Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11166 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Tuesday 07 Feb 17, 15:34 |
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Liliane a écrit: | Oignon, du latin : unio, unionis. Famille des liliacées. |
Certes, mais quel unio latin ? Ce mot a en effet - d'après Gaffiot - trois sens disjoints qui font supposer très fortement un phénomène d'homonymie :
1. le nombre un, l'unité, l'as (au jeu de dés), union
2. (grosse) perle
3. sorte d'oignon
Le premier sens est le plus connu. Le mot est dérivé de ūnus "un", issu de la racine IE *oi-no-.
Pour le troisième sens, celui qui nous intéresse ici, voici ce qu'en disent Ernout et Meillet : Rattaché ordinairement à ūnus : l'oignon aurait été ainsi désigné parce que, à la différence de l'ail, il a un tubercule isolé ; mais ce peut être une étymologie populaire. Mot dialectal ; le terme courant est cēpa, cēpulla. > esp. cebolla, fr. ciboulette, civette.
Dans le doute, Calvert Watkins, plus prudent en l'occurrence que Jacqueline Picoche, s'est gardé de placer l'anglais onion sous la racine *oi-no-. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11166 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Saturday 04 May 19, 17:07 |
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Dans le fil échalotte, on pourra lire ceci :
TLF a écrit: | et absolument ascalonia, « oignon d'Ascalon |
Je précise que cet ascalonia, du genre féminin, est une latinisation du grec ἀσκαλώνιον [ascalônion], même sens, dont le pluriel est ἀσκαλώνια [ascalônia], sauf erreur.
Amusante, cette terminaison -ônion, non ?
Voici ce que le TLF dit de l'étymologie de oignon :
Du lat. unionem, acc. de unio «sorte d'oignon qui n'a pas de caïeux» (Columelle) mais surtout att. à l'époque impériale dans le sens métaph. de «grosse perle», terme dial. en face du terme cour. caepa (d'où l'a. fr. cive* et l'a. prov. ceba, cf. encore ciboule) et qu'on rattache à unus «un» parce qu'à la différence de l'ail, il a un tubercule unique.
Ce n'est pas ce qu'on pourrait appeler une étymologie "savante". Quitte à recopier Ernout et Meillet (voir post précédent), l'auteur de cette notice aurait été bien inspiré d'user comme eux du conditionnel et d'ajouter, comme eux "mais ce peut être une étymologie populaire". |
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Pascal Tréguer
Inscrit le: 16 Dec 2012 Messages: 694 Lieu: Lancashire - Angleterre
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écrit le Monday 24 Jun 19, 18:29 |
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Glossophile a écrit: | Si vous ne voulez pas d'ognon, il va vous falloir rétablir montaigne et reprendre la prononciation correcte de châtagne...
Je m'explique : le son -gn- a d'abord été noté par le trigramme -ign-, d'où
o-ignon
monta-igne
chata-igne.
Puis, bizarrement,
montagne a aligné la graphie sur la prononciation ;
chataigne a aligné la prononciation sur la graphie ;
oignon a gardé et sa graphie, et sa prononciation.
La graphie ognon, la plus logique, le met d'accord avec montagne.
Le cas de la chatagne est desespéré, sauf à mener une dure castagne ! |
Dans son émission du 5 juin dernier, La langue peut-elle vraiment être sexiste ?, sur France Culture, Olivia Gesbert, dont on pourrait attendre mieux, a de nouveau illustré le débat récurrent sur la graphie, oignon ou ognon, de ce mot.
Selon elle en effet la graphie ognon représente une « simplification » (!) reflétant la prononciation du mot.
À l’appui de cette assertion, elle a diffusé une interview de son collègue de France Culture, l’inénarrable Alain Finkielkraut, de l’Académie française, qui prétendait que des élites ne sauraient imposer au peuple que le mot soit écrit ognon (oubliant ce faisant que l’élite que constitue l’Académie française a imposé la graphie oignon).
On trouve le même argument développé dans Éloge de l’oignon (6 avril 2017), par Frédéric Vitoux, de l’Académie française :
Citation: | À qui appartient la langue française ? À personne, bien entendu. Ou plutôt à chacun d’entre nous, puisqu’elle est notre bien commun, que nous en sommes les dépositaires. Ni des linguistes péremptoires, ni des conseillers pédagogiques grisés de leur pouvoir, ni même une sémillante ministre de l’Éducation ne sauraient la tripatouiller ou se l’approprier de leur seule initiative. Ils ne disposent d’aucune légitimité pour cela. Leur seul devoir, si du moins ils en étaient capables, serait au contraire de la préserver et d’en assurer la meilleure transmission possible, d’une génération à l’autre. Pas davantage. Ont-ils voulu il y a peu de temps, par un étrange coup de force, imposer des changements orthographiques que personne ne leur demandait à propos de quelques dizaines ou centaines de mots, la réponse la plus aimable qu’ils auraient alors méritée aurait tenu en une simple locution : « Occupez-vous de vos oignons ! »
Les oignons précisément !
Comme je les aime, ces braves, ces méritoires oignons qui ne demandaient rien à personne et que l’on a voulu malmener en dépit de leurs bons et loyaux services ! Qu’ils soient blancs, violets ou jaunes, ils donnent de l’esprit à nos plats. Font-ils pleurer quand on les épluche, ils nous mettent tout de même au comble du bonheur. Vous serez aux petits oignons, n’est-ce pas ? On les déguste aussi en tartes ou en soupes. Depuis le xive siècle, ils s’écrivent avec un « i » qui, en principe, ne se prononce pas – ce « i » semblable à une pelure dont cette plante potagère de la famille des Liliacées n’est pas avare.
Il faut se pencher sur eux. Préserver leur goût. Conserver leur fraîcheur originelle. Veiller sur toutes ces couches qui les constituent et dont le « i » fait donc partie ! Au diable les manipulations génétiques ou orthographiques issues de je ne sais quel laboratoire ou quel ministère, dont ils sont les victimes ! Mangeons bio et écrivons bio, par pitié ! Plus qu’un devoir de français, c’est une exigence de santé publique.
Comme les oignons, la langue est un organisme vivant. Qui ne cesse d’évoluer, de rejeter des peaux mortes. Il faut l’entretenir, l’enrichir, accompagner son développement, veiller à son bon usage – et telle est, en particulier, la mission de l’Académie française. Mais il ne faut surtout pas la violenter.
Convenons-en : le « i » d’oignon aurait pu tomber naturellement au fil des siècles, comme « montaigne » est devenu « montagne », « besoigne » « besogne » ou « roignon » « rognon », et nul n’y aurait trouvé à redire. Dans les propositions de rectification de l’orthographe de 1990, la graphie « ognon » avait été reconnue comme non fautive, sous réserve que l’usage, comme pour d’autres mots, l’entérine.
Mais voilà, il n’en a rien été.
Sur nos marchés, les maraîchers continuent à faire de la résistance. Ils vendent leurs bottes d’oignons comme ils l’ont toujours fait. Ils ne veulent pas qu’on dénature leurs produits ou la façon de les écrire, c’est la même chose. Conservateurs, ils ne le sont pas. Pour preuve, ils réprouvent l’usage des conservateurs comme des colorants et autres pesticides dans leurs légumes. Mais fidèles, oui, ils se revendiquent ainsi. Ils continuent de tracer bravement à la craie le mot « oignons » sur leurs ardoises. Leur révolte n’est pas élitiste. Elle est populaire.
Aucun doute, il faut les soutenir, il faut se placer derrière eux. En rang d’oignons, cela va sans dire. Et bon appétit ! |
Quatre ans auparavant pourtant, l’Académie française avait publié ceci :
Citation: | Dominique M. (Nice)
Le 29 août 2013
Courrier des internautes
En discutant avec ma grand-mère, nous sommes tombés sur un problème pour le mot « oignon ». Elle prononce [wagnon], alors que ça se dit [ognon]. Je lui ai expliqué qu’il y avait deux orthographes possibles, mais que ça ne changeait pas la prononciation. Pourquoi l’i ne se prononce-t-il pas comme dans « poignet », par exemple ?
Dominique M. (Nice, 7 mai)
L’Académie répond
Le nom oignon, que l’on peut aussi écrire ognon, est issu du latin unionem. Son orthographe a beaucoup varié. Au XIIe siècle, on écrivait unnium, au XIIIe siècle, oinum et oingnum. Les différentes éditions du Dictionnaire de l’Académie française témoignent aussi de ces hésitations. Dans les éditions de 1718 à 1762, on écrivait oignon ; en 1798, ognon, en 1835 et 1878, on proposait les deux formes ; en 1935 oignon ; dans l’édition actuelle, on écrit oignon en signalant qu’ognon est accepté.
En ce qui concerne oignon, on constate qu’il y a eu longtemps une hésitation pour l’orthographe des mots dans lesquels on trouvait le groupe -gn. Dans de nombreux cas on a écrit avec un i la voyelle qui précède. On a eu des formes montaigne, campaigne, aigneau. On a en français les formes poigne et pogne, et on hésite entre encognure et encoignure. |
Voici la justification donnée pour la graphie oignon dans la quatrième édition (1762) du Dictionnaire de l'Académie française :
Citation: | On ne prononce point l’I, mais il sert à mouiller le G. |
Et voici ce qu'en disait Jean-François Féraud (1725-1807) dans le troisième tome (1788) de son Dictionnaire critique de la langue française (1787-88):
Citation: | Oignon, ou Ognon, s. m. [Le 2d serait préférable, puisqu’on ne prononce pas l’i. L’Acad. dit qu’il sert à mouiller le g : cette raison ne me paraît pas fort bone [sic]. On mouille le g dans besogne, rogne, rogné, rognon etc. sans i.] |
En passant, on peut noter que la premiëre édition (1694) du Dictionnaire de l’Académie française, qui avait adopté la graphie rognon, notait :
Citation: | Quelques-uns escrivent encore Roignon. |
La cinquiëme édition (1798) du Dictionnaire de l’Académie française a adopté la graphie ognon, mais le second tome de la sixième édition (1835) a de nouveau établi oignon, indiquant :
Citation: | L'I ne se prononce point, mais il sert à mouiller le G. Quelques-uns écrivent, Ognon. |
Curieusement, le second tome (1935) de la huitième édition (1932-35) du Dictionnaire de l’Académie française maintient oignon, mais dit que dans le sens de bulbe de certaines plantes :
Citation: | on l'écrit souvent ognon. |
Enfin, le troisième tome (2011) de la neuvième édition (1992-...) maintient oignon, mais précise :
Citation: | Peut s'écrire ognon, selon les rectifications orthographiques de 1990. |
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