Voir le sujet précédent :: Voir le sujet suivant |
Auteur |
Message |
Jeannotin Animateur
Inscrit le: 09 Mar 2014 Messages: 879 Lieu: Cléden-Poher
|
écrit le Tuesday 29 Nov 16, 11:55 |
|
|
Le breton avel signifie vent. L'écriture interdialectale de Fañch Morvannou propose d'orthographier ce mot awel pour rendre compte de la prononciation archaïsante du Trégor : ['awəl] et de la prononciation vannetaise [a'ɥi:l]. Outre des cognats celtiques transparents (gallois et cornique awel) Deshayes suggère un rapprochement avec le grec ἄελλα, tempête. Emile Boisacq, de son côté, renvoie bien au gallois awel à l'entré ἀήρ de son Dictionnaire étymologique de la langue grecque et propose une origine indo-européenne commune à ces mots et au latin ventus.
En Centre-Bretagne, comme dans une grande partie de la Cornouaille, le v intervocalique tombe et a(v)el est prononcé [ɑːjl]. Le v intervocalique ne disparaît cependant pas dans les dérivés en raison du déplacement de l'accent tonique que produit la suffixation. On a ainsi avelaj, grand vent, avelezh, coup de vent ou aveliñ, éventer.
Le mot se retrouve dans de nombreuses locutions essentielles à la vie du paysan : 'n a(v)el d'an nec'h, le vent d'amont, 'n a(v)el d'an traoñ, le vent d'aval, 'n a(v)el-suilh, un vent de nordé qui souffle en mars et qui brûle la végétation. Il est fréquent qu'on caractérise un vent par le nom de la commune dont il semble venir. À Cléden, 'n a(v)el deus Speied, le vent de Spézet, est un vent de suroit
qui apporte un temps doux et pluvieux. Dans ce cas-ci, on dit aussi : 'ma 'n a(v)el ba'r veunteun, le vent est dans la fontaine, ou plus truculent encore : aet é (a)n a(v)el war staoterezh Sant-Hern, le vent est allé sur la pissotière de Saint-Hernin.
Une variante de ce mot où le v intervocalique est passé à f a produit des dérivés dont le lien avec le sens initial de la racine est moins clair. On rencontre sous plusieurs formes le mot aflenn, afrenn ou afenn, odeur, effluve. Le mot afl ou afel ne se rencontre que dans la locution min-afel, pierre à faux. On suppose qu'il s'agit d'un adjectif signifiant léger qui s'est attaché au nom de cette pierre en raison de sa faible densité. |
|
|
|
|
Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11172 Lieu: Meaux (F)
|
écrit le Tuesday 29 Nov 16, 19:13 |
|
|
Je suppose que ce mot breton a quelque rapport avec l'ancien français avel / aviel (caprice, désir) que Pierre Gastal fait venir d'un gaulois reconstitué *avillo, même sens, à partir des cognats irlandais aill et gallois ewyll (désirer). On pense, bien sûr, au will anglais, IE *wel-.
Sémantiquement, il serait assez logique qu'un mot désignant le vent (transport dans l'espace) en vienne à désigner aussi le désir (transport dans le temps). Il faudrait vérifier si ce parallélisme se retrouve dans d'autres langues.
Mais peut-être, après tout, ne s'agit-il que de purs homonymes. |
|
|
|
|
Jeannotin Animateur
Inscrit le: 09 Mar 2014 Messages: 879 Lieu: Cléden-Poher
|
écrit le Tuesday 29 Nov 16, 21:09 |
|
|
Le breton awel ne viendrait pas plutôt l'étymon indo-européen reconstitué par Pokorny : *au̯(e)-, *au̯ē(i)- ou *u̯ē (souffler) ? Le site de l'Université du Texas le donne comme prototype du latin ventus, de l'anglais wind, du grec ἄ(Ϝ)ησι (souffler) et du sanskrit vā́ti (id.). D'ailleurs, ils n'ont pas très bien fait d'illustrer le celtique par le breton gwent, on considère généralement qu'il s'agit d'un romanisme.
Je veux bien imaginer qu'on ait lexicalisé une métaphore du genre "sur les ailes du désir". Mais que, dans l'autre sens, une racine qui veut d'abord dire vouloir finisse par désigner une réalité concrète comme le vent, ça me paraît plus improbable.
Dernière édition par Jeannotin le Monday 18 Feb 19, 13:11; édité 1 fois |
|
|
|
|
Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11172 Lieu: Meaux (F)
|
écrit le Tuesday 29 Nov 16, 21:36 |
|
|
Homonymie, donc. Merci !
Citation: | Mais que, dans l'autre sens, une racine qui veut d'abord dire vouloir finisse par désigner une réalité concrète comme le vent, ça me paraît plus improbable. |
Plus qu'improbable, impossible. Aussi me suis-je bien gardé d'émettre une telle idée, tu l'auras remarqué... |
|
|
|
|
Moutik Animateur
Inscrit le: 06 Apr 2008 Messages: 1236
|
écrit le Thursday 01 Dec 16, 22:17 |
|
|
Sans oublier la locution :
avel an heol,
littéralement « vent de soleil » ou « brise solaire »*.
C’était le titre d’un roman de Pierre-Jakez Hélias, ou du personnage principal de ce roman, je ne me souviens plus très bien. Qu’importe.
* Pour ceux qui ne sont pas familiers de nos côtes, il est important de savoir que les vents locaux tournent avec le soleil au fur de la journée. Mais bien entendu, dans le livre, le sens de « vent de soleil » excède largement le sens de « brise du large ». |
|
|
|
|
Moutik Animateur
Inscrit le: 06 Apr 2008 Messages: 1236
|
écrit le Thursday 01 Dec 16, 22:34 |
|
|
Jeannotin a écrit: | Le mot afl ou afel ne se rencontre que dans la locution min-afel, pierre à faux. On suppose qu'il s'agit d'un adjectif signifiant léger qui s'est attaché au nom de cette pierre en raison de sa faible densité. |
J’ai une explication beaucoup plus triviale, et beaucoup moins poétique…
La locution voudrait tout simplement dire « pierre à fil », du français, cette pierre servant à rectifier le fil des faux. Elle n’est d’ailleurs pas spécialement légère. C’est un genre de schiste.
Cette pierre se portait à la ceinture dans une corne de vache, remplie d’eau. Pour pouvoir affuter la faux « à l’eau ». |
|
|
|
|
Jeannotin Animateur
Inscrit le: 09 Mar 2014 Messages: 879 Lieu: Cléden-Poher
|
écrit le Friday 02 Dec 16, 12:56 |
|
|
Merci beaucoup d'ajouter avel an heol pour brise marine, en Centre-Bretagne je n'ai évidemment pas la possibilité de collecter des expressions maritimes comme celle-ci.
Pour l'étymologie de min-afel, une bretonnisation du français pierre à fil n'est pas une explication phonétiquement satisfaite. Les emprunts de ce type sont abondants, mais le a- présent dans le mot breton qui en résulte ne porte pas l'accent tonique. On a ainsi : a-bik (< à pic), a-gaos (< à cause), a-gondissïon (< à condition) mais le a- est atone et élidé quand on parle vite ; contrairement au a de min-afel qui porte l'accent tonique. |
|
|
|
|
Jeannotin Animateur
Inscrit le: 09 Mar 2014 Messages: 879 Lieu: Cléden-Poher
|
écrit le Wednesday 28 Dec 16, 19:11 |
|
|
D'après Delamarre qui reprend une hypothèse de Pierre-Yves Lambert, ce mot est déjà attesté en gaulois sur la tuile mineure de Châteaubleau dans le composé su-auelo, qui se traduit par "bon vent". Le préfixe su- est le cognat celtique du sanskrit सु [su]. |
|
|
|
|
José Animateur
Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 10945 Lieu: Lyon
|
|
|
|
|
|