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havah
Inscrit le: 12 Jan 2006 Messages: 22 Lieu: Paris
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écrit le Saturday 25 Mar 06, 16:35 |
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Ipséité, caractère du sujet pensant qui a le pouvoir de se représenter lui-même comme demeurant malgré les changements qui affectent son corps et son esprit. Conscience réflective de soi à soi-même.
Du latin ipse, la chose en elle-même, soi-même.
Même famille que le mot der Spiegel, all. qui désigne le miroir et donc ce qui réfléchit une image.
spiegeln, refléter.
Dernière édition par havah le Sunday 26 Mar 06, 15:05; édité 1 fois |
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Glossophile Animateur
Inscrit le: 21 May 2005 Messages: 2281
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écrit le Saturday 25 Mar 06, 20:33 |
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Il me semble que l'on a forgé ipséité sur le nominatif ipse, plutôt que sur l'ablatif ipso.
Sur ipso, cela aurait donné ipsoïté, ou ipsoté. AMHA. |
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max-azerty
Inscrit le: 11 Jan 2006 Messages: 796 Lieu: arras
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écrit le Tuesday 28 Mar 06, 18:25 |
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je suppose qu'il y a un lien avec le latin "speculum", bien plus proche de "Spiegel" à l'oreille. |
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Jean-Charles
Inscrit le: 15 Mar 2005 Messages: 3124 Lieu: Helvétie
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écrit le Tuesday 28 Mar 06, 20:20 |
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Est-ce que ça vient de (e)speculum ?! |
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Nina Padilha
Inscrit le: 15 Mar 2006 Messages: 548
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écrit le Tuesday 28 Mar 06, 20:33 |
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Il me semblait bien avoir déjà vu quelque chose comme ça.
C'est exact. Il existe un livre intitulé : le grand miroir.
J'ai cherché sur Internet... (fastidieusement) et j'ai trouvé Speculum Majus (par le dominicain Vincent de Beauvais). |
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Glossophile Animateur
Inscrit le: 21 May 2005 Messages: 2281
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écrit le Wednesday 29 Mar 06, 2:25 |
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Speculum, sur la racine *spk, qui a aussi donné le spectacle et l'inspection. |
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Zwielicht
Inscrit le: 30 Jan 2007 Messages: 1227 Lieu: la rencontre des eaux
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écrit le Tuesday 05 Feb 08, 2:18 |
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Quelqu'un sait-il s'il y a une différence entre ipséisme et ipséité.. enfin, si ipséisme existe ? |
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Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3510 Lieu: Nissa
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écrit le Tuesday 05 Feb 08, 8:33 |
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De la formation-même du mot, l'ipséisme serait une doctrine accordant une place centrale à la notion d'ipséité. On parlera, par exemple, d'ipséisme pour la pensée du philosophe Michel Henry. Mais il semble bien que cet emploi soit fort peu répandu hors du cercle de la philosophie contemporaine …
Ayant lu les premiers messages de ce sujet, je signalerai que le pronom-adjectif intensif latin ipse, ipsa, ipsum « [moi, toi, lui, elle, soi]-même » est étymologiquement isolé et résulterait d'une agglutination de particules fort peu claire (on compare -pse au -pte de mihipte « à moi-même »). Un rapport avec la racine *spek- ne relève, au mieux, que d'un mauvais jeu de mot !
Les latins ipse et ipsa étaient utilisés dans la langue des esclaves pour désigner/dénommer le maître ou la maîtresse de maison « en personne ». Il y a dans ces mots un renforcement de l'identité et on est bien loin de ce miroir qui, au contraire, nous révèle que « je est un autre » … |
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dubsar
Inscrit le: 07 May 2007 Messages: 448 Lieu: Altkirch (F68)
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écrit le Wednesday 06 Feb 08, 14:30 |
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Est-ce que le premier terme de i-pse ne pourrait pas être le démonstratif is, ea, id ? |
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Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3510 Lieu: Nissa
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écrit le Wednesday 06 Feb 08, 16:30 |
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Oui, c'est ce qu'Ernout et Meillet suggèrent. Mais -pse étant isolé (le correspondant osco-ombrien esuf n'apporte pas une grande clarté), on n'en sait guère plus pour autant … |
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akribik
Inscrit le: 14 Nov 2007 Messages: 164 Lieu: paris
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écrit le Wednesday 06 Feb 08, 21:05 |
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Comme je m'intéresse à l'esclavage, et aux réactions philosophiques anciennes ou modernes à cette institution, je vais tâcher d'en savoir plus sur l'usage d'ipse en latin pour désigner le maître, de la part de l'esclave (ça fait penser au Monsieur ou Madame à la troisième personne du serviteur moderne?).
Ipséité est sûrement assez récent ou rare en philosophie, en tout cas, pour ne pas figurer dans le Vocabulaire (...) de la Philosophie de Lalande (1ère éd. 1902-1923).
En revanche on y trouve solipsisme: "Doctrine (...) [qui] consisterait à soutenir que le moi individuel dont on a conscience, avec ses modifications subjectives, est toute la réalité, et que les autres moi dont on a la représentation n'ont pas plus d'existence indépendante que les personnages des rêves; - ou du moins à admettre qu'il est impossible de démontrer le contraire".
Bizarre, le seul vrai représentant de cette conception serait le médecin Claude Brunet (Journal de médecine, 1686).
On peut lire un petit roman d'Eric-Emmanuel Schmitt bâti sur un personnage de cet avis, au XVIIIe siècle, La Secte des Egoïstes (1994).
Au demeurant, "solipsisme" est aussi employé comme critique du raisonnement cartésien fondé sur le cogito: - d'accord, vous démontrez votre propre existence, mais rien de plus. Vous vous enfermez en vous-même, dans un "soi-même tout seul".
Pris dans le Oxford Dictionary of Philosophy de Simon Blackburn (qui ne propose rien non plus sur "ipseity"), trad.: "Le solipsisme du moment présent étend son scepticisme jusqu'à ses propres états passés, si bien que tout ce qui reste, c'est moi, maintenant. Russell rapporte avoir rencontré une personne qui se proclamait solipsiste, et trouvait étonnant que plus d'autres gens ne le soient pas aussi."
Enfin, par parallélisme étymologique, cette fois avec le grec, on pourrait se demander dans quelle mesure l'autisme (en très gros!) est une sorte de solipsisme spontané pathologique. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11166 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Wednesday 06 Apr 11, 19:00 |
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Une hypothèse pour l'origine de ipse : si je m'appuie sur l'élément grec psy- et sur la série anglaise en -self (myself, itself), etc. j'en viens à me demander (naïvement, on ne frappe pas !) si ce rapprochement ne fournirait pas une piste ...
Je note en passant que l'arabe utilise aussi le mot نفس [nafs] "esprit" pour traduire l'ipséité : nafsoh, "lui-même", nafsaha, "elle-même", etc. (prononciation égyptienne).
Une question : pourquoi Ernout-Meillet disent-ils (p. 323) que la particule -pse est "évidemment composée" ? |
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qwertz
Inscrit le: 05 Oct 2015 Messages: 2
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écrit le Monday 05 Oct 15, 20:16 |
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@ Papou:
"évidemment composée": sans doute parce qu'en l'absence de correspondants dans d'autres langues indo-européennes, on en est réduit à supposer la succession de deux particules *p(e) (comme dans le latin -pte) et *se (qui, elle, serait moins isolée).
psy-: -self: sans frapper, disons qu'il n'existe pas d'élément grec psy-: la racine est psych- ou psukh- (cela dépend de comment on veut transcrire les lettres upsilon et chi), formant notamment le verbe psûkhô "souffler" et le nom psûkhê "souffle, respiration, âme, personne, créature". À supposer que cette racine proprement grecque dérive d'une racine indo-européenne *bh(e)s- (vieille hypothèse qui est abandonnée dans le dictionnaire étymologique grec le plus récent, celui de Robert Beekes), cette racine signifierait "souffle(r)" mais n'a pas de raison d'avoir pris le sens de "âme" ou "self".
Remarque: le substantif anglais self (à peu près "personne") a été extrait des pronoms réfléchis myself, yourself etc. À l'origine, cet élément est seulement pronominal, "soi-même". |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11166 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Tuesday 06 Oct 15, 15:55 |
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Merci pour cette bonne réponse ! La question était posée depuis quatre ans... À Babel, le temps ne compte pas ! |
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