Voir le sujet précédent :: Voir le sujet suivant |
Auteur |
Message |
rejsl Animatrice
Inscrit le: 14 Nov 2007 Messages: 3680 Lieu: Massalia
|
écrit le Tuesday 10 Jan 12, 13:07 |
|
|
Merci Papou pour l'explication. Ainsi, dans le samedi du français moderne, seul le e de la deuxième syllabe viendrait de cette étymologie populaire? Et le retour au a de samedi ( première syllabe) ne serait pas le fait d'une évolution phonétique propre à la langue mais un retour voulu, conscient au sabbaton ou sambaton d'origine?
c'est ce que je crois comprendre à partir du Tlfi, je n'ai malheureusement pas le Robert historique à disposition...
Par ailleurs, oui, à l'origine la semaine chez les premiers chrétiens se calquait sur la semaine hébraïque, commençait le dimanche et se terminait par le samedi qui était le septième jour. L'introduction du dimanche comme jour du repos et jour du Seigneur avait pour but de se démarquer du judaïsme et est due à un décret de Constantin ( Jour du Soleil , d'où le Sonntag allemand).
La langue allemande garde une trace de cet ancien calendrier biblique puisque le mercredi n'y est pas dédié à Mercure. Il se dit Mittwoch où Woch(e) désigne la semaine et Mitt(e) le milieu, une traduction littérale du latin media hebdomas = "le jour qui est au milieu des sept " donc au milieu de la semaine. Pour que cela ait pu un jour coïncider, il a fallu donc que le samedi soit autrefois à la fin de ces sept jours!
Aujourd'hui, je crois bien que seul l'État d'Israël termine officiellement la semaine par le jour du samedi, le shabbat, שבת en hébreu, qui est un jour de repos, non travaillé.
En fait, dans le découpage du temps hébraïque, le nouveau " jour" , la période de temps qui va durer 24 heures, commence le soir au coucher du soleil. Autrement dit, le שבת , le samedi, commence à un moment qui est pour les non-israélites et/ou non-israéliens le vendredi soir. Et la nouvelle semaine commence à un moment qui se situe ici en France le samedi soir.
En yiddish, on l'écrit comme en hébreu, שבת , mais il se dit shabbes .
שבת venant de שבע = 7 (voir rectification plus bas), nous a aussi donné sabbatique, l'année sabbatique signifie au sens biblique la septième année , aux États-Unis ce fut une année de congé donnée tous les sept ans aux professeurs d'université pour se consacrer à leurs recherches , puis par analogie , c'est devenu ( cf, congé sabbatique) la possibilité de prendre un congé exceptionnel d'une durée comprise entre six et onze mois pour réaliser un projet personnel. Il n'y reste plus grand chose du chiffre sept... |
|
|
|
|
Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11169 Lieu: Meaux (F)
|
écrit le Tuesday 10 Jan 12, 13:50 |
|
|
rejsl a écrit: | Merci Papou pour l'explication. Ainsi, dans le samedi du français moderne, seul le e de la deuxième syllabe viendrait de cette étymologie populaire? Et le retour au a de samedi ( première syllabe) ne serait pas le fait d'une évolution phonétique propre à la langue mais un retour voulu, conscient au sabbaton ou sambaton d'origine? |
On peut dire ça. Comme il y avait aussi un m dans septem, on avait donc deux bonnes raisons de le garder.
rejsl a écrit: | Aujourd'hui, je crois bien que seul l'État d'Israël termine officiellement la semaine par le jour du samedi, le shabbat, שבת en hébreu, qui est un jour de repos, non travaillé. |
Dans la dénomination des jours de la semaine en arabe, du dimanche au jeudi, ça correspond aux numéros : 1, 2, 3, 4, 5.
Le vendredi, c'est le jour de la Réunion (à la mosquée)
Et le samedi, c'est comme dans presque dans toutes les langues, yom es-sabt, d'après sabbath.
rejsl a écrit: | En yiddish, on l'écrit comme en hébreu, שבת , mais il se dit shabbes . שבת venant de שבע = 7, nous a aussi donné sabbatique, l'année sabbatique signifie au sens biblique la septième année |
À ce que je vois, tu confonds toi aussi - comme beaucoup de gens - deux racines, celle qui signifie sept et celle qui signifie repos. Elles se ressemblent un peu, c'est vrai, mais ce sont néanmoins deux racines différentes, en hébreu, en arabe, et probablement en yiddish, à moins que ce ne soit le yiddish qui les confonde. |
|
|
|
|
rejsl Animatrice
Inscrit le: 14 Nov 2007 Messages: 3680 Lieu: Massalia
|
écrit le Tuesday 10 Jan 12, 14:11 |
|
|
Le yiddish en tant que langue déforme la prononciation des termes hébraïques qu'il s'approprie, rien de plus. La confusion vient seulement de ma petite personne...
Donc, rectification:
שבע, repos, cessation, nous a aussi donné sabbatique, l'année sabbatique signifie au sens biblique année de repos ( Deutéronome) ayant lieu une septième année. Aux États-Unis ce fut une année de congé donnée tous les sept ans aux professeurs d'université pour se consacrer à leurs recherches , puis par analogie , c'est devenu ( cf, congé sabbatique) la possibilité de prendre un congé exceptionnel d'une durée comprise entre six et onze mois pour réaliser un projet personnel. |
|
|
|
|
Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11169 Lieu: Meaux (F)
|
écrit le Tuesday 10 Jan 12, 16:31 |
|
|
C'est si vrai que le nombre d'années de travail qui sépare deux années sabbatiques n'est pas forcément de sept, crois-je savoir. |
|
|
|
|
Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3511 Lieu: Nissa
|
écrit le Saturday 25 Jan 20, 17:38 |
|
|
rejsi a écrit: | Aujourd'hui, je crois bien que seul l'État d'Israël termine officiellement la semaine par le jour du samedi |
On oublie toujours les Grecs d'aujourd'hui, comparer :
δευτέρα « lundi » et δεύτερος « deuxième » … |
|
|
|
|
Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11169 Lieu: Meaux (F)
|
écrit le Saturday 25 Jan 20, 17:59 |
|
|
Dans le fil Les jours de la semaine, on pourra vérifier que dans la grande majorité des langues, les jours de la semaine sont nommés du dimanche au lundi avec des termes de la famille des nombres de 1 à 7.
Cela dit, la question du rapport entre les noms du samedi et du sept en sémitique mérite réflexion. J'y reviendrai.
Pour le moment, notons que l'auteur de l'article "7" dans wikipedia mêle allègrement le sémitique à l'indo-européen :
Le mot sept vient du latin septem « sept », dont la racine se retrouve dans toutes les langues indo-européennes : germanique *sebun (gotique sibun, allemand sieben, anglais seven), vieux slave sedmĭ, lituanien septyni, celtique *sextan (vieil irlandais secht, gallois saith, breton seiz) et sanskrit saptá, tous de l'indo-européen *septm. Les mots arabe sebt et hébreu shabbat signifient tous deux « septième jour ».
C'est faux, mais la coïncidence est évidemment troublante. |
|
|
|
|
Xavier Animateur
Inscrit le: 10 Nov 2004 Messages: 4088 Lieu: Μασσαλία, Prouvènço
|
écrit le Saturday 25 Jan 20, 20:12 |
|
|
Concernant Israël, je pense que rejsl voulait dire que le dimanche n'est pas chômé ; le samedi juif correspond au dimanche chrétien. |
|
|
|
|
Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11169 Lieu: Meaux (F)
|
écrit le Monday 03 Feb 20, 6:07 |
|
|
En complément, voir aussi le fil Sabbat du Café Babel. |
|
|
|
|
Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11169 Lieu: Meaux (F)
|
écrit le Friday 07 Feb 20, 8:50 |
|
|
J’ai assisté hier à un exposé sur l’origine du mot et de la chose, par Michel Nicolas, très bon connaisseur des langues et mythologies sémitiques. Voici sa thèse :
Les Hébreux ont rapporté ce mot de leur exil babylonien. À Babylone, le mot akkadien šabattu ou šapattu désignait le moment du mois où la Lune semblait faire une pause dans sa course céleste, à savoir la nuit de pleine lune et aussi les deux nuits de demi-lune, autrement dit les 7e, 14e et 21e nuits du mois, la plus importante restant la 14e, celle de la pleine lune, à juger par le fait que šabattu en est venu à signifier “période de quatorze nuits, quinze jours, deux semaines”, “a fortnight” comme on dit en anglais.
À Babylone, la Lune étant la plus révérée des trois divinités célestes, plus que le Soleil et Vénus, il n’est pas étonnant que les auteurs de la Genèse aient adapté le mythe babylonien à la religion hébraïque et récupéré cette notion de pause divine marquant la fin du travail du Créateur.
Michel Nicolas reconnait par ailleurs la présence dans ce mot de la séquence sémitique BT “faire une halte”, bien représentée en arabe par les racines
بات bāta passer la nuit qqpart (> bayt maison, cf. Betléhem)
بتا batā s’arrêter, faire halte
بتأ bata’a s’arrêter, faire halte
ثبت ṯabata occuper un endroit, s’y placer
خبت ḫabata jouir de la tranquillité, de la paix
وبت wabata rester en place, faire halte
وتب wataba rester fixé à une place sans bouger (séquence TB)
J’ajouterais pour ma part le rôle de la séquence ŠB “donner un coup, couper”, séquence bien repérable en arabe (SB) dans les racines
سبّ sabba couper
سبأ saba’a fouetter quelqu’un avec un fouet jusqu’au sang
سبد sabada et سبرد sabrada raser le poil, les cheveux
سبع saba‛a frapper, assaillir
سأب sa’aba étrangler qqn
رسب rasaba s’enfoncer, pénétrer dans un corps (tranchant d’une lame)
لسب lasaba donner à quelqu’un un coup de fouet
Mais, plus révélateur encore, est la présence du parallélisme couper // se reposer non seulement dans la racine
سبت sabata couper, retrancher, raser // se reposer, dormir (> Sabbat)
... mais aussi dans
سبح sabaḥa creuser dans la terre ; se disperser de tous côtés // être tranquille, dormir
سبخ sabaḫa s’écarter, s’éloigner // n’être occupé à rien ; dormir d’un sommeil profond
Rien de surprenant : le break anglais et franglais ainsi que le sens figuré de notre propre coupure nous montrent bien que la métaphore coupure > pause dans l’activité n’est pas propre aux langues sémitiques.
Pour conclure, je dirais donc que l'akkadien ŠBT “pause de la Lune” est le probable résultat du croisement des séquences sémitiques ŠB “couper” et BT “faire une halte nocturne”. |
|
|
|
|
Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11169 Lieu: Meaux (F)
|
écrit le Friday 07 Feb 20, 10:24 |
|
|
Quelques autres exemples du parallélisme coup, couper // se reposer, faire halte en arabe :
بسر basara IV. creuser la terre encore intacte // s’arrêter sur mer (navire)
بقر baqara fendre, ouvrir en fendant // V. et بيقر bayqara faire halte dans un village
بلد balada faire halte, s’arrêter et séjourner dans un lieu // III. s’escrimer avec qqn, se battre au sabre ou au bâton
بنق banaqa II. s’arrêter, faire halte // frapper, cingler le dos avec un fouet
دبأ daba’a être en repos, se reposer // frapper avec un bâton
رهك rahaka broyer entre deux pierres // s’arrêter, faire halte
سدح sadaḥa abattre, jeter à terre (en égorgeant un animal) // s’arrêter, faire halte
صقر ṣaqara briser les pierres, frapper qqn d’un bâton // V. s’arrêter, faire halte
ضرب ḍaraba frapper, battre // IV. s’arrêter, faire halte
عرش ‛araša frapper qqn au cou // s’arrêter, faire halte
قنّ qanna frapper qqn d’un bâton // VIII. se reposer – X. faire halte avec ses troupeaux |
|
|
|
|
Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11169 Lieu: Meaux (F)
|
écrit le Friday 07 Feb 20, 17:11 |
|
|
Sur le dieu de la Lune de la Mésopotamie antique : Sîn.
Autre chose : samedi en akkadien se disait ūm sēbe, le 7e jour. Où l'on voit que les deux racines n'ont que le B en commun. C'est peu pour établir une parenté. |
|
|
|
|
|