Projet Babel forum Babel
Contact - Règles du forum - Index du projet - Babéliens
INSCRIPTION - Connexion - Profil - Messages personnels
Clavier - Dictionnaires

Dictionnaire Babel

recherche sur le forum
Interdiction du breton ? - Forum des langues celtiques - Forum Babel
Interdiction du breton ?
Aller à la page 1, 2  Suivante
Créer un nouveau sujet Répondre au sujet Forum Babel Index -> Forum des langues celtiques
Voir le sujet précédent :: Voir le sujet suivant
Auteur Message
Jeannotin
Animateur


Inscrit le: 09 Mar 2014
Messages: 879
Lieu: Cléden-Poher

Messageécrit le Wednesday 12 Mar 14, 21:07 Répondre en citant ce message   

Il faut briser les idées reçues sur l'"interdiction" du breton. Ce n'était pas la politique officielle de l'éducation nationale qui avait prohibé la pratique du symbole (objet humiliant : sabot, vache, morceau de bois qui était accroché au cou des élèves surpris à parler breton à l'école).

Pour en finir avec les stéréotypes, on peut d'abord se référer à des ouvrages que tout le monde peut consulter : ni Pierre Hélias dans le Cheval d'Orgueil, ni Jean Rohou dans Fils de plouc ni Hervé Lossec dans les Bretonnismes ne racontent de mauvais souvenir liés à l'apprentissage du français.

Je peux aussi parler des communes que je connais. À Cléden-Poher, la situation a été variable. Un voisin m'a raconté que son père avait connu le symbole avant la Seconde Guerre Mondiale. Un autre, de dix ans son aîné, m'a par contre appris que sa mère était diplômée en français et en breton. Les deux s'accordent pour dire qu'après la Guerre, le breton était beaucoup parlé dans la cour de l'école. Si bien que les enfants qui ne savaient pas le breton l'apprenaient en parlant avec leurs camarades. À Rostrenen, après la Guerre, les maîtres interdisaient toujours le breton dans la cour, mais mon informateur ne se souvient pas d'avoir jamais été puni pour l'avoir parlé.

Qu'en est-il dans les coins que vous connaissez ? Les bons connaisseurs d'autres langues régionales peuvent aussi participer, bien sûr.


Dernière édition par Jeannotin le Thursday 13 Mar 14, 18:45; édité 1 fois
Voir le profil du Babélien Envoyer un message personnel
Valeia



Inscrit le: 22 Apr 2011
Messages: 90
Lieu: Languedoc, France.

Messageécrit le Thursday 13 Mar 14, 9:15 Répondre en citant ce message   

La question est compliquée. Mais on commence à en savoir un peu plus au delà des clichés. Il y a la thèse de Jean-François Chanet (l'école républicaine et les petites patries), il y a un ouvrage collectif paru à l'université de Montpellier ( Verny Lieutard, l'école française et les langues régionales). Il y a aussi des trucs pour le breton (Glaoda Le Dû, Fanch Broudic).

Ce qu'on sait : l'Instruction Publique n'a jamais ordonné spécifiquement de pourchasser les "patois", en se bornant à spécifier dans un article du règlement intérieur des écoles primaires que "le français est seul en usage dans l'école". Mais elle n'a pas davantage "prohibé" le signal. Tout dépendait en fait des initiatives locales des instituteurs, plus ou moins répressifs, et des inspecteurs qui les fliquaient, et leur indiquaient ce qu'il fallait faire. Selon les endroits on a donc usage du signal/symbole etc, jusque dans les années cinquante en Aveyron par exemple, ou de simples punitions, ou alors 'indifférence, et parfois l'utilisation ponctuelle du "patois" (pour l'occitan, et sans doute quelques parlers d'oïl) pour expliquer (tant bien que mal) les particularités de l'orthographe française (l'accord du participe, le circonflexe, ce genre de trucs) Mais sur le fond, la question n'a jamais été vraiment pensée par l'institution, tout simplement parce que c'était trop fatigant de la penser, et qu'on préférait faire comme si la question ne se posait pas.
Voir le profil du Babélien Envoyer un message personnel
Xavier
Animateur


Inscrit le: 10 Nov 2004
Messages: 4087
Lieu: Μασσαλία, Prouvènço

Messageécrit le Thursday 13 Mar 14, 12:52 Répondre en citant ce message   

C'est une question qui m'intéresse. Je suis plutôt d'accord avec ce qu'écrit Valeia.

Il y a une part de "mythe" qui, à mon avis, relève du militantisme. On est donc dans la subjectivité et non l'objectivité. Cela revient à dire : c'est "l'état" (l'Instruction publique, l'Éducation nationale) qui est responsable de la disparition des langues régionales, c'est donc à "l'état" d'agir pour donner des moyens à l'école de développer l'enseignement des langues régionales.

C'est assez complexe car il faut replacer cela dans un contexte culturel. Le changement de la société au milieu du XXe siècle : la disparition des paysans, l'exode rural. Et le patois, c'était avant tout le patrimoine de la vie rurale.
Un changement de mentalité aussi dans les années 50, quand les paysans ne voulaient plus conserver leurs traditions. Il faut lire l'excellent livre, Le cheval d'orgueil.
La volonté d'un changement social, la perception du français comme langue de culture. Une Provençale qui était enfant pendant la seconde guerre mondiale me racontait que dans sa famille les adultes parlaient provençal mais les enfants parlaient français. C'était considéré comme "valorisant".
Regardons aussi l'influence de l'anglais auprès des jeunes.

L'avènement de la radio, la télévision dans les années 60 a modifié les cultures locales. Les veillées, la "littérature orale" (en patois) : tout cela a disparu. Comme les métiers d'autrefois.
Dans une famille basque de 6 enfants : les 5 premiers parlaient basque, la dernière parlait français. Sa culture, c'était Sheila, Cloclo...

Il faut aussi étudier le poids de la religion. Les messes étaient célébrées en latin autrefois.
Dans les années 50, le breton a disparu des églises au profit du français. (voir aussi le Le cheval d'orgueil).
L'église catholique a donc, par facilité, contribuer à faire mourir les patois !

La positions des instituteurs vis à vis du patois ? On peut aussi étudier la position vis à vis de la religion. Il n'y avait pas de volonté d'interdire la religion, mais on a agit pour que la religion n'ait plus sa place dans les écoles.
Certains instituteurs étaient des farouches anticléricaux. D'autres, non.
La position vis à vis des patois est un peu similaire.

Enfin, il faut faire attention à ce qu'on appelle le patois et bien faire la distinction entre patois et langue régionale.
Là encore Jakez-Hélias est intéressant : il n'a jamais été attiré par la langue bretonne unifiée, mais défendait "son" breton, c'est à dire son patois breton.

Valeia a écrit:
Mais sur le fond, la question n'a jamais été vraiment pensée par l'institution, tout simplement parce que c'était trop fatigant de la penser, et qu'on préférait faire comme si la question ne se posait pas.

C'est surtout parce que c'est complexe.
Est-ce que les défenseurs du breton de Diwan se posent cette question vis à vis des patois bretons ?
Je ne pense pas !
On préfère faire comme si la question ne se posait pas : parler de patois c'est "péjoratif", donc il ne faut pas en parler mais parler de "langue régionale".
Et on esquive le débat : le "patois" est péjoratif, donc cela ne devrait pas exister !

trop fatigant de la penser ? C'est surtout trop complexe de faire en sorte que les différents patois restent vivants. Mais je pense que cela aurait pu se faire à l'échelle de l'école élémentaire.
Les défenseurs des langues régionales l'auraient-ils accepter ? je ne le pense pas, en arguant du fait que ce serait diviser pour faire en sorte que le français puisse mieux régner...
(fausse excuse ? je le pense...)

Mais le problème est ailleurs : c'est toujours la confrontation patois/langue régionale.
Et c'est plus facile d'enseigner et de développer une langue régionale que d'enseigner et développer une multitude de patois.
C'est effectivement trop fatiguant de penser au développement des patois !
Voir le profil du Babélien Envoyer un message personnel
Jacques



Inscrit le: 25 Oct 2005
Messages: 6525
Lieu: Etats-Unis et France

Messageécrit le Thursday 13 Mar 14, 13:51 Répondre en citant ce message   

Je voudrais signaler un autre mythe, celui selon lequel les langues en cours d'apprentissage sont en concurrence. Apprendre la langue locale serait un obstacle à l'apprentissage de la langue dite nationale, comme si le cerveau humain était trop petit pour 2 langues.

Cette perception de concurrence, je l'ai observée maintes fois lorsque les gens abandonnent la 2eme langue vivante en pensant que cela va leur donner plus de succès en première langue vivante. Pourquoi pas ne pas abandonner la chimie, la physique, l'histoire ou la géographie pour améliorer la première langue?

Je ne vois qu'un cas valide de conflit, c'est lorsque les langues sont très proches; je l'ai expérimenté personnellement; il suffit de changer son choix de langues pendant quelques temps.
Voir le profil du Babélien Envoyer un message personnel
José
Animateur


Inscrit le: 16 Oct 2006
Messages: 10945
Lieu: Lyon

Messageécrit le Thursday 13 Mar 14, 13:59 Répondre en citant ce message   

Jacques a écrit:
Je voudrais signaler un autre mythe, celui selon lequel les langues en cours d'apprentissage sont en concurrence.

Le meilleur exemple, c'est l'Afrique, où nombreux sont ceux qui parlent 3 ou 4 langues. Aucune ne nuit aux autres.

Jacques a écrit:
Je ne vois qu'un cas valide de conflit, c'est lorsque les langues sont très proches.

On sort un peu du sujet mais la solution dans ce cas, à mon avis, est de "fixer" une des 2 langues (approcher du bilinguisme ou être en tout cas "fluent" avec si possible une pratique régulière) avant d'attaquer la 2ème langue.
Je l'ai expérimenté avec l'italien et l'espagnol.
Voir le profil du Babélien Envoyer un message personnel
Valeia



Inscrit le: 22 Apr 2011
Messages: 90
Lieu: Languedoc, France.

Messageécrit le Thursday 13 Mar 14, 15:31 Répondre en citant ce message   

Deux ou trois trucs :
-il y a des mythes des deux côtés. Il y a celui des militants, d'accord, et leur tendance à a victimisation, et à la langue de bois (l'Etat jacobin qui que dont). J'ai dit que c'était plus compliqué, et je maintiens.

-Mais il y a aussi le mythe de l'école libératrice, qui n'a pas du tout persécuté qui que ce soit, et a fait sa place aux "petites patries". Je renvoie à Chanet, et à la préface de Mona Ozouf, qui explique que c'est vrai pour plein de choses (les vieilles pierres, etc.) mais pas pour la langue. Ce mythe de la Comunale pour tous laisse de côté de le fait que les classes supérieures n'allaient pas à la communale, mais dans les "petits lycées", pas gratuits, et après dans le secondaire ( ente I et 2% d'une classe d'âge avant 1920). Chacun à sa place, quoi.L'école de Ferry sert à contrebalancer l'influence de l'Eglise, elle sert aussi à fabriquer du bon paysan et du bon ouvrier (respectueux de son patron) et des filles de "bonnes femmes de maison "comme disait Ferry dans une circulaire de 1883. Elle est à la fois lbératrice et formatrice, socialement et idéologiquement. On ne diabolise pas, mais on n'idéalise pas non plus.

-Les langues régionales ne sont pas seulement les langues des paysans, mais à la fin du XIXe, (avant, c'est plus compliqué) les langues des classes populaires en général (ouvriers, paysans, artisans, bas des classes moyennes). On focalise sur les paysans en pays d'oc et en Bretagne parce que sociologiquement c'est le groupe majoritaire, mais il y en a d'autres qui ont pu employer la langue jusqu'assez tard dans le XXe. Je laisse de côté le cas alsacien où avant 1918 le couple dialecte/allemand standard est transversal à toute la société, avant que la France décide de faire comme si c'étaient des patois comme les autres, d'où problèmes.

-Ce ne sont pas des motifs "culturels" qui sont la motivation principale du changement de langue (même si la "distinction" a pu jouer), mais le pragmatisme : moi, "patoisant", j'en ai pris plein la tronche quand je suis entré à l'école sans savoir un mot de français. Je parlerai donc français, enfin mon français, a mon gamin, comme ça il en prendra moins la tronche et purra entrer à Polytechnique (jusqu'à ce qu'on s'aperçoive que ce français-là, avec son accent et ses tournures populaires, n'est toujours pas le bon, et qu'on s'est fait avoir, car ce sont toujours les mêmes qui gagnent, les bien parlants qui sont aussi les bien-ayants, ceux à qui leur capital tout court permet d'avoir le bon capital culturel). Plus le poids de l'idéologie dominante, au service des hiérarchies sociales dans un pays qui, malgré tout le baratin sur l'égalité etc a toujours été profondément inégalitaire.

-patois/langue régionale. Je n'ai aucun problème pour utiliser "patois" avec des locuteurs natifs, sans leur faire un cours de trois plombes sur l'occitan qui ragnagna. C'est leur mot, on ne leur en a pas donné d'autre, on fait avec quitte à leur expliquer des trucs. C'est avec les linguistes qui continuent à l'employer le mot sans voir sa charge idéologique que je râle;, à l'occasion.

-La langue des militants est-elle celle des gens ? Hélias boude le breton de l'Emsav parce que pour lui ce sont des fachos (c'est la spécificité de l'histoire bretonne contemporaine) et il écrit le Cheval d'orgueil en français parce que sinon les droits d'auteur, vous m'avez compris.

-Il est tout à fait vrai qu'il y a chez certains "militants" la tentation du miroir : le français est une langue normée, grammaire, orthographe, bon usage, pareil partout, il nous faut la même chose. Sauf que ça ne marche pas en société : tant qu'à faire, les gens se reconnaissent dans leur parler local, et c'est de ça qu'il faut partir.

-Sans oublier une fois de plus la dimension sociale : le monde des militants (classes moyennes urbaines, plus ou moins diplômées, ce n'est pas le monde des classes populaires : la distance de classe demeure, et il faut faire très attention, et être très respectueux, quand on essaye d'établir le contact entre ce qui reste sociologiquement deux mondes.
Voir le profil du Babélien Envoyer un message personnel
Kenel ha Gwerin
Non-inscrit





Messageécrit le Thursday 13 Mar 14, 17:36 Répondre en citant ce message   

Une des réponses qui fâchent et qui fait grincer des dents en Bretagne (je ne sais pas comment c'est ailleurs), c'est que l'école a eu un rôle secondaire puisque, l'école étant obligatoire dés la fin du XIXème siècle, le breton n'a commencé à être massivement abandonné qu'au tournant des années 50. L'une des réponses apportées, c'est que les hommes continuant à parler le breton, les mères de famille ont abandonné la langue vue comme un obstacle à la promotion sociale qu'elles souhaitaient pour leurs rejetons. Cette hypothèse de l'abandon du breton par les femmes se retrouvent chez Broudic, dans l'un des articles du livre Le breton, une langue en question.

À titre tout-à-fait personnel, je peux dire que ma mère, née dans le Trégor profond - coin très bretonnant s'il en est -, a toujours entendu les hommes parler breton entre eux et si elle a d'abord appris le breton, sa mère s'interdit de lui parler en cette langue dés qu'elle eut dans les sept-huit ans (vers 1961-1962) ; les enfants qui ont suivis n'ont été élevés quasiment qu'en français. Le père continuait à parler breton mais, toujours aux champs et peu prolixe, il avait peu d'occasions de parler à ses enfants. Encore aujourd'hui, j'ai infiniment plus l'occasion de parler breton avec les hommes de ma famille qui s'y donnent à cœur-joie, qu'avec les femmes qui semblent éprouver une certaine gêne lorsque je le fais.
 
ElieDeLeuze



Inscrit le: 14 Jun 2006
Messages: 1622
Lieu: Allemagne

Messageécrit le Sunday 16 Mar 14, 1:11 Répondre en citant ce message   

La différence homme/femme est un grand classique dans toutes les régions. C'est un mélange de désir de promotion sociale où les mères pleines de bonnes intentions sont aussi victimes de la propagande de la république que bourreaux de la langue régionale, et de désir de conformité citoyenne où les enfants savaient très bien éviter la langue locale car la stigmatisation était réelle, en général liée à une dichotomie ploucs de campagne contre coolitude urbaine et cela même à la modeste échelle des petites villes dans toutes les régions du pays. Je soupçonne même que le tahitien va en être victime dans pas longtemps de par le même phénomène.
Voir le profil du Babélien Envoyer un message personnel
Breizhadig



Inscrit le: 12 Nov 2004
Messages: 860
Lieu: Penn ar Bed / Finistère

Messageécrit le Sunday 16 Mar 14, 15:40 Répondre en citant ce message   

Je pense que cette interdiction à l'école était très variable et devait dépendre des enseignants. Par exemple, dans mon cas, que ça soit pour le gallo ou le breton, je sais que ça a été pratiqué car on me l'a raconté. Les formes étaient variables, des fois le symbole, d'autre fois a genoux sur une règle, ou simplement rester nettoyer la classe à la fin de la journée.

A mon avis, ce n'est qu'une composante dans le délaissement de la langue car en effet, la vision des grandes villes avec une pseudo bourgeoisie (ou du moins des gens plus aisés) qui parlent (plus ou moins bien) une langue qui semble leur donner un statut plus confortable, a joué un grand rôle. Savoir le français, c'était aussi vu comme l'espoir d'intégrer cette société urbaine. Les parents étaient conscients de ça et ont tous mis en œuvre pour que leurs enfants parlent un "bon" français et comptaient aussi sur l'école pour leur transmettre cette langue car eux ne pouvaient le faire.

Il y a eu plusieurs comportements envers le breton à l'école, allant de l'interdiction la plus stricte à la tolérance. Le tout est de faire la part des choses et voir quelle part a pris l'interdiction du breton dans son délaissement par la société. Pour moi, c'est une composante qui s'intègre dans un mécanisme naturel d'une envie d'un changement de classe sociale. Si le breton avait été intégré dans la société moderne, le regard du peuple aurait été différent car il n'y aurait pas eu de distinction avec le français, les deux langues auraient occupé une place égale. Mais ça n'a pas été le cas car les préoccupations de l'époque étaient toutes autres, la facilité c'est d'avoir une langue commune à tous et les notions de richesse culturelle ou de bilinguisme qui n'étaient pas connues à l'époque, ne pouvait logiquement pas être comprises par les hommes politiques... Elles ont beau être connues aujourd'hui, ils ne les comprennent toujours pas pour la plupart...

Donc dans une société où une langue occupe une place de "rêve", le peuple qui n'a pas conscience de la richesse de sa langue, ne va voir qu'un obstacle à la garder et va se tourner vers cette langue qui paraît ouvrir des portes... Aujourd'hui, combien sont les français moyens qui voue une véritable adoration envers l'anglais et poussent leurs enfants à apprendre cette langue dans le seul but de vouloir leur assurer un avenir meilleur que le leur, le français n'est pas dans leur préoccupation...

Bref, tout ça pour dire que oui, la population a un rôle important dans l'avenir de sa langue, mais ses choix s'inscrivent aussi dans un contexte précis. Chercher des responsables c'est se heurter à un faux problème, chacun a sa part de responsabilité mais aussi des arguments pour se justifier... Pour faire simple, l'abandon du breton n'aurait pas pu se faire sans le consentement du peuple.

Pour revenir sur l'abandon du breton par les femmes, on le remarque aussi dans la façon de s'habiller. L'autre jour je suis tombé sur des archives qui montrent clairement des jeunes femmes abandonner les habits traditionnels pour s'habiller "à la mode" comme en ville, tandis que les hommes sont aux travaux et n'ont pas le temps de se poser ces questions.

Ce qui est important c'est de ne pas refaire les mêmes erreurs. L'apprentissage du breton aujourd'hui, j'ai envie de dire que ça doit d'abord être une chose faite de façon égoïste, pour soi, pour s'enrichir, parler avec sa famille, et non pour militer. Cette attitude pousse à se tourner vers un breton du cru, ça donne envie d'apprendre les richesses de la langue, plutôt que d'apprendre une langue standard pour balancer des slogans types dans des manifs. Ensuite, on peut penser aux autres, car quand on a une telle approche de la langue, on sait intéresser les gens à cette langue car on le fait dans un contexte d'enrichissement et non dans un contexte de lutte...

Enfin voilà, je dois faire vite et j'ai fait plein de raccourcis, mais pour bien faire, ça m'aurait pris une journée et 4 pages sur le forum...
Voir le profil du Babélien Envoyer un message personnel
José
Animateur


Inscrit le: 16 Oct 2006
Messages: 10945
Lieu: Lyon

Messageécrit le Wednesday 19 Mar 14, 15:55 Répondre en citant ce message   

Breizhadig a écrit:
Donc dans une société où une langue occupe une place de "rêve", le peuple qui n'a pas conscience de la richesse de sa langue, ne va voir qu'un obstacle à la garder et va se tourner vers cette langue qui paraît ouvrir des portes... Aujourd'hui, combien sont les français moyens qui voue une véritable adoration envers l'anglais et poussent leurs enfants à apprendre cette langue dans le seul but de vouloir leur assurer un avenir meilleur que le leur, le français n'est pas dans leur préoccupation...

Ce n'est pas une question d'adoration, Français "moyens" (?) ou pas. Ce n'est que du pragmatisme par rapport aux exigences du marché du travail.
Et ils n'opposent pas l'anglais au français.
Voir le profil du Babélien Envoyer un message personnel
Breizhadig



Inscrit le: 12 Nov 2004
Messages: 860
Lieu: Penn ar Bed / Finistère

Messageécrit le Wednesday 19 Mar 14, 18:21 Répondre en citant ce message   

Je ne parle pas d'opposition, juste de préoccupations. Aujourd'hui, les mentalités sont plutôt portées sur le fait de maîtriser l'anglais, quitte à payer des cours particuliers pour ceux qui en ont les moyens. Que ce phénomène soit lié à une certaine vision du monde du travail, c'est une évidence que je sous entend tout au long de mon développement, que ça soit pour le français il y a 50 ans que pour l'anglais aujourd'hui.

Après, ce n'est pas le passage le plus intéressant de mon message et ce n'est pas le thème du sujet, c'était juste une parenthèse pour illustrer le fait que de se tourner vers une autre langue pour s'assurer un meilleur avenir professionnel est quelque chose qui se trouve partout et a ses arguments. Ce qui s'est passé en Bretagne depuis 1 siècle, c'est en partie basé sur ce phénomène. Si le français n'était pas une langue officielle, qu'il n'y avait pas toute cette production autour de la langue et des lois qui assurent la traduction française systématique, la population n'aurait pas le réflexe de garder cette langue.

La leçon que j'en tire à partir de ça, c'est qu'une langue sera conservée par ses locuteurs que si elle répond à leurs besoins quotidiens (utilisation dans la sphère publique) et de divertissements (émissions, films, littérature, etc.). Pour les langues les plus répandues ça ne pose pas de problème, mais pour les langues avec un nombre de locuteurs assez minoritaires, c'est un véritable enjeu où la difficulté réside dans le fait qu'il faut procéder par étapes et la première est de continuer et d'étoffer toute la production culturelle qui se fait dans cette langue en en faisant davantage la promotion par rapport à ce qui se fait aujourd'hui.

Si les institutions de promotion de la langue bretonne donnaient une véritable impulsion en encourageant les idées créatrices et novatrices, leur donnant les moyens techniques de mettre en place leurs projets tout en les formant et les conseillant, on pourrait relever facilement ce défi... Je ne dis pas que ce n'est pas le cas aujourd'hui, mais c'est loin d'être assez... Car la plupart du temps, c'est majoritairement des copies de ce qui se fait en français et du doublage... C'est bien, mais pas assez pour attirer un publique qui ne parle pas breton. Mais là, je m'écarte encore plus du sujet...
Voir le profil du Babélien Envoyer un message personnel
José
Animateur


Inscrit le: 16 Oct 2006
Messages: 10945
Lieu: Lyon

Messageécrit le Wednesday 19 Mar 14, 18:35 Répondre en citant ce message   

C'était juste le mot "adoration" qui me faisait tiquer. Mais je n'avais peut-être pas compris comment tu l'employais.
Voir le profil du Babélien Envoyer un message personnel
Breizhadig



Inscrit le: 12 Nov 2004
Messages: 860
Lieu: Penn ar Bed / Finistère

Messageécrit le Wednesday 19 Mar 14, 23:42 Répondre en citant ce message   

Bas... mal employé en fait mort de rire
Voir le profil du Babélien Envoyer un message personnel
Xavier
Animateur


Inscrit le: 10 Nov 2004
Messages: 4087
Lieu: Μασσαλία, Prouvènço

Messageécrit le Thursday 20 Mar 14, 16:11 Répondre en citant ce message   

Valeia a écrit:
Hélias boude le breton de l'Emsav parce que pour lui ce sont des fachos (c'est la spécificité de l'histoire bretonne contemporaine) et il écrit le Cheval d'orgueil en français parce que sinon les droits d'auteur, vous m'avez compris.

Je trouve cela bien caricatural. Je ne suis pas d'accord.
Il parle le breton de son terroir. Quand il rencontre un autre Breton, par exemple du nord Finistère, il raconte qu'il préfère parler en français. Le breton normalisé ? il ne se sent pas à l'aise. On peut comprendre ce choix. Pourquoi n'a-t-il pas écrit son livre en breton ? Il aurait très bien pu faire une version bilingue. Mais est-ce qu'il se sent à l'aise pour écrire un tel livre en breton ? Peut-être pas. Son breton se prête plus à la poésie, aux contes etc...
On peut comprendre aussi qu'il ait souhaité écrire un livre qui soit lu par le plus grand nombre. Et n'oublions pas qu'il était prof de lettres.
Et pendant la guerre, s'il a choisi la Résistance, c'est à son honneur. Et on peut comprendre qu'il n'ait pas d'affinités avec ceux qui ont soutenu Vichy.

Valeia a écrit:
Plus le poids de l'idéologie dominante, au service des hiérarchies sociales dans un pays qui, malgré tout le baratin sur l'égalité etc a toujours été profondément inégalitaire.

L'idéologie dominante... Là aussi il y a une part de mythe. C'est aussi complexe.

Valeia a écrit:
Il est tout à fait vrai qu'il y a chez certains "militants" la tentation du miroir : le français est une langue normée, grammaire, orthographe, bon usage, pareil partout, il nous faut la même chose. Sauf que ça ne marche pas en société : tant qu'à faire, les gens se reconnaissent dans leur parler local, et c'est de ça qu'il faut partir.

C'est la position que j'ai toujours défendue. On est certainement d'accord sur l'essentiel.
Voir le profil du Babélien Envoyer un message personnel
Valeia



Inscrit le: 22 Apr 2011
Messages: 90
Lieu: Languedoc, France.

Messageécrit le Thursday 20 Mar 14, 22:03 Répondre en citant ce message   

Hélias a écrit sans problème en breton, des poèmes notamment. Il a rencontré des occitanistes, comme Lafont, dans le cadre d'un truc appelé le Mouvement Laïque des Cultures Régionales, assez clair dans son positionnement politique, et il s'est rendu célèbre en Bretagne par ses émissions de radio. Le cheval d'orgueil se nourrit en partie de ce qu'il avait pu dire et recueillir dans le cadre de ces émissions. Je n'entendais nullement remettre en cause sa valeur et la force de son engagement en faveur du breton. Je soulignais simplement que pour être publié dans la collection Terre Humaine, il fallait passer par le français, même pas par le bilingue. IL est quand même assez curieux qu'alors qu'il se faisait comprendre dans toute la Bretagne bretonnante, il ait pu affirmer préfère parler français avec des Bretons d'autres parties de la région. Mais la situation sociolinguistique bretonne de l'après guerre est compliquée. Les querelles graphiques sont aussi virulentes qu'en pays d'oc - je ne t'apprends rien à leur sujet. Mais la différence en Bretagne, c'est qu'elles sont directement liées aux prises de position divergentes des militants de l'avant-guerre entre 40 et 45.
Voir le profil du Babélien Envoyer un message personnel
Montrer les messages depuis:   
Créer un nouveau sujet Répondre au sujet Forum Babel Index -> Forum des langues celtiques Aller à la page 1, 2  Suivante
Page 1 sur 2









phpBB (c) 2001-2008