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Captain Boney Boone
Inscrit le: 25 Nov 2008 Messages: 187
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écrit le Saturday 10 Jan 09, 20:54 |
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Cette expression, comme tant d'autres, a perdu son sens initial.
La Bible raconte que Jean le Baptiste répondait à qui venait lui demander s'il était prophète : "Vox clamentis in deserto". Le désert n'était alors pas considéré sous son aspect physique de grande aridité, mais comme le lieu très symbolique de la révélation.
Prêcher dans le désert veut donc dire, à l'origine, prêcher une bonne nouvelle, avec une dimension spirituelle. |
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Chusé Antón
Inscrit le: 25 Feb 2005 Messages: 740
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écrit le Sunday 11 Jan 09, 16:10 |
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En espagnol et en aragonais cette expression a un sens particulier: inutilité, pour rien.
Predicar en desierto, sermón perdido. Prédiquer dans le désert, prédication perdue.
C´est le cas des parents auxquels leurs fils n´obéissent pas.
C´est aussi dans le monde de l´éducation quand l´élève ne suit pas les conseils du prof. |
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giòrss
Inscrit le: 02 Aug 2007 Messages: 2778 Lieu: Barge - Piemont
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écrit le Sunday 11 Jan 09, 17:41 |
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Idem en italien, "predicare nel deserto". |
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Captain Boney Boone
Inscrit le: 25 Nov 2008 Messages: 187
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écrit le Sunday 11 Jan 09, 22:54 |
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Il semble donc que le détournement de sens ait touché nombre de langues romanes puisqu'issu d'une citation latine. |
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Zwielicht
Inscrit le: 30 Jan 2007 Messages: 1227 Lieu: la rencontre des eaux
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écrit le Monday 12 Jan 09, 0:27 |
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Je pense qu'il faut faire attention à ne pas confondre prêcher dans le désert et crier dans le désert.
Les quatre évangiles canoniques rapportent que Jean était la voix qui crie dans le désert. Mais un seul évangile (Mathieu) rapporte qu'il "prêchait" dans le désert. Marc, lui, rapporte que Jean "baptise" dans le désert, ce qui peut sembler paradoxal si on considère qu'il baptisait d'eau.
Enfin, la voix qui crie dans le désert est la formule rendue en latin par vox clamantis in deserto . Tandis que prêchant dans le désert est rendue par praedicans in deserto.
Il faudrait voir si les expressions prêcher dans le désert et crier dans le désert co-existent avec un sens différent, aujourd'hui.
Dernière édition par Zwielicht le Monday 12 Jan 09, 17:36; édité 1 fois |
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giòrss
Inscrit le: 02 Aug 2007 Messages: 2778 Lieu: Barge - Piemont
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écrit le Monday 12 Jan 09, 1:43 |
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En Italie, l' "urlo nel deserto" serait plûtot un cri de complet désespoir.
La "predica nel deserto", par contre, est l'acte de donner des indications qui ne seront pas suivies par les destinataires. |
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rejsl Animatrice
Inscrit le: 14 Nov 2007 Messages: 3672 Lieu: Massalia
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écrit le Monday 12 Jan 09, 8:52 |
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Dans l'histoire de la religion réformée en France, on retrouve peut-être une interprétation assez proche du désert. Après la révocation de l'Edit de Nantes, les protestants, réduits à pratiquer leur religion clandestinement, tenaient des assemblées religieuses secrètes dans le Désert. On allait prier au Désert. Aujourd'hui , il y a des musées du Désert .
Cependant, il est possible qu'ils aient choisi l'expression en référence à la " traversée du désert" de Moïse ? |
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giòrss
Inscrit le: 02 Aug 2007 Messages: 2778 Lieu: Barge - Piemont
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écrit le Monday 12 Jan 09, 11:24 |
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Dans le Moyen Age, l'idée de desert etait aussi associée à celle de "forêt".
Jacques Le Goff, " Le Désert-Forêt dans l'Occident médiéval ", dans Traverses, n° 19, 1980, p. 33. |
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Zwielicht
Inscrit le: 30 Jan 2007 Messages: 1227 Lieu: la rencontre des eaux
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écrit le Monday 12 Jan 09, 17:53 |
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rejsl a écrit: | Cependant, il est possible qu'ils aient choisi l'expression en référence à la " traversée du désert" de Moïse ? | Il ne faut pas perdre de vue que la citation de Jean rapportée dans les quatre évangiles canoniques ( vox clamantis in deserto ..) :
Moi, dit-il, je suis la voix de celui qui crie dans le désert: Aplanissez le chemin du Seigneur, comme a dit Ésaïe, le prophète (Jean 1:23)
est inspirée du livre d'Esaïe 40:3 (Ancien Testament) :
Une voix crie: Préparez au désert le chemin de l'Éternel, Aplanissez dans les lieux arides Une route pour notre Dieu.
comme le mentionnent les auteurs même. Ce sont donc des paroles d'un prophète reconnu (Ésaïe) qui sont ici transférées à un nouveau prophète (Jean). Or dans Ésaïe, le désert est considéré comme un lieu plutôt aride. |
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Mercurius
Inscrit le: 02 Dec 2008 Messages: 100
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écrit le Tuesday 13 Jan 09, 0:29 |
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chose curieuse: en hébreu, désert se dit MIDEBAR, que l'on peut traduire, HORS DE LA PAROLE, DABAR signifiant PAROLE ou CHOSE, et MI signifiant "hors de" ou "à partir de".
Mais le plus amusant, c'est que le grec ERÊMOS a exactement le même sens, RÊMA signifiant PAROLE OU CHOSE, et E signifiant "hors de" ou "à partir de". |
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giòrss
Inscrit le: 02 Aug 2007 Messages: 2778 Lieu: Barge - Piemont
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écrit le Tuesday 13 Jan 09, 0:48 |
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Par contre, le lat. desertum vient du verbe "sero" = je connecte.
Alors, le desert serait un lieu sans connections, sans routes.
En latin existe aussi "sertum", it. serto (= ghirlanda): ex. couronne de fleur
www.etimo.it
Dernière édition par giòrss le Tuesday 13 Jan 09, 11:13; édité 1 fois |
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Mercurius
Inscrit le: 02 Dec 2008 Messages: 100
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écrit le Tuesday 13 Jan 09, 1:04 |
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SERO, en effet, qui signifie lier, attacher, tresser, est apparenté à SEIRA, en grec, la chaîne. De là viennent les Sirènes...
et surtout le latin SERMO, le discours, la parole. Cette manière, propre à l'homme de conjoindre consonnes et voyelles, peut créer tellement de choses.
Les consonnes sont fixes et muettes, c'est-à-dire MAT. Elles sont mortes, et désertiques. Elles sont pourtant la condition de la résonnance des voyelles.
Les voyelles sont volatiles et sonnantes. Quand les deux s'enchaînent, il se produit un miracle:
BELLES CHAÎNES EN QUI S'ENGAGE LE DIEU ÉGARÉ ....ET SONNER CETTE AUGUSTE VOIX QUI SE CONNAÎT QUAND ELLE SONNE N'ÊTRE PLUS LA VOIX DE PERSONNE , dirait Valéry... |
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gilou
Inscrit le: 02 Jan 2007 Messages: 1528 Lieu: Paris et Rambouillet
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écrit le Tuesday 13 Jan 09, 2:09 |
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giòrss a écrit: | Par contre, le lat. desertus vient du verbe "sero" = je connecte.
Alors, le desert serait un lieu sans connections, sans routes. | Je ne remet pas en cause cette etymologie, mais je pense qu'il y a eu une influence de l'égyptien dšr.t "Le pays rouge" (ie le désert égyptien, par opposition au pays noir, la terre alluviale) sur l'emploi du terme pour désigner le désert. |
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Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3509 Lieu: Nissa
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écrit le Tuesday 13 Jan 09, 10:45 |
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Mercurius a écrit: | Mais le plus amusant, c'est que le grec ERÊMOS a exactement le même sens, RÊMA signifiant PAROLE OU CHOSE, et E signifiant "hors de" ou "à partir de". |
Amusant mais très probablement faux !
En tout cas cette étymologie de ἐρη̃μος (Hom.) / ἔρημος (att.) « solitaire, inhabité, déserté » n'est guère connue des hellénistes actuels pour qui il faudrait poser une origine *h₁r(e)h₁- « défait, desséré, mince, rare, séparé »:
Beekes (Greek etymological dictionary, s.u. ἐρη̃μος) a écrit: | Uncertain. One compares Lat. rēte `net', rārus `loose, thin, rare', Skt. ṛ-té `with exception of, without'; s. W.-Hofmann and Mayrhofer Wb. s. vv.; also Pok. 332f. - The Greek form requires *h₁reh₁mos (zero grade would have given two short vowels, cf. ὄνομα); this would agree with Lith. (yrù) ɨ̀rti `dissolve onself, separate'. Lat. rārus < *h₁reh₁ro-; rēte can be *h₁reh₁-t-; Beekes, Devel. 36. |
traduction des termes clefs :
lat. rēte « filet, rêts, réseau », rēte « clairsemé, espacé, poreux » > « épars » > « isolé, rare »
skr. ṛté « à l'exclusion de, excepté, sans »
je n'ai pas identifié en lituanien les formes (yrù) ɨ̀rti (Ernout et Meillet écrivent irù (avec un point souscrit sous le i), ìrti « se dissoudre, tomber en ruines »)
On peut ajouter que, si le grec ῥῆμα signifie bien « parole, chose dite », il n'existe pas en grec de préfixe ἐ- « hors de, de l'intérieur de » : contrairement au latin, la forme, ἐξ devant voyelle, ἐκ devant consonne (éventuellement par assimilation ἐγ ou ἐχ), ne perd jamais sa consonne, tout au plus relève-t-on dialectalement une forme ἐς (devant consonne en thessalien, crétois, arcadien, toutes positions en béotien).
Il serait souhaitable que si Mercurius continue à nous proposer des étymologies, il prenne le soin de nous indiquer ses sources …
Giòrss est autrement plus sérieux mais il laisse passer une petite imprécision :
giòrss a écrit: | Par contre, le lat. desertus vient du verbe "sero" = je connecte.
Alors, le désert serait un lieu sans connections, sans routes. |
Ce n'est pas tout-à-fait l'histoire du mot.
Les sens primitifs du latin serō sont « attacher en file, en enfilade », d'où « tresser » (dans lorica serta « cotte de mailles »), « enchaîner, lier ensemble, attacher » dans une succession d'événements : s. bella ex bellis « enchaîner guerre sur guerre ». Aussi, le sens premier de dēserō est-il de *« quitter la file » > « déserter » au sens militaire, d'où les dérivés dēsertor « déserteur », dēsertiō « désertion ».
Puis, dans la langue commune, dēserō a pris le sens affaibli « abandonner » et enfin, dans la langue de l'Église, dēsertum a servi à traduire le grec ἡ ἔρημος. |
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giòrss
Inscrit le: 02 Aug 2007 Messages: 2778 Lieu: Barge - Piemont
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écrit le Tuesday 13 Jan 09, 11:11 |
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Ecoute...alors, selon ta opinion "desertum" serait "la zone abandonnée"?
Parce-que cette signification impliquerait qu'une zone desertique aie etée habitée...
Ou tu veux dire qu'on peut penser à un type d'abandon qui signifie "laisser/ne pas s'interesser à" (un lieu) sans y être entré, sans l'avoir habité?
Il y a des importantes differences entre "lier ensemble" et "connecter"?
Pour attacher les choses en file, il faut les connecter: alors, je ne suis pas sûr qu' "attacher en file" puisse venir avant que "connecter/mettre en jonction".
Le latin a soit l'adj. desertus/a (ex. locus desertus) , que le substantif desertum. |
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