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Evolution du langage - Langues d'ici & d'ailleurs - Forum Babel
Evolution du langage

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Picardicus



Inscrit le: 08 Oct 2010
Messages: 98

Messageécrit le Saturday 02 Apr 16, 22:52 Répondre en citant ce message   

Les langues européennes ne vont-elles pas en se simplifiant ? Et les facultés intellectuelles de leurs locuteurs en s’amenuisant en proportion ?
Je me pose la question en comparant l'anglais au germanique, l'italien au latin, le latin aux langues plus anciennes reconstituées d'où il est issu. Mais cela est vrai de toutes les langues, les exemples de simplification des langues au cours de la seule période historique sont légion. ‘Simplification’ va-t-il de pair avec ‘appauvrissement’ du langage et de la pensée? Je me pose la question sérieusement.
Que sait-on de l'évolution des langues ? Des probables grognements des premiers hommes jusqu'au sommet de complexité que constituent des langues telles que le sanskrit, apparu il y a quelques milliers d'années, quel parcours ! Un cri de bête est devenu la langue « parfaite » à la complexité proverbiale. Et voici, me semble-t-il, qu'un parcours inverse peut se constater.
Allons-nous revenir aux grognements ?
Il faut bien remarquer qu'aucune langue européenne moderne ne peut parler, par exemple, de philosophie, avec son propre vocabulaire actuel (sauf le grec, mais cela ne compte pas). Toutes utilisent nécessairement le latin et le grec. Il en est même des sciences, de la médecine, etc. Ne jouons pas sur les mots, philosophie est du grec, téléphone est du grec, névropathie est du grec. Ces mots ont été empruntés au grec par ce qu'il n'est pas possible d’exprimer ce qu’ils véhiculent dans aucune des langues européennes actuelles.
Schopenhauer écrit dans Parerga et Paralipomena : Ecrivains et Style : « Mais je sais une chose : si l'on doit cesser un jour d'apprendre les langues anciennes, comme on nous en menace, nous aurons une littérature nouvelle consistant en un gribouillage d'une barbarie, d'une platitude et d'une indignité sans pareilles jusque-là ; d'autant plus que la langue allemande, qui possède pourtant quelques-unes des perfections des langues anciennes, est dilapidée et massacrée à l'envi et méthodiquement par les infâmes écrivailleurs du « temps présent » , de sorte que, appauvrie et estropiée elle tombe peu à peu à l'état de misérable jargon. » Il n'envisageait pas seulement le vocabulaire, cela va sans dire, mais bien plutôt la pensée véhiculée par nos langues de « barbares », la façon « moderne » dont les gribouilleurs expriment leur pensée. On peut avoir la même opinion de toutes les langues d'Europe.
Pensait-on mieux avec les langues d'il y a deux ou trois millénaires qu'avec l'anglais ou le français d'aujourd'hui ? On écrit souvent que l’intellect des Anciens était tout aussi développé que le nôtre, que seul leur savoir était inférieur au nôtre. Pour le savoir, personne n’en doute. Mais est-il stupide de penser que leur intellect, loin d’être semblable au nôtre, était bien plus fin ? J’emploie ce mot faute d’en avoir trouvé un autre plus adéquat.
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AdM
Animateur


Inscrit le: 13 Dec 2006
Messages: 896
Lieu: L-l-N (Belgique)

Messageécrit le Sunday 03 Apr 16, 2:34 Répondre en citant ce message   

Sans faire de grande philosophie, je vais juste faire part d'une expérience personnelle :
Alors que je commençais mes humanités générales (secondaire au collège), j'ai constaté que si je parlais français comme appris à l'école, ma grand-mère — qui n'avait fait que ses primaires et ne possédait qu'un livre, le Petit Larousse illustré, ce qui était déjà remarquable en soi —, ne me comprenait plus bien parce que j'employais des mots « compliqués ».
Dès lors, lorsque je voulais aborder des notions complexes, je renonçais au français pour le dire en wallon, une langue non savante (on pourrait dire aussi populaire ou orale, avec peu d'adjectifs mais beaucoup d'expressions imagées).
Ça m'obligeait à mieux réfléchir au sens que je voulais transmettre et j'arrivais à dire tout le sens que je voulais y mettre, mais en devant être plus clair dans mes idées (p. ex. pour parler des nuances un peu tordues entre l'existence et l'essence, l'Être et l'Étant [et si je n'y mettais pas de majuscules, le sens en serait-il changé ? où allons-nous…], ou encore d'autres concepts souvent abscons), je ne pouvais dès lors plus me cacher derrière les mots ; je devais devenir concret.

Alors, que conclure ? Quelle langue est la plus appropriée…? S'agit-il aussi de pouvoir penser ou de communiquer ?…

En tout cas — et ça vaut autant pour les maths ou la physique —, je reste depuis avec l'idée qu'on n'a pas vraiment, vraiment bien compris quelque chose tant qu'on n'est pas capable de le faire comprendre à sa grand-mère, quelle que soit la langue utilisée.

+++++++

P.S., pour les amateurs d'analyse du langage :

Quand j'utilise ci-dessus successivement la séquence points de suspension et d'interrogation, puis d'interrogation et de suspension, on peut supposer que j'ai voulu y mettre une nuance, et donc qu'on peut y réfléchir.
— Mais qu'est-ce que le lecteur va en comprendre ? Et qu'est-ce que l'auteur a voulu dire en fait ? Est-ce clair, ou est-ce de la pseudo-philosophie typographique, qui loupe peut-être son but ?… On pourrait sûrement en disserter… 
Ça doit donc être de la haute philosophie, non ? Euh…

Et, par contre, quand j'emploie ensuite le procédé, très archaïque, du renforcement par la répétition (« vraiment, vraiment » — avec une virgule pour bien marquer que ce n'est pas accidentel), n'est-ce pas très simplement efficace ?
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Picardicus



Inscrit le: 08 Oct 2010
Messages: 98

Messageécrit le Sunday 03 Apr 16, 18:30 Répondre en citant ce message   

Toute pensée, même la plus simple, se traduit instantanément en mots. Simultanéité absolue, pour être plus exact. Il n'y a pas de pensée non verbale chez l'homme.
Prenons maintenant une phrase toute simple en anglais : You are beautiful. Sait-on à quoi correspondent ces mots dans l'esprit du locuteur ? Non ! Si vous voulez traduire ces mots en français, vous vous heurtez à une impossibilité absolue. Ici le français est sans ambiguïté : Vous êtes belle est bien différent de Vous êtes beau. Et la pensée correspondante l'est tout autant, bien entendu.
Un autre exemple, comparons l'allemand Kommen Sie herein ! Et le français Entrez ! L'allemand en dit beaucoup plus que le français, même (mais dans une mesure un peu moindre) si l'invitation ou l'ordre se réduit à Herein ! qui est également parfaitement intraduisible. L'allemand en effet demande d'abord de venir, Kommen Sie ; puis il précise : her, jusqu'ici ; et, nouvelle précision : à l'intérieur, ein. La pensée allemande, analytique, est beaucoup plus complète et précise que la pensée française.
Il faut nécessairement en conclure que penser en allemand est différent de penser en français, ce petit exemple de rien du tout en dit en réalité beaucoup sur les deux langues, il est parfaitement révélateur !
Et j'incline fortement à penser qu'un Romain ou un Grec, pour ne pas dire un locuteur de sanskrit ou un Indo-européen d'il y a cinq mille ans, avaient un langage de tous les jours beaucoup plus précis qu'un Français ou même un Allemand actuels. Et, à mon humble avis, il pensait nécessairement mieux... Schopenhauer ne dit pas autre chose.
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José
Animateur


Inscrit le: 16 Oct 2006
Messages: 10946
Lieu: Lyon

Messageécrit le Monday 04 Apr 16, 9:23 Répondre en citant ce message   

Lire les Fils suivants :
- Les langues ont-elles tendance à se simplifer ?
- Langue complexe, simplification, acculturation et mandarin

ADM a écrit:
Je reste depuis avec l'idée qu'on n'a pas vraiment, vraiment bien compris quelque chose tant qu'on n'est pas capable de le faire comprendre à sa grand-mère, quelle que soit la langue utilisée.

J'aime bien cette idée.
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Picardicus



Inscrit le: 08 Oct 2010
Messages: 98

Messageécrit le Monday 04 Apr 16, 10:23 Répondre en citant ce message   

Bien sûr ! Mais la grand-mère a-t-elle vraiment compris ? Ou plus exactement, qu'a-t-elle compris, dans la langue simplifiée qu'il vous a fallu employer ? La pensée est limitée par le langage ! Il n'est pas facile du tout de traduire en français la pensée de Platon, certains même disent qu'on ne peut bien la saisir que dans sa langue d'origine. Cela me paraît absolument juste, et vaut pour toutes les langues. Il est inutile d'essayer de traduire Platon ou l'Evangile de Jean en Toki Pona, même en ido. Car le langage limite la pensée... Langage simple = pensée simple. Pensée simple, donc sûrement imprécise = langage simple, donc sûrement imprécis.
Les hellénistes reconnaissent - et cela rejoint la pensée de Schopenhauer sur la conservation en Allemand de certaines perfections des langues anciennes - que la pensée de Platon est mieux rendue en allemand qu'en français. Je n'ai pas les compétences pour en juger vraiment, mais le peu que je connaisse de la langue allemande me rend cette opinion vraisemblable.

Mais ces questions ne m'empêchent pas de dormir, et je suis heureux que le petit-fils ait pu communiquer avec sa grand-mère !!

Merci, José, pour le lien vers le fil Les langues ont-elles tendance à se simplifier. C'est un fil passionnant. J'ai particulièrement apprécié la phrase d'Alceste :
« On a l'impression que de nos jours, il y a davantage d'implicite dans la langue, on arrive à reconstituer mentalement certains concepts sans qu'ils aient été expressément marqués grammaticalement par le locuteur. »

Cette remarque constate, et résume parfaitement la question, que les langues se simplifient. Et, bien entendu, qu'en privilégiant de plus en plus l'implicite aux dépens de l'explicite, elles sont bel et bien en train de s'appauvrir. L'implicite est nécessairement de compréhension subjective, donc éventuellement erronée.
La simplification continue du français se constate facilement. Il est parfois expressément exigé qu'il en soit ainsi, pensons à la réforme officielle de 1990. Mais la simplification est le plus souvent spontanée : il y a plus d'un siècle que le véritable l mouillé a disparu du français. Ail ne se prononce plus comme l'allemand Heil (moins l'aspiration initiale), pourtant Littré indiquait comme fautive la prononciation aye, qui a prévalu. Un et in tendent à se confondre dans la prononciation (sauf en Belgique), de même a et â. Dans certaines régions de Bourgogne on et an sont confondus ! Mon ancle, ma tonte... Et la grammaire se simplifie aussi. Lamartine disait  T'en souvient-il ? et je viens de lire que Tu t'en rappelles ?, l'horreur absolue, n'est plus guère considéré comme fautif.
Il y a fort à parier que dans un millier d'années nous en serons à nous exprimer comme les héros des bandes dessinées Han, Vlan, Arg, Pan, Boum, Paf, Arff...
Il y aura beaucoup d'implicite à décoder, et d'erreurs commises... Mais probable que cela n'aura plus tellement d'importance pour les singes que nous serons redevenus...
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