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rejsl Animatrice
Inscrit le: 14 Nov 2007 Messages: 3664 Lieu: Massalia
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écrit le Saturday 18 Feb 12, 18:51 |
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L'évocation d'un certain mot grâce au nombre de ses lettres peut fonctionner au sein d'un même groupe linguistique aux codes communs, à fin d'euphémisme.
C'est le cas du bon vieux Je te dis les cinq lettres de mon enfance, à une époque où le terme merde n'était pas encore banalisé.
yiddish : אַרײןלײגן אין די דרײַ אותיות = areynleygn in di dray oysyes = inscrire dans les trois lettres.
Signification: excommunier, mettre au ban de la communauté juive, une punition tellement redoutée qu'on ne prononce même pas le mot qui fait peur!
Ces trois lettres:חרם , kheyrem en yiddish, herem ou cherem pour l'hébreu, désignent le jugement de banissement de la communauté.
Étrangement, ce terme est à rapprocher étymologiquement du mot harem. Une même racine sémite ḥrm signifiant interdire, séparer. |
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Glossophile Animateur
Inscrit le: 21 May 2005 Messages: 2281
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écrit le Saturday 18 Feb 12, 22:02 |
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Nous en sommes bien d'accord, tradittore traduttore, et rien n'est plus difficile à rendre que les métaphores partant de la strcture d'une langue ou de la forme des caractères d'un alphabet différent de celui de la langue cible.
Cela dit, Matthieu grec a été composé par un hébraïsant.
Citation: | De toute façon, si je comprends bien certains commentateurs (Vayikra Rabba), ce qui est visé, ce sont plutôt les petits coups de plume qui permettent de distinguer ב beth de כ caph; ח cheth de ה he; ר resh de ד daleth, ou de transformer (déformer) l'un en l'autre ; le iota et l'esprit doux ne sont guère plus adaptés en traduction. |
C'est donc à l'auteur même de Matthieu grec que vous reprochez le choix de sa métaphore.
ll a choisi le iota, qui est une lettre très petite, et dont la présence ou l'absence suffit à changer le sens d'un mot, faire d'un datif un nominatif, par exemple.
Il a choisi keraia, signe diacritique. Je croyais savoir que ni les accents ni les esprits n'étaient encore en usage au premier siècle de notre ère, il faut croire que je me trompais.
Jérôme rend par apex, la macron, ce symbole qui sert à signaler les voyelles longues. La longueur des voyelles est importante, c'est elle qui différencie malum, a long, la pomme, de malum, a bref, le mal.
Aucun point sur l'i ne provoque de tels effets, c'est en ce sens que je dis que la métaphore est mal transposée.
En français, il faudrait accent. |
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rejsl Animatrice
Inscrit le: 14 Nov 2007 Messages: 3664 Lieu: Massalia
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écrit le Sunday 19 Feb 12, 2:09 |
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@ embaterienne.
Non, ce n'est pas très clair. Vous avez mis en lien un texte d'un théologue protestant méthodiste Adam Clark, lequel a publié vers la fin du 18ème ou le début du 19ème siècle un commentaire de la Bible. Dans ce passage, son propos est bien l'Évangile selon Matthieu, qui est à l'origine de l'expression citée par Glossophile. Ce même Adam Clark cite ensuite des textes venant du judaïsme et c'est bien un auteur chrétien qui établit ici un parallèle en s'intéressant au Midrash judaïque.
Le Vayikra Rabbah fait partie des textes du Midrash, ce sont des tentatives d'interprétation des textes sacrés très diverses, faisant appel à des exégèses différentes. Beaucoup de ces écrits analysent les textes de la Torah à la lettre, c'est-à dire en réfléchissant à la valeur symbolique de chaque lettre, en se demandant quelle aurait été la signification, la volonté de Dieu s'il en avait choisi une autre , même proche, et là réside en partie la subtilité des ces analyses, fort différentes de nos façons de raisonner occidentales et rationnelles. Ce n'est pas une référence au coup de plume, mais une insistance sur l'identité symbolique de chaque lettre choisie par Dieu, puisque ces textes sont considérés d'origine divine.
Le caractère propre de chaque lettre est marqué par tout ce qui la distingue d'une autre, du tracé aux différents points. Mais ces commentaires portent essentiellement sur le sens du message, sur son interprétation à partir du choix des lettres.
Les kabbalistes, eux, allèrent encore plus loin dans leur interprétation de la Torah, puisqu'ils se sont appuyés sur la valeur numérique des lettres, ont donné d'autres interprétations en regroupant les lettres autrement ou en faisant même des substitutions.
Quant à Jésus, il avait étudié la Torah et les commentaires des Sages, mais possède-t-on le texte de Matthieu en version originale, c'est-à dire en hébreu? À défaut, il est bien difficile de savoir à la lettre les paroles qu'il met dans la bouche de Jésus. Sans doute faut-il se contenter d'en garder l'esprit.
Dernière édition par rejsl le Sunday 19 Feb 12, 12:12; édité 1 fois |
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embatérienne Animateur
Inscrit le: 11 Mar 2011 Messages: 3861 Lieu: Paris
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écrit le Sunday 19 Feb 12, 11:55 |
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Merci, rejsl et Glossophile, pour vos réponses. |
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rejsl Animatrice
Inscrit le: 14 Nov 2007 Messages: 3664 Lieu: Massalia
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écrit le Sunday 19 Feb 12, 18:07 |
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Mettre le point final à un sujet.
yiddish : Les signes diacritiques dont nous parlions plus haut, qui permettent de distinguer entre deux lettres ou qui sont des points-voyelle, ce sont au singulier דאָס פּינטל, dos pintl ou aussi פּינטעלע, pintele, au pluriel די פּינטלעך , di pintlekh.
* Le verbe פּינטלענ, pintlen , signifie ponctuer ou mettre ces points-lettres ( tous les textes n'en comportent pas).
* טרעפֿן ין פּינטל = trefn in pintl = toucher le point = mettre le doigt dessus; taper dans le mille.
*די שװאַרצע פּינטעלעך = di shvartse pintelekh = les petits points noirs désigne l'ensemble des textes du judaïsme ( Torah et Talmud).
Ex:ער קענט זיך אין די שװאַרצע פּינטעלעך = er kent zikh in di shvartse pintelekh = il s'y connaît dans les points noirs = c'est un érudit en judaïsme.
* Enfin, une expression difficilement traduisible:דאָס פּינטעלע ייִד, das pintele yid, désigne l'étincelle de judaïté, le petit point qui reste sous le deuxième yod du mot yid ( juif), la lettre khirek-yud :
Désigne donc cette étincelle qui resterait au fond de l'âme même lorsqu'une personne aurait tourné le dos à tout ce qui représente le judaïsme, religion, rites et coutumes, culture.
Dernière édition par rejsl le Thursday 14 Mar 13, 17:59; édité 1 fois |
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rejsl Animatrice
Inscrit le: 14 Nov 2007 Messages: 3664 Lieu: Massalia
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écrit le Monday 20 Feb 12, 1:07 |
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yiddish : l'alphabet se dit אַלף -בית = alef-beys et désigne aussi le b-a-ba.
-אן אַלף -בית אמת = an alef-beys emes = une vérité de b-a-ba = une vérité de base, quelque chose que tout un chacun devrait connaître.
-אן אַלף -בית ייִנגל = an alef-beys-yingl = un garçon du b-a-ba = soit un très jeune enfant, soit un débutant.
- אן אַלף -ביתניק = an alef-beysnik = mot formé sur le début de l'alphabet + suffixe -nik = un débutant.
Dernière édition par rejsl le Monday 20 Feb 12, 23:41; édité 2 fois |
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José Animateur
Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 10945 Lieu: Lyon
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écrit le Monday 20 Feb 12, 11:33 |
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Rejsl a écrit: | L'évocation d'un certain mot grâce au nombre de ses lettres peut fonctionner au sein d'un même groupe linguistique aux codes communs, à fin d'euphémisme.
C'est le cas du bon vieux Je te dis les cinq lettres de mon enfance, à une époque où le terme merde n'était pas encore banalisé. |
four-letter word (= mot de 4 lettres) : obscénité - gros mot
mot considéré comme offensant ou vulgaire, de par ses références aux excréments (shit, piss...) ou au sexe (dick, fuck, cunt...).
he let out a four-letter word = il a sorti le mot de cinq lettres (euph.)
Lire l'article Four-letter word de Wikipedia. |
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rejsl Animatrice
Inscrit le: 14 Nov 2007 Messages: 3664 Lieu: Massalia
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écrit le Monday 20 Feb 12, 13:17 |
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four = quatre.
Mieux vaut ne pas le traduire par cinq, car en français l'évocation des cinq lettres est limitée au seul mot merde tandis que cet exemple propre à l'anglais s'applique à toute une série de termes. |
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José Animateur
Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 10945 Lieu: Lyon
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écrit le Monday 20 Feb 12, 13:21 |
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C'est la traduction donnée par Robert & Collins, qui a voulu transposer la locution en français. Le résultat n'est pas très probant, je suis d'accord avec ta remarque. |
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rejsl Animatrice
Inscrit le: 14 Nov 2007 Messages: 3664 Lieu: Massalia
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écrit le Tuesday 21 Feb 12, 0:36 |
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yiddish
* פֿון אַלף ביז תּװ = fun alef biz tof = du début à la fin , équivalent à de A à Z. Dans l'alphabet hébraïque alef est la première lettre et tof la dernière.
* אָנהייבן פֿון אַלף = onheybn fun alef = commencer par le alef, donc commencer par le début ou aussi repartir à zéro, recommencer du début.
*ניט קענען קײן אַלף = nit kenen keyn alef = ne même pas connaître le Alef , donc être illettré, être un âne.
Il y a de nombreuses variantes, toutes stigmatisant l'ignorance:
*ניט קענען קײן אַ פּ תח-אַלף = nisht kenen a pasekh-alef : ne même pas connaître , le alef avec le signe diacritique pasekh dessous, lettre qui se prononce A. Donc, là aussi être illettré, ne rien savoir.
* ניט קענען אָנשרײַבן אַ צײכן אָנשטאָט אַן אות = nisht kenen onshraybn a tseykhn onstot on os. = ne même pas être capable de griffonner un signe à la place d'une lettre.
* ניט קענען קײן ץ לם פֿון קײן אַלף = nisht kenen keyn tseylem fun keyn alef = ne même pas connaître une petite croix d'un alef = ne rien savoir du tout, même pas l'ombre de quoi que ce soit.
* ניט קענען אַ ץ לם פֿאַר אַן אַלף = nisht kenen a tseylem far an alef = ne même pas savoir faire une croix pour un alef.
* נישט דערקענען דעם חילוק צװישן אַ צײכן און אַן אות = nisht derkenen dem khirek tsvishn a tseykhn un an os = ne pas connaître la différence entre un signe et une lettre. |
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ramon Animateur
Inscrit le: 13 Jan 2005 Messages: 1395 Lieu: Barcelone, Espagne
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écrit le Tuesday 21 Feb 12, 9:36 |
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Ça m’a rappelé que l’espagnol a aussi une expression du même genre pour remarquer l’ignorance:
No saber hacer la O con un canuto
Ne pas savoir faire le O avec un petit tube |
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rejsl Animatrice
Inscrit le: 14 Nov 2007 Messages: 3664 Lieu: Massalia
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écrit le Tuesday 21 Feb 12, 12:49 |
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Pourquoi avec un petit tube? Est-ce que ça désigne un gros crayon, un tube de peinture? |
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rejsl Animatrice
Inscrit le: 14 Nov 2007 Messages: 3664 Lieu: Massalia
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écrit le Tuesday 21 Feb 12, 13:10 |
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yiddish
Encore la lettre
- זיך שטעלן בײַ דער אַלף = zikh shteln bay der alef = se poser ( s'arrêter) sur le aleph = stagner, ne pas progresser.
- װער עס זאָגט אַ מוז זאָגן ב = ver es zogt alef, muz zogn beys = qui dit A doit aussi dire B.
Expression identique à l'allemand, déjà cité: Wer A sagt muss auch B sagen. Certainement un emprunt à cette dernière langue... Mais son emploi et son sens semblent légèrement différent. Ici, en yiddish, cela peut signifier seul le premier pas est difficile ou bien nécessité d'être constant, de tenir bon. |
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Glossophile Animateur
Inscrit le: 21 May 2005 Messages: 2281
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écrit le Tuesday 21 Feb 12, 14:38 |
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rejsl a écrit: | Pourquoi avec un petit tube? Est-ce que ça désigne un gros crayon, un tube de peinture? |
Si je puis me permettre...
Nous avons tous tracé des cercles, dans notre enfance, en suivant de la pointe du crayon le contour d'un tube d'aspirine posé verticalement sur la feuille.
C'est ainsi que je comprends l'image : même avec un gabarit, il est incapable de tracer un o.
Mais je me trompe peut-être... |
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ramon Animateur
Inscrit le: 13 Jan 2005 Messages: 1395 Lieu: Barcelone, Espagne
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écrit le Tuesday 21 Feb 12, 14:57 |
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Exactement!
Canuto est un mot générique pour un cylindre long et étroit comme, par exemple, le corps d’un stylo à bille ou la fusette de fil. |
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