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rejsl Animatrice
Inscrit le: 14 Nov 2007 Messages: 3672 Lieu: Massalia
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écrit le Sunday 25 Nov 12, 20:39 |
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Discussion scindée à partir du MDJ rose
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Dans l'Antiquité, la rose était associée à la discrétion, au silence.
La langue française en avait gardé trace avec cette expression aujourd'hui vieillie être sub rosa qui signifiait être à l'abri des indiscrétions .
Citation: | La fable ancienne ou moderne dit que le Dieu d'Amour fit présent au Dieu du silence Harpocrate d'une belle fleur de rose, lorsque personne n'en avait encore vu et qu'elle était toute nouvelle, afin qu'il ne découvrit point les secrètes pratiques, et conversations de Vénus, sa mère, et que l'on a pris de là de pendre une rose ès chambres où les amis et parents se festinent et se réjouissent, afin que sous l'assurance que cette rose leur donne, que leur discours ne seront point éventés, ils puissent dire tout ce que bon leur semble... C'est pour cela que l'on dit que la rose est le symbole du silence et que l'on est sub rosa , quand on est en lieu sûr,et qu'on n'a point à craindre les faiseurs de rapports. | Nous rapporte Furetière.
En allemand, on trouvait aussi sub rosa reden/sprechen = parler sub rosa = faire une confidence, parler à couvert, en privé.
Citation: | dass die Verhandlungen des Rates „sub rosa" geführt werden sollten |
= Les négociations du Conseil devaient être menées en toute discrétion.
L'expression était fort employée en langage soutenu au 19.siècle.
Dernière édition par rejsl le Wednesday 28 Nov 12, 11:52; édité 1 fois |
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Horatius Animateur
Inscrit le: 11 Apr 2008 Messages: 695
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écrit le Sunday 25 Nov 12, 21:05 |
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Je ne connaissais pas cette belle expression !
Après consultation dans le dictionnaire de Tosi (s.u. sub rosa dicere), je note que l'auteur rejette cette explication par la mythologie classique, avancée par Furetière. L'expression date du Moyen-Âge et son sens serait "à chercher dans la symbolique médiévale, où la rose blanche à cinq pétales, représentant les cinq sens, symbolisait le secret, la discrétion et le silence"
Dans sa formulation développée, l'expression est : "sint vera vel ficta, taceantur sub rosa dicta" : qu'ils s'agissent de vérités ou de mensonges, les choses dites sous la rose doivent rester secrètes. |
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José Animateur
Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 10941 Lieu: Lyon
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écrit le Monday 26 Nov 12, 12:03 |
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Cette expression (version anglaise) a été présentée dans le Fil "Expressions avec des termes de botanique" (message du 28.02.2012).
José a écrit: | sub rosa : (adv) en confidence - sous le sceau du secret
sub rosa signifie, en latin : sous la rose
vu comme le symbole du secret
(Robert & Collins) |
On la trouve dans la presse anglophone :
- His legacy is malign, as is evident now in the sub rosa racism that fuels the appalling changes in the Republican Party that he did so much to bring about.
= Son héritage est malfaisant, tel qu'on peut le retrouver dans le racisme latent/larvé/sous-jacent qui nourrit les changements terribles du Parti Républicain (...).
[ The Washington Post - 01.09.2012 ]
Par "appalling changes", je pense que l'auteur fait référence au Tea Party ou en tout cas à l'aile populiste -voire plus- du Parti Républicain.
L'homme politique dont il s'agit est Strom Thurmond, Sénateur de Caroline du Sud, connu pour avoir été, dans la première partie de sa carrière politique, plutôt "raciste, cynique, opportuniste et hypocrite".
James Strom Thurmond (1902-2003) est un homme politique américain, membre du Parti démocrate de 1933 à 1964 puis du Parti républicain, ancien gouverneur de Caroline du Sud de 1947 à 1951, ancien candidat à la présidence des États-Unis en 1948 et sénateur au Congrès des États-Unis de 1955 à 2003 pour la Caroline du Sud. (Wikipedia)
Lire l'article sub rosa de Wikipedia (en anglais) et la mention de sub rosa en hongrois. |
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rejsl Animatrice
Inscrit le: 14 Nov 2007 Messages: 3672 Lieu: Massalia
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écrit le Wednesday 28 Nov 12, 1:17 |
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Du côté allemand, Röhrich (Lexikon der sprichwörtlichen Redensarten = Dictionnaire des expressions proverbiales) traite de cette expression et son explication va dans le sens de Furetière mais avec plus de précisions.
D'abord, oui, il confirme que l'expression ne date pas de l'Antiquité. Mais Furetière ne le disait pas non plus, il disait qu'elle renvoyait à un passage de la mythologie antique, celui où Cupidon offre une rose au dieu du silence afin qu'il ne divulge pas les agissements de sa mère Venus.
Röhrich fait aussi allusion à cela, tout en précisant que pour l'allemand, elle est apparaît à l'époque de l'Humanisme allemand ( 15.et 16.siècle) , autrement dit la Renaissance allemande ( plus tardive qu'en Italie). L'explication serait qu'à la Renaissance, on se tourne à nouveau vers les auteurs et la culture de l'Antiquité si bien que cela influe sur le mode de pensée et certaines coutumes.
L'expression , selon lui, renvoie à une réelle coutume et était d'abord employée au sens propre. On trouve des peintures dans certains couvents qui montrent une rose accrochée ( suspendue) au-dessus de la table, symbole que les paroles prononcées ne devaient pas être divulguées. Ce serait aussi le cas dans la salle du conseil de la vieille mairie de Brême, bâtiment très ancien ( gothique et Renaissance), classé au patrimoine mondial de l'UNESCO.
L'expression apparaît donc au 15.siècle, en allemand, en anglais,( under the rose), en néerlandais ( onder the roos), en allemand aussi, elle est attestée dans des textes de cette époque traduite : " unter den rosn "
Röhrich cite un manuscrit du 15.siècle trouvé au monastère de Tegernsee ( en Bavière), écrit en latin par un moine:
Citation: | quidquid sub rosa fatur
repetitio nulla sequatur.
Sint vera vel ficta,
sub rosa tacita dicta.
Si quid foris faris
haud probitate probaris. |
Mes années de latin sont loin mais je cris comprendre qu'il est question de se taire et de ne rien répéter?
On trouve aussi chez Johann Fischart ( écrivain allemand du 16.siècle) un passage :
=
Ainsi ils pourront disputer magistralement, assis sous les roses avec quelques cruches de vin du Rhin.
Reste ensuite à savoir à quoi se référaient les gens de la Renaissance. Dans la symbolique du Moyen-Âge, il me semble que la rose était surtout liée à la Vierge, elle symbolisait la pureté et la virginité. |
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Horatius Animateur
Inscrit le: 11 Apr 2008 Messages: 695
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écrit le Wednesday 28 Nov 12, 18:47 |
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rejsl a écrit: | D'abord, oui, il confirme que l'expression ne date pas de l'Antiquité. Mais Furetière ne le disait pas non plus, il disait qu'elle renvoyait à un passage de la mythologie antique, celui où Cupidon offre une rose au dieu du silence afin qu'il ne divulge pas les agissements de sa mère Venus. |
Justement, c'est bien cette explication par la mythologie antique que Tosi met en doute...
Et à vrai dire, je vais peut-être dire une bêtise, mais ce mythe d'Harpocrate et Cupidon, je n'en ai jamais entendu parler (quand je lis dans un dictionnaire en ligne "the famous story", je me sens très bête !) et je serai intéressé que quelqu'un de mieux renseigné en donne une référence antique !
D'ailleurs, il est vrai que Furetière est prudent : il dit "La fable ancienne ou moderne". A mon avis, elle est moderne : j'y verrai bien là une tentative faite des Humanistes pédants d'expliquer, par une jolie fable, une expression et une pratique.
Quant à la symbolique médiévale, je n'y connais trop rien. Est-ce que Pastoureau ne dit pas quelque chose à ce sujet ? |
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embatérienne Animateur
Inscrit le: 11 Mar 2011 Messages: 3875 Lieu: Paris
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écrit le Wednesday 28 Nov 12, 19:53 |
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Horatius a écrit: | Et à vrai dire, je vais peut-être dire une bêtise, mais ce mythe d'Harpocrate et Cupidon, je n'en ai jamais entendu parler (quand je lis dans un dictionnaire en ligne "the famous story", je me sens très bête !) et je serai intéressé que quelqu'un de mieux renseigné en donne une référence antique !? |
En latin, mais pas nécessairement antique :
Est Rosa flos Veneris, cujus quo facta laterent
Harpocrati matris, dona dicavit Amor;
Inde Rosam mensis hospes suspendit Amicis,
Convivae ut sub eâ dicta tacenda sciant.
Elle est reprise dans de très nombreux livres du XVIe siècle. On la trouve par exemple ici, reprise de Levinus Lemnius.
Horatius, peux-tu résumer la discussion qu'on trouve ici de cette épigramme ? |
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Horatius Animateur
Inscrit le: 11 Apr 2008 Messages: 695
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écrit le Saturday 15 Dec 12, 11:22 |
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Pardon d'avoir tardé, faute de temps, à répondre, dans ce fil où j'avais pourtant moi-même demandé de l'aide !
Merci pour la citation de cette épigramme. Elle est effectivement citée dans plusieurs anthologies latines de "poetae minores". Dans la note à laquelle tu renvoies, embatérienne, l'auteur signale que d'après des philologues, cette épigramme aurait été trouvée, gravée sur le marbre. A ce que je peux lire par ailleurs, son origine antique est fort discutable. D'ailleurs l'auteur de la note signale à la fin qu'il ignore l'origine de ces vers.
La note commence par rappeler que, selon ces savants, ces vers expliqueraient comment la rose aurait été consacrée à Harpocrate, dieu du silence, et serait donc devenue symbole du silence ; que, de là, proviendrait l'usage dans de nombreuses régions d'Allemagne (in multis locis Germaniae), dans les banquets, de suspendre une rose au plafond, pour rappeler que les choses qui y sont dites le sont sous le sceau du secret ; qu'enfin, de là, viendrait également le proverbe "haec sunt sub rosa acta vel dicta" ("ces choses sont faites ou dites sous la rose").
L'auteur de cette note poursuit ensuite un raisonnement personnel (equidem scio) visant à rattacher le proverbe à l'Antiquité :
1. il cite des vers antiques (Horace, Martial) où on nous dit que ce qui se disait dans un banquet ne devait pas être répété
2. il rappelle (cf Ovide...) que l'usage des roses était fréquent dans ces banquets antiques, non seulement pour en faire des couronnes mais aussi pour décorer les tables.
Il croit alors pouvoir supposer que ces deux usages antiques se sont liés et que de là aurait pu naître le proverbe.
Je n'en suis pas vraiment convaincu. L'auteur de la note admet d'ailleurs que le proverbe "sub rosa dicta" n'est pas attesté dans l'Antiquité, pas plus que l'usage précis de suspendre des roses au plafond.
Bref, on n'est pas beaucoup avancé ! Personnellement, je continue à croire que cet usage est d'origine allemande (ainsi que l'expression qui va avec) et que l'explication via la mythologie classique antique a été inventée a posteriori à la Renaissance. Voir ce qui se dit également ici. |
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