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Amjahad
Inscrit le: 31 Jan 2015 Messages: 102 Lieu: belgique
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écrit le Saturday 31 Jan 15, 15:10 |
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Il m'est arrivé d'entendre plusieurs fois que le son "3" (le 'ayn arabe) ne serait un son berbère a l'origine.
J'ai pour ma part tenté d'etudier le lexique de la langue rifaine (essentiellement les mots avec le 3).
J'ai constaté que beaucoup de mot sont emprunté a l'arabe mais il reste énormément de zone d'ombre ( mes connaissances en arabe sont limités)
Exemple: Aqiyou3 designe le crâne en Rifain mais de quel mot vien t-il ?
Thaqa3bouth designe un plumier, un sac banane en rifain Est il d'origine arabe ?
Tan3ach l'argent en rifain, a3chma la barbiche aussi. D'ailleurs beaucoup de toponyme du rif possède ce son "3" tels que Tizi 3azza ou encore I3azzanenne, Bou3arma, Bou3ankkoud. Peut on envisager que le berbère ai inclus ce son dans sa phonologie et de nouveau mot typiquement berbère ce soit créés ? |
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Azwaw
Inscrit le: 30 Aug 2010 Messages: 975 Lieu: Le Havre
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écrit le Saturday 31 Jan 15, 16:17 |
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Le phonème ع est présent en berbère dans du vocabulaire qui n'est pas d'origine arabe. Je prends l'exemple de la racine RW qui dans plusieurs parlers prend le sens de dos. On peut remarque qu'en kabyle le mot dos, formé à partir de cette racine berbère, intègre un ع alors que le même mot est formé sans le ع dans les autres parlers.
On peut déjà exclure que le ع est présent seulement dans des emprunts à l'arabe. Il reste, à mon sens, trois hypothèses :
- le phonème ع existait anciennement en berbère et s'est maintenu dans certains parlers alors qu'il disparaissait complètement des autres ;
- le phonème ع existait de manière résiduelle dans certains parlers et a retrouvé un usage important suite à une influence extérieure : arabe, peut être punique. Ce sont en effet les parlers les plus en contacts avec l'arabe qui l'utilisent le plus alors qu'un parler très isolé comme le touareg ne le connait pas du tout ;
- le phonème n'existait plus en berbère déjà dès l'antiquité (l'écriture libyque ne disposait pas de signe pour le transcrire il me semble) et il a été adopté suite aux contacts avec la langue arabe si bien qu'il a fini par être complètement intégré dans certains groupes et a "infecté" des racines berbères qui ne le comportaient pas originellement.
La première hypothèse me semble la moins probable et il est difficile de trancher catégoriquement entre la deuxième et la troisième. |
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Qassim
Inscrit le: 06 May 2013 Messages: 203
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écrit le Saturday 31 Jan 15, 18:55 |
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Il se trouve qu'en arabe classique la racine 3-r-r renvoie à la bosse du chameau (et sa petitesse), le mot "3roura" (bosse) de l'arabe algérien à très bien pu passer en kabyle et contaminer par proximité phonétique le mot arouri (dos). |
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Amjahad
Inscrit le: 31 Jan 2015 Messages: 102 Lieu: belgique
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écrit le Saturday 31 Jan 15, 19:49 |
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@ Azwaw
- a3rour n'est pas un bon exemple vu qu'il est d'origine arabe comme l'a dit Qassim
Mais prenons Aqyou3 (le crane) (je pense que ca se dit Aqarou3 chez les Kabyles) par exemple ? Aucune racine arabe a priori ? Amas3i (le miserable) ou encore ametlou3 (vagabond) je ne vois toujours pas de racine arabe.
A Qassim ou un autre arabisant de confirmer ou infirmer mes dires. |
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tounsi51
Inscrit le: 12 Dec 2013 Messages: 203 Lieu: Dubai
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écrit le Saturday 31 Jan 15, 20:11 |
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En arabe, chauve se dit أَقْرَع aqra3 donc peut-être que aqarou3 viendrait de là ? |
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Azwaw
Inscrit le: 30 Aug 2010 Messages: 975 Lieu: Le Havre
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écrit le Saturday 31 Jan 15, 21:09 |
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Tout d'abord, en kabyle, nous disons aqaru ou aqaruy, il n'y a pas de ɛ et le lien avec le mot donné par tounsi me semble nul.
Ensuite, rien ne permet de dire que ɛrur est d'origine arabe :
- la racine RW est présente dans plusieurs parlers berbères extrêmement éloignés les uns des autres (plusieurs milliers de kilomètres entre Siwa et le Maroc central) ;
- elle est plus productive en berbère qu'en arabe : dos, bosse, mamelon, etc. ;
- on la retrouve en touareg qui est un parler qui emprunte très peu ;
- enfin, la racine appartient au champ lexical du corps, très conservateur, qui emprunte pas ou très peu, quel que soit le parler.
Ce serait donc vraiment très curieux que tous ces parlers aient emprunté de manière aussi uniforme, sur cette vaste étendue de terre, un terme du vocabulaire "basique" et qu'à partir de cet emprunt ce soit développée cette multitude de sens en berbère.
D'ailleurs, pourquoi les parlers de Siwa et du Maroc central n'ont pas conservé le ɛ si c'est effectivement un emprunt à l'arabe ? Ces deux parlers connaissent très certainement ce phonème. Il s'agit soit d'une racine commune, soit d'une simple coïncidence.
Personnellement, je considère plutôt que ce عرر, dérivant de la racine عرّ (la chadda expliquant le doublement de la consonne ر), désignait d'abord un défaut, un vice et secondairement une petite bosse. La taille de la bosse n'est-elle pas un signe de santé des dromadaires pour les Bédouins ? Pour ces éleveurs aguerris, une petite bosse est sans doute un synonyme de défaut.
Il se peut aussi très bien que le mot aruri soit passé chez les arabophones du Maghreb en généralisant le sens secondaire du mot عرر de petite bosse de chameau à bosse, en général. Ça expliquerait aussi le glissement des voyelles brèves de عَرَرَ à عَرُرَ.
Quoiqu'il en soit, cet exemple ne permet pas de fournir une explication définitive sur l'origine des consonnes gutturales en berbère.
Ce second exemple est peut être plus parlant. Cette racine pan-berbère produit à la fois des mots sans et avec gutturales : ɛ / ع en kabyle, rifain, tamaziɣt du Maroc central et ḥ / ح en chleuh du Souss, dans des parlers éloignés les uns des autres et parfois même au sein d'un même parler, donnant ainsi des sens différent.
On manque sans doute de documentation sur les états anciens de la langue berbère et le corpus disponible, pour l'Antiquité notamment, est à la fois peu riche (le contenu est peu diversifié) et représentatif d'une région particulière. Je suis néanmoins d'accord que le ɛ / ع se retrouve particulièrement dans les régions les plus en contact avec l'arabe mais ça ne permet pas d'apporter une conclusion ferme et mon idée est que l'arabe a stimulé un phonème qui n'était pas inconnu en berbère mais qui était de moins en moins productif. |
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Mr M
Inscrit le: 15 Aug 2012 Messages: 372
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écrit le Saturday 31 Jan 15, 22:25 |
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L'apparition du " 'ayn" dans les parlers berbères est-elle "anarchique" ou bien remplace-t-elle un phonème bien particulier dans d'autres dialectes berbères ? ( j'espère que ma question est claire ...) |
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Qassim
Inscrit le: 06 May 2013 Messages: 203
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écrit le Saturday 31 Jan 15, 22:33 |
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@Azwaw
Je n'ai nulle part affirmé que ce mot عرورة (bosse) est à l'origine de toute la racine berbère "RW " mais que ce dernier s'est infiltré dans cette celle ci en kabyle par proximité phonétique d'ou le fait qu'il a également pris le sens de "dos" dans ce dialecte berbère. |
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Azwaw
Inscrit le: 30 Aug 2010 Messages: 975 Lieu: Le Havre
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écrit le Saturday 31 Jan 15, 22:52 |
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Ce que vous dites n'a pas de sens puisque la racine RW produit dans tous les parlers le mot dos : aruri, arraw, aruru, aɛrur . C'est irraisonnable de considérer que la racine RW a fourni de façon autonome des termes qui désigne le dos dans TOUS les parlers berbères sauf en kabyle où ce serait là un emprunt à l'arabe (le mot arabe n'a d'ailleurs même pas le sens de dos !) avec pour seul argument la présence de ce ɛ.
@Mr M,
Voici ce que conclut Arnaud Fournet dans son étude sur les gutturales en berbère :
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Mar14
Inscrit le: 14 Dec 2014 Messages: 234 Lieu: Fès, Maroc
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écrit le Sunday 01 Feb 15, 0:38 |
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Il est possible, voire probable que la présence de la racine pan-berbère "RW" ait encouragé l'usage du terme "3roura" en arabe algérien... Tout comme je pense que "Tadart" (de la racine pan-berbère "DR" : vivre), a sûrement encouragé l'emploi pan-maghrébin de "Dar"... bien que le terme soit évidemment d'origine arabe.
En ce qui concerne la racine "BD", c'est une sacrée coïncidence! Je me demandais récemment d'où venait le terme "L-buTT", employé en arabe marocain, pour désigner, le ventre. Et voilà, mystère résolu! Il y a d'ailleurs une anecdote assez drôle que j'aimerais partager... Lors d'un mariage, un homme s'invita sur la piste de danse, après avoir ôté ses chaussures... qui ne tardèrent pas à dégager une odeur pestilentielle... Les convives se mirent alors à hurler "Rfed/hez l-buTT"... Fier de lui, l'homme se mit à danser en faisant sortir son ventre... Ne se doutant pas qu'ils le sommaient de prendre ses chaussures / bottes! Hahaha ! |
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Qassim
Inscrit le: 06 May 2013 Messages: 203
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écrit le Sunday 01 Feb 15, 1:54 |
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Je vais vous dire pourquoi je pense que 3roura (bosse) est un mot d'origine arabe bien qu'il existe en berbere une racine RW très productive en termes liés au dos:
1) Les dialectes berberes regorgent d'emprunts à l'arabe de toute sorte (surtout le kabyle) tandis que les emprunts dans l'autre sens (du berbere vers arabe) sont beaucoup plus rares.
2) Le phonème "3ayn" en berbere se retrouve majoritairement (mais pas uniquement c'est l'objet de ce fil) dans des emprunt à l'arabe.
3) La racine arabe 3-r-r peut permettre d'expliquer ce terme (bosse):
vice, défaut, mal (une bosse chez un etre humain rentre dans cette catégorie)
petitesse de la bosse (chameau)
graisse de la bosse du chameau
mal naturel
qui a le cou et le poitrail très gros (âne) |
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Azwaw
Inscrit le: 30 Aug 2010 Messages: 975 Lieu: Le Havre
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écrit le Sunday 01 Feb 15, 2:48 |
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Vos arguments sont vide de sens et comme d'habitude, vous partez du principe que l'emprunt va forcément dans le sens qui vous convient.
Qassim a écrit: | 1) Les dialectes berbere regorge d'emprunts à l'arabe de toute sorte (surtout le kabyle) tandis les emprunt dans l'autre sens ( du berbere vers arabe) sont beaucoup plus rare. |
Ça ne justifie absolument rien dans ce cas précis. Ce n'est pas un argument scientifique. On parle d'ailleurs ici d'un terme pan-berbère et présent notamment en touareg où il est très productif. Pas la peine de rappeler que le touareg emprunte très très peu, surtout du vocabulaire religieux. D'ailleurs vous parlez d'emprunts de toutes sortes (alors que vous n'en savez rien concrètement puisque vous ne connaissez pas le berbère) mais le vocabulaire du corps n'emprunte pas à l'arabe, même en kabyle.
Qassim a écrit: | 2) Le phonème "3ayn" en berbere se retrouve majoritairement (mais pas uniquement c'est l'objet de ce fil) dans des emprunt à l'arabe. |
Je viens de vous montrer que ce n'est absolument pas systématique. Ce n'est pas une preuve suffisante.
Qassim a écrit: | 3) La racine arabe 3-r-r peut permettre d'expliquer ce terme (bosse):
vice, défaut, mal (une bosse chez un etre humain rentre dans cette catégorie)
petitesse de la bosse (chameau)
graisse de la bosse du chameau
mal naturel
qui a le cou et le poitrail très gros (âne) |
Dans le Kazimirski je ne trouve que le sens de petite bosse regardée comme un défaut. Où avez trouvé ces autres définitions ?
Je vais simplement reprendre les raisons qui me font penser que c'est un terme purement berbère, la démonstration me semble pourtant catégorique :
- la racine RW est présente dans plusieurs parlers berbères extrêmement éloignés les uns des autres (plusieurs milliers de kilomètres entre Siwa et le Maroc central) ;
- elle est plus productive en berbère qu'en arabe : dos, bosse, mamelon, etc. ;
- on la retrouve en touareg qui est un parler qui emprunte très peu ;
- enfin, la racine appartient au champ lexical du corps, très conservateur, qui emprunte pas ou très peu, quel que soit le parler.
Ce serait donc vraiment très curieux que tous ces parlers aient emprunté de manière aussi uniforme, sur cette vaste étendue de terre, un terme du vocabulaire "basique" et qu'à partir de cet emprunt ce soit développée cette multitude de sens en berbère.
Le terme berbère n'est pas d'origine arabe, c'est incontestable. Il s'agit peut être d'une racine commune mais je crois davantage à une coïncidence. Je pense plutôt que le عرر renvoie d'abord à l'idée de défaut (cf. عرّ) et secondairement à celle de petite bosse regardée comme un défaut, l'omniprésence du dromadaire chez les Arabes permet d'expliquer la spécialisation de ce terme, alors que la racine berbère RW renvoie plutôt à l'idée de rotondité, ce qui explique les termes de bosse, dos, colline, mamelon. |
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télémaki1
Inscrit le: 25 Apr 2014 Messages: 175
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écrit le Sunday 01 Feb 15, 2:53 |
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Je pense que Qassim disait en réalité que selon lui le terme kabyle a3rur était un emprunt à l'arabe, via une forte similarité à la racine productive berbère RW et dont le sense et les dérivés sont semblables ; et non comme vous l'avez compris , que tout les termes berbères dérivés de la racine berbère en question était un emprunt arabe. |
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télémaki1
Inscrit le: 25 Apr 2014 Messages: 175
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écrit le Sunday 01 Feb 15, 3:00 |
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Azwaw a écrit: | Le terme berbère n'est pas d'origine arabe, c'est incontestable. Il s'agit peut être d'une racine commune mais je crois davantage à une coïncidence. Je pense plutôt que le عرر renvoie d'abord à l'idée de défaut (cf. عرّ) et secondairement à celle de petite bosse regardée comme un défaut, l'omniprésence du dromadaire chez les Arabes permet d'expliquer la spécialisation de ce terme, alors que la racine berbère RW renvoie plutôt à l'idée de rotondité, ce qui explique les termes de bosse, dos, colline, mamelon. |
C'est vrai et vous avez bien démontré plus haut que le 3a se retrouve dans des termes de racine purement berbère. Donc probablement ce phonème afro-asiatique a eu une tendance à réapparaître, et être plus souvent utilisé. Comme vous le mentionnez le terme kabyle a3rur n'est pas forcément un emprunt à l'arabe si cette racine RW est productive et que le phonème 3a peut apparaître là où il n'apparait pas ailleurs. |
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Azwaw
Inscrit le: 30 Aug 2010 Messages: 975 Lieu: Le Havre
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écrit le Sunday 01 Feb 15, 3:36 |
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J'ai bien compris ce que Qassim veut dire mais même son postulat établissant que le aɛrur kabyle est un emprunt ne se justifie absolument pas puisqu'une racine pan-berbère permet d'expliquer l'origine du mot. On pourrait penser que le kabyle disait originellement arur puis avec l'influence de l'arabe, le mot soit devenu aɛrur mais le ɛ étant présent dans des racines berbères où l'arabe n'apporte aucune explication, cet argument ne peut se suffire à lui même.
Le problème, c'est que même lorsque tous les indices penchent pour un emprunt "substratique" de la darija au berbère, on a tout le mal du monde à faire valoir cette idée parce qu'encore une fois, on pourrait avec un peu d'imagination expliquer tout le vocabulaire berbère à partir des racines arabes. Quand on est en présence d'une racine pan-berbère (ce qui suppose une grande ancienneté de ladite racine puisqu'il n'y a pas du y avoir de contacts entre les groupes siwi, kabyle, touareg et du Maroc central pendant des siècles) et qu'un même terme est présent en darija sans qu'il soit clairement établi dans les dictionnaires classiques, on est en droit d'émettre légitimement l'idée d'un emprunt par fait de substrat. Ce عرر qui est l'objet de toutes les passions est-il attesté avec le sens de petite bosse de chameau regardée comme un défaut dans les dialectes maghrébins ? |
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