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Jacques
Inscrit le: 25 Oct 2005 Messages: 6525 Lieu: Etats-Unis et France
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écrit le Saturday 29 Apr 06, 13:01 |
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muguet
- Convallaria majalis, plante herbacée de la famille des liliacées (comme le lis)
Le mot muguet vient de l’ancien français mugue (musc), en raison de son parfum. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11173 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Thursday 20 Feb 20, 11:55 |
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Pour le TLF, muguet serait un empr. au b. lat. muscus (...), empr. au gr. μόσχος, lui-même empr. au persan musk, de même sens, qui viendrait soit du sanskrit muṣká- «testicule», soit de l'iranien *muska «testicule».
J'en doute fort, quelle que soit l'odeur des testicules.
Mes propres sources me disent que le persan misk est plus probablement issu de l'arabe مسك misk musc.
Si bien que le grec μόσχος pourrait être d'origine sémitique plutôt qu'iranienne.
(On va encore dire que je vois du sémitique partout... Tant pis !)
Cela dit, musc se dit plus couramment mušk en persan, et ce mušk est, lui, probablement d'origine iranienne. |
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embatérienne Animateur
Inscrit le: 11 Mar 2011 Messages: 3862 Lieu: Paris
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écrit le Thursday 20 Feb 20, 14:41 |
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Papou JC a écrit: | Pour le TLF, muguet serait un empr. au b. lat. muscus (...), empr. au gr. μόσχος, lui-même empr. au persan musk, de même sens, qui viendrait soit du sanskrit muṣká- «testicule», soit de l'iranien *muska «testicule».
J'en doute fort, quelle que soit l'odeur des testicules.
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Le chevrotin ou porte-musc possède une glande de la taille d'une petite orange, placée sous la peau de l'abdomen et produite pendant la période du rut. C'est de cette glande que vient le musc. Que les Anciens aient associé cette glande abdominale qui apparaît pendant le rut à un testicule n'aurait rien de bien étonnant. Pour la civette, c'est aussi un peu la même chose, quoique, si j'ai bien compris, la glande se trouve plus près des parties anales.
Et n'oublions pas le spermaceti, qui pourtant vient de la tête des baleines ! |
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Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3510 Lieu: Nissa
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écrit le Thursday 20 Feb 20, 16:26 |
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Beaucoup de légèretés dans tout cela.
D'abord, ramener sans plus de précision muguet à muscus, évolution phonétique étrange que le TLF qualifie : Mugue est issu de musc* par un développement inexpliqué …
La réticence à parler de testicules alors qu'il est partout précisé que cette substance odoriférante se développe en période de rut chez le mâle et s'accumule dans une poche située dans l'abdomen et on parle aussi de glande caudale (TLF, Moschidae).
Enfin, la référence à l'arabe alors que l'animal producteur, le chevrotain porte-musc a pour domaines la Sibérie, l'Afghanistan, l'Himalaya et le Tibet !
Enfin, restons simples, un organe qui est une glande sphérique d'environ 30g peut fort bien être désigné comme « petite souris » aussi bien que le muscle ou la moule l'ont été. C'est d'ailleurs le point de vue de Mayrhofer (KEWA, s.u. muṣka) :
Ursprünglich "Mäuschen" [initialement « petite souris »].
Et, dans le dictionnaire de Monier-Williams :
muṣka m. (fr. muṣ = mūṣ + ka?) ‘little mouse’, a testicle, the scrotum, RV. &c. &c.
(du.) pudenda muliebria, AV. ; VS. ; TS. |
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Xavier Animateur
Inscrit le: 10 Nov 2004 Messages: 4087 Lieu: Μασσαλία, Prouvènço
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écrit le Thursday 20 Feb 20, 18:34 |
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En ancien français, on a muguette (adjectif) : "de muscade".
Nois muguette : noix muscade. Ce terme vient de l'ancien provençal nots muscada ("noix musquée"), lui-même de musc.
D'où aussi : muscat :
raisin muscat : à odeur musquée,
vin muscat, ou muscat (vin de liqueur produit avec du raisin muscat)
Et muscadet, vin blanc du pays nantais.
On disait aussi autrefois : raisin musqué, vin musqué.
En ancien français (Godefroy) :
muguetter : cajoler, "faire l'amour"
muguetteur : cajoleur
muguetterie : cajolerie |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11173 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Thursday 20 Feb 20, 19:13 |
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... et, pour désigner un jeune élégant parfumé, le musguet a précédé le muscadin. |
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embatérienne Animateur
Inscrit le: 11 Mar 2011 Messages: 3862 Lieu: Paris
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écrit le Thursday 20 Feb 20, 19:57 |
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Papou JC a écrit: | ... et, pour désigner un jeune élégant parfumé, le musguet a précédé le muscadin. |
Musguet est une forme ancienne pour la plante.
Pour le jeune élégant, c'est déjà muguet, du moins chez Noël du Fail que cite le TLF. Le passage est d'ailleurs savoureux :
https://books.google.fr/books?id=rbyRi4A9-r8C&pg=PA360#v=onepage&q&f=false
Le mot signifie moins parfumé que galant, comme le montre l'association avec les autres expressions comme "mignon de couchette", suffisamment parlant mais dont j'aime la définition de cette édition tardive de Richelet :
https://books.google.fr/books?id=-dU-AAAAcAAJ&pg=PA638#v=onepage&q&f=false
Brantome n'est pas tendre avec les mignons de couchette :
Citation: | Dans ses Discours sur les colonels de l'infanterie de France, Brantôme rapporte ainsi que des gens de guerre affichent leur morgue envers certains courtisans, qu'ils qualifient de « petitz mignons molz, efféminez » : « Ah ! disoient-ilz, ce sont des mignons de court, des mignons de couchette, des pimpans, des douilletz, des frizez, des fardez, des beaux visages. Que sçauroient-ils faire ? ce n'est pas leur mestier que d'aller à la guerre : ilz sont trop délicatz, ilz craignent trop les coups. » |
https://fr.wikipedia.org/wiki/Mignon_(histoire)
Pour revenir à notre "muguet", Littré donne cette définition et ces exemples :
Citation: | 2 Fig. Nom donné aux jeunes gens faisant profession d'élégance et de galanterie, parce qu'ils se parfumaient avec des essences de muguet.
"Muguet, mot de satire ou de comédie", Malherbe, Comment. sur Desportes, t. IV, p. 369.
"Dis-moi un peu, quel est ce muguet qui se rencontre à toutes les promenades que fait ma nièce ?" Hauteroche, Cocher supposé, sc. 3.
"La bonne dame et le jeune muguet", La Fontaine, Gag.
"Ne voudriez-vous point, dis-je, sur ces matières De vos jeunes muguets m'inspirer les manières ?" Molière, Éc. des mar. I, 1.
"J'entends… Qu'aux discours des muguets elle ferme l'oreille", Molière, ib. I, 2.
"Mon père, dit-elle au président, j'éprouve le besoin de répondre à ce muguet ; je demande la parole", Reybaud, Jér. Paturot, I, 2. |
https://www.littre.org/definition/muguet
Il aurait pu aussi citer Dumas dans La Dame de Monsoreau :
Oui, muguet, dit Monsoreau, oui, mignon de couchette, je te provoque.
https://books.google.fr/books?id=VltSDwAAQBAJ&pg=PA60#v=onepage&q&f=false |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11173 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Friday 21 Feb 20, 9:25 |
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Xavier a écrit: | En ancien français, on a ...
muguetter : cajoler, "faire l'amour" |
Oui, et aussi "espionner", probablement sous l'ingluence de guetter. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11173 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Friday 21 Feb 20, 9:34 |
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Outis a écrit: | ...ramener sans plus de précision muguet à muscus, évolution phonétique étrange que le TLF qualifie : Mugue est issu de musc* par un développement inexpliqué … |
N'y a-t-il pas d'autres cas où une séquence (latine ou germanique) -sc- évolue en -g- ?
L'amuissement d'un s est fréquent (cas du préfixe mes-) et aussi la sonorisation d'un c (cas de secundus). Est-ce l'addition des deux qui pose problème ?
(Mais suis-je autorisé à poser des questions ?) |
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Jeannotin Animateur
Inscrit le: 09 Mar 2014 Messages: 879 Lieu: Cléden-Poher
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écrit le Friday 21 Feb 20, 20:14 |
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Oui. La chute du -s- est postérieure de plusieurs siècles avec la lénition -c- > -g-. Compare avec musca > mouche. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11173 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Friday 21 Feb 20, 21:26 |
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Merci ! As-tu une explication personnelle pour ce muscus qui aurait abouti à muguet via musguet ? |
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Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3510 Lieu: Nissa
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écrit le Saturday 22 Feb 20, 9:01 |
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Jeannotin a écrit: | La chute du -s- est postérieure de plusieurs siècles avec la lénition -c- > -g-. |
Je veux bien mais ça n'explique pas tout. Tant que le s est présent il devrait soutenir la surdité de l'occlusive k qui devrait évoluer en š, justement comme dans mouche. Puis, plus tard, la chute du s devrait allonger le u. En français, un traitement anormal doit y être justifié. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11173 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Saturday 22 Feb 20, 9:49 |
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Voici l'explication donnée par Pierre Guiraud dans son Dictionnaire des étymologies obscures :
Quelle que soit la parenté sémantique entre le musc et le muguet et, par conséquent, morphologique entre muguet et l’ancien muque "musc", il est difficile de voir en ce dernier une forme de musc.
Plus vraisemblablement mugue « musc » est une forme archéosavante de mucus, sur le modèle siegle, aveugle, etc. dans lesquels la vocalisation du -c- intervocalique n’a pas été poursuivie jusqu’au bout, sans doute du fait que le mot appartenait au langage de l’alchimie et de la médecine.
Sémantiquement, le musc a dû être considéré – par les professionnel – comme une mucosité, ce qu’il est effectivement : « Cette enveloppe contient de nombreuses excavations et des plis très prononcés. Chaque excavation contient deux corpuscules ou plus, aplatis, généralement ovales, ou d’un brun rouge. Ces corpuscules sont formés par une membrane très mince, renfermant une petite masse brunâtre qui est considérée comme l’organe glandulaire qui secrète le musc. » (Lar. XIXe s.).
Ajoutons que le muguet – mais aussi le lilas, le mélilot, la cardamine des prés, le narcisse à bouquet, etc. – pourrait bien tirer son nom de son aspect glandulaire non moins que de son hypothétique parfum. Tel aussi paraît être le cas du muguet (des petits enfants « inflammation de la muqueuse buccale avec exsudation blanchâtre. » Quant au muguet « jeune élégant », il reparaîtra sous la forme de muscadin.
Cette double hypothèse – phonétique et sémantique – est confirmée par la forme ancienne muglas, muquelias « musc » qu’on rapprochera du latin muculentus « muqueux » qui autorise la reconstruction d’un type *muculaceus.
On voit comment la sémantique rejoint la phonétique : il fallait des « savants » pour reconnaître la nature mucilagineuse du musc et un mot « savant » pour bloquer l’évolution normale de mucus > mugue.
Cela dit, la double parenté de mucus et muscus n’a pu que favoriser le croisement des deux formes.
À la lumière de cette hypothèse, on peut se demander si le muguet "jeune élégant" n'est pas à rapprocher du morveux plutôt que du musqué... mais bénéficiant, lui, des connotations de la fleur et de son parfum.
Cf. aussi le muchacho et le mozo espagnols..., le mousse français ? Tous des morveux ? |
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