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Patrick
Inscrit le: 03 Apr 2007 Messages: 598 Lieu: Βέλγιο: Βαλλωνία
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écrit le Thursday 01 Jan 09, 19:51 |
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Oribus : nom masc., les oribus sont des chandelles de résine qui se plaçaient de part et d'autre d'une cheminée. Le mot semble "vieux et régional".
Son origine est inconnue, d'après le Robert.
Express. (fig.): de la poudre d'oribus = remède sans vertu.
XVIe s.— [Gargantua jouait] à la barbe d'oribus (RAB. I, 22) (Le Duchat pense que c'est une espèce de colin-maillard).
(cf. http://dictionnaire.sensagent.com/oribus/fr-fr/ )
Juste pour se dérider, voire "jouer sur les mots" : vid. http://www.monpetitcoin.com/dico/dicoO.html |
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Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3510 Lieu: Nissa
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écrit le Thursday 01 Jan 09, 22:05 |
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Le TLFi connaît ce charmant vocable et confirme une bonne part de ce que nous en révèle Patrick :
Citation: | ORIBUS, subst. masc.
Vx et région. (Ouest de la France, pays de la Loire). Chandelle de résine que l'on plaçait autrefois sous le manteau de la cheminée. Autrefois, on avait les oribus, les longues chandelles de résine que l'épicier vendait en paquets (...). On les serrait dans la fente d'une baguette qu'on enfonçait entre deux briques, sous la hotte de la cheminée; et la mèche de ficelle pétillait, postillonnait des gouttelettes chaudes, et sa chanson vous tenait compagnie (GENEVOIX, Raboliot, 1925, p.140).
Prononc.: []. Étymol. et Hist. 1829 (BALZAC, Chouans, p.333). Orig. inc. Le rapport avec poudre d'oribus (1465-92 pourette d'oribus «remède sans valeur», [JEAN MOLINET] Mystère de S. Quentin, éd. H. Chatelain, 3360; 1532 pouldre d'oribus «id.», RABELAIS, Pantagruel, éd. V.-L. Saulnier, prologue, p.5, 36) est incertain. Ce dernier se rattache peut-être à aurum «or» (FEW t.23, p.50b). Bbg. SAIN. Sources t.2 1972 [1925] p.359; t.3 1972 [1930] p.109. |
Et, puisque Patrick nous convie aussi à d'innocents mais succulents jeux étymologiques, je sens comme un devoir de proposer une étymologie qui concilierait heureusement le sens ligérien de chandelle et le sens médiéval de remède.
D'abord le remède : nous savons bien (tradition védique) que nos Anciens connaissaient trois médecines que Dumézil a reconnu comme s'articulant sur les trois fonctions eurindiennes : médecine des plantes pour la troisième fonction (élevage, agriculture), médecine du couteau pour la seconde (guerre), médecine des mantras pour la première (droit, religion), la plus noble, celle qui guérit par la prière.
Puis la chandelle : si cet humble objet avait dans les temps préélectriques une fonction d'éclairage, celle-ci n'avait aucune nécessité près de la cheminée, seul lieu clair de l'obscure chaumière ! Mais lieu sacré aussi par les vieilles traditions païennes qui faisaient de l'âtre et de son foyer le centre vital de la maisonnée : une chandelle en ce lieu ne peut être qu'un cierge, c'est-à-dire un substitut, ou pour mieux dire, une prolongation de la prière.
Tout s'éclaire, la chaumière comme l'avenir du malade, cet oribus est une prière, déformation locale du latin oremus « prions ! »
(dans le passage de la nasale m à l'orale b, il faut probablement voir un effet du climat humide des régions de notre Ouest et des corizas chroniques dont ses aimables habitants sont banalement affligés)
Et, bien sûr, Bonne Année ! |
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gilou
Inscrit le: 02 Jan 2007 Messages: 1528 Lieu: Paris et Rambouillet
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écrit le Thursday 01 Jan 09, 22:53 |
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Je propose de nommer ce type d'explication étymologique sous l'apparente influence d'un éthylisme réveillonesque une éthymologie !
Nikto Oribus est aussi le nom d'un Jedi de la force obscure dans le second film de la saga, "Attack of the clones".
Et bonne année à tous les babéliens! |
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Patrick
Inscrit le: 03 Apr 2007 Messages: 598 Lieu: Βέλγιο: Βαλλωνία
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écrit le Friday 02 Jan 09, 1:51 |
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Bonne année ! et merci d'en rajouter une couche d'un si bon cru ! J'apprécie.
J'avoue que oremus et oribus , c'est tentant comme éthyl... (vid.supra) |
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Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3510 Lieu: Nissa
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écrit le Friday 02 Jan 09, 10:13 |
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Déjà le 2 janvier et les effets du citrate de bétaïne qui se font sentir …
Il me semble que cet oribus trahit dans sa forme, si étrangère au français, un emprunt tel quel à du latin fléchi (comme omnibus ou lavabo) et qu'on ne peut y voir qu'un datif/ablatif/instrumental/locatif pluriel de ōs, ōris « bouche ».
À partir de là, on comprendrait de tels « par les bouches, depuis les bouches, dans les bouches » comme une formule évoquant la notoriété, peut-être extraite d'un auteur classique latin (recherche à faire) ou du latin de cuisine d'un discours de bateleur (voir le Dit de l'herberie de Rutebeuf). Ceci rendrait compte de l'usage qu'en fait Rabelais.
Pour les chandelles, peut-être faudrait-il rechercher qui les manufacturait localement (XIXe siècle ?). On voit bien de tels latinismes issus de l'érudition prospérer dans une fabrique familiale. |
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Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3510 Lieu: Nissa
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écrit le Friday 02 Jan 09, 11:26 |
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Je viens de faire une recherche dans l'Énéide. Vainement, car les deux seules attestations de la forme fléchie oribus y sont sans rapport avec la notoriété :
En VIII.485 il s'agit d'une torture de Mezentius consistant à lier un cadavre à un vivant, main contre main et bouche contre bouche :
Citation: | Mortua quin etiam iungebat corpora vivis
componens manibusque manus atque oribus ora,
tormenti genus, et sanie taboque fluentis
complexu in misero longa sic morte necabat. |
En X.565 il s'agit du feu craché par les cinquante bouches de l'hécatonchire Aegaeon :
Citation: | Aegaeon qualis, centum cui bracchia dicunt
centenasque manus, quinquaginta oribus ignem
pectoribusque arsisse, Iovis cum fulmina contra
tot paribus streperet clipeis, tot stringeret enses |
Et ça s'arrête là. Une recherche parmi les 2474 occurrences de os dans le corpus complet du site Perseus ne donne que 4 occurrences de la forme oribus, les deux ci-dessus et leurs commentaires respectifs par Servius … |
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Xavier Animateur
Inscrit le: 10 Nov 2004 Messages: 4087 Lieu: Μασσαλία, Prouvènço
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écrit le Friday 02 Jan 09, 11:40 |
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Ce terme est présent chez Rabelais :
Citation: | Oribus. Barbe d'Oribus, barbe de papier dore. Le jeu de la barbe d'Oribus consiste à bander les yeux à celui que l'on veut attraper, et à lui barbouiller le visage de noir, sous prétexte de lui dorer la barbe.
La poudre d'Oribus est ce que nos escamoteurs appellent poudre de perlimpinpin, et Rabelais, ailleurs , poudre de diamerdis, une poudre imaginaire, à laquelle on suppose des vertus fantastiques. |
source :
http://books.google.fr/books'id=l_x9AAAAIAAJ&printsec=titlepage
Selon Lebrun (Etymologicon françois), la poudre d'oribus serait une corruption de poudre d'elleborus. (hellébore)
(Je n'arrive pas à identifier cet ouvrage)
source :
http://books.google.fr/books'id=xDBDZluPSUwC&printsec=frontcover#PPA77,M1 |
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Horatius Animateur
Inscrit le: 11 Apr 2008 Messages: 695
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écrit le Friday 02 Jan 09, 17:55 |
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La poudre d'oribus dont parle Rabelais est-elle une plaisanterie qui a conduit ensuite à employer le mot pour désigner une chandelle dans les parlers de l’ouest de la France, est-ce l'inverse, ou bien encore ces deux mots ont-ils des origines différentes?
Le TLF penche pour le troisième avis.
L. du Bois, dans son glossaire du patois normand (1856), est du premier :
Citation: | ORIBUS (s. m.) : chandelle de résine de mélèze. Ménage dit que poudre d'oribus se dit, par raillerie, au lieu de poudre d'or. Chandelle d'oribus pourrait bien avoir la même signification railleuse, à cause de sa couleur d'or terne et de son peu de valeur. |
J’avoue que je penche aussi pour cet avis : je ne connais pas grand-chose aux dialectes d’oïl, mais, comme le remarque Outis, cela sent très fort le latinisme et j'ai du mal à y voir un terme populaire courant désignant la chandelle.
Je n'arrive pas à trouver le texte complet de Mistère de Saint Quentin de Jean Molinet : il est donc difficile de savoir dans quel contexte apparaît l'expression de "pourette d'oribus". Mais ce poète a écrit des textes parodiques, que Rabelais a certainemenent connu. Pour ce qui est du mot chez Rabelais, dans les deux occurrences (Gargantua ch. 22, Pantagruel Préface), l’auteur l’emploie pour désigner des pratiques de pédants, sorbonnards ou médecins charlatans dont il se moque. Les commentateurs disputent sur l’interprétation du mot mais, une chose est certaine, le suffixe latinisant vise à se moquer des savants scolastiques. |
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Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3510 Lieu: Nissa
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écrit le Friday 02 Jan 09, 19:57 |
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Tiens, il y avait des mélèzes en Normandie ? |
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Horatius Animateur
Inscrit le: 11 Apr 2008 Messages: 695
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écrit le Friday 02 Jan 09, 20:05 |
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Je me suis fait la même remarque... |
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Patrick
Inscrit le: 03 Apr 2007 Messages: 598 Lieu: Βέλγιο: Βαλλωνία
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écrit le Saturday 03 Jan 09, 13:07 |
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Le latin de cuisine dans le peuple n'a rien d'étonnant en soi quand on se souvient que la France était très catholique et que la messe, obligatoire !, se faisait partout en latin... même si personne n'y comprenait rien dans le bon peuple de France (90% de paysans).
Chandelle et cierge : le rapprochement n'est guère difficile.
Terminer les mots en -us pour faire comme les grands ou comme le curé nous l'avons tous faits dans notre jeune âge pour s'amuser, pour jouer. Je m'en souviens encore au début de mon entrée dans la grande école,vers 12 ou 13 ans .
Molière faisait parler "latin" ce bon Argan, malade plus qu'il ne l'imagine sans doute, et chacun s' amuse encore de cet olibrius qui se prenait pour "docteur". |
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Horatius Animateur
Inscrit le: 11 Apr 2008 Messages: 695
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écrit le Saturday 03 Jan 09, 13:30 |
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C'est vrai.
Ce que je voulais dire plutôt c'est justement que, dans ce cas, ce latin de cuisine populaire relève du jeu et que "oribus" n'est pas, du moins à l'origine, le terme courant, normal pour désigner la chandelle. On emploie le mot, comme dit L. de Bois, "par raillerie".
J'ai dit une bêtise plus haut, en disant que la poudre devait forcément précéder la chandelle : l'origine peut être commune. Pourquoi ne pas imaginer que "oribus" soit un latin de cuisine populaire formé à partir du mot "or" ("orie" en Ancien Français veut dire "doré") et qui, par jeu, serve aussi bien à désigner la chandelle qui brille comme de l'or, et la poudre d'or, véritable poudre de perlimpimpin ?... |
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MiccaSoffiu
Inscrit le: 24 Jun 2008 Messages: 463 Lieu: Capicursinu-Sophia
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écrit le Sunday 04 Jan 09, 8:09 |
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Quelle est la signification particulière de oribus dans ce contexte ?
APULÉE, Métamorphoses, IV, 28
« admoventes oribus suis dexteram »
« appliquant sur leurs lèvres leur main droite »
http://remacle.org/bloodwolf/liege1/EROS/eros001.htm
il est assez souvent question de bouche…... ?
le personnage de Gargantua s’appelait donc « bouche »…par hasard ?
Constatations :
On dit aussi la bouche d’une cheminée, du feu, du foyer
Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 7.djvu/252
« On fermera la bouche du feu avec une porte de fer »
« quand on ouvre la bouche du foyer »
« excepté qu’il n’a point de bouche du feu »
La particularité de l’oribus était de ne brûler que dans la cheminée, accrochées de part et d’autre du foyer, à une distance assez précise de la source de chaleur.
Une description de l’usage de l’oribus (rouzi ou camoufle) avec des youbes
http://andre.j.balout.free.fr/charente(16)_pdf/charente_lampe1931.pdf |
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