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Breiðnefurinn
Inscrit le: 06 Jun 2008 Messages: 67 Lieu: Auvergne
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écrit le Sunday 13 Jun 10, 18:45 |
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Quelqu'un connait-il l'origine du caractère "苺" qui m'a étonné, sachant qu'il signifie "fraise" et qu'il s'écrit avec "mère" et la clé que je désignerais comme un toit. Pourquoi cela ? |
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Jacques
Inscrit le: 25 Oct 2005 Messages: 6525 Lieu: Etats-Unis et France
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écrit le Sunday 13 Jun 10, 18:54 |
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L'ideogramme 莓 est le même en chinois . La composante supérieure, ce n'est pas toît, c'est plante et c'est l'image de 2 pousses de plantes (++).
chinois 莓 méi : fraise |
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R_Camus
Inscrit le: 19 Apr 2010 Messages: 230
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écrit le Sunday 13 Jun 10, 20:42 |
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En chinois, l'élément 母 mú du mot cité paraît refléter l'initiale m- (d'après Karlgren, jadis un complexe labiale + gutturale). Par ailleurs existe 每 mei3 "toujours" (mais aussi "growing plants" chez le même Karlgren), et 梅 mei2 "prunier" qui confirment apparemment que 母 est ici une indication purement phonétique. |
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gilou
Inscrit le: 02 Jan 2007 Messages: 1528 Lieu: Paris et Rambouillet
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écrit le Thursday 05 Aug 10, 9:25 |
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Ce n'est pas exactement cela.
D'abord, la notion de composante phonétique n'a de sens qu'a postériori en chinois, les motivations des changements/simplifications de caractères étant a date ancienne motivées par des considérations graphiques et sémantiques. La phonétique y joue un rôle aussi, mais la subtilité des interactions mériterait un sujet complet.
D'autre part, quand il y a un emprunt, pour des raisons qui à postériori nous paraissent phonétiques, c'est au niveau de la syllabe, mais certainement pas au niveau de l'initiale seule. Or ici, entre 母 mǔ et 每 měi ~ 苺 莓 méi il semble douteux qu'on ait une même syllabe à l'origine en chinois ancien.
Pour en revenir au caractère 每/苺: c'est à l'origine le même.
Il faut toujours remonter aux graphies primitives pour comprendre le tracé ultérieur des caractères (sauf en cas de simplification majeure).
Je tacherais de scanner une image du dessin ultérieurement.
Le dessin primitif représente une plante et des branches épineuses(?) ou des rejets en dessous. Le sens initial est: Plante qui pousse par rejets et désigne les ronces (le dessin primitif me semble bien désigner un roncier), les fraisiers, etc.
Or le dessin de la partie représentant les branches épineuses est très proche de la graphie qu'avait pris celui signifiant mère (cela sera évident sur un dessin scanné).
Il y a alors eu glissement de sens engendré par cette homographie d'une partie du dessin du caractère, qui désigne toujours le fraisier, de plante aux branches épineuses/rejets vers plante qui s'engendre elle même par rejets. Il y a alors acquisition du sens d'engendrement continuel pour ce caractère. Lors du passage à l'écriture au pinceau, si la graphie de la partie homographe évolue vers celle signifiant mère, celle de la partie supérieure, représentant une plante, se simplifie diversement, et on à au moins cinq variantes du caractère.
En graphie classique il n'en apparait plus que deux, 苺 et 每, le premier gardant le sens de fraisier, framboisier, ronces et le second évoluant de la notion d'engendrement continuel vers le sens de toujours, continuellement, souvent, etc. Et toujours en sens secondaire le sens primitif de fraisier, etc d'où une recatégorisation tardive de ce caractère avec ajout de la clé de la végétation, 莓 pour le sens primitif de fraisier.
Comme d'habitude, ces informations proviennent (entre autres) de L'Idiot Chinois de Kyril Ryjik (Tome 1 ici), un livre dont je ne cesserai jamais de clamer l'utilité de la lecture a tout sinisant/japonisant. |
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R_Camus
Inscrit le: 19 Apr 2010 Messages: 230
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écrit le Thursday 05 Aug 10, 12:11 |
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En marge (rien à ajouter sur le fond de l'affaire pour les caractères en question, je n'en sais pas plus que ce que j'ai écrit). Les volumes de Ryjik, pour passionnants qu'ils sont, restent néanmoins à utiliser avec d'infinies précautions! Plus philosophe que philologue, a fortiori que linguiste. D'où mon appel à toujours repartir du Karlgren, plus difficile à trouver, mais reflétant l'état du savoir en dialectologie historique chinoise de son époque. Certes maintenant sans doute dépassé.
Concernant:
Citation: | la notion de composante phonétique n'a de sens qu'a posteriori en chinois |
Je ne suis pas d'accord. En fait, désaccord seulement sur la restriction ne... que. J'y reviendrai donc. |
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gilou
Inscrit le: 02 Jan 2007 Messages: 1528 Lieu: Paris et Rambouillet
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écrit le Thursday 05 Aug 10, 13:36 |
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R_Camus a écrit: | D'où mon appel à toujours repartir du Karlgren, plus difficile à trouver, mais reflétant l'état du savoir en dialectologie historique chinoise de son époque. Certes maintenant sans doute dépassé. |
On trouve quand même l'ouvrage suivant de Karlgren: Analytic Dictionary of Chinese and Sino-Japanese pour un prix modique, en réédition Dover. Le problème est que ses reconstructions ont été assez largement réfutées depuis. Mais comme il y a au moins deux écoles modernes qui ont des idées divergentes sur les reconstructions de l'état ancien, il est difficile de donner une forme ancienne.
De toute façon, dans le cas qui nous préoccupe, le glissement graphique du tracé d'un ensemble de ronces/rejets vers celui du tracé de mère va de soi une fois qu'on à les tracés anciens sous les yeux. |
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gilou
Inscrit le: 02 Jan 2007 Messages: 1528 Lieu: Paris et Rambouillet
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écrit le Friday 06 Aug 10, 10:12 |
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Bon, comme promis, les tracés anciens sur sceau:
En haut à gauche: le tracé pour ronce, fraisier...: plante aux branches épineuses/rejets
En haut à droite: le même tracé sans la partie supérieure, qui est le tracé usuel pour une plante
En bas à droite, le tracé pour mère
La similitude entre les deux tracés que j'ai placé l'un sous l'autre montre pourquoi le premier a été confondu avec le second, plus courant.
Les deux petits arcs dirigés vers le bas sur le dessin du haut (qui représentent peut être les épines de ronce) lorsqu'on les inverse vers le haut, donnent le dessin du bas (une mère, caractérisée par des seins volumineux, mère nourricière donc). |
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