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Jean-Charles
Inscrit le: 15 Mar 2005 Messages: 3130 Lieu: Helvétie
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écrit le Tuesday 21 Mar 06, 23:39 |
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Fil issu du Mot du Jour feu (nom).
Feu mon aïeul. Fausse étymologie. |
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Nina Padilha
Inscrit le: 15 Mar 2006 Messages: 548
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écrit le Wednesday 22 Mar 06, 0:33 |
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Pour les décédés (feu mon grand-oncle) on dit : finado.
Qui vient de fin.
Equivalent de défunt. |
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bcordelier
Inscrit le: 07 Oct 2005 Messages: 190 Lieu: France
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écrit le Friday 24 Mar 06, 13:15 |
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En français, l'emploi de feu (feue au féminin) pour désigner quelqu'un de décédé, dans des expressions telles que "feu mon père" ou "feue tante Yvonne", n'a rien à voir avec le feu.
Il s'agit d'une déformation, d'une survivance plus exactement, des formes du verbe être au passé simple :
feu mon père = fut mon père
Jusqu'au XVIIe siècle, on écrivait "il feut, ils feurent, etc." avec éventuellement un tréma sur le u, et dans les actes notamment les registres paroissiaux, on trouvait : Jean X fils de feurent Baltazar X et de Jéhanne Y. A l'époque, les "eu" et les "u" simples étaient beaucoup plus proches oralement qu'actuellement.
Ne sont restées que les formes "feu" pour "décédé", et "feue" comme formes normalisées et dont la prononciation a évolué selon l'écriture pour être désormais confondue avec le mot feu (les flammes de l'Enfer ?). |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11247 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Wednesday 29 Sep 10, 21:51 |
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bcordelier a écrit: | En français, l'emploi de feu (feue au féminin) pour désigner quelqu'un de décédé, dans des expressions telles que "feu mon père" ou "feue tante Yvonne", n'a rien à voir avec le feu.
Il s'agit d'une déformation, d'une survivance plus exactement, des formes du verbe être au passé simple :
feu mon père = fut mon père
Jusqu'au XVIIe siècle, on écrivait "il feut, ils feurent, etc." avec éventuellement un tréma sur le u, et dans les actes notamment les registres paroissiaux, on trouvait : Jean X fils de feurent Baltazar X et de Jéhanne Y. A l'époque, les "eu" et les "u" simples étaient beaucoup plus proches oralement qu'actuellement.
Ne sont restées que les formes "feu" pour "décédé", et "feue" comme formes normalisées et dont la prononciation a évolué selon l'écriture pour être désormais confondue avec le mot feu (les flammes de l'Enfer ?). |
Voilà bien l'une des étymologies les plus surprenantes que j'ai jamais lues ! Mes sources (dont le TLF) m'indiquent une toute autre origine, à savoir un latin vulgaire *fatutus « qui a telle destinée », dérivé du latin classique fatum « destin ». Je serais curieux de savoir qui a raison ... |
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Horatius Animateur
Inscrit le: 11 Apr 2008 Messages: 695
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écrit le Wednesday 29 Sep 10, 22:58 |
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Voici l'analyse de Littré, intéressante, même si je la trouve un peu compliquée (et un peu embarrassée aussi...). En tout cas, elle apporte une explication aux cas cités par bcordelier :
Citation: | Berry, funt, et aussi defeu, defeue ; ital. fu, la fu regina, la feue reine.
Il est difficile de rendre compte de toutes les formes de ce mot :
- le berrichon funt est le latin functus, défunt ;
- l'italien fu est la troisième personne du prétérit fù, il fut, il a cessé de vivre.
Mais d'où vient le vieux français feü ou fahu, qui est la forme la plus ancienne ? Ce mot dissyllabique représenterait une forme barbare, fadutus ou fatutus ; est-il permis de conjecturer qu'il provient irrégulièrement de fatum, et qu'il signifie qui a accompli sa destinée ? L'exemple du XIe siècle qui signifie évidemment malheureux, qui a un mauvais destin (comparez l'anglais ill-fated), appuie cette conjecture. Feu est très certainement la contraction de l'ancien feü, et ne peut représenter le latin fuit, l'italien fu.
Si donc on embrasse la totalité de l'expression de l'idée en France, on trouve trois sources :
- le français feu, feü, pour lequel nous avons indiqué une conjecture, et qui, étant dissyllabique, ne peut provenir de functus ;
- le berrichon qui est le latin functus,
- et l'italien fu qui est le latin fuit. Au XVIe siècle, l'italianisme fit prendre la forme italienne (le tien fut pere, de J. Marot) ; mais elle ne dura pas, et ce fut l'ancien feu qui se maintint. |
Concernant l'accord de "feu" au féminin, la règle de Littré est la suivante :
- accord après l'article : "la feue reine"
- pas d'accord avant l'article : "feu la reine" |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11247 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Thursday 30 Sep 10, 2:47 |
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Merci beaucoup, Horatius ... et merci à feu Littré. Très intéressant en effet. C'est donc le TLF qui a raison, mais bcordelier n'avait pas totalement tort.
De infans à *fatutus, voilà donc la durée de la vie bornée par deux membres de la grande et riche famille FABLE. Très philosophique, tout ça. |
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ramon Animateur
Inscrit le: 13 Jan 2005 Messages: 1395 Lieu: Barcelone, Espagne
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écrit le Thursday 30 Sep 10, 9:36 |
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Je voudrais seulement remarquer que, d’un point de vue d’un hispanophone, est plus vraisemblable l’étymologie basé sur le passé du verbe esse, que l’histoire de fatutum. D’autant plus que, en espagnol, les formes du passé simple du verbe ser (être) sont les mêmes du verbe ir (aller) :
El fue : il fut, il a été
El se fue : il s’en alla, il est parti
Mais c’est l’opinion des experts, donc je la respecte. |
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giòrss
Inscrit le: 02 Aug 2007 Messages: 2778 Lieu: Barge - Piemont
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écrit le Thursday 30 Sep 10, 10:34 |
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L'histoire d'une dérivation de fatutu[m] est peu probable... comme plusieures étymologies de "feu" Littré. |
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José Animateur
Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 10941 Lieu: Lyon
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écrit le Thursday 30 Sep 10, 12:31 |
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- Lire ICI le Mot du Jour feu (nom).
- Lire ICI le Fil feu (défunt) dans le Dictionnaire Babel. |
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Horatius Animateur
Inscrit le: 11 Apr 2008 Messages: 695
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écrit le Thursday 30 Sep 10, 18:35 |
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Je ne comprends pas bien les réactions contre "l'histoire du fatutum". Cette interprétation n'est d'ailleurs pas spécifiquement celle de Littré ; c'est celle que l'on trouve aussi bien dans le TLF que dans Bloch-Wartburg, ou encore dans le Robert Historique.
L'évolution phonétique *fatutus > feüz (XIe s) > feu ne me paraît pas choquante, d'autant moins que le Robert Historique avance une forme encore plus ancienne "fadude", qu'il ne fait pas précéder d'un astérisque (donc apparemment une forme attestée, mais où ? Robert ne le dit pas). On a de même en ancien provençal "mal fadat" et pensons à l'anglais "ill-fated".
Au contraire, cela me gêne beaucoup de faire venir l'adjectif "feu" du verbe latin "fuit" : ce serait un changement de classe grammaticale très étonnant. Or toutes les attestations en Ancien Français données par Littré donnent "feu" comme adjectif ; les rares exemples de "feu" traité comme un verbe ne remontent pas au-delà du XVIe siècle. |
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José Animateur
Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 10941 Lieu: Lyon
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écrit le Wednesday 01 Dec 10, 13:04 |
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Synonyme de feu(e) = défunt :
- ma grand-mère défunte : feue ma grand-mère |
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Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3509 Lieu: Nissa
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écrit le Thursday 02 Dec 10, 12:06 |
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N'en déplaise à certains de nos amis, l'étymologie indiquée par Papou et Horatius semble être aussi considérées par les allemands Bloch et Wartburg puisque je trouve chez Ernout et Meillet sous l'article fātum :
cf. aussi fr. feu, B. W. s. u., de *fātātus?
La différence de vocalisme ne doit pas étonner, on trouve aussi bien des dérivés comme fātālitās « fatalité » que comme fātuculus « devin » (d'après les italiens fattucchiara, fattucchiere « magicien »), l'ambiguïté provenant de l'existence des deux divinités Fātum et Fāta, pluriel neutre pris pour un féminin.
Quant à Meyer-Lübke, il cite frz. feu aussi bien sous fātum (3221) que sous esse (2917), laissant le doute.
À mon humble avis, voilà encore un cas où deux étymons ont probablement concourru à la formation d'un mot (cf. dans le même champ sémantique legs et lais) et où les affirmations péremptoires ne sont guère de mise … |
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giòrss
Inscrit le: 02 Aug 2007 Messages: 2778 Lieu: Barge - Piemont
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écrit le Thursday 02 Dec 10, 13:11 |
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Un croisement de deux étymons est déjà plus possible...
Le mot italien pour dire "magicienne" est fattucchiera et non pas fattucchiara. Mot qui vient du verbe "fare<facere"=faire.
la derivation à partire de "facere" on la voit bien aussi dans le mot corresponant espagnol: hechicera, de hechizo<facticiu[m]
Fattucchiera<*factuclaria<*factucularia de *factuculu[m].
Fattura<factura = incantesimo = enchantement/ensorcellement/envoûtement.
Le deux mots ne peuvent pas être en relation avec fato, parce que le double t, en italien, marque toujours une evolution à partir d'un -ct/pt- latin.
..par contre fato<fatum (= "destin") vient du verbe latin "fari" = "parler".
Donc, "fatalità" n'a pas une racine commune avec "fattucchiera".
Les Tria Fāta ne sont pas une divinité seule, mais une trinité de divinité feminines, correspondante aux Parques ou Moires de la Grèce et aux Matres Matronae de la Gaule.
De toute façon c'est vrai que le "fatum" a perdu peu à peu son genre neutre et s'est décliné en "fatus" pour les hommes et "fata" pour les femmes.
Dernière édition par giòrss le Thursday 02 Dec 10, 13:50; édité 5 fois |
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Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3509 Lieu: Nissa
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écrit le Thursday 02 Dec 10, 13:39 |
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Ce sont des points de vue. Je ne les partage pas tous mais je n'ai pas envie de débattre. |
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giòrss
Inscrit le: 02 Aug 2007 Messages: 2778 Lieu: Barge - Piemont
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écrit le Thursday 02 Dec 10, 13:56 |
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Au maximum fattucchiera/hechicera/fetillera pourrait étre un autre mot de derivation croisée...comme dit un dictionnaire catalan
http://www.diccionari.cat/lexicx.jsp?GECART=0063676
Citation: | fetiller -a
[s. XIV; probablement d'un ll. *facticularius, alteració d'un *fatucularius, der. de Fatuculus, dimin. de Fatum i Fatuus, divinitats rurals, per influx de *facticŭla 'cosa artificiosa' (v. fetillar)]
1 m i f ESOT Persona que practica la fetilleria.
2 m Curandero de les tribus primitives.
3 adj i m i f dial Llepafils, estugós. |
Mais en soulignant l'asterisque de *fatucularius. |
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