Voir le sujet précédent :: Voir le sujet suivant |
Auteur |
Message |
Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11171 Lieu: Meaux (F)
|
écrit le Monday 03 Oct 16, 16:29 |
|
|
ramon a écrit: | Quelques cognats de arroi en catalan :
arreu (substantif) :
a) harnais (d’un cheval)
b) charrue
c) en pluriel : ornements, vêtements d’une personne |
Je sens de l'homonymie là-dedans ! Pas toi ? |
|
|
|
|
Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11171 Lieu: Meaux (F)
|
écrit le Tuesday 04 Oct 16, 7:49 |
|
|
Xavier a écrit: | En ancien français, on trouve dans la même famille, le roi.
Non pas la personne royale, mais roi signifie : préparatif, ordre, aménagement, disposition |
Un coup d'oeil à Godefroy est très instructif, comme toujours.
Certes, ce mot roi a bien un des sens (ordre) que tu dis, mais avant d'avoir ce sens abstrait, il a eu à l'évidence le sens concret de son dérivé reage ou riage, à savoir celui de "relevé de terre entre deux sillons", soit très exactement le sens du latin porca.
Pour en savoir plus, voir mon post du 3 octobre à 15.45 dans le fil La chute du p indoeuropéen dans les langues celtiques.
Par ailleurs, chez Godefroy, roi a bien le sens de "ordre, mesure, règle", mais pas celui de "préparatifs, etc." Ce n'est pas la même chose, ce sont deux concepts différents, aussi différents l'un de l'autre que le sont une ligne droite et un objet qu'on place devant soi.
Autrement dit, si roi a vraiment quelque part ces autres sens que tu dis, il ne peut s'agir que d'un homonyme, un de plus.
Mais je crois plutôt que les autres sens que tu dis, c'est arroi qui les a, et lui seul. J'y viendrai.
Pour le moment, je propose donc qu'on laisse roi de côté comme hors sujet car n'étant pas de la même famille que arroi, en dépit des apparences.
Pour finir, l'ancien français desreer "dérouter, sortir du bon chemin" n'est donc pas une variante de desareier "mettre en désordre" comme le laisse entendre le Robert Historique. Et ce n'est donc pas désarroi qui a éléminé desroi mais des mots quant à eux parfaitement synonymes de desroi comme déroute et dévoyement.
Fin du hors sujet, mais on voit que la question mérite qu'on en fasse un sujet... quand on en aura terminé avec celui-ci. |
|
|
|
|
Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11171 Lieu: Meaux (F)
|
écrit le Tuesday 04 Oct 16, 10:08 |
|
|
Je fais l’hypothèse qu’il y a eu à l’origine
– un mot aroi avec un seul r, d’origine celtique, ayant le sens de « préparation », et relevant donc de la branche celtique de la racine IE *per-. (Voir le mot du jour parare).
– un mot ar-roi avec deux rr, également d’origine celtique, ayant le sens de « mise en ordre, alignement », dérivé préfixé d’un verbe reer, variante de roier « tracer un sillon », du gaulois rica « raie, sillon », probablement apparenté au latin porca « relevé de terre entre deux sillons ».
Très vite les deux mots auront été confondus dans la forme (un ou deux r et diverses variantes) et pour le sens (préparation + ligne droite) comme on pourra le constater en lisant chez Godefroy les diverses acceptions des mots areance, areement (adv.) areement (n.) et areer.
Ni latin ni germanique, donc, dans tout ça, mais seulement du bel et bon gaulois !
Mon ami Horatius, éminent latiniste, nous dira sans doute ce qu'il pense de mes élucubrations celtisantes. |
|
|
|
|
Jeannotin Animateur
Inscrit le: 09 Mar 2014 Messages: 879 Lieu: Cléden-Poher
|
écrit le Thursday 16 Feb 17, 20:38 |
|
|
L'étymon gotique qu'on propose habituellement pour les mots de cette famille est *reþs. Le site du CNRTL présente une erreur de recopiage qui a été reprise plus haut dans la discussion. Le þorn, cette lettre runique adaptée à l'alphabet latin pour noter le son [θ] dans plusieurs langues germaniques, a été malencontreusement pris pour un p. Une fois l'erreur corrigée, la parenté entre le gotique *reþs et l'allemand Rat apparaît plus clairement. Le þorn a été adapté en bas-latin par le son [d], qu'on retrouve dans les deux verbes qu'on reconstitue comme étymons des mots de cette famille : *arredare et *conredare . Ce dernier a donné le verbe corroyer dont l'un des sens est "malaxer du mortier, battre de la glaise" et son déverbal corroi. Le mot a été emprunté par le breton sous la forme kourrez où il a pris le sens plus large de "terre glaise" :
Beñ ar lann vis(e) lak(et) kontuni ba ur, ba-lec'h oa ket kalz kourr(e), douar peus-fall kwa heñ !
Ben, on mettait de l'ajonc continuellement dans un, là où il n'y avait pas beaucoup de terre glaise, de la terre plutôt mauvaise quoi hein ! (Cléden-Poher)
https://brezhoneg-digor.blogspot.fr/2017/02/an-eubeul-oa-pell-re-hross-vid-ar-gaseg.html
L'emprunt est ancien, puisque le z léonard de kourrez continue le d de *conredare et que le d intervocalique est tombé de bonne heure en langue d'oïl. En breton, ce z tombe hors du Léon, il ne s'entend pas dans la forme que j'ai collectée à Cléden-Poher. Dans son étude Le Vocabulaire breton de la ferme, Pierre Trépos donne douar-koureg "terre argileuse" à l'Hôpital-Camfrout. Il a collecté à Pommerit-le-Vicomte l'expression : murio-koure "mur de torchis", où le sens est resté plus proche du français.
Voir le FEW pour l'abondante descendance de *conredare et *arredare dans les dialectes gallo-romans.
Dernière édition par Jeannotin le Friday 17 Feb 17, 10:47; édité 1 fois |
|
|
|
|
Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11171 Lieu: Meaux (F)
|
écrit le Friday 17 Feb 17, 7:20 |
|
|
Je veux bien que ces mots soient d'origine gothique mais il faudra m'expliquer comment on passe du sémantisme de courir à celui de malaxer de la terre glaise...
D'ailleurs, sous la racine *reidʰ-, Calvert Watkins utilise en fin de notice un prudent "probably" pour faire venir array et curry d'un hypothétique germanique *raidjan issu lui-même d'un non moins hypothétique bas latin *-redare "arranger"... |
|
|
|
|
Jeannotin Animateur
Inscrit le: 09 Mar 2014 Messages: 879 Lieu: Cléden-Poher
|
écrit le Friday 17 Feb 17, 10:58 |
|
|
En matière d'erreur de recopiage, la paille dans l’œil de mon voisin m'a empêché de voir la poutre dans le mien puisque j'ai d'abord écrit Rad au lieu de Rat. J'ai édité mon précédent message pour corriger l'erreur.
Si j'ai bien compris l'histoire du sens du mot, "malaxer de l'argile" est une spécialisation du plus général "arranger, apprêter". Le FEW glose *reþs par Vorrat "stock", un stock est bien quelque chose que l'on prépare pour plus tard, non ? |
|
|
|
|
Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11171 Lieu: Meaux (F)
|
écrit le Friday 17 Feb 17, 11:30 |
|
|
Je crois comprendre ce que tu veux dire. Si c'est que le gothique *reþs "conseil, recours, provision, stock" n'est pas d'origine germanique mais celtique, alors nous sommes d'accord. Ton message apportait en somme de l'eau à mon moulin mais ça ne m'a pas sauté aux yeux ! Peux-tu me confirmer que c'est bien ça ? |
|
|
|
|
Jeannotin Animateur
Inscrit le: 09 Mar 2014 Messages: 879 Lieu: Cléden-Poher
|
écrit le Friday 17 Feb 17, 12:26 |
|
|
Non, je n'ai pas d'opinion sur l'origine du gotique *reþs. Dans mon premier message, je me suis borné à reprendre la théorie traditionnelle en insistant sur la dentale þ de l'étymon et sur les traces qu'elle a laissé ensuite, notamment en breton (mais aussi en forézien arreisa). Le breton kourrez ne permet pas de soutenir une origine celtique de cette famille de mot. La préfixation n'est pas autochtone mais romane : on a le préfixe con- passé en gallo-roman à cor- par assimilation au r du radical. Le préfixe proprement breton et celtique qui correspond est ken-. De même, le sens de "glaise" résulte d'un emprunt après une évolution sémantique interne au gallo-roman.
Mais je suis prêt à accepter toute théorie alternative qui explique la dentale qu'on trouve dans les mots de cette famille, dans les langues qui n'ont pas éliminé le d intervocalique. Par exemple, la théorie de Calvert Watkins me paraît convenir. Le problème de ta théorie celtique, c'est que je ne parvient pas à trouver un étymon satisfaisant de ce point de vue. |
|
|
|
|
Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11171 Lieu: Meaux (F)
|
écrit le Friday 17 Feb 17, 12:51 |
|
|
Attention, je ne nie pas que le gothique *reþs soit l'étymon de tous les mots français, anglais et bretons dont il est ici question dans ce fil. Là, je crois que tout le monde est d'accord. Je m'interroge seulement sur la supposée origine germanique de ce *reþs et sur son supposé lien avec la racine IE *reidʰ- "courir.
Je fais l'hypothèse que le gothique *reþs est la trace d'une extension de la branche celtique de la racine IE *perə- "produire, procurer", d'où est issu le verbe latin parāre. C'est théoriquement possible, je crois, et sémantiquement beaucoup plus satisfaisant. |
|
|
|
|
Jeannotin Animateur
Inscrit le: 09 Mar 2014 Messages: 879 Lieu: Cléden-Poher
|
écrit le Friday 17 Feb 17, 14:42 |
|
|
D'accord, je n'avais pas bien compris ta position.
Je pense que tu as raison de douter de *reidʰ- > *reþs, car cette évolution n'est pas compatible avec ce qu'écrit Outis sur les consonnes du germanique. Normalement, l'IE *dʰ donne un d germanique, pas un þ et le þ germanique suppose un *t IE. Les pokorniens du Far West rattachent l'allemand Rat à une racine IE *ar- : https://lrc.la.utexas.edu/lex/master/0104#G |
|
|
|
|
Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11171 Lieu: Meaux (F)
|
écrit le Friday 17 Feb 17, 14:53 |
|
|
S'ils ont raison, alors tout ce beau monde rejoindrait la grande famille ART. À voir.
La liste texane est pléthorique et par là un peu douteuse.
Plus sagement, je crois, Calvert Watkins distingue une racine *ar- "to fit together" (> français art) et une racine *rē(i)- "to reason, count" (> allemand Rat), ce qui lui permet une répartition plus plausible de tous ces mots.
Il a peut-être placé array et curry une entrée trop loin...
Et peut-être serait-il alors possible de faire l'économie de mon hypothèse celtique...
Sauf que la ration / raison est une chose et que la préparation en est une autre.
Et que je persiste à sentir de l'homonymie dans l'arreu catalan. |
|
|
|
|
|