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Athéna, Athènes, Attique et Atthis - Forum grec - Forum Babel
Athéna, Athènes, Attique et Atthis
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Outis
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Messageécrit le Saturday 13 Aug 11, 17:42 Répondre en citant ce message   

Avant de proposer une hypothèse personnelle hasardeuse sur l'origine du nom de la Déesse (que je crois donc antérieur à celui de la ville), j'aimerais m'attarder sur ce nom d'Atthis, cette « petite athénienne » qui, au VIe siècle à Mytilène, devait fréquenter l'École de Sappho (un établissement qui, dans le domaine de la poésie et de la musique, devait être l'équivalent de ce qu'allaient être le Lycée, l'Académie ou le Portique).

Quelques fragments, regroupés (peut-être artificiellement) en suivant le modèle de poèmes latins qu'on imagine avoir été faits à l'imitation de Sappho, peuvent nous évoquer une longue histoire d'amour …

Sappho (fr. 49, Eva-Maria Voigt, Amsterdam 1971) a écrit:
Ἠράμαν μὲν ἔγω ϲέθεν, Ἄτθι, πάλαι ποτά

ϲμίκρα μοι πάιϲ ἔμμεν᾽ ἐφαίνεο κἄχαριϲ

Oui, j'étais éprise, moi de toi, Atthis, une fois, il y a bien longtemps

Tu me semblais être une enfant petite et sans grâce

Formes non attiques :

ἠράμαν = att. ἠράμην, ind. imparfait Sg1 de ἔραμαι « aimer d'amour, aimer passionnément » où l'emploi de la voix moyenne indique une implication personnelle plus intense que l'actif ἐράω (cf. fr. Éros) ; se construit avec le génitif de l'objet
ϲέθεν = att. σοῦ, génitif éolien du pronom personnel sg2, construit avec la particule -θεν marquant l'origine
ποτά = att. ποτέ « une fois, un jour »
ϲμίκρα : les formes de μικρός avec un σ prothétique sont primitives et pandialectales
ἔμμεν = att. εἶναι, infinitif éolien de εἰμί « être »
ἐφαίνεο = att. ἐφαίνου (forme contracte), ind. imparfait sg2 de φαίνομαι « paraître, sembler »
κἄχαριϲ = καὶ ἄ-χαρις « et sans grâce » (cp., à ce sens, le fr. ingrate)


Sappho (fr. 130, Eva-Maria Voigt, Amsterdam 1971) a écrit:
Ἔροϲ δηὖτέ μ᾽ ὀ λυϲιμέλης δόνει,
γλυκύπικρον ἀμάχανον ὅρπετον

Ἄτθι, ϲοὶ δ᾽ ἔμεθεν μὲν ἀπήχθετο
φροντίϲδην, ἐπὶ δ᾽ Ἀνδρομέδαν πότηι[…

Et voilà qu'à nouveau Éros me trouble, lui qui dissout les membres,
serpent doux-amer dont on ne peut se délivrer

Mais toi, ô Atthis, il t'est devenu odieux
de te soucier de moi et vers Andromède vont tes désirs

Formes non attiques :

δηὖτέ = att. δὴ αὖτε
ἀμάχανον = att. ἀ-μήχανον « ce contre quoi on ne peut rien machiner »
ὄρπετον = ἕρπετον « serpent », degré zéro *sṛ-p- avec *s > ø (psilose) et *ṛ > or (dialectal)
ἔμεθεν = att. ἐμοῦ, génitif sg1 du pronom personnel
φροντίϲδην = att. φροντίζειν, infinitif prés. « penser à, se soucier de »
πότηι[ = att. ποθεῖς « désirer une chose absente »
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Outis
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Inscrit le: 07 Feb 2007
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Lieu: Nissa

Messageécrit le Monday 15 Aug 11, 17:08 Répondre en citant ce message   

Un fil est consacré à Sappho dans le forum grec.
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Outis
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Inscrit le: 07 Feb 2007
Messages: 3510
Lieu: Nissa

Messageécrit le Wednesday 17 Aug 11, 12:47 Répondre en citant ce message   

Revenons à Athéna. Ainsi qu'on a pu le voir plus haut, la forme de base en grec commun semble être un Ἀθάνα avec une brève et deux longues (ᾰᾱᾱ). Si l'on cherche un étymon eurindien, parmi toutes les hypothèses envisageables, j'aimerais privilégier pendant un moment l'hypothèse d'une sifflante initiale, d'abord passée à une simple aspiration puis dissimilée par le th (selon la loi dite de Grassmann).

Soit un étymon *sadʰānā, sans préjuger de l'origine des a. Cette forme, tous les lecteurs de Dumézil la rapprocheront immédiatement de la célèbre Satana, héroïne des Légendes sur les Nartes telles que les ont conservées les Ossètes et que Dumézil a étudiées, montrant qu'elles transmettaient le souvenir de leurs ancêtres les Scythes et un fond commun eurindien très pertinent.

Les études ossètes de Dumézil sont essentiellement abordées dans les ouvrages suivants :

Légendes sur les Nartes, suivies de cinq notes mythologiques, 1930
Le Livre des héros, légendes ossètes sur les Nartes, 1965
Mythe et Épopée I : L’Idéologie des trois fonctions dans les épopées des peuples indo-européens 1968, troisième partie : « Trois familles »
Romans de Scythie et d’alentour , 1978

Pour Athéna = Satana

Le premier point est la grande valeur de Satana. C'est elle qui tient fermement la principale famille Narte, celle des Æxsærtægkatæ (nom apparenté à kṣatriyā, la caste guerrière indienne) qu'elle protège en excellant dans tous les domaines. Elle ne combat jamais mais fournit aux héros de sa famille des sortilèges de protection et déjoue les plans de leurs ennemis. Surtout, elle est remarquablement intelligente, d'une intelligence rusée, bien analysée par Detienne et Vernant (Les Ruses de l’intelligence, la Mètis des grecs, 1974) comme celle d'Ulysse, patronée en Grèce par Mètis (la mère d'Athéna, avalée par Zeus). Un exemple :

Un génie a fourni aux héros Nartes une immense armée à condition qu'ils puisse donner le nombre exact des guerriers. Satana cousit alors un pantalon à trois jambes qu'elle suspendit à sécher, attendant le passage de Syrdon, fléau des Nartes, pour entendre :
« Que ton foie éclate, princesse Satana, si tu as besoin d'un pantalon à trois jambes ! Les armées des Æxsærtægkatæ comptent trente fois trente mille plus cent hommes : parmi eux, il n'y en a pas un seul qui ait trois jambes ! »

Mais ça ne suffit peut-être pas, le folklore est plein de telles héroïnes. Passons alors à des choses plus pertinentes, les structures narratives. J'en donnerai deux exemples.

Naissance de Soslan

Dumézil, Le Livre des héros, p. 69 : Naissance de Soslan, a écrit:
Un jour, Satana lavait du linge au bord d'une grande rivière. Elle portait le vêtement court des montagnardes. De l'autre côté de l'eau, un berger paissait son troupeau. Satana était si belle et de corps si blanc que le berger, dès qu'il la vit, sentit bondir son cœur. Il se coucha sur une pierre et y pris son plaisir. Satana l'avait observé et se mit à compter les jours.
Quand le temps fut révolu, elle prit avec elle un groupe de jeunes Nartes et les amena dégrossir la pierre. Mais lorsqu'ils furent près de la matrice, elle les congédia, ouvrit elle-même la pierre et en tira l'enfant. Elle l'emporta chez elle, l'éleva et le nomma Soslan.
[…]
— Je ne vaudrai jamais rien, répondit Soslan, si vous ne me faites pas tremper dans du lait de louve par Kurdalægon, le forgeron céleste.

On aura immédiatement reconnu le schéma de la naissance d'Érichthonios : l'héroïne est mère causale par le désir qu'elle inspire mais elle reste à distance de l'acte sexuel et la gestation est assumée par le sol, assurant en outre l'autochtonie du héros. Bien sûr, on pourra être aussi frappé par l'intervention du forgeron divin qui assumera une des fonctions paternelles en le trempant.

Naissance de Satana

Dzerassæ, héroïne d'une génération précédente, avait provoqué le désir de Uastyrdji (génie patron de la virilité, son nom est une déformation de « [Saint] Georges ») mais avait réussi à lui échapper par ruse.

Dumézil, Le Livre des héros, pp. 34-35 : Naissance de Satana, a écrit:
Quand elle fut près de mourir, elle dit à ses deux garçons :
— Lorsque je serai morte, ne me laissez pas sans protection les trois premières nuits. J'ai une dette, et mon créancier est mauvais, il me poursuivra jusque chez les morts.
Elle mourut et on l'enterra.
(bien sûr, la troisième nuit, c'est le plus jeune des frères qui est de garde et il s'éloigne)
À peine s'était-il éloigné que la tombe s'illumina : Uastyrdji était déjà à l'intérieur ! … il s'approcha d'elle …
(un an s'est écoulé)
— Il se passe une chose étrange dans le cimetière des Nartes : prêtez l'oreille, et vous entendrez les pleurs d'un nouveau né.
Uryzmæg présidait l'assemblée. Il ne s'en leva pas moins et courut jusqu'à la porte de la tombe. Il ouvrit, entra, et ressortit avec une petite fille, Satana.

Ici, plus que la narration, c'est la structure qui est commune avec la naissance d'Athéna où Mètis, la Ruse, enceinte de Zeus, est avalée par celui-ci, puis, la gestation s'étant poursuivie en lui, l'enfant sera délivrée de son front par la hache d'Héphaistos. On a dans les deux cas une double enveloppe de l'embryon, le ventre de sa mère morte et le tombeau qui la contient. Quand le temps est venu, le premier accouchement se fait apparemment sans problème mais il faut une intervention pour le second. On notera aussi que l'étrange cheminement de la petite Déesse dans le corps de Zeus (c'est la cuisse de celui-ci qui servit de matrice à Dionysos) est peut-être lié à ce que le crâne peut évoquer par sa forme la tombe à coupole mycénienne …

D'autres traits peuvent rapprocher les deux personnages, comme la trifonctionnalité par exemple, mais, plus généraux, ils sont moins pertinents.

Contre Athéna = Satana

Il y a de sérieux problèmes phonétiques car un ossète satana ne peut en aucun cas provenir d'un eurindien *sadʰānā. J'utilise ici, pour la dernière étape, un article Ossetic de Fridrik Thordarson.

Dès l'avestique eur. *s- > OI (vieil iranien) *h-, comme en grec mais, ensuite, OI *ha- > oss. æ- (4.2.5.2.1.3). En position médiane OI > a, sauf avant nasale où > o (nāman- « nom » > oss. nom, cf. 4.2.5.2.1.4). L'eurindien *dʰ qui avait déjà peru son aspiration en OI se maintient d en ossète, de même que la nasale n.
Finalement, de *sadʰānā on attendrait un ossète *ædona ou, rétablissant un féminin, *ædonæ, bien éloigné de satana …

L'origine commune des deux noms étant visiblement exclue, ne reste, à part une curieuse coïncidence, toujours possible, que la possibilité d'un emprunt, le plus vraisemblable étant dans le sens grec > scythe, à une date où un s- initial n'avait pas encore disparu en grec et où il ne disparaissait plus dans les langues iraniennes. Ça laisse une fourchette difficile à déterminer (manque d'homogénéité des dialectes) et, j'en ai peur, si tant est qu'elle existe, bien étroite …

C'est pourquoi, finalement, je me rabattrais volontiers sur un simple emprunt vers les VIIIe ou VIIe siècles : grec Athana > scythe *Atana qui aurait été contaminé en Satana lors de l'évangélisation des Ossètes.

Hélas pour Papou, ça n'expliquerait toujours pas le grec Athéna …
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Alexandre



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Messageécrit le Wednesday 05 Oct 11, 9:11 Répondre en citant ce message   

Les personnages mythologiques sont particulièrement sujets à pseudo-cognats - c'est à dire que des personnages ressentis comme proches portent des noms qui se ressemblent, bien que ne pouvant être réduits à un étymon unique. La raison en est que les conteurs de l'Antiquité étaient souvent itinérants, ce qui les forçait à être polyglottes.
N'ayant qu'un nombre nécessairement limité de récits à raconter, ils franchissaient allègrement les barrières linguistiques d'un auditoire à l'autre, dans la mesure de leurs capacités. Pour autant, par facilité, ils conservaient les mêmes noms à leurs personnages. Les noms et les idéologies sous-jacentes à leurs récits ne variaient donc que dans la mesure des habitudes phonétiques et des conceptions morales des auditoires.
Voilà comment une "Satanâ" indo-iranienne a pu devenir une Sathanâ grecque, dès lors qu'elles présentaient des caractéristiques suffisamment proches.

Quelques exemples célèbres :
le chien de l'enfer : Kerberos chez les Grecs, carbala chez les Perses
le dieu du ciel : Ouranos chez les Grecs, Varuna en inde
les musiciens des dieux, mi-hommes mi-animaux : Kentauroi chez les Grecs, Gandarva chez les Perses, Gondu chez les Lituaniens, et le nom du mois februum à Rome

Le phénomène transcende même les limites de familles linguistiques :

http://www.mythofrancaise.asso.fr/4_bullet/43_article.html

Autre exemple :
hourrite Kubaba - la déesse Cybèle / sumérien Humbaba - monstre opposé à Gilgamesh par la déesse Inana.

J.D. Forest est allé jusqu'à proposer le même phénomène entre l'hébreux Moïse et le sumérien Gilga-mesh.
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Alexandre



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Messages: 56
Lieu: Marly le Roi

Messageécrit le Wednesday 05 Oct 11, 23:26 Répondre en citant ce message   

A propos de Satana : http://titus.uni-frankfurt.de/personal/jg/pdf/jg2000d.pdf
p.32
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Papou JC



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Messageécrit le Friday 28 Oct 11, 6:00 Répondre en citant ce message   

A propos des célèbres yeux d'Athéna, voir les MDJ glauque et pers.
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Jacques



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Messages: 6525
Lieu: Etats-Unis et France

Messageécrit le Friday 08 Feb 13, 16:42 Répondre en citant ce message   

Voir aussi le fil attic (anglais).
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photophore



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Messages: 151
Lieu: 78360 Montesson

Messageécrit le Tuesday 01 Aug 17, 23:01 Répondre en citant ce message   

Ce qui m'étonne , c'est que personne n'ait encore parlé d'un possible lien avec la Crète Minnoenne : ce lien me semble pourtant évidents
Que Minos ait choisi Dédale pour construire le labyrinthe prouve qu'Athènes devait être un comptoir de la thalassocratie minoenne , et Athéna en était la divinité poliade
Quant au Labyrinthe , il se décompose en 2 : Labrys , la double hache , que l'on trouve sur tous les palais minoens , et rinthos ( que l'on trouve aussi dans Tyrinthe , Corinthe , etc ) ,, qui ne peut logiquement signifier que palais
Le labyrinthe serait tout simplement le palais royal
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