Voir le sujet précédent :: Voir le sujet suivant |
Auteur |
Message |
dawance
Inscrit le: 06 Nov 2007 Messages: 1897 Lieu: Ardenne (belge)
|
écrit le Thursday 12 Aug 10, 13:33 |
|
|
En recherchant l'origine du wallon anoyî, anoyant, anoyeûs, fr ennuyer, ennuyeux, triste, je tombe sur une foultitude de correspondants en ancien français, dans le sens de ennui : (Godefroy, qui ne donne jamais l'étymologie)
-enoiance, enoiable, ennoie, etc et leurs variantes en a- : anoiance, annoie, anoyeux (Monstrelet, chroniqueur des ducs de Bourgogne).
Il existe aussi le verbe: ennoyer= ennoer qui a le sens de lier, mettre des liens, au sens propre comme au figuré. (du latin innōdo, attacher solidement, nouer, entortiller -Gaffiot)
Etymologie donnée aussi bien par le TLF que le Robert:
Citation: | Empr. au b. lat. *inodiāre, formé sur la loc. in odio esse « être un objet de haine » usuelle en lat. classique | Alors je me pose des questions.
Il est clair (pour moi) que innōdo se rapproche plus des sens premiers donnés par le TLF et Godefroy que *inodiāre, être entravé plutôt qu'être un objet de haine. Peut-être ai-je oublié quelque chose? |
|
|
|
|
giòrss
Inscrit le: 02 Aug 2007 Messages: 2778 Lieu: Barge - Piemont
|
écrit le Thursday 12 Aug 10, 17:35 |
|
|
En italien, il ne faut pas confondre
- odiare (avere in odio) "haïr"
- annoiare (infastidire/provocare noia - stufare) "ennuyer"
- annodare (costituire legami) "nouer"
via Lexilogos - RC |
|
|
|
|
dawance
Inscrit le: 06 Nov 2007 Messages: 1897 Lieu: Ardenne (belge)
|
écrit le Thursday 12 Aug 10, 18:10 |
|
|
Pourrais-tu dire d'où vient cet annoiare (infastidire/provocare noia - stufare) "ennuyer" ?
Ce serait intéressant !
Correction: ennuyer dans le sens de provoquer, c'est chercher noise, qui vient (TLF) du latin noxia, comme en témoigne l'ancien français noisier, noiser, noisser, noxier: faire du tapage, quereller. |
|
|
|
|
Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11202 Lieu: Meaux (F)
|
écrit le Thursday 12 Aug 10, 19:44 |
|
|
L'étymon de ennuyer (angl. annoy) est bel et bien le bas latin inodiāre, mais le mot "haine" est excessif, d'où ton erreur, je pense. En fait, ce verbe signifie "se montrer insupportable, désagréable, odieux", il y a quand même une différence avec "se faire haïr ou détester" ! Il y a des gens qu'on aime qu'il nous arrive de trouver insupportables, nos propres enfants ou petits enfants, par exemple !
Je signale que ennui a été traité ICI. |
|
|
|
|
dawance
Inscrit le: 06 Nov 2007 Messages: 1897 Lieu: Ardenne (belge)
|
écrit le Thursday 12 Aug 10, 20:27 |
|
|
Je vous répondrai simplement que ce bas latin est toujours gratifié d'un astérisque (j'ai failli dire une!) *inodiāre. Et vous avez lu mon message en diagonale. Je répète: ennoyer existe en ancien français dans le sens de mettre des liens, au sens figuré aussi, etc...
Quelle est la jonction de sens avec la première attestation donnée par le TLF: Citation: | Ca 1100 part. passé adj. « recru de fatigue » chevalz... las et ennuiez (Roland, éd. J. Bédier, 2484) | L'anglais to annoy, que je connais de longue date, n'apporte rien de neuf.
C'est pas demain la veille que je vais accepter les "arguments d'autorité". |
|
|
|
|
Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11202 Lieu: Meaux (F)
|
écrit le Thursday 12 Aug 10, 20:37 |
|
|
OK, OK, mais pour noise (je risque un hors-sujet), il aurait fallu donner le texte du TLF en entier, et pas seulement la dernière ligne ...
Citation: | Étymol. et Hist. 1. Ca 1050 «bruit, tumulte» (St Alexis, éd. Chr. Storey, 422; 502); ca 1100 (Roland, éd. J. Bédier, 1455; 3842); 2. ca 1165 «dispute, querelle» (Benoît de Ste-Maure, Troie, 17424 ds T.-L.); 1re moitié xiiie s. faire noise a «engager une querelle avec (quelqu'un)» (Guillaume de Palerne, 9641, ibid.); 3e quart xve s. mouvoir noise a «id.» (Georges Chastellain, Chron. ds OEuvres, éd. Kervyn de Lettenhove, t.3, p.416); 1611 cercher noises pour noisettes «susciter une querelle pour un rien» (Cotgr.). L'étymon communément proposé est le lat. nausea, gr. ναυσία, var. de ναυτία «mal de mer; envie de vomir», v. nausée; cf. le dér. dial. naucheux «qui a la nausée» (Cotgr.). L'a. prov. nauza atteste un 1er sens dér. «chagrin, affliction, ennui» (ca 1160-80, Bernard de Ventadour, éd. C. Appel, 4, 41; 3e tiers xiie s., Giraut de Bornelh, éd. A. Kolsen, IX, 5; passé en m. fr.: 1544, M. Scève, Délie, CCCLVIII, 6, éd. E. Parturier, p.246), dont est peut-être dér., dans le domaine fr., celui de «querelle» et de «bruit, tumulte» (également att. en a. prov.: 3e tiers xiie s. «querelle» Giraut de Bornelh, XLIV, 15; ca 1180 «bruit, tapage» Girart de Roussillon, éd. W.M. Hackett, 4581; 1225-28 Jaufré, éd. C. Brunel, 3487). Objectant les difficultés d'ordre sém. présentées par cette hyp., A. Lanly ds Semasia, 1974, pp.129-131, propose le lat. nŏxia «délit, faute, crime», devenu no̥xia, o se fermant sous l'infl. du yod suivant. |
|
|
|
|
|
dawance
Inscrit le: 06 Nov 2007 Messages: 1897 Lieu: Ardenne (belge)
|
écrit le Thursday 12 Aug 10, 20:59 |
|
|
J'avais évidemment lu l'entièreté du texte mais j'ai donné la raison pour laquelle je choisissais noxĭa (accent de Gaffiot): ancien français noiser, noisser, noxier: faire du tapage, quereller. Il faut vraiment tout répéter ! |
|
|
|
|
Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11202 Lieu: Meaux (F)
|
écrit le Thursday 12 Aug 10, 21:39 |
|
|
Il vaut mieux tout montrer que de dire, avec une (trop) belle assurance : Citation: | noise, qui vient (TLF) du latin noxia, comme en témoigne l'ancien français noisier, noiser, noisser, noxier: faire du tapage, quereller. |
|
|
|
|
|
R_Camus
Inscrit le: 19 Apr 2010 Messages: 230
|
écrit le Thursday 12 Aug 10, 21:44 |
|
|
dawance a écrit: | d'où vient cet annoiare (infastidire/provocare noia - stufare) "ennuyer" ?
|
en passant : www.etimo.it relie également nòia (cf. annoiare) à in odio esse. |
|
|
|
|
dawance
Inscrit le: 06 Nov 2007 Messages: 1897 Lieu: Ardenne (belge)
|
écrit le Thursday 12 Aug 10, 22:09 |
|
|
Je voudrais volontiers vous faire plaisir, mais à mes questions précédentes, qui ne sont pas des lubies, vous ne me répondez que par des interprétations de dicos.
Je connais trop bien ce type de copie d'un linguiste à l'autre: dans un cahier des charges type qui a perduré des années, il était question de "travaux, toutes suggestions comprises". Or, il s'agissait, vous l'avez sans doute deviné, de "toutes sujétions comprises". |
|
|
|
|
R_Camus
Inscrit le: 19 Apr 2010 Messages: 230
|
écrit le Thursday 12 Aug 10, 22:39 |
|
|
OK. Alors une réponse détaillée. De non spécialiste de diachronie souvent amené à solliciter les services des représentants de ce domaine. Mais je crois qu'il s'agit là d'une question de méthode très générale ; on me corrigera si nécessaire.
Dans le cas présent, il y a bien un sens à éplucher les dictionnaires étymologiques (dont les articles sont des condensés de formules algébriques rendant compte des changements diachroniques de forme, le tout accompagné de brèves remarques sur l'histoire des vocables lorsqu'on en a) : on en cherche au moins un qui accepterait de sauter le pas entre d'une part :
innōdo
et d'autre part les formes que vous citez :
anoyî, anoyant, anoyeûs, fr ennuyer, ennuyeux, enoiance, enoiable, ennoie, anoiance, annoie, anoyeux. Je vous ajoute les formes saintongeaises, évidemment: enneuyer, ennier, ennoyer, ennuer.
(il sauterait ce pas en s'expliquant, évidemment).
Et en tenant compte de la remarque importante de giòrss:
it. annodare vs annoiare
J'ai le sentiment - en fait, un peu plus que cela - que votre suggestion obligerait à revoir de fond en comble les lois de la phonétique diachronique ! Il faut l'expliquer, ce /j/ - cette articulation antérieure. Non ?
Quant aux relations de sens : une fois la succession chronologique des formes assurée (et étayée par des précédents - des lois, voire éventuellement confortée par l'histoire des textes), on peut rabouter sans trop de difficultés des acceptions parfois fort distantes. Mais commencer par une relation présumée de sens sans égard pour les contraintes de forme, voilà qui me paraît étranger à la démarche étymologique actuelle.
(seuls les tenants de l'hypothèse nostratique, Ruhlen etc. posent que les lois phonétiques ne sont pas des garde-fou valables, mais même eux supposent néanmoins que les acquis de ces lois sont valables. J'avais un texte de Starostine sur cette question)
Dernière édition par R_Camus le Thursday 12 Aug 10, 23:39; édité 2 fois |
|
|
|
|
giòrss
Inscrit le: 02 Aug 2007 Messages: 2778 Lieu: Barge - Piemont
|
écrit le Thursday 12 Aug 10, 23:21 |
|
|
Citation: | Pourrais-tu dire d'où vient cet annoiare (infastidire/provocare noia - stufare) "ennuyer" ? |
Sans doute de "in odio", par le biais d'un dialecte de l'Italie du nord qui fait tomber le -d-...
Je pense à quelque chose du roman archaïque comme "venir an oja", qui serait la même chose que l'ancien provençal "venir en odi" ou du piémontais "ven-i an ira".
Le Toscan n'a "annoiare" qu'à dater du XIIIe siècle.
voir:
http://tlio.ovi.cnr.it/TLIO/ |
|
|
|
|
dawance
Inscrit le: 06 Nov 2007 Messages: 1897 Lieu: Ardenne (belge)
|
écrit le Friday 13 Aug 10, 11:08 |
|
|
Merci giòrss et R_Camus.
Si je comprends bien, il faudrait un bas latin *annodiare qui signifierait "attacher par des liens, au sens propre comme au figuré"?
Quand même, ce "cheval las et ennuyé" et cet "ennoer" (nouer) sont loin d'être odieux. J'ai des difficultés à m'y faire.
J'avais trouvé un alexandrin marrant:
"Il faut démythifier cette odieuse origine". Bon, je la remballe provisoirement. |
|
|
|
|
dawance
Inscrit le: 06 Nov 2007 Messages: 1897 Lieu: Ardenne (belge)
|
écrit le Friday 13 Aug 10, 11:53 |
|
|
Citation: | Il faut l'expliquer, ce /j/ - cette articulation antérieure. Non ? | Oui.
Pour le wallon, nouk, noeud, noukî, nouer, etc..., Haust donne pour l'étymologie un latin *nodicare (class. nōdāre). Le yod n'est-il pas possible là? Je me rallierai aux spécialistes. Promis. |
|
|
|
|
giòrss
Inscrit le: 02 Aug 2007 Messages: 2778 Lieu: Barge - Piemont
|
écrit le Friday 13 Aug 10, 12:22 |
|
|
Je pense que le vulgar roman commun ancien était "nodare"-> d'où "in-inodare" qu'a donné l'Italien "annodare".
L'origine est du vulgar commun ancien "nodu" (italien "nodo", fr. "nœud"), issu du latin (c)nodus, parallèle du germanique knot ...
metaphoriquement->"lien".
Annodiare était une variante de annodare.
On retrouve encore cette variante dans le roman plus archaique, le sarde "logudorese":
http://www.toninorubattu.it/ita/LOG-A3%20(an-ar).htm |
|
|
|
|
|