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L'usage de l'arabe standard en dialectes - Forum arabe, berbère, hébreu - Forum Babel
L'usage de l'arabe standard en dialectes
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Lwahranya



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Messageécrit le Tuesday 17 Jan 12, 23:13 Répondre en citant ce message   

mk

Dernière édition par Lwahranya le Sunday 27 Nov 22, 4:44; édité 2 fois
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Feintisti



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Messageécrit le Tuesday 17 Apr 12, 16:26 Répondre en citant ce message   

Alors optez-vous pour des mots arabes que vous n'utilisez que rarement à l'oral pour remplacer les mots français ?
Ces mots, les puisez-vous dans l'arabe fusHa ou vraiment dans le dialecte d'Algérie ?
Quand on me dit "arabiser l'algérien", je m'imagine que vous utilisez des mots d'arabe fusHa, peut-être en les adaptant un peu.

Je suppose que c'est un peu comme quand l'anglais s'est mélangé au français et au latin. Les mots d'origine anglaise, française et latine formaient des synonymes employés simplement dans des registres différents (familier, littéraire et savant).
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Lwahranya



Inscrit le: 15 Jun 2010
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Messageécrit le Tuesday 17 Apr 12, 18:55 Répondre en citant ce message   

Je vais répondre à vos questions et remarques dans l'ordre :

Alors pour ce qui est de la première, je dirais que oui, depuis que je pratique l'algérien écrit, j'utilise des mots de l'arabe fusHa pour remplacer les mots français, mais pas tous les mots français, seulement ceux que l'alphabet arabe ne me permet pas de transcrire. Le mot "émission" est resté tel quel car j'ai pu le transcrire ainsi إيميسيون [é:mîssion]. Idem pour le mot "dommage" que j'orthographie ainsi دوماج [dômâj]. Et effectivement, les mots fusHa que j'emprunte, je ne les aurais jamais utilisé à l'oral ! Ils me paraissaient un peu archaïques (bien qu'ils soient récents pour la plupart) certainement du fait que l'arabe fusHa est une langue non-native, morte. Mais figurez-vous que depuis peu et dans le but d'atténuer le phénomène d'alternance codique qui me gène dans mes études, eh bien j'ai commencé à les utiliser même à l'oral !!! Ça me paraissait impensable il y a encore un an ! Je peux donc dire que ma façon d'écrire a déteint sur ma façon de parler. Pour quelqu'un qui n'a pas eu assez tôt l'occasion d'écrire sa langue, je peux vous assurer que c'est une découverte.

Les mots en question, je les puise dans le lexique de la fusHa: "arguments" est devenu حُجَج [Hujaj], par exmple. Plus rarement, je les puise dans les vocabulaires d'Algérie car pour varier le style, j'use parfois de tournures qui existent dans le dialecte de mon père et pas dans le dialecte de ma ville. (Je connais assez bien quatre dialectes alors j'intègre quelques mots ou tournures par-ci, par-là pour éviter la répétition. Il arrive aussi que je sorte un mot tombé dans l'oubli des vieux dictionnaires d'algérien car mes correspondants ont autant que moi le goût de l'algérien et ne ressentent donc pas cela comme de la pompe ou au contraire, comme archaïque.

Par "arabiser l'algérien", je veux dire remplacer un mot d'origine française mais complètement intégré à la langue orale par un mot de l'arabe fusHa, "en l'adaptant un peu"? Ça dépend. Si le mot a un homographe en arabe algérien, je vais tâcher de ne pas l'adapter, au contraire, je rajouterais les voyelles courtes pour bien le distinguer de son homographe algérien. S'il n'a pas d'homonyme, j'essaierais de l'adapter, c'est ainsi que ترجمة [terjama] est devenu طرجامة [Terjâma] sous ma plume et لُغة [luġa] est devenu لوغة [lûġa].
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José
Animateur


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Messageécrit le Tuesday 17 Apr 12, 19:14 Répondre en citant ce message   

Le témoignage de ta pratique est très intéressant, Lwahranya.

Qu'est-ce qui fait que, alors que l'usage, notamment à l'oral, de mots français "complètement intégrés", est très naturel, tu passes à des équivalents arabes (de la FusHa) :
- est-ce un manque que tu aurais ressenti, confusément ou pas, il y a longtemps, ou pas ?
- les mots français "complètement intégrés" finissent-ils un jour par paraître...pas si natuels ?

Tu maîtrises 4 dialectes mais tes interlocuteurs sur Facebook comprennent-ils aisément les mots arabes (algériens voire FusHa) que tu puises dans ces dialectes ?
En fonction de quels critères choisis-tu un mot algérien de tel dialecte plutôt que tel autre ?
Y a-t-il des pbs d'intercompréhension ? Des situations cocasses ?

Ta pratique correspond-elle à un phénomène notable sur le Net (Facebook et autres) ?

Quels liens fais-tu, s'il y en a, entre cette démarche et l'arabisation de l'enseignement en Algérie ?

Cette démarche me fait penser, toutes proportions gardées, à la turquisation de termes arabes ou persans dans la langue turque.

(Tu n'es pas obligée de répondre à toutes ces questions, qui sont de la pure curiosité !)
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Lwahranya



Inscrit le: 15 Jun 2010
Messages: 129
Lieu: Neverland

Messageécrit le Tuesday 17 Apr 12, 21:38 Répondre en citant ce message   

En fait, j'arabise mes écrits pour parce que :

1) J'ai choisi d'écrire ma langue en caractères arabes qui, vous le savez, ne permettent pas de transcrire tous les sons de la langue française et ce malgré l'ajout des lettres ڨ, پ et ڢ respectivement p, g, et v . Je suis donc obligée de leur trouver un équivalent algérien ou arabe.

2) Je fais partie d'un groupe Facebook qui promeut la langue algérienne par la confection d'un dictionnaire, la traduction vers l'algérien et la correspondance quasi exclusive dans cette langue (il y a toujours des membres qui enfreignent cette règle) donc les emprunts sont tolérés mais pas les alternances codiques.

3) Comme une bonne partie des populations urbaines en Algérie, j'alterne beaucoup français et ar. al. à un point où ma langue naturelle est devenue un véritable créole, cependant je côtoie régulièrement des personnes qui ne comprennent pas le français alors je me mets à chercher mes mots et à essayer de finir mes phrases dans la même langue et c'est pénible. Malheureusement, l'école n'a pas encore compris que ce phénomène est grave parce qu'il coupe la population en deux : les créolophones et les autres. Alors qu'au départ, nous partageons le même code algérien mais comme il est indésirable à l'école, on se met à fabriquer notre propre bouillabaisse avec ce qu'on trouve sous la main (ou sous la langue, résultat, notre parler n'est plus de l'arabe maghrébin, ni du français mais une combinaison "désordonnée" des deux (Voir à ce sujet "L'école algérienne de Ibn Badis à Pavlov", de Malika Boudalia-Greffou, 1989). Bref, pour répondre à ta question sur le "manque", je dirais que oui, je ressens depuis toujours un manque de vocabulaire quand je me retrouve en face d'un monolingue mais je commence à inverser la tendance depuis que je pratique ma langue à l'écrit.

Est-ce que "les mots français "complètement intégrés" finissent un jour par paraître...pas si naturels ?" A l'oral, pas toujours, seulement avec les monolingues. A l'écrit, oui, car la transcription arabe peut les dénaturer jusqu'à ce qu'ils deviennent méconnaissables, donc, plus "aussi naturels".

Je maîtrise quatre dialectes tous intelligibles pour mes interlocuteurs car il faut savoir qu'à l'écrit, les différences entre les dialectes sont vraiment minimes, surtout si leur transcription se fait en caractères arabes. En effet, avec l'arabe, nous pouvons omettre certaines voyelles courtes, ce qui fait que chacun lit le mot comme il l'aurait prononcé, alors que le destinateur l'aurait peut-être prononcé autrement. C'est l'avantage de l'alphabet arabe par rapport à l'alphabet latin. En fait, beaucoup d'Algériens comprennent plusieurs dialectes car notre peuple a connu beaucoup de déplacements depuis deux siècles au moins : des déplacements dus aux expropriations pendant la colonisation (déplacements nord-sud), à l'exode rural vers les logements vacants laissés vides par les Européens (déplacement sud-nord), à l'exode rural pendant la guerre civile et qui continue pour des raisons économiques. Et bien sûr, les mariages "mixtes" et exogames ont fait le reste. Ceci dit, il subsiste des régionalismes qui gênent la compréhension. Mais c'est surtout la phonétique qui diffère d'un dialecte à l'autre, plus que le lexique. La syntaxe est la même et la conjugaison aussi. Donc je dirais que je peux comprendre à 100% le texte d'un Algérien parlant un autre dialecte et le comprendre à 75% au téléphone à cause de sa phonétique, par exemple. C'est la raison pour laquelle, avec mes camarades du groupe de promotion de la langue algérienne, nous pensons que l'arabe algérien peut être considéré comme étant une seule et même langue, même si ce n'est pas l'avis de tous mes compatriotes, loin s'en faut.

Mes interlocuteurs comprennent aussi très bien les mots fusHa que j'utilise car nous faisons toute notre scolarité en arabe fusHa. La télévision nationale, plusieurs journaux à grand tirage et Al Jazzera & co. font "vivre" cet arabe.

Je choisis mes mots parmi tel dialecte ou tel autre en fonction de mon interlocuteur quand je me doute que mon choix instinctif serait un régionalisme. Mais je crois que le plus souvent, je choisis un mot algérois (le dialecte de la capitale) comme ça je suis sûre d'être comprise. En effet, ce dialecte-là est celui de la plupart des acteurs qu'on voit à la télévision, nous sommes donc tous familiarisé avec.

Ma pratique de l'arabe algérien n'est pas du tout représentative des tendances sur le net. Les Algériens écrivent plutôt en arabe classique ou en français en combinaison avec l'arabe algérien ou le berbère. Et moins le registre est formel, plus les langues maternelles reviennent en caractères arabes, gréco-latins ou latins+/- chiffres.

Le lien que je ferais entre ma pratique et la politique d'arabisation en Algérie est le suivant : L'arabisation a engendré la créolisation de notre parler car elle a opéré une rupture de l'enfant avec la langue de ses parents sans proposer une réelle alternative. En effet, puisque la langue enseignée est non native / morte, l'enfant ne la substitue pas à sa langue maternelle. Et comme le groupe Facebook dont je vous ai parlé a pour but d'atténuer la créolisation et de restituer des mots tombés dans l'oubli depuis l'arabisation et la créolisation, eh bien je peux dire que ma démarche est une réaction à l'arabisation, qu'elle en est sa conséquence mais qu'elle réinvente, paradoxalement une autre forme d'arabisation. Je dis une autre forme car au départ, la politique d'arabisation visait à "corriger la langue fautive de l'enfant qui, à son tour, corrigera la langue fautive des parents". Vous l'avez compris, les parlers des Algériens étaient stigmatisés et l'arabisation visait leur extinction. C'est écrit dans des textes officiels. Aujourd'hui et avec ma petite expérience de la rédaction en arabe algérien, je me rends-compte que j'ai utilisé à l'oral plus de mots en fusHa durant cette année qu'en douze ans de scolartié en arabe. J'invente donc là ma propre politique individuelle d'arabisation; elle est ponctuelle, adaptée à mes besoins de communication et surtout individuelle. Et comme elle est individuelle, je pense que le phénomène dont je parle n'a pas grand chose à voir avec la turquisation.


J'espère ne pas avoir été trop longue et sache que toutes les questions sur l'arabe algérien sont les bienvenues.
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Feintisti



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Messageécrit le Wednesday 18 Apr 12, 10:59 Répondre en citant ce message   

Merci Lwahranya ! C'est très intéressant !

Lwahranya a écrit:
Ça dépend. Si le mot a un homographe en arabe algérien, je vais tâcher de ne pas l'adapter, au contraire, je rajouterais les voyelles courtes pour bien le distinguer de son homographe algérien. S'il n'a pas d'homonyme, j'essaierais de l'adapter, c'est ainsi que ترجمة [terjama] est devenu طرجامة [Terjâma] sous ma plume et لُغة [luġa] est devenu لوغة [lûġa].

Qu'est-ce qui te pousse à ajouter un wâw à luġa et Alif et un Tâ' à tarjama ? Je n'ai pas vraiment compris ce processus "d'adaptation"... Est-ce pour mieux coller à la pronciation que tu as de ces mots ou pour, comme tu le dis, éviter un homographe ?
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Papou JC



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Messageécrit le Wednesday 18 Apr 12, 20:52 Répondre en citant ce message   

Je rejoins Feintisti. Je ne crois pas que ce soit de très bonne politique de déformer ainsi des mots de fusHA. Ce n'est pas le meilleur moyen de défendre la cause de l'algérien comme langue officielle.

Par ailleurs, il faut en finir avec l'idée qu'une graphie doit forcément coller à une prononciation. Rien de moins "phonétiques" que le français et l'anglais, ce qui ne les empêche pas d'être des langues très vivantes à l'écrit comme à l'oral. Et ça permet à des locuteurs ayant des prononciations différentes de se retrouver autour d'un même code écrit. Pensez, par exemple, à tous les locuteurs du sud de la France pour qui le e "muet" du nord ne l'est pas du tout pour eux.
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Azwaw



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Messageécrit le Wednesday 18 Apr 12, 23:22 Répondre en citant ce message   

Chère Lwahranya, quid des néologismes ? Le berbère a été très productif à ce niveau là et je pense que la correspondance avec le "Oz Turc" ne serait pas fortuite. Mouloud Mameri à fait revivre beaucoup de vielles racines berbères pour enrichir le vocabulaire et à largement puiser dans l'extraordinaire conservatoire qu'est le tamasheq (touareg) ! Cependant, la langue n'étant soutenu par aucun organe officiel, cette initiative, bien qu'apprécié par tous les berbères, a du mal à s'imposer.

On lui vente cependant deux avantages : "purifier" la langue et rapprocher les différents parler. Ceci est surtout valable pour les néologismes remplaçant les mots, généralement des notions abstraites, empruntés aux langues européennes et encore peu assimilés. Pour les mots issus de l'arabe, c'est plus difficile parce que les emprunts sont, pour la plupart, anciens et bien intégrés. Ainsi, moi même je m'efforce d'utiliser ce vocabulaire et je corrige ma pratique.

Il est fréquent de trouver, en kabyle, des doublets kabyle/arabe voulant dire la même chose pour du vocabulaire courant, pas des néologismes :

- moitié : azgen (berbère) / nefs (arabe)
- ouvrir : ldi (ber) / ftah (ar)
- amour : tayri (ber) / hub (ar)
- comme si : amzun (ber) / abhal (ar)
- joie : rezg (ber) / farh (ar)
- genoux : afud (ber) / taruqbet (ruqba en arabe)
- mois : ayyur ou aggur (ber) / shar (ar)
- parce que : achkou (ber) / akhatar (ar)
- etc.
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Lwahranya



Inscrit le: 15 Jun 2010
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Messageécrit le Thursday 19 Apr 12, 0:49 Répondre en citant ce message   

Feintisti a écrit:

Qu'est-ce qui te pousse à ajouter un wâw à luġa et Alif et un Tâ' à tarjama ? Je n'ai pas vraiment compris ce processus "d'adaptation"... Est-ce pour mieux coller à la pronciation que tu as de ces mots ou pour, comme tu le dis, éviter un homographe ?

Je rajoute un wâw et un alif à la fois parce cela me permet d'écrire le mot comme je le prononce et parce ce dernier n'a pas d'homophone en algérien. Donc, je suis sûre d'être comprise tout en écrivant comme j'aime le faire, c'est à dire en collant le plus possible à la prononciation. Ceci dit, je reste assez conservatrice dans mon orthographe car je ne touche qu'aux voyelles. Ce sont ces dernières qui donnent à l'arabe algérien sa spécificité alors si je ne les plaçais pas sur les mots issus de classique, j'aurais l'impression d'alterner deux codes; l'arabe et l'algérien, et je n'échappe pas à une alterance codique (ar. al./français) pour retomber dans une autre (N'est-ce pas Papou JC) Et puis tant que je me fais comprendre. Mais rassurez-vous, je n'algérianise pas tous les mots classiques, je place simplement les voyelles longues à la "bonne place" quand j'en ressens le besoin et comme je ne note pas les voyelles brèves, le lecteur reste quand-même assez libre de prononcer le mot comme il le souhaite. Et puis, on n'est pas obligés d'unifier notre langue, n'est-ce pas. On se comprends malgré nos différentes façons d'orthographier beaucoup de mots alors vivent les différences. Et l'usage se chargera de faire le tri, peut-être à l'avenir.
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Lwahranya



Inscrit le: 15 Jun 2010
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Lieu: Neverland

Messageécrit le Thursday 19 Apr 12, 1:41 Répondre en citant ce message   

Azwaw a écrit:
Chère Lwahranya, quid des néologismes ?

En fait, tous les autres administrateurs du dictionnaire et du groupe Facebook et qui sont au nombre de quatre sont pour la néologie. Moi, je suis contre car bien souvent, tout le monde connait l'équivalent arabe ou français du mot que mes amis cherchent à inventer. Et je préfère encore utiliser un mot d'une langue morte plutôt qu'un mot nouveau qui n'a aucun ancrage social. En tout cas, le dernier exemple en date est le suivant:

Un administrateur a voulu donner un nom algérien à une réalité relativement nouvelle : les jumelles "Instrument qui permet de voir de loin". Cinq ou six termes ont été proposés par mes gentils amis (et apprentis sorciers) alors que tous les Algériens ou presque connaissent le mot "jumelles", même ceux d'entre eux qui ne parlent pas français. Mais comme ce mot comporte la lettre "u" et que cette dernière n'existe pas dans l'alphabet arabe, j'ai proposé de lui inventer un nouveau signe pour la représnter, ainsi, nous pourrions continuer à utiliser جؤمال [jûmêl], même à l'écrit au lieu d'inventer un nouveau mot à partir de racines algériennes.

Bref, mes amis sont très actifs sur le plan de la néologie et je sais que ce procédé est nécessaire mais je pense que nous devons y recourir en dernier, seulement quand nous n'avons pas trouvé le signifiant le dans le vieil algérien, ni dans les emprunts au français intégrés ou à l'arabe classique. Si on y recourt avant, cela veut dire que l'on veut purifier la langue. Et la purification linguistique, comme vous l'avez très justement souligné, Azwaw, engendre des doublets. Ce fut le cas en turc, pour tamazight et ça le sera encore pour l'arabe algérien, si toutefois, nous avions la légitimité et l'autorité nécessaire pour imposer nos choix ou au moins la possibilité de les faire connaître au plus grand nombre.
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Azwaw



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Messageécrit le Thursday 19 Apr 12, 14:23 Répondre en citant ce message   

Azwaw a écrit:

Il est fréquent de trouver, en kabyle, des doublets kabyle/arabe voulant dire la même chose pour du vocabulaire courant, pas des néologismes :

- moitié : azgen (berbère) / nefs (arabe)
- ouvrir : ldi (ber) / ftah (ar)
- amour : tayri (ber) / hub (ar)
- comme si : amzun (ber) / abhal (ar)
- joie : rezg (ber) / farh (ar)
- genoux : afud (ber) / taruqbet (ruqba en arabe)
- mois : ayyur ou aggur (ber) / shar (ar)
- parce que : achkou (ber) / akhatar (ar)
- etc.

Attention, les mots que j'ai cité ne sont pas des néologismes. Ce sont des mots bien kabyles que les anciens (mes grands-parents par exemple) utilisaient volontiers. Aujourd'hui, ils cohabitent avec des mots arabes qui ce sont vu intégrés, je ne sais pas pourquoi. Mais nous utilisons les deux de façon assez spontanée (parfois, selon les régions, on utilisera plutôt l'un ou plutôt l'autre). Pour ma part, je préfère utiliser les mots kabyles, je trouve qu'ils s'intègrent mieux dans une phrase en kabyle.

Pour compléter, quelques autres doublets :

- enseigner/apprendre : lmed (ber) / ta3lam (ar)
- foulard : tihendit (ber) / tafounart (français)
- ancêtres : imzwura ((ber) littéralement "les premiers") / ljdoud (ar)
- vipère : talafsa (ber) / lafa3a (ar)
- aller : dou (ber) / rouh (ar)
- venir : assed (ber) / arwah (ar)

En ce qui concerne les néologismes, ils ne provoquent généralement pas de doublons parce que, comme je le disais, ils comblent une carence. Ces mots viennent là où il n'existe pas de vocabulaire dans notre langue et où les mots empruntés sont peu intégrés et sont vite oubliés. En voici une petite liste qui me vient spontannément :

- tamanaght : capitale ;
- tadwilt : emmision (de télévision) ;
- amezruy : histoire ;
etc.

Ce qui est parfois drôle, c'est que ça donne aussi des doublets berbèro-berbères !

- langue (langage) : tutlayt (pan berbère) / tameslayt (kabyle)

Je pense que la chance des langues arabes maghrébines, c'est que les locuteurs sont en contact permanent et peuvent enrichir leur langue par les pratiques des autres. Ceci est moins vrai pour le berbère, malgré la nuance apportée par les médias et notamment internet. Ainsi, on tend timidement à rapprocher nos variantes de celles des autres pour une meilleure intercompréhension. Par exemple, alors que le kabyle connait tagmart pour désigner la jument, il utilise l'arabe a3oudey (désolé, c'est difficile à retranscrire) pour le cheval alors que le chleuh a conservé la forme masculine agmar.

Enfin, une remarque qui vaut pour le berbère mais aussi, j'en suis sûr, pour l'arabe maghrébin ! Il me semble que l'emploi de vocabulaire étranger dépend aussi beaucoup de l'origine culturelle de la personne qui parle :

- les berbéristes convaincus ont parfaitement intégré les néologismes ;
- les jeunes/modernes utilisent énormément de mots français ;
- les religieux usent beaucoup de mots et tournures arabes, et plutôt d'arabe classique, même quand le vocabulaire en question n'a pas de rapport avec la religion.
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Feintisti



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Messageécrit le Thursday 19 Apr 12, 15:16 Répondre en citant ce message   

Lwahranya a écrit:
Je rajoute un wâw et un alif à la fois parce cela me permet d'écrire le mot comme je le prononce et parce ce dernier n'a pas d'homophone en algérien. Donc, je suis sûre d'être comprise tout en écrivant comme j'aime le faire, c'est à dire en collant le plus possible à la prononciation.

Je ne pense pas que ce soit très utile, sachant que ceux qui apprennent à écrire l'arabe apprennent l'orthographe (et la langue) fus7a, donc n'auraient aucun problème à comprendre tes mots. Puis les variantes de prononciation régionales ne font qu'accentuer des différences pour un mot qui est finalement emprunté. C'est comme si j'écrivais "pidzéria" ou "chouinegomme" pour "pizzeria" et "chewing-gum".
Ou alors, tu veux éviter un homophone avec un mot vraiment algérien, mais je ne vois pas lequel.

Citation:
Ceci dit, je reste assez conservatrice dans mon orthographe car je ne touche qu'aux voyelles. (...) je place simplement les voyelles longues à la "bonne place" quand j'en ressens le besoin et comme je ne note pas les voyelles brèves, le lecteur reste quand-même assez libre de prononcer le mot comme il le souhaite.

Pourtant, dans ton exemple, tu changes le t non-emphatique de ترجمة en t emphatique, طرجامة. Ca ne fait même pas une grande différence dans la prononciation, mais ça complique la reconnaissance du mot d'origine.

Lwahranya a écrit:
Mais comme ce mot comporte la lettre "u" et que cette dernière n'existe pas dans l'alphabet arabe, j'ai proposé de lui inventer un nouveau signe pour la représnter, ainsi, nous pourrions continuer à utiliser جؤمال [jûmêl], même à l'écrit au lieu d'inventer un nouveau mot à partir de racines algériennes.

C'est amusant, j'ai aussi eu cette idée pour le son "u" du français (il m'arrive d'écrire des messages en français transcrit en abjad arabe pour m'amuser). Mais vous ne confondez pas avec un son "ou" suivi d'une hamza ?
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Oliv



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Messageécrit le Friday 20 Apr 12, 9:48 Répondre en citant ce message   

En kazakh aussi, dans l'écriture arabe utilisée en Chine la hamza au-dessus ٴ‎ sert à indiquer les voyelles antérieures (en début de mot car avec l'harmonie vocalique des langues turques les voyelles d'un mot sont dans la même série), transformant les voyelles postérieures en voyelles antérieures correspondantes (notation: cyrillique=latin /phonétique/):
ا‎ а=a /ɑ/ → ә=ä /æ/,
ى‎ (ya toujours sans les deux points) ы=ı /ɯ/ → i=i /ɪ/,
و‎ о=o /o~wʊ/ → ө=ö /ø~ɥʏ/,
ۇ‎ (avec damma) ұ=u /ʊ/ → ү=ü /ʏ/,
et ە‎ е=e /e~jɪ/ n'est pas modiifié. Les semi-voyelles sont
ي (ya toujours avec les deux points) й=y /j/ après voyelle, и=ï /ɯj~ɪj/ sinon,
et ۋ (avec trois points) у=w /w~ʊw~ʏw/.
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Lwahranya



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Messageécrit le Tuesday 01 May 12, 10:25 Répondre en citant ce message   

Azwaw a écrit:


Je pense que la chance des langues arabes maghrébines, c'est que les locuteurs sont en contact permanent et peuvent enrichir leur langue par les pratiques des autres. Ceci est moins vrai pour le berbère, malgré la nuance apportée par les médias et notamment internet. Ainsi, on tend timidement à rapprocher nos variantes de celles des autres pour une meilleure intercompréhension. Par exemple, alors que le kabyle connait tagmart pour désigner la jument, il utilise l'arabe a3oudey (désolé, c'est difficile à retranscrire) pour le cheval alors que le chleuh a conservé la forme masculine agmar.


Je vous rejoins tout à fait sur ce point.

Azwaw a écrit:
Enfin, une remarque qui vaut pour le berbère mais aussi, j'en suis sûr, pour l'arabe maghrébin ! Il me semble que l'emploi de vocabulaire étranger dépend aussi beaucoup de l'origine culturelle de la personne qui parle :

- les berbéristes convaincus ont parfaitement intégré les néologismes ;
- les jeunes/modernes utilisent énormément de mots français ;
- les religieux usent beaucoup de mots et tournures arabes, et plutôt d'arabe classique, même quand le vocabulaire en question n'a pas de rapport avec la religion.


En effet, le vocabulaire étranger n'est pas le même selon l'âge et les références culturelles. Nous concernant, les néologismes ne sont connus que de nous-mêmes...et le seul qui s'est vu intégré est wsîl qui veut dire lien hypertexte . Il a été inventé par un membre du groupe et s'est facilement imposé.
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Lwahranya



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Messageécrit le Tuesday 01 May 12, 11:14 Répondre en citant ce message   

Feintisti a écrit:
dans ton exemple, tu changes le t non-emphatique de ترجمة en t emphatique, طرجامة. Ca ne fait même pas une grande différence dans la prononciation, mais ça complique la reconnaissance du mot d'origine.

En fait, je dirais que le t emphatique du mot dialectal Torjmân طُرجمان est "entré en résonance" avec le mot scolaire tarjama ترجمة et que le T du mot algérien a triomphé sur le t classique. Ceci dit, un ami de l'est du pays m'a reproché cet algérianisme qu'il trouve régionaliste et je vais lui demander pourquoi.

Pour ce qui est du son u, j'ai une petite rectification à faire. En fait, je le transcris habituellement ainsi وُ mais à une époque, je ne savais pas comment mettre les voyelles au dessus des lettres croyant que c'est mon clavier qui ne fonctionnait pas correctement. Alors j'avais trouvé un subterfuge, je mettais ؤ et comme les signes diacritiques et les hamzas همزة apparaissent vraiment minuscules sur Facebook, ils finissaient par se confondre et on ne voyait pas vraiment la différence d'autant plus que la hamza n'est de toute façon jamais prononcée an dialectal en milieu de mot, donc je pense que le lecteur ne s'attend pas à la trouver dans mes écrits et qu'il la prend pour une damma.
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