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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11169 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Tuesday 20 May 14, 22:38 |
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1. Pourquoi associer ces deux verbes ? Tout simplement parce qu’aux XIIe – XIIIe siècles, époque de leurs premières attestations, ils n’en faisaient qu’un. Puis, sous l’influence probable de feutre, pour sa forme, calfeutrer a fini par signifier « boucher les fentes d’une ouverture », quelle qu’elle soit, laissant à calfater sa spécificité maritime. Pour en savoir plus, voir ce que dit le TLF de calfeutrer.
Le cas de calfeutrer étant réglé, occupons-nous de calfater.
2. Pour calfater, on peut aussi aller voir ce qu’en dit le TLF, mais je conseille plutôt de lire d’abord ce que je propose, et de comparer ensuite.
On trouvera en ligne un très savant article de Lucien Basch, intitulé Note sur le calfatage : la chose et le mot. In: Archaeonautica, 6, 1986. pp. 187-198.
Je conseille, à ceux qui ont le temps, de le lire en entier. Si seule l’origine du verbe vous intéresse, allez directement à la page 195, vous n’aurez que trois pages à lire.
Vous y lirez notamment ceci : « Jal, dans son Glossaire Nautique (1848), donne à ce mot un curieux ancêtre latin : calefacere. Cette étymologie est unanimement repoussée de nos jours au profit d'une origine arabe. La racine du mot pourrait être soit qilf (écorce), soit qafr (asphalte) ou encore kufr (poix). »
3. Je crois pouvoir préciser que la racine à retenir est la première, qilf, « écorce », non seulement parce que, pour l’opération de calfatage, des fibres d’écorce filées ont été utilisées, entre autres matières, depuis la plus haute antiquité, mais surtout parce que le verbe arabe qalafa signifie non seulement “écorcer un arbre” mais aussi “calfater un navire”. Lucien Basch explique quand et comment ce verbe, avec son nom d’action qalfa(t), est passé d’abord en grec sous la forme καλαφάτης [kalaphátês] puis dans les langues romanes sous les formes italienne calafatare, espagnole calafatear, etc.
4. Ce terme technique a dû faire ensuite le tour des ports de la Méditerranée dans les diverses langues qui se le sont approprié. Je fais l’hypothèse que les Arabes eux-mêmes l’ont réemprunté – le phénomène est courant – sous les deux formes probablement régionales qalfaṭa et galfaṭa, que j’écris volontairement avec le g dur correspondant à la prononciation égyptienne du jim classique. |
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András Animateur
Inscrit le: 20 Nov 2006 Messages: 1486 Lieu: Timişoara, Roumanie
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écrit le Wednesday 21 May 14, 8:32 |
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Selon le DER de Ciorănescu, en roumain, le mot calafat, nom du matériau avec lequel on calfate, vient du turc kalafat ou du grec ϰαλαφίτης et il a donné le nom, Calafat, d'une ville roumaine du bord du Danube. Le verbe correspondant à 'calfater' est dérivé de calafat: a călăfătui. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11169 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Wednesday 21 May 14, 10:48 |
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Pour être plus précis, le passage de l'arabe au grec byzantin s'est opéré en Mer Rouge au VIe siècle. La ville roumaine de Calafat, fondée au XIVe s., tient effectivement son nom de l'activité de calfatage dont elle s'était fait une spécialité : it was founded in the 14th century by Genoese colonists, who employed large numbers of workmen (Calafatis) in repairing ships. This industry gave the town its name. (Wikipedia)
Merci, András, de nous signaler ce cas, rare, je pense, d'un nom de ville issu d'un nom de métier. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11169 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Saturday 10 Aug 19, 7:02 |
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L'écorce étant la peau de l'arbre, on ne s'étonnera pas de la proximité phonosémantique - en arabe comme en français - entre les racines قلف qlf "écorce" et جلف ǧlf "écorcher". |
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Cligès
Inscrit le: 18 Jul 2019 Messages: 886 Lieu: Pays de Loire
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écrit le Saturday 10 Aug 19, 17:04 |
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Pour calfater et calfeutrer, les attestations en français sont plus tardives. Le non passage de ca- à cha- l'atteste. Il s'agit en fait d'emprunts au provençal, qui lui-même avait tiré calfater de l'arabe par le grec byzantin. |
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