embatérienne Animateur
Inscrit le: 11 Mar 2011 Messages: 3860 Lieu: Paris
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écrit le Thursday 24 Jan 13, 18:43 |
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Le mot saroual ou sarouel désigne un pantalon flottant et a retrouvé un regain d’intérêt dans la mode récente. Il est pourtant entré en français avec la conquête de l’Algérie et était alors plutôt lié à la description des vêtements « indigènes ». Le mot s’est maintenant fixé sur ces deux graphies, mais le TLFi en enregistre généreusement plusieurs saroual, sarouel, seroual, serouel, séroual.
Selon le TLFi, son étymologie, qui remonte au persan par l’intermédiaire de l’arabe, est la suivante :
Citation: | Étymol. et Hist. 1. 1839 sérouâl « pantalon bouffant, en Afrique du Nord » (P. Leroux, Encyclop. nouv., t. 1, p. 296b, s.v. Alger: le sérouâl ou large culotte froncée sur les hanches); 1853 seroual [en Algérie] (d'Escayrac de Lauture, Le Désert et le Soudan, p. 116); 1860 sarouel (N. Cotte, Le Maroc contemporain, p. 13); 1906 saroual (Musette, Cagayous phil., p. 182); 2. 1891 séroual « pantalon bouffant des zouaves français » (H. Cordier, Les Voyages en Asie d'Odoric de Pordenone, p. 64, note a: le séroual des zouaves français). Empr. à l'ar. Maghrébin sərwal « pantalon très large », corresp. à l'ar. class. sirwāl, empr. au persan s̆alvār, même sens (sur l'hist. et la fortune de ce dernier mot dans de nombreuses lang., v. H. Cordier, loc. cit.; Dozy (A.) Vêt., 1845, pp. 203-209; Lok., n o1849; FEW t. 19, p. 160 et t. 20, pp. 109-110; Baldinger Etymol. 1, n o1839; Frisk t. 3, p. 176; Vasmer t. 3, p. 377; NED, s.v. sherryvalies; TLF, s.v. charivari2). |
L’Encyclopédie de l’Islam indique à l’article sirwāl que le mot remonte au persan šalwār ou šulwār, du vieux persan zārawāro, la première partie du mot indiquant la jambe (certaines sources font le lien avec le grec skelos, cuisse) et la seconde étant un suffixe, le tout désignant donc un couvre-jambe ou protège-jambe.
La fortune du mot a été grande puisqu’on le retrouve dans de très nombreuses langues, en Inde, dans les pays slaves, en grec sarabara et en latin tardif sarabala.
En arabe, il a eu plusieurs formes, comme de nombreux emprunts, notamment širwāl plus proche du persan (à une métathèse près quand même), mais le mot semble s’être fixé à sirwāl, peut-être par analogie avec sirbâl désignant un vêtement en général. En tout cas, c’est la forme sirwāl qui nous a donné les différents mots français, qui ne se distinguent finalement que par des nuances de voyelles qui doivent aussi exister plus ou moins dans les dialectes arabes.
Ce mot exotique a un cousin qu’on connaît peu dans notre langue, c’est charivari. Attention, pas le charivari classique, mais le second charivari, celui que le TLFi définit et explique ainsi :
Citation: | Vx. Pantalon de cavalier garni de cuir dans l'entrejambes et de boutons sur les côtés :
... c'était un militaire, qu'à ses longues moustaches, à sa grande redingote verte, à son charivari à boutons blancs bombés, et à sa toque basque, je reconnus pour un officier de chasseurs à cheval; ... Jouy, L'Hermite de la Chaussée d'Antin,t. 2, 1812, p. 272.
− Rare. [En appos., avec valeur d'adj.] Pantalon charivari. Il [le cavalier] se balançait sur de très hautes jambes en pantalon charivari (Adam, L'Enfant d'Austerlitz,1902, p. 131).
Rem. Attesté ds Ac. Compl. 1842, Besch. 1845, Lar. 19e, Lar. Lang. fr., ce dernier le traitant dans une entrée séparée.
Prononc. : [ʃaʀivaʀi]. Étymol. et Hist. 1812 supra ex. Empr. (prob. à la faveur des contacts entre troupes françaises et autrichiennes) à une lang. d'Europe de l'Est cf. polon. szarawary, russe šarawary « pantalon bouffant » et šal'wary « pantalon turc », tch. šaravara, bulg. šalwari, serbo-cr. šalware et le dial. all. de Danzig Scharriwarry « pantalon long » ds Lok., no1849) où ce terme est lui-même empr. à l'indien saravara « pantalon » (FEW t. 20, p. 109 b; Lok., ibid.). |
On trouve aussi charovary.
Ce mot assez étrange a un correspondant non moins étrange en anglais, c’est sherryvallies, de même signification et origine que charivari, simplement sous un autre déguisement.
Citation: | : overalls or protective leggings of thick cloth or leather formerly worn for riding on horseback.
modif. of Pol szarawary, fr. Russ sharavary, fr. Gk sarabara loose trousers, prob. of Iranian origin; akin to Per shalwār, shulwār loose trousers. |
Voir aussi les articles
http://en.wikipedia.org/wiki/Sirwal
http://en.wikipedia.org/wiki/Shalwar |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11166 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Thursday 24 Jan 13, 22:32 |
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embatérienne a écrit: | et la seconde étant un suffixe, le tout désignant donc un couvre-jambe ou protège-jambe. |
Plus exactement ce suffixe -vār joue en persan le même rôle que le suffixe –like en anglais. Autrement dit, le mot signifie littéralement “(vêtement) comme des jambes”. Quand le vêtement en question sèche sur une corde, c’est effectivement l’impression qu’il donne, il ressemble à une paire de jambes.
embatérienne a écrit: | le mot semble s’être fixé à sirwāl, peut-être par analogie avec sirbâl désignant un vêtement en général. |
En fait, sirbāl, aussi surprenant que cela puisse paraître puisqu’il désigne un “haut” et non un “bas”, n’est qu’une variante de sirwāl. Je vais y revenir illico.
Je suis allé voir, et bien m’en a pris. Le deuxième article notamment, par son titre complet, à savoir Shalwar kameez, m’a permis de comprendre enfin comment un même mot pouvait, quoique sous des formes un peu différentes, désigner aussi bien un « haut » qu’un « bas ». Il est clair pour moi maintenant que ce Shalwar kameez oriental est l’appellation du costume deux pièces, littéralement « pantalon-chemise » et que l’arabe sirbāl est ce qui reste de cette appellation, devenant de facto synonyme du deuxième membre disparu. Ainsi, pendant que le persan šalvār devenait l'arabe sirwāl et continuait à ne désigner que le bas du costume, Shalwar kameez (ou la graphie qu’on voudra), se réduisait à l'arabe sirbāl pour n’en désigner que le haut.
C’est une hypothèse personnelle. Il faudra bien évidemment des recherches textuelles pour en vérifier la validité.
Il faudra qu'on parle aussi - mais ailleurs - de chemise, que tout le monde n'aura peut-être pas reconnu sous kameez. |
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