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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11166 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Thursday 29 May 14, 9:18 |
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Je reviens sur le français sambuque.
De tous les ouvrages que j'ai consultés, le Dictionnaire de l'armée de terre: ou recherches historiques sur l’art et les usages militaires des anciens et des modernes, Volume 8, par les généraux Etienne Alexandre Bardin et Oudinot de Regio, p. 4774, publié en 1841, est le seul à faire clairement la différence entre les deux homonymes : il y a LA sambuque, qui désigne la harpe et la machine de guerre qui en a la forme, et il y a LE sambuque, qui désigne le sureau et la flûte. Il suffisait de respecter les genres des étymons latins. (Voir Gaffiot sambucus et sambuca).
On a dû confondre très tôt les deux mots car déjà Isidore de Séville croyait que la sambuca était une sorte de flûte ou de hautbois, tirant son nom du sureau, nommé en latin sambucus, "à cause que d'abord on fit cet instrument d'un tuyau de sureau". D'où les discussions épiques qui s'ensuivirent pendant des siècles pour savoir si cet instrument mystérieux était à cordes ou à vent.
La réponse est donnée par des militaires : "Les deux, mon capitaine, mais l'un est masculin et l'autre féminin".
Un dernier mot à propos des divers noms de boissons, liqueurs ou sirops cités dans ce fil, dans d'autres langues que le français : le persan zambak désigne lui aussi non seulement l'arbre et la flûte mais également divers jus ou autres boissons alcoolisées ou non. On voit que la tradition est ancienne, et on voit d'où elle vient. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11166 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Saturday 26 Jul 14, 8:55 |
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Je reviens sur ce mot, une fois de plus, car je pense avoir relevé une grosse erreur dans la notice du DHLF (Robert) qui lui est consacrée.
L'auteur de la notice dit ceci : "Par analogie de forme, le mot se dit en latin médiéval pour "selle de femme" et plus loin "sambuque est utilisé en ancien français avec ce sens et par métonymie pour "housse de selle".
L'auteur n'a pas bien lu ou bien compris Godefroy qui, si on le lit bien, consacre un long article au mot sambue, qui a vraiment ce sens de "couverture de cheval" et de "selle de femme", et note que le mot sambue a aussi été utilisé avec le sens de sambuque, ce qui est bien différent.
Le mot sambue n'est pas dans le TLF mais si on le tape dans un moteur de recherches on trouvera de belles photos de sambues. (On y cherchera en vain une analogie de forme avec la sambuque...)
Quant à l'origine du terme, je crois avoir fini par la découvrir dans le persan zīn-pōš, « couverture de selle » (zīn = selle ; pour pōš, cf. babouche et tarbouche), probablement via un mot arabe emprunté au persan mais que je n'ai pas encore trouvé, et qui s'est peut-être perdu. Il faudrait lire des textes du Moyen Âge... |
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dawance
Inscrit le: 06 Nov 2007 Messages: 1886 Lieu: Ardenne (belge)
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écrit le Sunday 27 Jul 14, 10:42 |
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A noter que sambūcus, dans le sens de sureau, est équivalent à săbūcus (Gaffiot), qui a donné le wallon sawou, même sens. Dans mon village, on disait sayou, mais on trouve aussi sahou...De toute façon, c'est un des trois glides du wallon: w, y et h. |
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embatérienne Animateur
Inscrit le: 11 Mar 2011 Messages: 3860 Lieu: Paris
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écrit le Sunday 27 Jul 14, 12:05 |
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Papou JC a écrit: | L'auteur de la notice dit ceci : "Par analogie de forme, le mot se dit en latin médiéval pour "selle de femme" et plus loin "sambuque est utilisé en ancien français avec ce sens et par métonymie pour "housse de selle".
L'auteur n'a pas bien lu ou bien compris Godefroy qui, si on le lit bien, consacre un long article au mot sambue, qui a vraiment ce sens de "couverture de cheval" et de "selle de femme", et note que le mot sambue a aussi été utilisé avec le sens de sambuque, ce qui est bien différent. |
C'est une hypothèse peut-être hardie, d'autant que l'analogie de forme ne saute pas aux yeux, comme tu l'as noté. Pour le reste, je ne suis pas sûr que l'auteur de la notice ait mal lu Godefroy. Celui-ci a deux entrées distinctes sambue, de même qu'on trouve en bas-latin deux entrées distinctes sambuca avec ces mêmes deux sens. Mais on peut faire l'hypothèse que l'un dérive de l'autre. Le tout est que l'hypothèse soit convaincante et appuyée par des preuves.
Papou JC a écrit: | Quant à l'origine du terme, je crois avoir fini par la découvrir dans le persan zīn-pōš, « couverture de selle » (zīn = selle ; pour pōš, cf. babouche et tarbouche), probablement via un mot arabe emprunté au persan mais que je n'ai pas encore trouvé, et qui s'est peut-être perdu. Il faudrait lire des textes du Moyen Âge... |
C'est une hypothèse assez séduisante aussi, mais, bien sûr, il faudrait plus de preuves pour la retenir.
Je note que la sambue apparaît sous de nombreuses formes en bas-latin : sambuca, comme précisé plus haut, mais aussi, comme nous le révèle Du Cange, sabuta, sambuta, sambua, saubua, cambuca, çambuca. Certains auteurs mentionnent une origine germanique (au moins intermédiaire) sous la forme sambuoh, sambiih, sambuch. Et il existe en anglais un vieux mot de cette même famille saumbury, qui peut avoir le sens de litière, de palanquin. À la réflexion, on peut trouver une analogie de forme entre la machine de guerre, la sambuque, avec sa plateforme portée en hauteur, et un palanquin. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11166 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Sunday 27 Jul 14, 15:34 |
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embatérienne a écrit: | Certains auteurs mentionnent une origine germanique (au moins intermédiaire) sous la forme sambuoh, sambiih, sambuch. Et il existe en anglais un vieux mot de cette même famille saumbury, qui peut avoir le sens de litière, de palanquin. À la réflexion, on peut trouver une analogie de forme entre la machine de guerre, la sambuque, avec sa plateforme portée en hauteur, et un palanquin. |
Je ne crois pas beaucoup à l'analogie de forme pour un mot qui semble avoir d'abord désigné une couverture de selle avant de désigner la selle elle-même.
Mais les formes germaniques que tu donnes sont très intéressantes, avec leur h final et surtout sambuch, qui est la plus proche de mon étymon persan supposé.
Il faudrait vérifier les dates d'introduction de tous ces mots en allemand et en français. Je ne serais pas étonné que les Croisés aient rapporté ce terme, avec d'autres, de leurs expéditions moyen-orientales.
Oublions le bas latin : toutes ces formes sont très tardives, comme on peut heureusement le voir par les dates, et d'évidentes latinisations médiévales de mots d'origine non latine. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11166 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Saturday 01 Nov 14, 9:51 |
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Ce fil est devenu un article qu'on peut lire dans la livraison de novembre de la revue virtuelle Connaissance hellénique.
Dernière édition par Papou JC le Sunday 19 Mar 17, 9:55; édité 1 fois |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11166 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Tuesday 04 Nov 14, 23:14 |
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Papou JC a écrit: | Quant à l'origine du terme, je crois avoir fini par la découvrir dans le persan zīn-pōš, « couverture de selle » (zīn = selle ; pour pōš, cf. babouche et tarbouche), probablement via un mot arabe emprunté au persan mais que je n'ai pas encore trouvé, et qui s'est peut-être perdu. Il faudrait lire des textes du Moyen Âge... |
J'ai trouvé aujourd'hui le mot كنبوش kunbūš "housse de cheval", du persan kūn-pōš "couverture de postérieur". On brûle... |
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