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Paires celto-romanes en breton - Forum des langues celtiques - Forum Babel
Paires celto-romanes en breton
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Kenel ha Gwerin
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Messageécrit le Thursday 06 Oct 16, 18:44 Répondre en citant ce message   

Duriatos a écrit:
- paz / ket = pas (négation, sous certaines conditions structurelles)


En vieux breton, "ket" est un mot qui renforce le verbe exprimé précédemment. Il n'a été systématisé dans la négation que tardivement. D'ailleurs, en cornique, il suffit de faire précéder le verbe de la négation "ny" et la mutation qui va bien ensuite pour avoir la négation. Ça semblait être le cas en breton.

"Ket" pouvait donc être utilisé au positif. Exemple, tiré de An dialog etre Arzur Roe d'an Bretounet ha Guynglaff (1450) :

Citation:
"Lavar Guinglaff, me a pet,
En hanu Doe, so Roe dan beth,
Pebez sinou a coezo quet,
Quent evit an guez da zonet"


Dis-moi, Guinglaff, je te prie,
Au nom de Dieu qui est Roi du Monde
Quels signes apparaîtront avec certitude,
Avant que ce temps n'advienne ?

J'émets l'hypothèse que ce "ket" pourrait être d'origine romane et dériver du "certe" latin, surtout si l'on pense à la prononciation dure de ce "c".
 
Jeannotin
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Messageécrit le Thursday 06 Oct 16, 19:52 Répondre en citant ce message   

Merci pour l'exemple que tu donnes de l'ancien sens de ket. L'évolution de ce mot illustre ce que l'on appelle le cycle de Jespersen : dans beaucoup de langues, un mot qui ne servait à l'origine qu'à renforcer la négation s'est mis à assumer seul le sens négatif. En revanche, l'étymologie que tu proposes ne cadre pas avec l'évolution phonétique du breton. Dans les emprunts du breton au latin, le groupe -rt- a été spirantisé et a abouti à -rzh-, comme dans les mots du vieux fond celtique. Le latin certe donne kerzh et non ket, qui, d'après Deshayes, provient du vieux breton ced , don.

Dernière édition par Jeannotin le Friday 07 Oct 16, 0:08; édité 1 fois
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Kenel ha Gwerin
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Messageécrit le Thursday 06 Oct 16, 20:35 Répondre en citant ce message   

Jeannotin a écrit:
Le latin certe donne kerzh et non ket, qui, d'après Deshayes, provient du vieux breton ced , don.

Très bien. Voici, deux extraits de l’œuvre sus-citée qui vont dans ce sens :
Citation:
An peuch querz a vezo criet
En bloaz quent evit ho donet
(V. 164-165)

La paix sera certes criée
L'année avant leur venue

Citation:
Ha goude querz hep setancz
Ez punisser dre martirizancz.
(V.169-170)

Ensuite, certainement, ce sera sans sentence
Que l'on punira par le martyre.
 
Jeannotin
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Messageécrit le Wednesday 12 Oct 16, 21:07 Répondre en citant ce message   

Kenel ha Gwerin a écrit:
Fleurenn / Bleuenn : Fleur

Je trouve ce cas particulièrement intéressant comme illustration des mécanismes de pénétration des emprunts français dans le vocabulaire breton. En effet, dans certains parlers, le vieux mot celtique bleuñ s'est spécialisé et désigne surtout les fleurs des arbres et des arbustes. Ainsi, à Cléden, fleur (attesté en breton en 1633) est devenu le nom des fleurs en général tandis qu'un autre mot roman : bouked a le sens de bouquet, de fleur des champs et est présent dans certains noms d'espèces :

Med pé welè-hè ar fleur 'tond ba'n ne(ve)-amzer vis(e) gwraet boukidi-hañw doc'h an dra-s(e)
Mais quand ils voyaient venir les fleurs au printemps, on appelait cela des pâquerettes
https://brezhoneg-digor.blogspot.fr/2016/07/teurch-arskol-ha-paw-bran.html

Le vocalisme de fleur, adapté du français moderne, montre que cet emprunt est plus récent que flour (doux) et que flourdilis (fleur de lis) au vocalisme plus archaïque et attesté dès 1499.

La floraison des arbres, les chatons, est quant à elle toujours désignée par le mot celtique bleuñ :

An dra-se, ba komañsamant an ne(ve)-amzer, 'benn tàè ar bleuñ ba'r, doc'h an dra-s(e) vis(e) gwraet ar bissi(gou)-mareñw. Surtoud deus, deus ar c'hraoñ-kel(v)o ha deus an haleg, ar bojennadou-haleg, ar re-s(e) ree bleuñ ha chatoñiou-hir.
Cela, au début du printemps, quand venaient les fleurs dedans, on les appelaient les chatons. Surtout aux, aux noisetiers et aux saules, aux buissons de saule, ils faisaient des fleurs et de longs chatons.
https://brezhoneg-digor.blogspot.fr/2016/10/erro-e-ar-mae-bar-gwe.html

Bleuñ et bleud (la farine) semble avoir été des paronymes en vieux breton (respectivement bloduu et blot) et en gaulois : l'ancien Blatomagus, Blond en Limousin, était bien plus probablement le marché à la farine que le marché aux fleurs. On a pu expliquer l'expression fleur de farine par l'influence du gaulois.

Je pense qu'on pourrait parler de francisation sentimentale pour la substitution de bleuñ par fleur. En raison de la valeur d'ornements délicats qui leur est attachée, de leur importance dans l'imaginaire amoureux, le vieux nom des fleurs a été remplacé par un mot venu de la langue française, porteuse d'une culture plus raffinée. On peut mettre en parallèle cette francisation avec certaines expressions du vocabulaire amoureux comme o(be)r lakour, o(be)r lamour : faire l'amour au sens ancien de faire la cour. Sur le site de Dastum, j'ai entendu une bretonnante chanter des chansons sentimentales en français où faire l'amour avait ce vieux sens ; c'est sans doute par ce biais que ce type d'expression a pénétré en breton. L'expression de même sens o(be)r ar les était déjà, selon Francis Gourvil, une traduction directe du français.

On peut remarquer que jusque pour la floraison des arbres, le mot bleuñ est concurrencé par un mot roman :

E(rr)o é ar mae ba'r gwe, ba'r c'hraoñ-kel(v)o
Les chatons (litt. le mai) sont arrivé dans les arbres, dans les noisettiers

On peut à nouveau parler de francisation sentimentale pour cette expression liée à la tradition d'offrir un mai : un bouquet ou une branche d'arbre fleurie pour le premier jour de mai.

Ce qui paraît confirmer mon hypothèse sur ce mécanisme de francisation, c'est qu'on observe quelque chose de très semblable en gascon. Sur les cartes de l'ALF, le vieux mot gascon hlou ou eslou est relégué dans les Pyrénées tandis que le gascon de la plaine a flou : un mot refait sur le languedocien. Dans L'amiguét, une chanson sentimentale de l'Albret, on trouve même flurs : un mot refait sur le français. Il est intéressant de comparer avec d'autre cartes de l'ALF qui illustrent le traitement que fait subir le gascon au FL- initial latin. Sur la carte "flamme", le vieux mot gascon hlamo ou eslamo est présent hors des Pyrénées : en Béarn de la plaine, dans la Landes et jusque dans le Gers. Sur la carte "fléau", objet emblématique des vieilles cultures paysannes autarciques, le mot hlayet ou eslayet couvre presque toute la Gascogne et flajet ne touche que les marges garonnaises. Il est donc raisonnable de chercher dans l'imaginaire poétique qui entoure la fleur la cause de la plus grande perméabilité de ce mot aux innovations linguistiques venues d'ailleurs, et ce dans plusieurs langues de France.

On observe des phénomènes voisins jusque dans de grandes langues nationales. Ainsi, on a parfois supposé que l'anglais flirt était tiré du français fleurette et comme le gascon, le castillan est plus fidèle à son génie propre quand il s'agit de nommer la flamme (llama) que la fleur (flor).
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Kenel ha Gwerin
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Messageécrit le Friday 14 Oct 16, 16:25 Répondre en citant ce message   

M'est avis que c'est un peu le même phénomène qu'on observe dans certains dialectes avec l'alternance jardrin/liorzh. Le premier a parfois le sens de "jardin potager", là où le second a le sens de "jardin d'agrément" ou "verger".

Ceci dit, peut-être faudrait-il rapprocher ce liorzh de l'hortus latin ?
 
Jeannotin
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Messageécrit le Wednesday 26 Oct 16, 23:09 Répondre en citant ce message   

Lïorzh est issu du vieux-breton lub-gorth, où lub signifie légume et gorth enclos ; il existe une variante locale luorzh. Il me semble que gorth est le même mot que garzh et qu'il faut y voir la racine *ghorto. Il y a donc bien un rapport avec le latin hortus et le français jardin mais c'est par le biais de l'indo-européen. Ar lïorzh c'est le courtil, le potager et le verger et ar jardin c'est le jardin d'agrément. En parcourant le mot du jour jardin, on voit qu'on a la même distinction en niçois entre oárt et jardin, en catalan entre hort et jardí et en italien entre orto et giardino. Ces langues ne connaissent pas la palatalisation du groupe GA-, il s'agit donc vraisemblablement d'emprunts au français. Le breton a également pris au français le mot jardin, signe d'une culture plus raffinée. Remarquons cependant que la prononciation bretonne rend ce mot totalement méconnaissable :

Ha goud(e)-se ga'n a(v)el pé (e)maint aw, beñ ya a'h ee ba, ba'n a(v)el ha d'ond ba, ba ur cher(de)n ['ʃɛrn] petram ba mé bark petram ba park an heñi-ell heñ !
Et après ça va avec le vent quand elles [les aigrettes du laiteron] sont mûrs, ben oui ça va dans, dans le vent et pour aller dans, dans un jardin ou bien dans mon champ ou bien dans le champ de l'autre hein !
https://brezhoneg-digor.blogspot.fr/2016/07/teurch-arskol-ha-paw-bran.html
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Jeannotin
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Messageécrit le Friday 10 Nov 17, 12:09 Répondre en citant ce message   

Jeannotin a écrit:
Memes-mod, j'aimerais bien entendre endeo de la part d'un locuteur natif pour pouvoir préciser son sens.

Dans sa thèse sur le breton de Poullaouen, Favereau traduit end-ewn [én'dẽwn] par "précisément" et cite deux exemples tirés du collectage : or wech end-ewn "une fois précisément" et hiro an de(z) end-eeun "aujourd'hui justement". Utiliser endeo "déjà" hors des zones dialectales où il est employé (quels sont-elles d'ailleurs ?) conduit à parler une langue incohérente. On introduit une variante phonétique dénasalisée dans des parlers qui conservent la nasalisation et on commet un faux sens.
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Jeannotin
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Messageécrit le Thursday 29 Mar 18, 14:34 Répondre en citant ce message   

Voir l'entrée end-eeun du DEVRI :

(5) Déjà (nuance d'étonnement)
(1869) TDE.FB [dictionnaire de Troude] 251b. Vous êtes déjà arrivé, tr. "deuet oc'h end-eo Trég[or]."


On voit bien que, dans son usage réel, end-eo ne correspond qu'à un seul des sens du français déjà. Remplacer dans tous les cas deja, dija "déjà" par end-eo est donc une extension parfaitement arbitraire du sens de ce dernier.
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