Voir le sujet précédent :: Voir le sujet suivant |
Auteur |
Message |
Lou caga-blea
Inscrit le: 05 Sep 2006 Messages: 513 Lieu: Nissa
|
écrit le Wednesday 16 Apr 08, 14:18 |
|
|
Amics dau nòrt !
La presse centrale (française) s'intéresse à votre langue, qu'ils semblent avoir redécouverte grâce à un récent film… A noter, donc, une double page dans le Libération d'aujourd'hui (16/04/2008), intitulée Te comprins ch'picard (orthographe approximative, désolé). Vous saurez mieux que moi si l'article est bien fait, mais j'ai tout de même noté que le picard n'a jamais la dignité de langue (patois, dialecte ou langue basse dans le meilleur des cas…), et que les stéréotypes sont largement mis à contribution. L'article comprend une carte linguistique de la zone d'oïl, où le wallon cependant n'apparaît pas ; en outre, le journaliste n'est pas clair et m'a semblé faire du wallon une variante du picard… Est-ce une bourde ou une réalité linguistique (mais connaissant les wallonnisants du forum, je pense qu'ils n'ont pas la même vision des choses…).
Bonne lecture. |
|
|
|
|
José Animateur
Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 10945 Lieu: Lyon
|
écrit le Wednesday 16 Apr 08, 15:15 |
|
|
Lou caga-blea a écrit: | j'ai tout de même noté que le picard n'a jamais la dignité de langue (patois, dialecte ou langue basse dans le meilleur des cas…) |
Je viens justement de lire Libé avant de passer à Babel ! LouCB, il faut être honnête : qd il mentionne le picard ou le ch'ti, l'article parle nettement plus souvent de langue (5 fois rien que dans les 2 premiers paragraphes) que de patois. L'expression "langue basse" est mise entre guillemets et fait référence au passage du français en langue nationale par l'Ordonnance de Villers-Cotterêts en 1539. Et le mot patois est généralement employé dans l'article par les locuteurs locaux.
J'ai comme toi tiqué en lisant que "la langue picarde a ses variantes, dont le wallon à Tournai". Les wallonophones rectifieront si besoin est. Je ne sais pas à quels stéréotypes tu fais allusion.
L'article contient pas mal d'infos intéressantes, en tout cas pour ceux qui comme moi connaissent (très) mal le sujet :
- le terme ch'ti serait un sobriquet hérité des tranchées de la 1ère guerre mondiale
- le picard est plus proche du latin que le français
j't'a quayr = je t'aime fait fortement penser à te quiero
- l'hyperpicard, c'est la propension à rajouter des ch et des in partout
- le P'tit Quinquin est la berceuse d'une dentellière qui promet à son fils d'aller chercher ses habits au clou si elle fait une bonne semaine
- les écoliers lillois l'apprennent à la maternelle
- dans un certain nombre de villes, on trouve des cercles patoisants et les universités d'Amiens et Lille proposent des cursus universitaires en langue picarde
- c'est par le patois que les immigrés polonais ou italiens sont venus au français, à la mine, à l'usine ou sur les chantiers |
|
|
|
|
Lou caga-blea
Inscrit le: 05 Sep 2006 Messages: 513 Lieu: Nissa
|
écrit le Wednesday 16 Apr 08, 15:30 |
|
|
Les stéréotypes en question, c'est tout ce qui tourne autour du concept "picard = langue du cœur, langue du peuple, langue de l'émotion", ce qui est vrai (on est dans une belle situation de diglossie, et l'assertion est valable pour toutes les langues de France), ce qui du coup sous-entend que le picard n'est pas une langue parfaite (au sens d'achevée), comme le français qui permet de s'exprimer dans les deux registres (haut, noble, sérieux, universel et local, bas, ignoble, léger). Et puis la rengaine "le picard c'est plus authentique" ou "c'est comme Rabelais" ou encore "c'est plus proche du latin", ça me fait doucement rigoler… Mais cela dit, il est très bien que de tels articles apparaissent dans les journaux nationaux ! Ne serait-ce que par la visibilité et l'écho "national" qu'ils donnent à nos langues.
PS : José, quand tu donne l'exemple j't'a quayr = je t'aime, je ne vois pas en quoi j't'a quayr serait plus proche du latin que fr. je t'aime. Une convergence avec le castillan, oui, mais en latin aimer se dit amare (quayr, quiero, etc. < quaerere "demander, chercher"). |
|
|
|
|
José Animateur
Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 10945 Lieu: Lyon
|
écrit le Wednesday 16 Apr 08, 15:48 |
|
|
Le discours sur le coeur des chtimis, c'est les chtimis eux-mêmes qui en parlent, et pas seulement à propos de la chaleur des supporters du RC Lens. Je ne sais pas, à ce sujet, si la chaleur des supporters lensois est à attribuer à leur "chtimitude" ou à leur condition ouvrière car on retrouve cette même ferveur à St-Etienne, qui partage avec Lens la culture de la mine. Mais ceci est un autre sujet.
Sur les différents qualificatifs attribués au picard, tu auras noté qu'ils proviennent d'entretiens recueillis auprès de professeurs d'université (par ex. Fernand Carton, de la Fac de Nancy) ou de locuteurs engagés dans la promotion du picard par le biais d'associations.
LouCB a écrit: | ce qui du coup sous-entend que le picard n'est pas une langue parfaite (au sens d'achevée), comme le français qui permet de s'exprimer dans les deux registres (haut, noble, sérieux, universel et local, bas, ignoble, léger) |
C'est marrant, on ne l'a pas lu de la même façon, cet article. Dans une comparaison français-picard, moi j'ai retenu "le picard a une force d'image que n'ont pas les mots français", ce qui tend à faire passer le français pour une langue plus plate que haute (!). Je vois là un éloge et pas de condescendance.
LouCB a écrit: | José, quand tu donnes l'exemple j't'a quayr = je t'aime, je ne vois pas en quoi j't'a quayr serait plus proche du latin que fr. je t'aime. Une convergence avec le castillan, oui, mais en latin aimer se dit amare (quayr, quiero, etc. < quaerere "demander, chercher"). |
J'ai rajouté "j't'a quayr" au dernier moment, il n'y a effectivement pas de rapport avec l'histoire du latin, ta remarque est donc juste. Il faut dissocier les 2 lignes, dans la 2de j'émettais une hypothèse, je serais curieux de savoir s'il y a un lien entre quayr et querer. |
|
|
|
|
Lou caga-blea
Inscrit le: 05 Sep 2006 Messages: 513 Lieu: Nissa
|
écrit le Wednesday 16 Apr 08, 15:56 |
|
|
José a écrit: | C'est marrant, on ne l'a pas lu de la même façon, cet article. Dans une comparaison français-picard, moi j'ai retenu "le picard a une force d'image que n'ont pas les mots français", ce qui tend à faire passer le français pour une langue plus plate que haute. Je vois là un éloge et pas de condescendance. |
C'est vrai, sans doute suis-je (par trop ?) sensible à cette attitude fort répandue envers nos langues, auxquelles on concède des qualités d'immédiateté, de simplicité, d'authenticité (depuis l'époque romantique) qui à première vue semblent largement positives, mais sont en fait, ce me semble, un coup de couteau supplémentaire à ces langues jadis, naguère et aujourd'hui considérées comme des sous-langues…
J'ai bien remarqué que les personnes mentionnées dans l'article sont les premiers à mettre en avant ce prétendu "génie" du picard (autre terme très XIXe siècle…), mais tu sais comme moi qu'une infériorité intériorisée est encore plus efficace…
Ton rapprochement de quayr avec esp. quiero est tout à fait juste : c'est une convergence lexicale entre ces deux extrémités du domaine roman que sont l'espagnol et le picard. Comme cela a été dit à propos d'un sondage sur "la langue romane la plus proche du latin", le beau quand on regarde de près les langues romanes, c'est que chaque variété, même la plus méconnue, présente tour à tour les archaïsmes les plus flagrants et les innovations les plus grandes. Même le français, pourtant si éloigné du latin ! |
|
|
|
|
José Animateur
Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 10945 Lieu: Lyon
|
écrit le Wednesday 16 Apr 08, 16:11 |
|
|
LouCB a écrit: | mais tu sais comme moi qu'une infériorité intériorisée est encore plus efficace… |
J'étais sûr que tu allais me sortir ça ! A mon avis, ce n'est pas ce qui ressort du phénomène "Bienvenue chez les ch'tis" et des nombreux reportages que l'on a pu voir. Idem pour l'épisode lamentable de la banderole lors de la finale de la Coupe de la Ligue Lens-Paris SG : la réaction des gens du Nord s'est jouée dans le registre de la dignité, pas du pauvre prolo insulté. Qu'il s'agisse de la langue ou de la condition des gens du Nord (région déshéritée économiquement et socialement), je ne sens pas d'infériorité intériorisée a priori (mais il peut y en avoir). Et je ne nie pas qu'elle existe dans les rapports de force linguistiques ou coloniaux ! (je ne connais pas le Nord - Pas-de-Calais)
D'accord avec ce que tu dis des archaïsmes et convergences entre extrémités romanes.
Hypothèse (peut-être à côté de la plaque) :
- quayr pourrait-il être un héritage du passage des Espagnols dans la région entre le XVI et le XVIIIème ?! |
|
|
|
|
AdM Animateur
Inscrit le: 13 Dec 2006 Messages: 896 Lieu: L-l-N (Belgique)
|
écrit le Wednesday 16 Apr 08, 16:39 |
|
|
[Peut-être hors-sujet…] Ce verbe quayr ne peut-il être rapproché du français « chérir » ou de l'italien car(issim)a ? |
|
|
|
|
PaulH
Inscrit le: 30 Mar 2008 Messages: 28 Lieu: Lille
|
écrit le Wednesday 16 Apr 08, 18:21 |
|
|
A priori, je pense comme AdM : l'étymologie du ker de "j't'a ker" doit plutôt être le latin carus.
Quaerere a donné en picard le verbe quère : Va m' quère... (Va me chercher...) un objet dont on connaît l'emplacement, sinon on utilisera le verbe cacher : J'cache mes leunettes, je n' sais mie pus d'u qu' je l'z a muché ! (je cherche mes lunettes, je ne sais plus où je les ai cachées).
Existe un autre verbe quère ou quéhir, on rencontre les deux formes, du latin cadere qui signifie tomber : i va 'cor quère des neiches (il va encore neiger). |
|
|
|
|
PaulH
Inscrit le: 30 Mar 2008 Messages: 28 Lieu: Lille
|
écrit le Wednesday 16 Apr 08, 19:05 |
|
|
José a écrit: | Hypothèse (peut-être à côté de la plaque) : quayr pourrait-il être un héritage du passage des Espagnols dans la région entre le XVI et le XVIIIème ?! |
On a beaucoup éxagéré, notamment au XIXe, le rôle du castillan sur le picard... Jusqu'aux noms de famille. Mon nom se termine par "ez" que beaucoup attribue à une origine espagnole mais ce n'est qu'une convention orthographique dans le Nord pour le son "é"... Le z n'est pas prononcé !
De plus, il n'y a pas eu "d'occupation" espagnole comme on peut le lire. C'est uniquement par le jeu des mariages que les souverains de la région sont devenus en même temps que comte de Flandres, de Hainaut, d'Artois etc, rois d'Espagne, mais les institutions locales n'ont pas changé ! Ce fut même un avantage pour elles que le souverain soit occupé au loin à Madrid... D'où les inquiètudes lors de l'arrivée des troupes du roi Louis XIV qui allait rattacher la région à la France !
Autre précision, le français était déjà depuis lontemps la langue de l'administration et de l'enseignement sous la période espagnole et on peut même dire qu'une littérature picarde-chtie n'a commencé à émerger qu'après le rattachement à la France : François Decottignies à Lille, par exemple. |
|
|
|
|
AdM Animateur
Inscrit le: 13 Dec 2006 Messages: 896 Lieu: L-l-N (Belgique)
|
écrit le Wednesday 16 Apr 08, 20:01 |
|
|
Les mêmes mots existent en wallon. Du coup, sous leur influence, certains utilisent encore fréquemment les vieux mots français correspondants :
PaulH a écrit: | Quaerere a donné en picard le verbe quère : Va m' quère... (Va me chercher...) un objet dont on connaît l'emplacement […] |
Qwèri ine saqwè. (« Quérir, chercher quelque chose ».)
Citation: | Existe un autre verbe quère ou quéhir, on rencontre les deux formes, du latin cadere qui signifie « tomber » […] |
Tchèr (« choir, tomber »).
Ex. Il èst tchu djus di s'tchèyîre. (« Il est chu en bas de sa chaise. ») |
|
|
|
|
Poyon
Inscrit le: 24 Jul 2005 Messages: 765 Lieu: Liège (Waremme)
|
écrit le Wednesday 16 Apr 08, 20:26 |
|
|
1. On ne parle pas wallon à Tournai, mais bien picard, tout comme à Ath et à Mons.
2. Le wallon n'est pas une variante du picard. Si un wallon peut comprendre un plus ou moins un picard, l'inverse n'est pas vrai. |
|
|
|
|
PaulH
Inscrit le: 30 Mar 2008 Messages: 28 Lieu: Lille
|
écrit le Wednesday 16 Apr 08, 20:29 |
|
|
Intéressant AdM, c'est du wallon du Brabant (L-l-N) ?
Car "chercher quelque chose" pourrait se dire en picard-chti : quère eune saquo/séquo(i) ou quère quet' cosse
De même "il est tombé en bas de sa chaise" : i a kéu ju de s' cayère
C'est assez proche ! |
|
|
|
|
AdM Animateur
Inscrit le: 13 Dec 2006 Messages: 896 Lieu: L-l-N (Belgique)
|
écrit le Wednesday 16 Apr 08, 21:01 |
|
|
Je suis natif de Liège. Mon wallon aussi… – mais la plupart des autres wallons (Namur ou Charleroi) me paraissent simples à y rapporter, éventuellement en songeant à des mots français désuets. L'inverse n'est pas vrai : il me semble que le wallon liégeois est très singulier. |
|
|
|
|
Poyon
Inscrit le: 24 Jul 2005 Messages: 765 Lieu: Liège (Waremme)
|
écrit le Thursday 17 Apr 08, 14:37 |
|
|
De fait, un liégeois comprend le namurois, mais pas l'inverse.
Certains linguistes font d'ailleurs du liégeois une langue d'oïl à part. |
|
|
|
|
felyrops
Inscrit le: 04 May 2007 Messages: 1143 Lieu: Sint-Niklaas (Belgique)
|
écrit le Friday 18 Apr 08, 8:30 |
|
|
@ Poyon: et où se place le wallon du Centre? (Borinage) |
|
|
|
|
|