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Moutik Animateur
Inscrit le: 06 Apr 2008 Messages: 1236
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écrit le Saturday 15 Nov 14, 2:41 |
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aplester, v. tr.
« Mais le temps continuant à être beau, je redressai mon mât, j’aplestai ma voile et portai le cap au Nord autant que possible pour sortir du courant. »
Daniel Defoe,
La vie et les étranges et surprenantes aventures de Robinson Crusoé,
Traduction de Petrus Borel (1809 - 1859) parue en 1836.
“But the weather continuing clear, I applied myself to get up my mast again, and spread my sail, standing away to the north as much as possible, to get out of the current.”
The Life and Adventures of Robinson Crusoe, 1719.
Aplester, v. a. To set, to trim. S’applique aux voiles, quand il y a lieu à les déployer et à les établir. V. [vieilli]
Bonnefoux et Pâris, Dictionnaire de la marine à voile, Paris, [1855]
L’on aurait aussi écrit aplestrer (Encyclopédie).
Dès la fin du XVIII° le terme est considéré comme désuet :
On ne s’en sert plus (Dictionnaire de Trévoux).
Peut être, sous toute réserve,
de même origine qu’apprêter,
du latin populaire *apprestare,
de praesto « sous la main, à disposition ». |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11169 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Saturday 15 Nov 14, 10:23 |
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Je crois plutôt à une variante de apléter, dont le TLF dit ceci :
Vx ou région. Accélérer l'exécution d'un travail, en hâter la fin :
... et puis vous m'ennuyez, vous saurez bien tout ça puisque le tambour de ville le criera, tâchez seulement d'appletter plus que ça, que vos ouvrages soient prêts. Colette, Claudine à l'école,1900, p. 256.
ÉTYMOL. ET HIST. − 1723 agric. « travailler vite » (Boullay, Manuel de cult. de la Vigne, p. 665 ds Gdf., s.v. esploitier : Apleter, c'est avancer dans l'ouvrage. On dit d'un homme qui a beaucoup avancé dans l'ouvrage en peu de tems, qu'il aplete bien); signalé comme terme d'agric. ds Ac. Compl. 1842, peu usité selon Besch. 1845. Issu de l'a. fr. aploitier « accomplir, faire, exécuter » attesté fin xiiies. (Vie des Pères, Ars. 3641, fo37c ds Gdf., ibid. : Tos dolans de lui se depart Por ceu qu'il n'ot riens aploitié) forme par substitution de préf. de l'a. fr. esploitier (voir exploiter); attesté au sens de « agir avec ardeur, s'empresser » dep. la 2emoitié du xiies. (Benoit de St More, Chron. des ducs de Normandie, II, 39337, Michel ds Gdf., ibid. : Contre son pere aveit tencié E plusors feiz mal espleitié) d'où les nombreuses formes dial. du type épléter au même sens que apléter (cf. FEW t. 3, p. 311b).
Bref, il s'agit probablement d'une variante technique de déployer (les voiles). Nous avons là des dérivés préfixés du latin plicare, "plier", et un rejeton de plus de la grande famille PLEXUS.
Enfin, c'est une hypothèse personnelle... |
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dawance
Inscrit le: 06 Nov 2007 Messages: 1886 Lieu: Ardenne (belge)
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écrit le Saturday 15 Nov 14, 15:13 |
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N'y aurait-il pas une racine grecque πλεω, faire voile ? Ce n'est même pas une hypothèse, ce n'est qu'une question.
NB : apploitier signifie aussi équiper (un navire). Cfr Godefroy.
PS: Le français actuel dit étarquer, hisser et tendre la voile.
Dernière édition par dawance le Saturday 15 Nov 14, 15:52; édité 1 fois |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11169 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Saturday 15 Nov 14, 15:25 |
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dawance a écrit: | N'y aurait-il pas une racine grecque πλεω, faire voile ? Ce n'est même pas une hypothèse, ce n'est qu'une question. |
Je doute beaucoup que notre aplester du jour vienne du grec. Je ne suis pas spécialiste du vocabulaire de la navigation mais je n'ai pas l'impression que le français doive beaucoup au grec en la matière.
Par ailleurs, à propos de πλεω, Chantraine dit ceci : Le sens de « naviguer », important en grec et naturel dans un peuple de marins, résulte d’un développement particulier, le radical signifiant originellement « être dans l’eau, flotter, être inondé » ou « inonder », etc.
Voir le mot du jour flotter. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11169 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Saturday 15 Nov 14, 19:03 |
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Il faut remonter à explicare, "dérouler, déployer (des étoffes, un manuscrit)". La terminologie maritime est un conservatoire des sens premiers.
Bonne occasion de signaler que exploiter (formation populaire) et expliquer (formation savante) sont des doublets issus du même étymon latin.
Tout comme notre aplester et appliquer, d'ailleurs. |
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Moutik Animateur
Inscrit le: 06 Apr 2008 Messages: 1236
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écrit le Sunday 16 Nov 14, 3:56 |
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Dawance a écrit: | Le français actuel dit étarquer, hisser et tendre la voile |
Ce n’est pas juste, même si des dictionnaires le disent*.
Étarquer signifie tendre, et spécialement tendre le guindant. Et plus exactement tendre la ralingue de guindant, celle-ci étant un cordage sur lequel est monté le guindant de la voile (Si l’on tirait directement sur la voile, l’on déchirerait la toile, d’où l’utilité de la ralingue**.)
Sur les voiliers modernes, presque toutes les voiles ont trois côtés. Le guindant, le coté qui reçoit le vent, le « bord d’attaque » ; la chute, le coté où s’écoule le vent, le « bord de fuite » *** ; la bordure, le troisième côté.
La plus ou moins forte tension du guindant permet de jouer sur la forme de la voile.
* Et les dictionnaires ont pratiqué le copier-coller bien avant l’avènement de l’informatique !
** La ralingue permet aussi de fixer des mousquetons, des coulisseaux, des cercles de mât, qui servent à maintenir le guindant contre son étai ou contre le mât. Sur les petits bateaux la ralingue coulisse directement dans une gorge ménagée sur l’arrière du mât.
*** Dans le cas particulier des spinnakers classiques, les deux longs côtés jouent alternativement le rôle de guindant et de chute, en fonction de l’amure. |
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Moutik Animateur
Inscrit le: 06 Apr 2008 Messages: 1236
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écrit le Sunday 16 Nov 14, 4:28 |
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@ Papou JC
Ton hypothèse à l’air féconde. |
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dawance
Inscrit le: 06 Nov 2007 Messages: 1886 Lieu: Ardenne (belge)
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écrit le Sunday 16 Nov 14, 20:07 |
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@ Moutik: j'ai fait suffisamment de 420 et un peu de Ponant, et donc je connais bien le problème. Les définitions données par les dicos pour étarquer ne sont jamais qu'un raccourci, où il n'est pas question de ralingue. Il faut leur pardonner.
@ Papou: quand je parle de pleo (cfr Gaffiot: compleo, remplir), je parle d'une racine remplir, qui semble être absente de tes grandes familles. En l'occurrence, remplir les voiles de vent.
Puisque tu signales que Citation: | Je ne suis pas spécialiste du vocabulaire de la navigation | , alors va voir ici . C'est un début. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11169 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Sunday 16 Nov 14, 20:12 |
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- Il faudrait quand même savoir si tu parles d'un verbe grec ou d'un verbe latin...
- La petite famille PLEIN est lisible sur ce forum.
- Le sens d'un mot se révèle aussi par sa syntaxe : le marin déploie les voiles en espérant que le vent les remplisse afin que le voilier navigue. (On peut ne pas être marin et avoir quelques lumières sur le fonctionnement d'un voilier.) Si donc c'est le marin qui apleste, nous devons écarter tes deux propositions. Désolé... |
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dawance
Inscrit le: 06 Nov 2007 Messages: 1886 Lieu: Ardenne (belge)
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écrit le Monday 17 Nov 14, 12:06 |
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Ne soit pas désolé, je ne me sens pas du tout offensé.
Grec ou latin ? Les deux !
Maintenant, sur la question de savoir si c'est le marin ou le vent qui gonfle la voile, il faut savoir, si je remplis un verre d'eau, c'est bien plutôt l'eau qui remplit le verre, et pas moi. Une question d'étudiants bouddhistes était : "Est-ce le drapeau qui bouge ou le vent ?" (ou quelque chose comme ça). La sémantique ne s’embarrasse pas de ces questions de syntaxe, si tant est que la syntaxe soit en cause. Les glissements sémantiques en sont la preuve.
Dans le mot aplester ou aplestrer, il y a bien un s, qui est dans cette position, hautement instable en phonétique historique: en effet, on a toujours (ou presque) un amuïssement du s (je n'apprends rien aux Babéliens) avec apparition d'un accent circonflexe. Exemple: moy NL sterken >, fortifier, raffermir, Vieux frison *starkian anc fr estarker fr étarquer.
Ajouter un s, à apploitier en l'occurrence, n'est vraiment pas courant.
Mais je me m'arrête là. Il y a plus important.
PS: dans mes recherches, j'ai trouvé aplustre: ornement, généralement métallique, à la poupe des navires grecs et romains. Il était conçu pour donner un caractère terrifiant (monstre marin, ...). Mais cet ornement n'a pas de lien sémantique avec notre sujet. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11169 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Monday 17 Nov 14, 12:10 |
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dawance a écrit: | La sémantique ne s’embarrasse pas de ces questions de syntaxe, si tant est que la syntaxe soit en cause. Les glissements sémantiques en sont la preuve. |
Écoute, c'est un peu hors sujet, mais permets-moi de te dire que tu viens de dire là ... on va dire "quelque chose qui n'est pas exact". Il suffit, pour se rendre compte du rapport syntaxe/sens de lire n'importe quel article un peu long du Petit Robert pour s'en rendre compte, un verbe ou un adjectif. Mais enfin, syntaxe ou contexte c'est un peu la même chose. Qui peut nier que le sens d'un mot dépend aussi du contexte ?
Citation: | Ajouter un s à apploitier en l'occurrence, n'est vraiment pas courant. |
Je n'ai jamais fait une telle supposition. J'ai supposé que le s avait été ajouté à apléter, et ça je crois que c'est possible, même si je n'ai pas en tête d'autres exemples à donner pour le moment.
Il pourrait aussi s'agir d'une métathèse de *aspleitier... (voir plus haut plusors feiz mal espleitié).
Dernière édition par Papou JC le Monday 17 Nov 14, 12:22; édité 2 fois |
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dawance
Inscrit le: 06 Nov 2007 Messages: 1886 Lieu: Ardenne (belge)
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écrit le Monday 17 Nov 14, 12:15 |
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Correction : il faut lire : "L'évolution historique de la sémantique ne s’embarrassent pas la syntaxe. Les glissements sémantiques..." |
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dawance
Inscrit le: 06 Nov 2007 Messages: 1886 Lieu: Ardenne (belge)
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écrit le Tuesday 18 Nov 14, 13:45 |
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Le mot aplestre existe également dans l'histoire de la marine (même sens que aplustre cité plus haut).
On peut voir dans ce livre aux planches II lettre B B, III lettre i, IV lettre A & F, VII lettre G.
@Moutik: aurait-il pu alors donner ultérieurement son nom à "l'arrimage" de l'écoute de grand-voile (ou quelque chose comme ça) ? |
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