question : j'y reviens donc :
Dans le très précieux appendice grammatical de l'édition classique Hachette de l'Odyssée, je lis : "très souvent, chez Homère, τε s'emploie dans les phrases exprimant une vérité générale ou un fait habituel. On peut le traduire par "d'habitude", "d'ordinaire". Ce sens est fréquent dans les comparaisons" :
Citation:
ἀλάλησθε οἷά τε ληιστῆρες ;
Errez-vous comme le font d'ordinaire les voleurs ?
Selon les auteurs, et contrairement à ce que dit Bailly, le relatif ὅστε signifie "celui qui d'habitude"
Citation:
οὐδέ τι πηδάλι ' ἐστί, τά τ ' ἄλλαι νῆες ἔχουσιν
Ils n'ont pas le gouvernail que possèdent d'habitude les autres navires.

Je sais bien que ce sont là des remarques prises dans une grammaire scolaire ancienne ; peut-être faudrait-il aller voir ce qu'en dit, plus récemment, le livre cité par Athanasius, "autour du te épique" de C. J. Ruijgh. Mais, je crois que même avec des recherches approfondies, utilisant l'informatique, il serait bien difficile de préciser le(s) sens du "te" chez Homère.
Reste pour nous à reconnaître l'évidence : c'est que de nombreux emplois ne sont pas copulatifs, donc que rien ne justifie d'expliquer quisque par un sens originel de coordination.

Tout cela reviendrait donc à ce que disait Glossophile, en citant les Mots latins de Martin: il faut distinguer deux sens à -que : l'un copulatif, l'autre généralisant (peut-être même un troisième sens, d'insistance, dans "namque" par exemple).

Peut-on remonter à un sens unique originel ? Glossophile propose un "aussi, également", c'est l'hypothèse de la syntaxe d'Hofmann-Szantyr, si je les comprends bien (ce qui n'est jamais sûr, quand ce sont des philologues allemands qui écrivent !). C'est tentant effectivement.

En revanche, je ne suis pas d'accord pour l'explication de Glossophile de "quicumque" ("avec quelqu'un aussi"). En suivant Ernout-Meillet, il me semble que le "cum" de quicumque est le temporel : employé comme subordonnant en latin classique (lorsque), il devait être à l'origine un adverbe "un temps, un moment". Du coup, "quicumque" (et rappelons nous que Horace notamment n'hésite pas à faire une tmèse et à séparer qui de cumque) signifierait "celui qui un temps aussi" > "celui qui à tous les temps" > "quiconque".
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Athanasius



Inscrit le: 23 Feb 2009
Messages: 242
Lieu: Dinant

Messageécrit le Wednesday 14 Mar 12, 15:50 Répondre en citant ce message   

Merci de toutes ces précisions.

Citation:
"Très souvent, chez Homère, τε s'emploie dans les phrases exprimant une vérité générale ou un fait habituel. On peut le traduire par "d'habitude", "d'ordinaire". Ce sens est fréquent dans les comparaisons."

Mais même dans les exemples homériques que vous citez, ce τε pourrait à la rigueur être traduit (ou compris) comme signifiant «et». Il serait intéressant de savoir quelle est l'origine commune du τε copulatif et généralisant, ainsi que du -que copulatif et du -que généralisant; car il me semble inimaginable (plutôt que «tentant», mais là j'ergote!) de ne pas leur supposer une origine commune, même si à l'évidence «de nombreux emplois ne sont pas [ou plus] copulatifs».

Je propose une piste de réflexion, qui vaut ce qu'elle vaut!

La langue d'Homère est imbibée de sémitismes. Se pourrait-il qu'il y ait une quelconque influence de l'emploi du vav hébreu ? Cette lettre, généralement vocalisée ve- quand elle sert comme conjonction de coordination (signifiant simplement «et»), et attachée au mot suivant (en le précédant), a la particularité de modifier le temps du verbe auquel elle est attachée; on parle alors de vav conversif. Concrètement, mise devant une forme verbale qui, grammaticalement, exprime un temps du passé, elle lui donne valeur de temps futur, et inversement (un peu comme si en français, par exemple, au lieu d'écrire: «Pierre entra dans la classe et s'assit», on écrivait: «Pierre entra dans la classe et s'assiéra»).

Je ne prétend nullement qu'il existe un lien étymologique entre le τε grec et le ve- sémitique. Mais il vaudrait peut-être la peine d'examiner, plus ou moins de ce point de vue-là, comment le τε généralisant est employé par Homère: quels sont les temps employés dans les comparaisons homériques et, plus généralement, avec le τε considéré comme «généralisant»? Comme je l'ai écrit: ce n'est qu'une piste possible... Du reste, Ruijgh (merci pour le nom, Horatius!) l'a peut-être creusée?
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Horatius
Animateur


Inscrit le: 11 Apr 2008
Messages: 695

Messageécrit le Saturday 17 Mar 12, 16:02 Répondre en citant ce message   

Je pense que, pour ce fil au moins, il vaut mieux éviter de développer l'allusion aux sémitismes. Si Athananius souhaite nous en parler (en ce qui me concerne, je n'aurais aucune compétence pour lui répondre), on peut voir ça dans un autre fil.

Pour ce qui est des temps dans ces comparaisons généralisantes, je pense que l'on trouverait surtout des présents de vérité générale et sans doute des aoristes gnomiques : forcément, si le sens des comparaisons est généralisant, mais je ne vois pas bien en quoi cela nous apporterait quelque chose pour ce qui nous occupe !

Pour la suite de la discussion sur le sens et l'origine du τε grec, voir le fil du forum grec Origine de la particule τε
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