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Xavier Animateur
Inscrit le: 10 Nov 2004 Messages: 4087 Lieu: Μασσαλία, Prouvènço
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écrit le Thursday 27 Aug 20, 11:35 |
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harraga : brûleurs de frontières, c'est-à-dire migrants clandestins. Il sont originaires du Maghreb (Tunisiens, Algériens notamment) qui quittent leur pays sur des radeaux de fortune pour tenter d'atteindre l'Eldorado européen.
Je conserve la forme au pluriel, le singulier étant harrag.
L'action : harga.
En arabe : حراقة
Voir Wikipédia : harrag
Lu dans Le Monde (26 août 2020) :
« Cette traversée ne peut rapporter que la mort » : en Tunisie, les familles pleurent leurs harraga.
Voir عرس la racine arabe étudiée par Papou, sur ce sujet (chapitre IV)
J'ajoute ce passage : Mobilités d'Afrique en Europe: Récits et figures de l'aventure, par Catherine Mazauric
Au cri des harraga d'Algérie, "Al ḥarga wala ḥogra !" répond celui des jeunes Sénégalais, partant à l'assaut des vagues de l'Atlantique sur de fragiles pirogues : "Barça wala Barsakh !" Voir Barcelone ou bien mourir ! Plutôt brûler que d'être humilié ! Cri héroïque d'aventuriers affirmant ainsi leur courage.
émigrer, brûler : Fatima Nabila Moussaoui rappelle qu'il s'agit d'une hadda (offensive) qui passe par une harga (brûlure)
hadda : destruction, démolition
du verbe hadd : abattre, mettre à bas, assaillir
al-hadda suggère l'action d'anéantir une limite et comporte en même temps l'idée implicite que la frontière est une construction imposée et contraignante. Tout candidat à une telle hadda aspire à démolir et à défaire une frontière, parce qu'elle entrave ambitions et contrarie ses attentes.
Ce terme hadda permet de mieux comprendre le contexte.
Lire aussi ce mémoire d'étudiant
Harraga, un praxème en circulation dans l’espace médiatique : catégorisation et discours de représentations (Wafia BELIDAM, 2013) |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11173 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Thursday 27 Aug 20, 15:10 |
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Xavier a écrit: | harraga : brûleurs de frontières |
Moins métaphoriquement, je vois surtout qu'ils brûlent leurs papiers et se brûlent les doigts, pour empêcher leur identification.
Ils doivent aussi brûler de désir et de colère...
Le mot espagnol moraga est probablement issu de la même racine.
Bien triste phénomène...
Voir aussi hirak. Autre racine, mais même étymon et même sémantisme brûlant, quoique à un degré moindre. |
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Xavier Animateur
Inscrit le: 10 Nov 2004 Messages: 4087 Lieu: Μασσαλία, Prouvènço
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écrit le Friday 28 Aug 20, 11:24 |
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En complément du lien cité que j'avais à peine lu,
l'auteur, Wafia Belidam, présente des exemples :
hrag le feu rouge : brûler/griller un feu rouge
Il est passé devant moi harraga (utilisé comme adverbe de manière)
la personne est passée sans s’arrêter ou dire bonjour, dans le sens de : elle a omis les règles de courtoisie.
D'où le sens de : "transgresser une loi morale ou juridique".
L'idée de "brûleur de frontières" est ambiguë.
C'est un brûleur de frontière, dans le sens où il ne respecte pas la loi (comme le brûleur de feu rouge).
Mais il ne s'agit pas de brûler les frontières dans le sens de les abolir.
Cela évoque plutôt l'idée de clandestinité, avec son caractère illicite. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11173 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Friday 28 Aug 20, 12:34 |
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Oui, bien sûr. Mais il faudrait voir le syntagme "brûleur de frontières" en arabe, pour avoir la certitude que la locution existe, et qu'elle n'est pas une invention de journaliste.
La comparaison avec "griller un feu rouge" est très éclairante. Le problème, c'est la traduction : on ne dit pas un "grilleur de feux rouges" en français... Et on ne dit pas non plus "griller une frontière"... En tout cas, on voit que griller est meilleur que brûler. |
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Xavier Animateur
Inscrit le: 10 Nov 2004 Messages: 4087 Lieu: Μασσαλία, Prouvènço
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écrit le Friday 28 Aug 20, 13:03 |
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Je pense qu'il s'agit effectivement d'une invention. Il vaut mieux le considérer comme un néologisme. L'Algérie est un pays multilingue dans lequel l'arabe dialectal et le français sont en contact.
On peut envisager une évolution arabe dialectal (qui brûle/grille quelque chose) > français (néologisme) employé dans le sens brûleur-transgresseur des lois, c'est à dire migrant clandestin (qui va dans un autre pays illégalement) > arabe dialectal dans ce sens spécifique.
Le sens exact, en français, me semble plutôt être : migrant clandestin, originaire de l'Algérie ou Tunisie.
L'idée de "brûleur de frontière" permet d'expliquer l'étymologie du mot. Mais s'agit-il vraiment de frontière ? En général ce terme concerne la frontière terrestre.
Comme la frontière qui sépare le Maroc des enclaves espagnoles.
On peut "brûler" une frontière, c'est à dire griller le feu rouge du poste frontalier, de la police des frontières, ou faire le mur. Mais on ne brûle pas le mur, on ne veut pas l'abattre, on veut simplement le franchir.
Les migrants ne souhaitent pas que les enclaves espagnoles deviennent marocaines (absence de frontière), ils veulent devenir Espagnols ou Français.
La frontière dont il est question, c'est la Méditerranée. Peut-on brûler la mer ? C'est l'idée d'illégalité que ce terme évoque. |
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