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dawance
Inscrit le: 06 Nov 2007 Messages: 1887 Lieu: Ardenne (belge)
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écrit le Thursday 18 Aug 22, 21:48 |
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Gaston Zink, professeur à la Sorbonne est l'auteur de la "Phonétique historique du français", la référence ici en la matière.
Il n'y est pas question du wallon et je vais faire un peu de phonétique comparative, malgré les risques de déviations possibles avec cette façon de voir.
Zink, p.45, Citation: | Zink p.45 « Dans un mot syncopé comme arb(ŏ)re la rencontre des trois consonnes rbr ne constitue pas une gêne articulatoire : b forme spontanément avec r² le groupe conjoint br bien représenté dans la langue (NDLR : française), même après un r implosif… » |
Tel n’est pas le cas du wallon qui refuse ce groupe consonantique en finale ; d’abord l'amuïssement –br- > b puis –rb- > b, soit rbr > -b.
Alors, avec un allongement dit « compensatoire », le wallon primitif simplifie: âbe. Il est resté inchangé.
Poursuivons Zink :
Citation: | « Il n’en est pas de même dans tous les cas. La chute de e dans un mot tel que num(ĕ)rum…produit un b propre à former avec r une suite explosive :…m/br, numbru.
Dans une première série, elle naît d’une dénasalisation du m bilabial ou de n dental. » |
Continuons un moment la phonétique comparative, en l’occurrence avec le wallon primitif :
lat. fr. wallon:
pōnĕre pondre pon-re
cinerem cendre cin-re
simulare sembler son-ler
Citation: | « Une deuxième série tire une occlusive …(p.46). Il en résulte une « dentalisation ». |
Tel n’est pas le cas du wallon :
cō(s)ere (lat.pop.) coudre keûse (on verra ailleurs la production de ce [Ø] « par coalescence »)
mŏ(l)ĕre moudre moûre
On voit que wallon résout différemment l'hiatus apparu après l’amuïssement consonantique.
Cas où le groupe str existe déjà en latin :
nostru(m) nostre nosse
et où il n’existe pas :
ess(ĕ)re estre esse [èsse]
Les wallons nomb’ et comb’ (peu utilisé) sont des emprunts au français.
Revenons à arb(o)re qui est aussi l’étymon du correspondant wallon. Il ne faut pas être grand clerc pour voir que le groupe rbr est refusé en wallon dès l’époque de sa naissance. Il faut en effet voir la différence qu’il y a entre symptôme et diagnostic, entre prendre la température, voire constater de la paranoïa, etc, et déceler la ou leurs causes et d’y remédier , de constater certains phénomènes de mécanique quantique sans les comprendre. (A la question :Qu'estce qu'un atome ?, Bohr disait à peu près :« les expliquer ? Alors à ce moment, on saura ce que comprendre veut dire.)
Donc je constate que le wallon est gêné par ce rbr, ce Konsonantenkluster ( disons KSK, c’est plus court).
Mais cet arbre cache la forêt. Nombreux en wallon sont les KSK refusés, puis amuïs, partiellement ou totalement. Nous avons vu ci-dessus quelques exemples de KSK refusés. Voir dans un autre chapitre cet important sujet.
On voit mieux la ténacité de cette loi phonétique si l’on a écouté récemment un comique liégeois pratiquer l’autodérision à la télé : (c’est du français de Liège tout à fait actuel !)
Lui - Je dois aller à la posse.
Elle - à la poste !
Lui – oui, chercher des timbes
Elle – des timbres !
Lui – oui, avec mon onke.
Elle – ton oncle !
Lui – oui, comme vous dites
Il y a aussi les tigues, les tâbes, un aigue ou un nègue ; bon, la bibliothèque est ouverte à tous pour les finales faites d’une consonne jointe à une liquide (l ou r) ou encore d’un st ou similaire. |
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Cligès
Inscrit le: 18 Jul 2019 Messages: 889 Lieu: Pays de Loire
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écrit le Friday 19 Aug 22, 9:08 |
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dawance a écrit: |
cō(s)ere (lat.pop.) coudre keûse (on verra ailleurs la production de ce [Ø] « par coalescence »)
mŏ(l)ĕre moudre moûre
On voit que wallon résout différemment l'hiatus apparu après l’amuïssement consonantique.[
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En français commun, il n'y a pas d'hiatus puisque le ĕ subit la syncope ; il faut donc poser :
- cos(ĕ)re > *cosre > cosdre > coudre,
- mol(ĕ)re > *molre > moldre > moudre. |
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dawance
Inscrit le: 06 Nov 2007 Messages: 1887 Lieu: Ardenne (belge)
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écrit le Friday 19 Aug 22, 23:33 |
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Oui, bien sûr, selon Zink, et il n'y a ici nullement l'intention de le renier. Dans ce sujet, il est question d'une comparaison avec le wallon (ce qui n'est pas ma tasse de thé), mais fait apparaître une divergence dans l'évolution phonétique, "des causes pseudo-identiques ne produisant pas les mêmes effets" (telles celles de la météo et l'effet papillon ?). |
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Cligès
Inscrit le: 18 Jul 2019 Messages: 889 Lieu: Pays de Loire
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écrit le Saturday 20 Aug 22, 8:48 |
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Ce n'est pas seulement d'après Zink, mais d'après tous les phonéticiens. Cette syncope intervient dès le latin classique, même si l'orthographe ne l'enregistre pas. A terme, tous les proparoxytons la connaîtront en français. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11172 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Saturday 20 Aug 22, 10:46 |
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Pour info, les choses se passent différemment en castillan où l'on va aboutir, avec les mêmes formes latines, à coser et moler. |
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Cligès
Inscrit le: 18 Jul 2019 Messages: 889 Lieu: Pays de Loire
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écrit le Saturday 20 Aug 22, 15:30 |
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C'est là qu'on voit que le français s'est plus éloigné du latin que les autres langues romanes. |
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dawance
Inscrit le: 06 Nov 2007 Messages: 1887 Lieu: Ardenne (belge)
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écrit le Saturday 27 Aug 22, 13:26 |
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Continuons ce "bouleversement vocalique", comme dit Zink.
Quelques remarques" de Remacle ("Le problème de l'ancien wallon", mais il y en a bien, plus):
-Voyelles caduques
u = i
prumî ou primî, premier
duzeûr = dizeûr, dessus
-Voyelle épenthétique
Bien connue des Français, et déjà sur les murs de Pompéi : iscola
Le wallon dit scrîre, ståve ou stâ, étable, (des) spènes, mais ine sipène (par euphonie), etc..
-Le a wallon à l’initiale
Accessoirement parce que rare, « cette prédilection de la voyelle a à l’initiale » (Remacle) :
septimana > w samin-ne, semaine, moneta manôye, monnaie,…
-a accentué libre > é
En wallon il donne é [e] dans les cas suivants :
patrem pére père ; fratrem fré, frère ; sălem sē sel ; vădum wé gué ; westique haton hére haïr (Chimène: Va-z-è, dji-n-ti hé nin! )
-ĕ accentué libre > î
mĕdu mî hydromel ; pĕtra pîre (Pîre)
NB nos voisins du nord : NL Peter & Pieter [pi :tƏr] (patois Piet)
-Diphtongaison du ĕ entravé
ferrum fièr, exactement comme en roumain, fer (espagnol hierro) ; ivièr hiver ;nièr nerf ; vièr vers
testa fièsse fête ; besta biesse bête ; testa tièsse tête (même diphtongaison qu’en espagnol fiesta)
Assez pour aujourd'hui.
Restent les mutations ŏ en ou, du ou en o, du maintien du u latin ou non, des nouvelles voyelles ü, eu et eû e, des nasalisations en et in, le traitement des hiatus et ce n’est pas tout pour les voyelles… |
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