Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3510 Lieu: Nissa
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écrit le Thursday 02 Aug 18, 16:47 |
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Païen : (nom & adj.) qui pratiquait une des religions polythéistes de l'Antiquité.
Bien qu'ayant moi-même plus de sympathie pour les paganismes que pour les monothéismes, ce n'est pas par prosélytisme que je consacre un Mot du Jour (MdJ) à païen. Non, c'est pour mettre en garde les Babéliens.
Classiquement, chaque MdJ se doit d'être accompagné de son étymologie. Fort bien. Depuis plus de deux mille ans , s'appuyant sur la formation de ce mot grec d'après ἔτυμος [étumos] « vrai » et λόγος [ lógos] « parole », on pense ainsi atteindre le sens premier, vrai, du mot. Supposons — pour ne pas polémiquer — que ces notions aient un sens et admettons. Hélas, cette partie étymologique du MdJ se ramène souvent à exhiber l'étymon, quelquefois (rarement) avec une petite explication phonétique :
Le mot païen est issu du latin pāgānus « paysan ». L'accent étant sur le second ā, chute de la post-tonique um (à l'accusatif), affaiblissement du g en yod et nasalisation de la syllabe finale.
Et de colporter l'idée que le christianisme se serait d'abord répandu parmi les élites et que le monde rural serait resté plus longtemps le dépositaire des anciennes religions polythéistes. Par exemple :
« du latin paganus, paysan, de pagus, lieu de campagne, à cause que le paganisme persista plus longtemps parmi les gens de la campagne » (Émile Littré)
Facile, mais simplement tout faux. On oublie trop vite l'Histoire des Mots. Fort heureusement, la nouvelle lexicographie s'en soucie :
TLFi, s.u. païen, a écrit: | Du lat. paganus (de pagus, v. ce mot) proprement «du pagus, de la campagne, de village», empl. subst. «habitant du pagus, paysan, villageois»; employé à l'époque impériale au sens de «civil, bourgeois» opposé à «militaire» (Juvénal, Sat., XVI, 33; Tacite, Hist., 1, 53; 2, 14), p.ext. «amateur, profane» par rapport à un groupe soc. déterminé (celui des littérateurs professionnels, p.ex. ds Pline, Epist., VII, 25). Étant donné que dep. le iiies., les clercs se nommaient milites (Tertullien, Cast., 12), milites Dei (Cyprien, Ad Fort., 12), milites Christi (Id., Ep., 28, 2 ds Blaise Lat. chrét.) et désignaient par militia, militia Christi la milice chrét., la lutte pour la foi (Tertullien, Mart., 3; Cyprien, Ep., 56, 2; 58, 2, ibid.), ils furent amenés à utiliser le sens péj. de paganus «civil» pour qualifier ou désigner les païens: Tertullien, Idol., 20: pagana fides, ibid.; déb. ives., époque de l'édit de Milan, l'interprétation de pagana nata par «née païenne» (inscription de Catane, CIL t. X, no7112) est jugée possible par H. Grégoire et P.Orgels ds Mél. Smets [G.], 1952, pp.378-386; ca 355, M. Victorinus, In epist. Pauli ad Galatas, II, 3, ibid., p.379, note 3: qui [Titus] ... Graecus erat, id est paganus; cf. Augustin, Ep., 184 bis, 3, 5 ds Blaise Lat. chrét.: quos vel gentiles vel jam vulgo usitato vocabulo paganos appellare consuevimus. Le terme, évinçant gentiles, fut adopté par le style législatif au début du ves., époque où la législ. elle-même était devenue défavorable aux païens (409 loi de Honorius ds Code théodosien, XVI, 5, 46 ds Mél. Smets [G.], p.390, note 1). Cette hyp. paraît, du point de vue hist., préférable à celle, ant., qui faisait dériver païen de paganus au sens de «paysan» (en raison de la résistance de la population rurale au christ.), étant donné qu'au ives., la propagation du christ. occ. était loin d'être assez avancée pour que les paysans puissent être considérés comme les seuls païens et que ceux-ci soient désignés du nom de «paysans». |
Les païens n'étaient pas des paysans, mais de simples profanes, des civils face aux soldats du Christ qu'étaient les convertis, souvent agressifs (cf. le film Agora qui les présente sous leur jour peu évangélique). |
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