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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11202 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Saturday 25 May 13, 19:20 |
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embatérienne a écrit: | Je crois comprendre qu'il y a tout un tas d'inchoatifs très clairement tirés d'un nom, gemmasco, granasco, puellasco, pubesco, ou un d'un adjectif dulcesco, duresco, tardesco, etc. Pour eux, il n'y a pas de verbe simple (même si parfois, il y en a quand même un tardif, recréé après l'inchoatif pour compléter la paire, c'est le cas de veterasco, vetero). Ce sont les inchoativa nominalia des vieilles grammaires ; la terminologie est désuète, mais il me semble -- les latinistes patentés me diront si je me trompe -- que la chose reste vraie ; en tout cas Pierre Monteil en parle toujours dans ses Éléments de phonétique et de morphologie du latin, 1986. |
Tu apportes de l'eau à mon moulin : s'il faut retenir une chose de ce que Thierry Martin nous a dit, c'est que ces inchoativa nominalia n'ont pas de parfait ni de supin ! Et pour cause ! Ils ont deux bonnes raisons de ne pas en avoir :
1. Aucun inchoatif latin n'en a. (Plan de la description du latin, de sa grammaire. Mais c'est la vision d'un latiniste non patenté...)
2. Il n'existe pas de verbe simple auquel ils auraient pu les "emprunter". (Plan de la traduction en français. Vision des latinistes patentés d'autrefois)
Il nous manque la vision des latinistes patentés d'aujourd'hui...
J'attends encore qu'il soit répondu à la question - fondamentale - que j'ai posée plus haut : le latin avait la possibilité matérielle de fabriquer - et ce pour les deux types d'inchoatifs, verbalia et nominalia - des formes de parfait et de supin sur l'élément -sc- : *amascavi, *amascatum. Pourquoi ne l'a-t-il pas fait ?
On peut aussi, mais beaucoup plus accessoirement, se demander pourquoi seuls certains verbalia auraient "emprunté" ces fameuses formes manquantes, et pas les autres... Est-il suffisant et satisfaisant de se contenter de la preuve par l'attestation ? |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11202 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Sunday 26 May 13, 17:46 |
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embatérienne a écrit: | C'est d'ailleurs pourquoi la longue étude des "thèmes verbaux du latin" qui fait une large place à la notion d'aspect n'est en rien influencée par la grammaire française, mais entièrement par l'opposition perfectum/infectum. |
Entendons-nous bien, il y a aspects et aspects. Une chose est que les grammairiens et spécialistes du latin aient vu depuis longtemps l'opposition infectum-perfectum dans la conjugaison, elle sautait aux yeux ! Autre chose est le travail sur l'aspect en général, incluant les notions d'inchoatif, de fréquentatif, etc., tous ces mots en -tif, formes cantonnées depuis toujours dans le domaine lexical et qui ne font que depuis peu une timide entrée en grammaire. C'est le refus de considérer l'inchoatif comme relevant de la grammaire et non du lexique qui a amené à vouloir absolument lui faire "emprunter" les formes qu'il semblait ne pas avoir. |
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Glossophile Animateur
Inscrit le: 21 May 2005 Messages: 2281
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écrit le Sunday 26 May 13, 18:11 |
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Citation: | J'attends encore qu'il soit répondu à la question - fondamentale - que j'ai posée plus haut : le latin avait la possibilité matérielle de fabriquer - et ce pour les deux types d'inchoatifs, verbalia et nominalia - des formes de parfait et de supin sur l'élément -sc- : *amascavi, *amascatum. Pourquoi ne l'a-t-il pas fait ? |
A mon humble avis, et sans documents sous la main, je dirais qu'il ne l'a pas fait parce que ce n'est pas comme ça que ça marche, le latin !
Dictionnaires et grammaires scolaires ont beau faire croire le contraire, le perfectum ne dérive pas de l'infectum. Il est impossible de déduire le perfectum de l'infectum, et impossible aussi de remonter d'un perfectum à un infectum. L'exemple le plus frappant, c'est le verbe ferre, dont le perfectum est tulisse, et le participe passé latus, lata, latum.
Il s'agit d'un montage, la langue a mis bout à bout des verbes de sens voisins et de radicaux différents pour aboutir à une conjugaison compléte, mais c'est emblématique, et je m'en sers pour aider les élèves à comprendre que chaque verbe latin a deux séries de formes, sur deux radicaux différents, l'infectum et le perfectum, rigoureusement étanches l'une à l'autre. (Certains verbes, comme coepisse, n'ont pas d'infectum.)
Donc, le latin ne pouvait même pas avoir l'idée de fabriquer un perfectum à partir d'un suffixe caractéristique de l'infectum, pour des raisons morphologiques, et pour des raisons sémantiques : quand ça commence, ça commence, quand c'est fini, c'est fini.
Vixerunt, dit Cicéron pour annoncer que les complices de Catilina viennent d'être exécutés sans procès : vixerunt, ils ont fini de vivre, ils sont morts. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11202 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Sunday 26 May 13, 20:41 |
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Bon, tu as sans doute raison pour quantité de verbes simples. Peut-être même pour tous. Mais tu ne réponds pas vraiment à ma question.
Moi, ce qui m'intéresse, c'est de comparer les deux formes "dérivées" comparables dans leur nature et leur fonction que sont les formes fréquentative et inchoative.
La première présente toujours une série complète et régulière en -ta- : canto, cantas, cantare, cantavi, cantatum.
La deuxième, en -sco-, s'arrête avant le parfait : senesco, senescis, senescere.
Pourquoi ? Il doit bien y avoir une explication à ce trou lexico-grammatical.
À la réflexion, tu me donnes la réponse, indirectement : cette forme n'a pas de parfait parce qu'elle ne peut pas en avoir. Parce que les notions de parfait et d'inchoatif sont IN-COM-PA-TIBLES.
Je crois que c'est ce que je ne cesse de dire depuis le début de ce fil... |
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Horatius Animateur
Inscrit le: 11 Apr 2008 Messages: 695
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écrit le Sunday 26 May 13, 20:50 |
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Citation: | Dictionnaires et grammaires scolaires ont beau faire croire le contraire, le perfectum ne dérive pas de l'infectum. Il est impossible de déduire le perfectum de l'infectum, et impossible aussi de remonter d'un perfectum à un infectum |
Tout de même, Glossophile, même si sur le fond je suis d'accord, il faut préciser. Les inchoatifs de type "amasco" sont de formation récente.
Or, à date récente, il y a une tendance lourde en latin à normaliser les conjugaisons et notamment à faire dériver le perfectum de l'infectum par ajout du suffixe -ui, au moins que le radical de cet infectum est vocalique :
ama-ui
*moni-ui > monui
audi-ui
Donc, si !Pour des verbes nouveaux, le latin pouvait avoir l'idée de fabriquer un perfectum à partir d'un suffixe caractéristique de l'infectum.
Et il ne l'a pas fait, pour ces inchoatifs. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11202 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Monday 27 May 13, 8:17 |
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Glossophile a écrit: | L'exemple le plus frappant, c'est le verbe ferre, dont le perfectum est tulisse, et le participe passé latus, lata, latum. |
Ça, c'est plus une exception qu'un exemple, tout de même ! Ils ne sont pas légion les verbes qui font appel à des radicaux différents.
Je veux bien que perfectum et infectum ne dérivent pas l'un de l'autre, mais ils ont généralement (à 99,99 %) un radical commun qui en fait les fils d'un même père, avec des airs de famille qui permettent de les relier l'un à l'autre sans grand risque d'erreur.
C'est d'ailleurs cet air de famille qui a pu faire dire aux grammairiens qu'un inchoatif "empruntait" son parfait au verbe dont il dérive, comme si les verbes se "prêtaient" des formes les uns aux autres ! "Tiens, toi, t'as pas de parfait ?! Ça alors ! T'inquiète, je te prête le mien !" Ça prête à rire, oui ! |
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Glossophile Animateur
Inscrit le: 21 May 2005 Messages: 2281
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écrit le Monday 27 May 13, 11:18 |
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Citation: | Ça, c'est plus une exception qu'un exemple, tout de même ! Ils ne sont pas légion les verbes qui font appel à des radicaux différents. |
Il y en a un autre, le verbe le plus fréquent en latin : esse dont le perfectum est fuisse.
Un verbe si fréquent que la langue n'a jamais éprouvé le besoin de l'aligner sur les autres conjugaisons, et que son irrégularité a passé en français : je suis, je fus.
D'un pur point de vue pédagogique, ces deux verbes servent de modèle pour bien faire comprendre aux élèves l'étanchéité des deux formations.
Et cela fait belle heurette que j'ai rayé exception de mes papiers : il y a des formes régulières, et des formes anomales, et l'anomalie, si j'ose dire est le témoin et la matrice des formes régulières. Bref, il n'y a pas d'exception, mais régularités concurrentes.
Dernière édition par Glossophile le Monday 27 May 13, 19:44; édité 1 fois |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11202 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Tuesday 28 May 13, 8:13 |
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En relisant tranquillement et sereinement ce fil, je reviens sur cette réflexion : embatérienne a écrit: | j'ai l'impression que les dictionnaires ne mentionnent le parfait (avec les réserves de fond déjà exposées sur la notion de parfait pour un inchoatif) que s'ils en ont rencontré la forme dans des textes, avec un sens qui leur paraît compatible avec le sens de l'inchoatif. |
Effectivement, et tout le problème vient de là : certains auteurs de dictionnaires sémasiologiques (de la formes aux sens) se laissent parfois entraîner dans le domaine de l'onomasiologie (du sens aux formes, comme dans les dictionnaires analogiques), d'où une grande confusion et ces divergences, car tous ne le font pas.
Un principe lexicographique de base : quand on décide de traiter des sens d'un mot, on ne transporte pas une forme de ce mot dans un autre article, quelle que soit l'apparence de parenté formelle entre les deux mots concernés.
Ou alors, on ne fait qu'un seul article des deux mots concernés, puisque leurs formes et leurs sens coïncident si fort.
Suis-je clair ?
Est-il clair que le fameux emprunt dont on parle depuis le début n'est pas fait par la langue latine - ce qui n'a pas de sens - mais par certains auteurs de dictionnaires ? Et que ceux qui ne font pas cet emprunt ont raison de ne pas le faire ? (À condition qu'ils soient conséquents et ne le fassent pour aucun verbe, bien entendu, ce qui reste à vérifier...) |
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Glossophile Animateur
Inscrit le: 21 May 2005 Messages: 2281
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écrit le Tuesday 28 May 13, 12:57 |
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Relisons ce dialogue de Plaute où l'avare Euclion somme l'esclave Strobile de lui rendre ce qu'il lui a pris, bien que Strobile n'ait rien pris :
Citation: |
(EVCLIO) Redde huc sis. (STROBILVS) Quid tibi uis reddam? (EVCLIO) Rogas?
635 (STROBILVS) Nil equidem tibi abstuli. (EVCLIO) At illud quod tibi abstuleras cedo.
ecquid agis? (STROBILVS) Quid agam? (EVCLIO) Auferre non potes. ? |
Traduit par mes soins, cela donne :
Euclion : Rends-le, s'il te plait.
Strobile : Qu'est-ce que tu veux que je te rende ?
Euclion : Tu le demandes ?
Strobile : Ah non, je n'ai rien emporté à toi.
Euclion : Alors, rends ce que tu t'es emporté pour toi, et que ça saute ! (adaptation libre, pour conserver le calembour.)
Strobile : Sauter où ça ?
Euclion :Tu ne peux pas l'emporter.
Abstuli, abstuleras et auferre : nous avons là un procédé stylistique, la reprise du même verbe à des temps et des personnes différentes.
C'est à partir de telles constatations que les auteurs de dictionnaires ont parlé d'emprunts. Montage conviendrait sans doute mieux, ou encore vicariance, mais le fait est que les latins mettaient bout à bout ces formes d'étymologie différente pour y voir un seul verbe. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11202 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Tuesday 28 May 13, 13:54 |
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Cette question a l'air de te tenir à coeur. Ouvre donc un nouveau sujet au lieu de poster ici où tes considérations n'ont rien à faire, si tu ne veux pas te voir opposer un autre HS.
Un seul commentaire quand même : pour l'immense majorité des francophones du monde entier, je vais, nous allons, vous irez, etc., ce n'est qu'un seul et même verbe. Pas besoin du latin pour comprendre ça. |
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Glossophile Animateur
Inscrit le: 21 May 2005 Messages: 2281
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écrit le Tuesday 28 May 13, 14:19 |
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Tiens donc, je croyais que tu disais absolument le contraire : que c'était une invention des fabricants de dictionnaire !
Quand tu abordes cette question, c'est dans le sujet, quand je te réponds, c'est hors sujet...
C'est bien le sujet : les verbes inchoatifs ont-ils un perfectum ?
Réponse : ils en ont d'autant moins que l'infectum et le perfectum sont deux conjugaisons rigoureusement étanches l'une à l'autre, unies seulement par le sémantisme commun.
Comme tu exprimais des doutes à ce sujet, je fournis des éléments de preuve, et c'est dans le sujet. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11202 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Tuesday 28 May 13, 14:27 |
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Alors si c'est ça, Horatius t'a déjà répondu plus haut. D'où mon étonnement à te voir persévérer... "Diabolicum !"
Tu appuies ta démonstration sur les verbes à radicaux différents. C'est un peu comme si tu voulais démontrer que les voitures roulent en prenant l'exemple des bicyclettes... Les voitures roulent puisque les bicyclettes roulent.
Tu fais de la surenchère. Moi je dis que les inchoatifs n'ont pas de parfait, ce que j'ai déjà du mal à faire admettre, et toi qu'aucun verbe n'a de parfait ! C'est sûr, difficile de te dépasser, tu as atteint le maximum des enchères possibles ! |
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Ion Animateur
Inscrit le: 26 May 2017 Messages: 306 Lieu: Liège
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11202 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Monday 26 Feb 18, 5:05 |
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Je crois que le nouveau fil ouvert par Ion fait beaucoup plus que d'aborder certains aspects de cette discussion : il en donne le mot de la fin !
On comprendra enfin, grâce à lui, qu'amasco (par exemple) ne signifie pas "je commence à aimer" mais "mon amour grandit de jour en jour".
Toute notre discussion est à revoir en fonction de ce qu'il faut bien appeler une découverte. |
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Ion Animateur
Inscrit le: 26 May 2017 Messages: 306 Lieu: Liège
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écrit le Monday 26 Feb 18, 8:51 |
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Euh... enfin pas exactement "grandit de jour en jour", quoique ça s'en rapproche... Ce serait plutôt "je passe progressivement d'un état d'indifférence à un état amoureux". |
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