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Breizhadig
Inscrit le: 12 Nov 2004 Messages: 860 Lieu: Penn ar Bed / Finistère
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écrit le Friday 21 Mar 14, 21:21 |
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Et si le fait d'avoir rédigé le Cheval d'Orgueil en français était plutôt lié au fait qu'il s'adressait à un public extérieur... En effet, pour Hélias, les personnes qui parlent breton appartiennent à cette société qu'il décrit dans son livre, donc quel aurait été le bénéfice de faire un tel livre en breton? Le but était de faire découvrir cette société à des personnes qui justement ne connaissaient rien de la Bretagne.
Par la suite, il a traduit son livre en breton (et en deux tomes, histoire de le vendre plus cher mais on est pas bigouden pour rien !) sûrement parce qu'il s'est rendu compte que les nouveaux locuteurs de breton n'avaient pas forcément un lien avec cette société révolue.
Dire qu'il boude le breton de l'Emsav, je sais pas... Certes, il n'écrit pas en Peurunvan (orthographe établie par l'Emsav et utilisée aujourd'hui) mais quand même... ses tournures, ça n'a rien à voir avec le breton bigouden... Pour moi, c'est du breton assez "unifié" et hyper lourd à lire parfois car pas très "naturel" et calqué sur la phrase française, pour exemple, voici la première phrase du Cheval d'Orgueil en breton:
Pa zimezas Per-Lan, ma zad, gant Marijan ar Gov, ma mamm, ne oe dezañ nemed eul leo da vale evid dond euz merouri Kerveyen, e Plozeved, da vourh Pouldruzig e leh ma vevfe, hiviziken, gand e wreg.
Et la voilà comment je la dirait dans un breton plus "du coin" tout en gardant un aspect littéraire:
A-benn ma oa bet dimezet ma zad, Per-Lan, gant ma mamm, Marijan ar Goff deus hec'h anv, ne oa dezhañ ken ul lev da gerzhal evit dont deus ti-feurm Kerveyen, e-barzh Plozevet, betek bourc'h Pouldruzig mag e oa-eñ o chom bremañ gant e wreg. |
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Xavier Animateur
Inscrit le: 10 Nov 2004 Messages: 4088 Lieu: Μασσαλία, Prouvènço
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écrit le Friday 21 Mar 14, 22:31 |
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@ Valeia : Quelques précisions : Le cheval d'orgueil, ce sont ses mémoires d'enfance. Il a écrit d'autres livres, dans la même collection, me semble-t-il, dans lesquels il présente des témoignages.
Est-ce qu'il préfère parler français avec des Bretons originaires d'autres régions ? Je me base sur une citation du Cheval d'orgueil. Mais une citation, cela reste quand même réducteur. Et il aurait fallut lui poser la question (peut-être que cela a été fait).
Valeia a écrit: | Je n'entendais nullement remettre en cause sa valeur et la force de son engagement en faveur du breton. |
Je pense qu'il a fait beaucoup pour essayer de conserver cette langue bretonne (en particulier avec des enregistrements audio) : dommage que cela ne soit pas en ligne.
Mais j'ai quand même l'impression que pour lui, le monde de son enfance (avec sa langue) était révolu.
J'ai la même impression pour Mistral : lui aussi, semblait ne plus trop croire en l'avenir de la langue provençale, en tout cas à la fin de sa vie... |
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Valeia
Inscrit le: 22 Apr 2011 Messages: 90 Lieu: Languedoc, France.
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écrit le Wednesday 26 Mar 14, 9:42 |
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Pour Hélias, je pense comme toi qu'il associait la langue à un monde paysan disparu, et qu'il ne concevait pas que la langue puisse être récupérée par d'autres groupes sociaux, à d'autres fins. C'est une position assez commune chez les défenseurs des langues régionales -exemples à l'université de Brest, et chez les Occitans, ça existe aussi, alors même que le statut social de ceux qui ont cette position la dément (ce sont des urbains, bac +, etc.). Ca renvoie à la difficulté à penser de façon réaliste un avenir pour ces langues. Soit on les enterre, au nom de ses souvenirs d'enfance, soit on rêve d'une impossible reconquête de la société dans sa totalité (éventuellement par l'instauration d'un Etat...) Dans les deux cas, on est dans le sentiment plus que dans la raison. Cela dit, il est vrai que la raison, ben, c'est pas plus encourageant que ça. C'est pas grave "fasen coume se l'èro, lanliro, lanlèro, e vogo la galèro, comme disait Mistral.
Mistral justement, tiens : c'était un bonhomme compliqué, qui passait de phases d'enthousiasme à des phases de déprime. Il tient assez tôt un discours sur l'illusion, la poésie, etc., déconnectées du monde réel. Mais il a tenu le rôle jusqu'au bout, y compris face à Poincaré en 1913. Et jusqu'assez tard, il a espéré qu'un jeune reprendrait le flambeau, et irait plus loin que lui. Par contre, le Museon arlaten, là, oui, c'est clairement le cénotaphe du monde de son enfance. Mais il est question d'objets, pas de mots. |
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