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Xavier Animateur
Inscrit le: 10 Nov 2004 Messages: 4087 Lieu: Μασσαλία, Prouvènço
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écrit le Saturday 15 Feb 14, 21:41 |
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דָּבָר [dabar] est un mot hébreu qui signifie : parole, discours, précepte... (je pense qu'on aura l'occasion de revenir sur ces termes)
du verbe דָּבַר : parler, déclarer...
C'est ce terme qui a été traduit par "commandement" dans les fameux 10 commandements de Moïse (Exode 20, 2 & Deutéronome 5, 6)
Dieu prononça toutes ces paroles et dit
Ce terme est traduit en grec par λόγος dans la Septante, que l'on retrouve dans l'Évangile de Jean :
Au commencement était le Verbe... (BJ) (au commencement : même début que la Genèse...)
et le Verbe s'est fait chair : c'est donc Jésus Christ.
Au commencement était la Parole ; la Parole était auprès de Dieu ; la Parole était Dieu. (Nouvelle Segond)
Ce verbe est distinct de אמר [amar] : dire, raconter et, comme nom : mot
Ces 10 paroles qui sont aussi des commandements portent le nom de décalogue. , nom cité dans Exode 34,28 :
Moïse est sur la montagne du Sinaï, pendant 40 jours, sans manger, ni boire.
Il écrivit sur les tables les paroles de l'alliance, les dix paroles
דִּבְרֵי הַבְּרִית : les paroles de l'alliance - translittération : dibre ha-berit
עֲשֶׂרֶת הַדִּבְּרוֹת : les dix paroles, le "décalogue" - translittération : aseret ha-dibrot
Dernière édition par Xavier le Monday 17 Feb 14, 12:34; édité 1 fois |
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rejsl Animatrice
Inscrit le: 14 Nov 2007 Messages: 3672 Lieu: Massalia
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écrit le Monday 17 Feb 14, 0:23 |
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Au niveau du yiddish, ces hébraïsmes se retrouvent ben sûr. Aux termes précédents on peut ajouter:
1) avec l'ajout du suffixe germanique qui marque l 'infinitif d'un verbe, on a :דברן = dabern qui signifie parler mais dont la connotation est péjorative.
2) le Deutéronome se dit דברים = devarim en hébreu, dvorim en yiddish ce qui signifie en fait " Paroles" ( -im étant le suffixe pluriel)
3 ) le livre des Chroniques ( dans la Torah à la différence de l'Ancien Testament, cela ne forme qu'un seul livre) se dit : דברי-הימים = Divre hayyamim en hébreu et divre-hayomim en yiddish soit Parole, Histoire des Jours.
4) dans le domaine profane, דברים - בטלימ = dvorim-beteylim = des propos vains, du bavardage
בטל =botl signifie : caduc, annulé, inutile, donc
Citation: | עֲשֶׂרֶת הַדִּבְּרוֹת : les dix paroles, le "décalogue" |
La translittération pour l'hébreu est aseret hadibrot . En yiddish : aseres- hadibres = les dix Commandements. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11202 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Friday 07 Mar 14, 5:12 |
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J'aurais deux questions, qui sont d'ailleurs liées :
1. J'aimerais savoir si le sens de "parler" est bien le sens originel de ce verbe ou de cette racine, ou si, à l'instar du grec legô (et du latin lego), il n'a pas un sens plus fondamental et plus général qui serait quelque chose comme "rassembler, réunir, recueillir".
2. Il y a, semble-t-il, un verbe hébreu tzavar qui signifie "accumuler". Ce verbe a-t-il un rapport avec le mot du jour ?
Merci d'avance pour les réponses. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11202 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Thursday 17 Apr 14, 8:21 |
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Faute d'avoir obtenu réponse à mes questions, je dis pourquoi j'ai posé la première :
Comme le d emphatique n'existe pas en hébreu, je suppose qu'est apparentée à notre mot du jour la racine arabe ضبر Ḍ-B-R qui réunit les notions de « reliure, de brochure de feuillets écrits », et de « détachement qui fait des incursions et déprédations sur le territoire ennemi ». Reig et Kazimirski donnent une clef intéressante pour comprendre comment on a pu passer d’un sens à l’autre : c’est par le terme ضبر ḍabr, « détachement (militaire)», que l’on désigne aussi la célèbre « tortue » (testudo) des légions romaines, laquelle se caractérise par la juxtaposition des boucliers en rangs serrés de façons à constituer un rempart métallique contre les flèches ennemies.
Dans une légion, les soldats sont pour ainsi dire reliés les uns aux autres, comme le sont les mots dans le discours, qu'il soit oral ou écrit. C'est ainsi que, personnellement, j'explique le passage de la sémantique agricole à la sémantique discursive dans les mots grec λεγω [legô], "dire" et latin lego, "lire".
Pour les arabisants, je fais remarquer qu'on a le même parallélisme sémantique dans le verbe kataba, "écrire", dont l'un des dérivés est la militaire katība, "phalange", pluriel, katā'ib, d'où le célèbre parti libanais tire son nom. |
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Xavier Animateur
Inscrit le: 10 Nov 2004 Messages: 4087 Lieu: Μασσαλία, Prouvènço
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écrit le Thursday 17 Apr 14, 14:51 |
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Klein, dans son dictionnaire étymologique pense que le sens (parler) exprimerait à l'origine l'idée d'un bourdonnement, un vrombissement, comme le nom de l'abeille דבורה qui a donné le prénom Déborah.
Il note aussi un autre verbe דבר qu'on rattachait autrefois au précédent, avec le sens de :
to follow behind someone's back, to drive (suivre derrière le dos de quelqu'un, conduire). Ce terme aurait des correspondants en arabe. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11202 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Thursday 17 Apr 14, 16:42 |
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J'ai commencé par le d emphatique, j'aurais dû commencer par le d ordinaire.
Il existe effectivement une racine arabe دبر D-B-R sous laquelle on trouve notamment des mots comme
- دبر dabr : "essaim d'abeilles, de frelons", et دبّور dabbūr, "abeille, frelon", dont le nom d'unité, دبّورة dabbūra, est le prénom Déborah.
- دبر dubr : "derrière, partie postérieure d'une chose, cul".
- دبر dabara : "raconter qqch d'après qqn, rapporter les paroles de qqn après sa mort, écrire un livre".
De telles distances sémantiques entre ces trois mots sont de forts indices d'homonymies, en arabe comme en hébreu.
Je ne peux en dire plus pour le moment, sauf que le verbe دبر dabara a certainement partie liée avec l'hébreu dabar, "discours".
Je ne crois pas du tout à un lien entre le vrombissement des frelons et la parole. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11202 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Tuesday 29 Apr 14, 10:13 |
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Pour certains, c'est ce mot hébreu que l'on retrouve dans la formule magique abracadabra, analysé en abra ka dabra. |
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Xavier Animateur
Inscrit le: 10 Nov 2004 Messages: 4087 Lieu: Μασσαλία, Prouvènço
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11202 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Thursday 28 Jan 21, 10:16 |
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C'est confirmé par le Dictionnaire des racines sémitiques, fascicule 3 p. 212 à 215.
Comme on le voit par le nombre de pages qui lui sont consacrées, la racine DBR est très riche, très polysémique : 12 sémantismes !
Le sens fondamental du premier - c'est le cas de le dire ! - est "cul, derrière". (Je l'ai dit plus haut).
"Conduire", c'est "être derrière le troupeau et le pousser devant soi".
Il semble bien, comme je le subodorais,
- que pour le sens parler, DBR soit une extension de la séquence radicale DB de même sens (> ar. dabûb, daybûb "rapporteur, intrigant, cancanier").
- que le nom de la guêpe/abeille soit d'origine onomatopéique (imitation du bourdonnement).
- que le sens "terrain de pacage, steppe, désert" soit lié à la notion de derrière par le sens plus général "emplacement, quartier qui est derrière, champ pré". (cf. fr. forêt, "ce qui est à l'extérieur").
Il est clair qu'il existe au moins trois racines DBR homonymes. Je passe sur les autres sens, hors sujet car non cités jusqu'ici. |
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Xavier Animateur
Inscrit le: 10 Nov 2004 Messages: 4087 Lieu: Μασσαλία, Prouvènço
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écrit le Thursday 28 Jan 21, 15:34 |
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Le sens à l'origine devait être pâturage (lieu où paissent les bêtes), puis lieu inhabité, désert.
L'anglais traduit souvent par wilderness (région sauvage, étendue déserte)
Ce qui m'avait intrigué, c'est le M- : c'est considéré comme un préfixe. Mais quel serait son sens ? |
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embatérienne Animateur
Inscrit le: 11 Mar 2011 Messages: 3875 Lieu: Paris
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11202 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Thursday 28 Jan 21, 19:39 |
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Oui, c'est effectivement la raison pour laquelle beaucoup de noms de lieu, dont le français a hérité, commencent par un m : Maghreb, minaret, mosquée, madrague, Mers-el-Kebir, La Marsa, magasin, mastaba, moucharabieh, Médine, etc. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11202 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Sunday 08 Jan 23, 6:58 |
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Mon travail en cours sur les digrammes de l'arabe classique me permet d'alimenter aujourd'hui ce fil sur ce sujet par des données un peu plus consistantes, du moins en ce qui concerne l'arabe.
1. La racine la plus proche de l'hébreu, on l'a vu, est دبر dbr . On y trouve les mots suivants :
دبر dabara raconter, rapporter, en l'absence de qqn, ou après sa mort, une parole qu'on lui avait entendu dire ; composer, écrire (un livre, une lettre, etc.) – دبير dabīr écrivain
2. Comme il arrive fréquemment entre le d et le ḏ, cette racine a une variante plus riche qui est ذبر ḏbr . On y trouve les mots suivants :
ذَبَرَ ḏabara écrire, copier ; marquer de points (les lettres d’un mot dans l’écriture arabe) ; lire rapidement, parcourir à la hâte ou lire pour soi-même, sans prononcer les mots (un livre, un écrit) ; regarder avec attention, et voir distinctement et clairement ; saisir bien le sujet, le sens, la teneur d’un rapport, d’une nouvelle ; réciter, déclamer (une poésie) – II. écrire, copier (un livre) – ذَبْر ḏabr livre écrit sur des feuilles de palmier ; feuillet ; science, connaissance d’une chose ; science du droit, jurisprudence – ذَبِر ḏabir lisible, facile à lire (écriture, livre) – ذَابِر ḏābir qui étudie ou a étudié avec soin ; qui a appris une science ; savant – مُذَبَّر muḏabbar orné de dessins, de fleurs ou de ramages, etc. (étoffe, vêtement)
3. Et comme il arrive tout aussi fréquemment entre le ḏ et le z, on ne sera pas surpris par l'existence d'une deuxième variante, la racine زبر zbr , sous laquelle on trouve :
زبر zabara parler, copier, faire une copie, un manuscrit – II. copier, transcrire, faire une copie – زبر zabr parole ; écriture – زبر zibr écriture, ce qui est écrit – زَبَّار zabbār traditionniste, qui rapporte quelque tradition relative à Mahomet – زَبُور zabūr écrit, couvert de caractères ; écriture – زَبِير zabīr écrit, couvert de caractères – تَزْبُرَة tazburaẗ, تَزْبَرَة tazbaraẗ écriture, main – مِزْبَر mizbar plume, roseau à écrire – مَزْبُور mazbūr écrit, couvert de caractères ; susdit
NB1 : On a ici l’une des branches de la riche descendance arabe de l’akkadien ţuppu “tablette en argile, document, lettre”, lui-même du sumérien DUB “tablette, texte sacré”. Un babélien qui étudiait ces langues avait choisi comme pseudo le nom DUBSAR "scribe".
NB2 : les séquences db, ḏb et zb ont un autre sens en commun, très riche lui aussi, celui de "poil, barbe, cheveu" dont il serait hors sujet de parler ici. Peut-être en parlerai-je un jour sur Babel à l'occasion. En attendant, on peut déjà lire ce mien post en page 9 du MDJ ours. |
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