José Animateur
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écrit le Wednesday 26 Sep 12, 10:02 |
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MoJo est également l'abréviation de Mother Jones, journal d'investigation US, classé "à gauche".
http://www.motherjones.com/
Citation: | «MoJo», mère des maux de Romney
Libération - 23.09.2012
Le magazine d’investigation américain, qui a publié une vidéo gênante pour le candidat républicain, chasse l’injustice depuis 1976.
Par LORRAINE MILLOT Correspondante à Washington
Bientôt quarante ans après la destitution du président Nixon, celle du candidat Romney ? Le magazine au nom bizarre, Mother Jones, ou MoJo pour les intimes, qui a crucifié Mitt Romney la semaine dernière en publiant la vidéo la plus choquante de toute la campagne présidentielle (le candidat républicain à la Maison Blanche y explique que 47% des Américains sont des «assistés»), est un rejeton du Watergate. «Nous avons créé le magazine juste après l’enquête de Woodward et Bernstein qui avait réussi à abattre un président, raconte Adam Hochschild, un des cofondateurs de MoJo, aujourd’hui membre du conseil d’administration. On avait vu que le journalisme d’investigation pouvait changer le cours de l’histoire.»
Trente-six ans après sa création, en février 1976, la même passion de l’investigation a permis à Mother Jones de réussir le plus beau scoop de cette campagne électorale. David Corn, chef du bureau de Washington, a raconté avoir obtenu la vidéo d’un petit-fils de l’ancien président Jimmy Carter, James Carter IV. Tous deux avaient travaillé ensemble l’été dernier sur une enquête dénonçant les investissements de Mitt Romney dans une société chinoise.
Dons. Tout comme son nom, Mother Jones est une étrange créature : mi-magazine payant et mi-site internet gratuit ; survivante gauchiste des seventies qui se porte plutôt bien aujourd’hui, avec une petite équipe de 32 journalistes pour un magazine diffusé tous les deux mois à 200 000 exemplaires ; basée sur la côte ouest, à San Francisco, mais avec un gros bureau à Washington pour alimenter le site web. «Ce qui est assez unique aux Etats-Unis, c’est que nous sommes une publication à but non lucratif, tout en ayant un produit commercial [le magazine et le site acceptent la publicité, ndlr] et en nous spécialisant dans le journalisme d’investigation», explique l’une des deux rédactrices en chef, Monika Bauerlein. MoJo se finance pour moitié grâce aux dons de ses fans, l’autre moitié provenant des abonnements et de la pub.
En France, on pourrait y voir un hybride du Canard enchaîné et de Libération, en moins drôle que le premier et moins politique que le second. Monika Bauerlein mesure, elle, plus volontiers son ovni au Spiegel allemand ou à l’Espresso italien, deux références tout de même un peu flatteuses. «Avec The Nation [un hebdomadaire plus ancien, mais aussi plus atteint par la crise ces dernières années], Mother Jones est pratiquement le seul bon magazine politique de gauche aux Etats-Unis», résume Ed Wasserman, professeur de journalisme à la Washington and Lee University. «Ils sont partisans, objecte Alan Mutter, consultant et auteur du blog Reflections of a Newsosaur, mais généralement assez bons.» A l’ère des nouveaux médias et du tout numérique, il est surtout «intéressant de voir que c’est un revenant du temps de l’imprimé qui a diffusé la vidéo choc de la campagne présidentielle», observe le Newsosaur.
Et pourquoi, au fait, ce nom de Mother Jones, qui rend hommage à une syndicaliste du XIXe siècle, Mary Harris Jones, passablement oubliée depuis ? «Quand on a lancé le magazine, on n’avait pas d’idée de titre, avoue Adam Hochschild. On avait envoyé les premiers appels aux dons avec un nom particulièrement fade, "New Dimensions", et nous avions reçu une lettre furieuse d’un éditeur nous expliquant qu’il avait déjà une publication de ce nom. A la dernière minute, un consultant a suggéré Mother Jones, qui avait l’avantage d’être une personnalité haute en couleurs avec un grand sens de l’humour, ce qui n’est pas toujours gagné chez les gens de gauche. A l’époque, je trouvais ce nom bizarre, mais je n’avais rien de mieux à proposer !» Un an après ses débuts, en 1977, Mother Jones s’illustre déjà par une enquête sur les Ford Pinto, un des modèles les plus vendus alors aux Etats-Unis, qui avaient tendance à s’enflammer au moindre choc arrière. Ford se doutait bien que ses voitures étaient dangereuses, mais l’entreprise avait jugé moins coûteux d’indemniser les victimes plutôt que de redessiner ses modèles, révèle le magazine.
Incognito. Dans la même veine, en mars, MoJo a publié le récit d’une de ses journalistes réduite en «esclavage» dans un centre d’expédition de colis où elle s’est fait embaucher incognito, à la façon de Günter Wallraff. Depuis ses débuts, MoJo traque «les abus de pouvoir» où qu’ils soient, dans les entreprises comme en politique, explique sa rédactrice en chef, Monika Bauerlein. Avec la vidéo du candidat Romney, Mother Jones a réussi un coup à la fois beaucoup plus simple à réaliser et plus puissant : «On n’avait encore jamais sorti d’histoire qui domine à ce point le cycle de l’information pendant plusieurs jours, se félicite Monika Bauerlein. Chaque journée de cette semaine, on a fait pratiquement autant d’audience sur le site qu’en un mois ordinaire [en temps normal, motherjones.com revendique plus de 2 millions de visiteurs par mois]. En deux jours, on a reçu l’équivalent de trois semaines de dons.»
De quoi financer quelques futures belles investigations, se réjouit-on au siège à San Francisco, mais sans trop jubiler pour autant. Depuis la création de Mother Jones, reconnaissent ses journalistes eux-mêmes, les injustices qu’ils dénoncent ou l’influence de l’argent en politique se sont encore bien plus aggravées et démultipliées que le nombre de ses lecteurs. |
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