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digne, dignité (français) - Le mot du jour - Forum Babel
digne, dignité (français)

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Xavier
Animateur


Inscrit le: 10 Nov 2004
Messages: 4088
Lieu: Μασσαλία, Prouvènço

Messageécrit le Tuesday 22 Nov 11, 1:02 Répondre en citant ce message   

Je m'intéresse au sens philosophique du mot dignité , que l'on trouve dans l'article premier de la Déclaration universelle des droits de l'homme :
"Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits."

digne, du latin dignus : qui mérite, méritant
dignum est : il est digne de, il est juste, il convient de...
indignus : qui ne mérite pas, qui ne convient pas, révoltant, d'où indigné (révolté)

verbe digno : juger digne, convenable, trouver bien

dignitas : fait d'être digne, de mériter ; mérite
on parle de "dignités" pour désigner des personnes de haut rang.

Le latin vient de :
decet : il convient (Meillet) cf. décence


Notons aussi le terme grec de même sens :
ἄξιος : à l'origine le sens est : qui entraine par son poids, qui est de poids, d'où : qui vaut, qui a valeur de, qui mérite, digne de (Bailly)

je note aussi ce mot :
ἄξιόπιστος : digne de confiance

en grec moderne, la Déclaration des droits de l'homme utilise :
αξιοπρέπεια : dignité


De la même famille, le verbe français
daigner : [Dans les relations d'inférieur à supérieur, le sujet désigne une divinité, un prince, etc. et par extension, une personne d'une situation hiérarchique comparable] : s'abaisser (parce qu'on le juge digne de soi et/ou du destinataire) à accorder quelque chose qui n'est pas dû (TLF)

Je reviens à dignité :
Définition du TLF :
"Sentiment de la valeur intrinsèque d'une personne ou d'une chose, et qui commande le respect d'autrui."
1. "Prérogative ou prestige inaliénables dont jouit une personne en raison de son comportement, ou qui sont attachés à une chose, et qui leur valent considération et respect ou y donnent droit."

Et le sens plus usuel :
2- "Attitude de respect de soi-même, fierté." par exemple : conserver sa dignité, manquer de dignité...


Le dictionnaire Robert présente cette définition :
"Respect que mérite (une catégorie d'êtres, de personnes). "
ainsi : "Dignité de la personne humaine, dignité humaine : principe selon lequel un être humain ne doit jamais être traité comme un moyen, mais comme une fin en soi."

Dans le Dictionnaire de l'Académie de 1932 :
"DIGNITÉ, au sens philosophique et moral, désigne Ce fait que la personne humaine ne doit jamais être traitée comme un moyen, mais comme une force en soi."


C'est Immanuel Kant qui donne cette définition :
"L'humanité est par elle-même une dignité : l'homme ne peut être traité par l'homme (soit par un autre, soit par lui-même) comme un simple moyen, mais il doit toujours être traité comme étant aussi une fin ; c'est précisément en cela que consiste sa dignité (la personnalité) et c'est par là qu'il s'élève au-dessus de tous les autres êtres du monde qui ne sont pas des hommes et peuvent lui servir d'instruments, c'est à dire au-dessus de toutes les choses".
(source : La notion de la dignité humaine dans la pensée de Kant et de Pascal, Zivia Klein, 1968

Il y a quand même une différence : le Robert écrit jamais comme un moyen mais comme une fin en soi. Kant : ne doit jamais être traité seulement comme un moyen, mais comme une fin en soi.
C'est à dire : "l'homme ne doit jamais être employé comme moyen sans tenir compte de ce qu'il est en même temps une fin en soi" (Lalande)

En allemand, dignité se dit Würde. La dignité (dans ce sens) c'est plutôt Menschenwürde (dignité humaine)


Et une citation d'Antoine de Saint-Exupéry (Pilote de guerre, 1942) :
Durant des siècles ma civilisation a contemplé Dieu à travers les hommes. L'homme était créé à l'image de Dieu. On respectait Dieu en l'homme. Les hommes étaient frères en Dieu. Ce reflet de Dieu conférait une dignité inaliénable à chaque homme. Les relations de l'homme avec Dieu fondaient avec évidence les devoirs de chacun vis-à-vis de soi-même ou d'autrui
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embatérienne
Animateur


Inscrit le: 11 Mar 2011
Messages: 3864
Lieu: Paris

Messageécrit le Tuesday 22 Nov 11, 15:47 Répondre en citant ce message   

Xavier a écrit:

Le dictionnaire Robert présente cette définition :
"Respect que mérite (une catégorie d'êtres, de personnes). "
ainsi : "Dignité de la personne humaine, dignité humaine : principe selon lequel un être humain ne doit jamais être traité comme un moyen, mais comme une fin en soi."
Dans le Dictionnaire de l'Académie de 1932 :
"DIGNITÉ, au sens philosophique et moral, désigne Ce fait que la personne humaine ne doit jamais être traitée comme un moyen, mais comme une force en soi."

C'est curieux cette définition de l'Académie, comme une force en soi, isolée par rapport aux définitions courantes de Kant ou de Robert, qui parlent de fin en soi. L'Académie a d'ailleurs abandonné cette définition dans la 9e édition.
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Oliv



Inscrit le: 16 Oct 2011
Messages: 124
Lieu: Toulouse

Messageécrit le Tuesday 22 Nov 11, 16:16 Répondre en citant ce message   

Après la "décence" latine et le "poids" grec, voilà ce qu'a fait le hongrois (dictionnaire étym. Tótfalusi):
mot ougrien: khanty/ostiak mel- "(chaussure; vêtement qu'on ajuste) bien aller" (peut-être même un lien avec finnois melko "assez"?)
-> hongrois ancien mélt "convenir" dans tudni mélt il convient de savoir = "à savoir ..."
-> hongrois méltó part.pr. "convenable" -> "méritant, digne de; mérité" -> méltóság "dignité" (humaine, ou charge/prérogative).
Ou comment passer de la "satisfaction" d'une bonne paire de chaussures à la valeur de la personne humaine!
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José
Animateur


Inscrit le: 16 Oct 2006
Messages: 10950
Lieu: Lyon

Messageécrit le Saturday 03 Mar 12, 12:06 Répondre en citant ce message   

En ancien français :

- daintié (n.m.) / doincie (n.f.)
1. friandise - morceau de choix
2. (plur.) testicules de cerf

du latin dignitas : honneur

[ Dictionnaire Larousse d'ancien français ]
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embatérienne
Animateur


Inscrit le: 11 Mar 2011
Messages: 3864
Lieu: Paris

Messageécrit le Saturday 03 Mar 12, 12:49 Répondre en citant ce message   

Le mot existe encore dans le vocabulaire de la chasse, les daintiers. Comme dit Nicot :
Citation:
C'est un mot usité entre veneurs et en fait de venerie sans plus, qui signifie couillons de cerfs.

Par ailleurs, le sens "morceau de choix" est resté dans l'adjectif anglais dainty et le substantif dainties.
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José
Animateur


Inscrit le: 16 Oct 2006
Messages: 10950
Lieu: Lyon

Messageécrit le Saturday 03 Mar 12, 13:05 Répondre en citant ce message   

J'ignorais aussi bien daintiers que dainty. Merci !

Royaume-Uni she is a dainty little thing : elle est mignonne à croquer
he is a dainty eater : il est difficile (pour/sur la nourriture)
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giòrss



Inscrit le: 02 Aug 2007
Messages: 2778
Lieu: Barge - Piemont

Messageécrit le Saturday 03 Mar 12, 13:18 Répondre en citant ce message   

Italien:

- degno (adj)
- indegno (adj)

- dignità (subst)
- indegnità (subst)
- sdegno (subst)

- degnarsi (vb)
- indignarsi (veb)
- disdegnare (vb)

- degnamente (advb)
- indegnamente (advb)
- sdegnosamente (advb)

- indignato (adj)
- sdegnato (adj)
- disdegnoso (adj)
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José
Animateur


Inscrit le: 16 Oct 2006
Messages: 10950
Lieu: Lyon

Messageécrit le Saturday 03 Mar 12, 13:27 Répondre en citant ce message   

@ Giorss :
- nous préférons que le forum MDJ reste dédié à l'étymologie.
Ponctuellement, un apport de vocabulaire dans une langue étrangère est bienvenu.
Exemple : angl. dainty
Mais il n'est pas utile de lister des mots à partir du mot proposé comme MDJ.
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giòrss



Inscrit le: 02 Aug 2007
Messages: 2778
Lieu: Barge - Piemont

Messageécrit le Sunday 04 Mar 12, 12:53 Répondre en citant ce message   

Bon, supprimez, alors.

Je comprends encore moins la presence d'un mot allemand comme Würde, mais ça va...
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dawance



Inscrit le: 06 Nov 2007
Messages: 1886
Lieu: Ardenne (belge)

Messageécrit le Saturday 10 Mar 12, 19:15 Répondre en citant ce message   

Pour répondre au souhait de Xavier (1er message), voici quelques lignes:
Le latin dignus a donc le sens « digne de, qui mérite (quelque chose); méritant », une acception romaine proprement militaire ou politique.
Citation:
«La guerre des Gaules », ou apologie de César par lui-même, le présentait comme le meilleur candidat pour accéder à la dignité suprême. (Cette course à la dignitas existe encore). Il s’agit ici d’une dignité au sens militaire, politique ou assimilé. « Pour être respecté, il faut le mériter » : cette expression sort de la bouche d’un officier de gendarmerie. C’était il n’y a guère.
(Cette dignité s’inscrit dans un contexte de législation dont la sévérité de la discipline imposée diminue pour arriver à néant lorsque la discipline est librement consentie : c’est le cas d’un musicien s’engageant dans un orchestre ou d’un scout dans une troupe.)


Cette dignitas me paraît bien éloignée du sens de dignité humaine et de sa perte dont Zivia Klein a souffert dans sa chair. C’est celle évoquée par nombre de religions et qui se traduit par des préceptes ou « lois » tels que « Tu aimeras ton prochain comme toi-même », « Ne fais pas aux autres ce que tu ne veux pas qu’on te fasse »,… Certaines religions l’étendent même aux animaux (les insectes chez les Sikhs, la vache sacrée et d’autres en Inde,…).
En tous cas, il y a une sorte de dichotomie entre cette dignité morale ou religieuse et la dignitas.
Citation:
En effet, par expérience, on sait que les prérogatives que confèrent les dignités militaires (dignitas) incitent à rabaisser la dignité humaine des sous-fifres et que Jules César ne souciait que de l’une des deux, des fourches caudines à l’esclavage, car tel était le choix, payer un tribut, être lètes (centurion au premiers postes, garçon de ferme,…) ou être esclave à Rome ou ailleurs.

Ainsi, alors que certains se battent becs et ongles pour la dignitas la plus élevée, d’autres aspirent simplement à la dignité humaine, sinon pour eux, du moins pour leurs enfants.
Le processus constant de la guerre depuis la nuit des temps est de convaincre les troupes (et la postérité ?) de la justesse de la guerre, d’y trouver des bonnes raisons, sinon d’inventer des prétextes, voire de créer des attentats en les mettant sur le dos de l’adversaire pour se donner le droit de légitime défense ou de pouvoir invoquer la sauvegarde de grands principes, comme le montre Hergé dans « Le lotus bleu » : « Des bandits chinois ont attaqués la voie, nous allons ramener la civilisation… ». Le lecteur traduira dans l’actualité.
On sait que la dictature nazie a atteint des sommets en matière de psychologie des foules pour désinhiber la conscience morale (c’est une vision a posteriori).
Citation:
Assez curieusement, le gardien d’un camp de concentration, avec écrit sur son ceinturon : « Gott mit uns », parvenait à intégrer cette dichotomie et à garder des sentiments paternels ; Hitler n’était-il pas appelé tonton par les enfants ?
On a décrit ce cheminement : le désir d'Adolf Hitler d'effacer l'humiliation infligée par le Traité de Versailles (humiliation est synonyme de perte de dignité humaine), la déclaration de suprématie de la race aryenne, la promotion du peuple allemand à la dignitas d’Ubermenschen, (ça ne coûte pas cher), dans la foulée, la désignation d’Untermenschen, (en particulier, les Juifs, les Slaves, les Noirs et les Tziganes)
.

On peut déduire cette dégénérescence de la conscience morale (vision a posteriori) à partir de la psychologie, en particulier de la psychologie des foules.
On peut, aussi invoquer Kant et Pascal, mais y sont-ils vraiment pour quelque chose ? Reprenant la phrase de Kant citée par Zivia Klein, même s’il s’en dédit p.33 du livre :
Citation:
« L'humanité est par elle-même une dignité : l'homme ne peut être traité par l'homme (soit par un autre, soit par lui-même) comme un simple moyen, mais il doit toujours être traité comme étant aussi une fin ; c'est précisément en cela que consiste sa dignité (la personnalité) et c'est par là qu'il s'élève au-dessus de tous les autres êtres du monde qui ne sont pas des hommes et peuvent lui servir d'instruments, c'est à dire au-dessus de toutes les choses ».

Ce schéma ne tient pas la route dans une conception d’un monde écologique ou bouddhiste: si les animaux sont de simples instruments, indignes de la dignité humaine, alors ils suffit de nommer « Untermenschen », voire « animaux » certains groupes ciblés pour se donner ainsi le droit de les tuer, avec n’importe quel préliminaire. On peut aussi commencer par dire qu’ils ont « des mœurs ancestrales ». Je suis convaincu que Kant n’avait pas pensé à ça.
Si une tribu d’une brousse asiatique demande pardon à l’animal qu’il va égorger, sont-ce là des barbares ?
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