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Jeannotin Animateur
Inscrit le: 09 Mar 2014 Messages: 879 Lieu: Cléden-Poher
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écrit le Monday 28 Apr 14, 13:00 |
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Dawance, ton poste est un peu ambigu, je parle bien de la prononciation du français populaire de Basse-Bretagne et non du breton. Les différences de traitement d'un même son français peuvent être assez sensibles. Ainsi, pour l'exemple sur lequel tu t'interroges, le mot français chambre donne chãmm en français bas-breton mais kampr ([kãmp]) en breton. Le breton a probablement emprunté au normand, d'où le /k/ initial. |
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Jeannotin Animateur
Inscrit le: 09 Mar 2014 Messages: 879 Lieu: Cléden-Poher
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écrit le Monday 28 Apr 14, 14:27 |
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Je viens de trouver un bel enregistrement, en français, de la poétesse trégorroise Añjela Duval :
http://www.youtube.com/watch?v=8zu_eOCKxRM
C'est un bon exemple du français parlé par une personne dont le breton est la langue de référence. Cet accent m'est cependant un peu étranger car il appartient à un terroir qui n'est pas le mien.
On notera pour commencer, à 3'51'', la réalisation de "une haie" : un' haie
Dernière édition par Jeannotin le Monday 28 Apr 14, 14:52; édité 1 fois |
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Jeannotin Animateur
Inscrit le: 09 Mar 2014 Messages: 879 Lieu: Cléden-Poher
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écrit le Monday 28 Apr 14, 14:45 |
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Réalisation du r
Il existe plusieurs réalisations du r en breton. Le r grasseyé, le r roulé et le r rétroflexe du Trégor (voyez l'enregistrement d'Añjela Duval). On retrouve ces différents r en français, même si la prononciation grasseyée gagne de plus en plus de terrain. Dans mon Poher, le r est grasseyé. Cependant, la façon dont je réalise le r est parfois considérée comme exotique hors de Bretagne. J'ai un peu de mal à saisir la différence mais on me la fait souvent remarquer. Je pense que je prononce le r plus au fond de la gorge qu'il n'est coutume en français standard. |
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Feintisti
Inscrit le: 09 Oct 2005 Messages: 1591 Lieu: Liège, Belgique
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écrit le Monday 28 Apr 14, 18:53 |
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C'est très étrange, comme accent. J'ai parfois l'impression d'entendre une anglophone, parfois une germanophone... Je suis sûr que son breton devait être très agréable à écouter, loin de toute les prononciations francisées. Y a-t-il des enregistrements en breton de cette dame ?
En parlant de "haie" :
- les Liégeois disent "hhèy", car le H se prononce et le -e final soit allonge la voyelle qui précède soit lui ajoute un son mouillé /j/
- à l'Ouest et à Bruxelles, on entend plutôt "hé", parce que les "ai" se prononcent "é" (ex. vrai = vré) |
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PatoisantLorrain
Inscrit le: 25 Aug 2006 Messages: 224 Lieu: Bayonnais
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Jeannotin Animateur
Inscrit le: 09 Mar 2014 Messages: 879 Lieu: Cléden-Poher
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écrit le Monday 28 Apr 14, 21:52 |
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Merci à PatoisantLorrain pour cet enregistrement. J'avoue avoir toujours eu du mal à accrocher à la poésie d'Añjela Duval, mais je dois reconnaître que le passage où on l'entend dire une de ses œuvres est tout à fait envoutant. Par contre je l'avais déjà entendu sur un disque en breton et je l'avait trouvé très intéressante.
Après l'accent trégorrois d'Añjela Duval, je voudrais passer la parole à un compatriote du Poher, Jean-Marie Le Scraigne :
http://www.youtube.com/watch?v=57wbQCpiWYQ
Là, c'est l'accent que j'ai toujours connu, à l'entendre je pourrais me croire dans mon village. Qu'en pensent ceux qui n'ont jamais entendu l'accent breton ? |
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Jeannotin Animateur
Inscrit le: 09 Mar 2014 Messages: 879 Lieu: Cléden-Poher
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écrit le Friday 02 May 14, 17:04 |
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Bon, je pense avoir fait le tour des particularités du consonantisme du français bas-breton. J'ai senti l'envie dans de précédents postes de passer à la suite :
Les voyelles
L'accent tonique
L'accent tonique joue un rôle très important en breton. Dans la partie du domaine bretonnant dont je connais le parler populaire français (le KLT : Kerne-Leon-Treger, anciens évêchés dont la langue est proche et se démarque de celle de l'évêché de Vannes), cet accent porte sur l'avant dernière syllabe des mots. La façon dont les voyelles du français scolaire sont altérées est en partie gouvernée par cet accent que je croit (sauf erreur car nos amis wallons m'ont déjà démontré que je me fourvoyais sur certains points) sans équivalent dans la francophonie. On gardera donc en mémoire la place de l'accent dans la discussion qui va suivre. |
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Jeannotin Animateur
Inscrit le: 09 Mar 2014 Messages: 879 Lieu: Cléden-Poher
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écrit le Friday 02 May 14, 17:15 |
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Altération des voyelles non-accentuées
L'articulation de ces voyelles est très relâchée, presque comme en français québécois. Les [e] et [ɛ] tendent vers [ə] et [i] tend vers [ɪ] ou [ɛ]. Sans l'influence désormais constante des media, je pense que l'assimilation serait totale, comme dans le breton de ces régions.
Un exemple extrême de cette réalisation est donné par Añjela Duval à 14'12'' de l'enregistrement : "chercher des châtəgnes, chercher des prunəlles" |
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dawance
Inscrit le: 06 Nov 2007 Messages: 1886 Lieu: Ardenne (belge)
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écrit le Friday 02 May 14, 18:47 |
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Sur l'accent tonique, je crois entendre ma belle-mère, paix à son âme: "Celui-ci, il sait pas coûper le poûlet !"
Est-ce bien ça que tu veux dire ? |
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Jeannotin Animateur
Inscrit le: 09 Mar 2014 Messages: 879 Lieu: Cléden-Poher
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écrit le Sunday 04 May 14, 19:34 |
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Oui, c'est bien ce que j'entendais par là. Il s'agit d'un trait phonétique assez persistant, surtout dans les mots quotidiens que tu cites. |
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Jeannotin Animateur
Inscrit le: 09 Mar 2014 Messages: 879 Lieu: Cléden-Poher
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écrit le Thursday 08 May 14, 13:03 |
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Ouverture des voyelles
Le français bas-breton maintient l'opposition entre [ɛ] et [e]. Ces deux voyelles sont distribuées selon la norme dominante du français contemporain, ainsi les mots se finissant par -ai se prononcent [ɛ] : gai s'entend [gɛ] au lieu de l'ancienne prononciation [ge]. On aura donc :
- tu chantais [ty ʃãtɛ]
- il chantait [i ʃãtɛ]
- poignée poignet [pwaɲe pwaɲɛ]
Dans beaucoup d'autres régions françaises ce contraste est très affaibli. Cela est souvent donné par les Bas-Bretons comme une preuve que c'est chez eux qu'on parle le meilleur français.
Le français bas-breton conserve l'opposition entre [a] et [ɑ]. Ces phonèmes ne se répartissent cependant pas tout à fait comme dans la prononciation recommandée par les dictionnaires.
Le [ɑ] étymologique se maintient quand il n'est pas suivi d'une consonne mais a tendance à être remplacé par [a] quand c'est le cas :
- il est gras, elle est grasse : [il ɛ grɑ, ɛl ɛ gras]
Le [ɑ] a gagné certains mots où il n'est pas étymologique :
- le petit chat est là [lø pti ʃɑ ɛ lɑ]
Le digramme -oi- s'entend souvent [wɑ] voire [wo] :
- lui c'est lui et moi c'est moi [lɥi sɛ lɥi e mwɑ sɛ mwɑ]
- quoi ? [kwo]
En français de Basse-Bretagne, les voyelles [ɔ] et [o] ne sont pas du tout distribuées comme en français standard. J'avoue que c'est l'un des points où il m'est le plus difficile de présenter une "règle" de prononciation. Je vais tenter de donné mon impression générale mais elle est à vérifier à partir d'enregistrements ou d'observations sur le terrain. La répartition de ces deux phonèmes me semble gouverné par la consonne qui suit. On a ainsi [ɔ] avant les consonnes l, m, n, r ou une consonne dure et [o] avant une consonne douce ou en fin de mot. Si la consonne subit une des altérations en sandhi ou en finale absolue que j'ai présentées plus haut, la voyelle ne change pas. On a par exemple :
- "Viens donc boire un p'tit jaune !" [vjɛ̃ dõ bwɑr ɛ̃ pti ʒɔn]
- "Je suis été pêcher sur la côte ouest" [ʒø sɥi ete pɛʃe syr la kɔd wɛst]
- "Il a dû r'passé son code" [il a dy rpase sõ ko:t]
- un gros, une grosse [ɛ̃ gro yn grɔs]
Beaucoup de gens extérieures à la Basse-Bretagne remarque cette particularité et la rapproche de l'accent méridional.
Il n'y a pas de différence avec la prononciation standard pour [œ] et [ø].
Dernière édition par Jeannotin le Thursday 15 May 14, 15:22; édité 1 fois |
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Jeannotin Animateur
Inscrit le: 09 Mar 2014 Messages: 879 Lieu: Cléden-Poher
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écrit le Saturday 10 May 14, 11:07 |
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Simplification du système vocalique
Le français bas-breton perd l'opposition entre certaines paires de voyelles, tout comme le français des media.
[ɛ̃] et [œ̃] : la majorité des gens ignore jusqu'à l'existence de l'opposition entre ces phonèmes.
[ø] et [ə] : l'opposition est connu mais fait face à un rejet esthétique. La prononciation [ʒə tə di kə] est considérée comme affectée et parisienne. On lui préfère largement la réalisation incorrecte : [ʒø tø di kø]. |
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Jeannotin Animateur
Inscrit le: 09 Mar 2014 Messages: 879 Lieu: Cléden-Poher
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écrit le Wednesday 14 May 14, 21:33 |
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Longueur des voyelles
Le breton oppose voyelles courtes et voyelles longues. La longueur d'une voyelle est déterminée par l'accent du mot et par la consonne qui la suit. Toutes les voyelles inaccentuées sont brèves. Une voyelle accentuée est longue si elle est suivie d'une consonne voisée. La longueur des voyelles suivie de l, m, n ou r peut varier et elle permet de distinguer certains mot. Dans le français des bretonnants natifs, l'opposition entre voyelles brèves et longues existe et suit la règle que j'ai signalé pour le breton. Contrairement à certains parlers de la francophonie (Belgique, Suisse...), le français bas-breton n'a donc pas conservé l'opposition "étymologique" entre voyelle courte et brève : entre maître [mɛ:tʁ] et mettre [mɛtʁ].
Je pense qu'en Basse-Bretagne ce trait phonétique n'existe que chez les locuteurs du breton. Certains francophone exclusifs on un accent breton très fort mais je ne crois pas avoir jamais remarqué qu'ils opposent les voyelles longues et brèves.
Exemple :
- "Je suis été pêcher sur la côte ouest" [ʒø sɥi ete pɛʃe syr la kɔd wɛst] (o bref et ouvert)
- "Il a dû r'passer son code" [il a dy rpase sõ ko:t] (o long et fermé)
On remarquera de nouveau que la quantité de la voyelle ne dépend pas de la réalisation de la consonne qui suit, les changements en sandhi et en finale absolue ne modifient pas le traitement de la voyelle qui précède.
Dernière édition par Jeannotin le Wednesday 02 Sep 15, 15:07; édité 2 fois |
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Jacques
Inscrit le: 25 Oct 2005 Messages: 6525 Lieu: Etats-Unis et France
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écrit le Thursday 15 May 14, 15:09 |
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Jeannotin a écrit: | - "Je suis été pêché sur la côte ouest" [ʒø sɥi ete pɛʃe syr la kɔd wɛst] |
Quelle est l'origine de l'usage du verbe être ici ? Pourquoi "j'ai été été pêcher" en français standard, mais "je suis été pêcher" ici ?
Dernière édition par Jacques le Thursday 15 May 14, 17:42; édité 3 fois |
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Jeannotin Animateur
Inscrit le: 09 Mar 2014 Messages: 879 Lieu: Cléden-Poher
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écrit le Thursday 15 May 14, 15:28 |
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L'emploi du verbe être est un calque du breton où être se conjugue avec l'auxiliaire être au lieu de l'auxiliaire avoir. Je suis été pêcher est une traduction en mot-à-mot de : me zo bet da besketa. Cette tournure se retrouve aussi dans des dialogues de Pagnol, mais je suppose qu'il s'agit d'un calque du provençal et non du breton... |
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