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Kenel ha Gwerin Non-inscrit
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écrit le Saturday 24 Sep 16, 11:06 |
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Kevarc’h deoc’h,
Cherchant depuis quelques temps à enrichir ma phonologie en assignant un phonème à chaque lettre dans ma pratique du breton — entre autres principes phonologiques —, je m'interrogeai sur la valeur de la lettre "h".
Ma démarche n'est pas une démarche dialectologique mais pour savoir quelle est la solution la plus riche, je recours souvent à un tour d'horizon des dialectes.
Le "h", dans certains dialectes, notamment dans le Léon, n'a pas vraiment de valeur distincte, là où en Trégor il est fortement prononcé comme en anglais avec la valeur [h]. Ainsi, il n'y a pas de différence fondamentale de prononciation entre "arz" et "harz" ou "arzh" et"harzh" en Léon, là où il y en a une grande en Trégor. La prononciation trégoroise du "h" me semble donc la plus à même d'apporter une richesse au panel phonologique du breton et devrait, à mon sens, être promue.
Pour ajouter une référence culturelle à ce petit point sur le "h", j'invite à s'intéresser à cet extrait de l’œuvre An dialog etre Arzur Roe d'an Bretounet ha Guynglaff, écrit au XVème siècle et dans lequel on s'aperçoit que la liaison n'est pas faite lorsque le mot commence par "h" :
Citation: | V.125 Hac an rivier zo hanvet Dourgoat,
A chencho he liou, ha he stat, |
On voit que, devant une voyelle, "ha" prend un "g" pour devenir "hag" — "hac" en moyen-breton —, ce qui ne se passe pas devant "he" (possessif féminin) ; ce qui irait dans le sens d'une prononciation du "h" qui ne se confond pas avec la voyelle qui le suit. En moyen-breton, on voit une palanquée d'exemples de ce type où la liaison ne se fait pas lorsqu'il y a un mot qui commence par un "h". Ce qui est le cas, aujourd'hui, dans l'expression "kozh ha yaouank", par exemple, ou le "h" de "ha" oblige à prononcer /kos'ajawãk/ et non /kozajawãk/.
Pour conclure, m'est avis qu'on pourrait faire la promotion de deux choses concernant le "h" : sa forte expiration et sa non liaison avec ce qui précède.
Kenavo. |
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Jeannotin Animateur
Inscrit le: 09 Mar 2014 Messages: 879 Lieu: Cléden-Poher
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écrit le Saturday 24 Sep 16, 15:39 |
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Kenel ha Gwerin a écrit: | Le "h", dans certains dialectes, notamment dans le Léon, n'a pas vraiment de valeur distincte, là où en Trégor il est fortement prononcé comme en anglais avec la valeur [h]. Ainsi, il n'y a pas de différence fondamentale de prononciation entre "arz" et "harz" ou "arzh" et"harzh" en Léon, là où il y en a une grande en Trégor. |
C'est un exemple très théorique puisque le mot arzh (ours) est sorti d'usage depuis des siècles. Même le Catholicon n'a déjà que le francisme ours. Pour se faire une idée de l'extension de la prononciation du h initial, on peut regarder la carte elle, elle fut de l'ALBB :
http://sbahuaud.free.fr/ALBB/Kartenn-072.jpg
Le h est prononcé dans toute la zone centrale mais il n'est pas prononcé en haut-vannetais, en léonard et dans les parlers de la presqu'île de Crozon, du Cap Sizun et dans certains parlers bigouden.
Kenel ha Gwerin a écrit: | On voit que, devant une voyelle, "ha" prend un "g" pour devenir "hag" — "hac" en moyen-breton —, ce qui ne se passe pas devant "he" (possessif féminin) ; ce qui irait dans le sens d'une prononciation du "h" qui ne se confond pas avec la voyelle qui le suit. En moyen-breton, on voit une palanquée d'exemples de ce type où la liaison ne se fait pas lorsqu'il y a un mot qui commence par un "h". Ce qui est le cas, aujourd'hui, dans l'expression "kozh ha yaouank", par exemple, ou le "h" de "ha" oblige à prononcer /kos'ajawãk/ et non /kozajawãk/. |
Je ne suis pas sûr que le h du possessif féminin he soit prononcé quelque part. Ce n'est pas juste un artifice graphique pour le différentier du possessif masculin e ? Dans les textes du XIXème siècle, par exemple chez François-Marie Luzel, on voit souvent la convention inverse : e pour le possessif féminin et he pour le possessif masculin. En tout cas, en Centre-Bretagne où le h initial est prononcé avec vigueur, il n'est pas prononcé dans he :
Tad-hi ['hi:] oa prisoniad hag he ['ag e] mamm oa klañw
Son père à elle était prisonnier et sa mère était malade (Plourac'h)
https://brezhoneg-digor.blogspot.fr/2014/07/dans-vanch-noan.html (vers 3:02)
L'exemple avec ha he en moyen-breton ne prouve pas forcément que le h de he se prononçait. En Centre-Bretagne, il n'est pas rare d'entendre ha devant une voyelle là où l'on attendrait hag.
Le h de ha(g) est drôle aussi, il n'est apparemment prononcé nulle part et ne m'a pas l'air étymologique puisque je pense que ha(g) est le cognat du gaélique agus et du latin ac. Mais comme tu l'as expliqué, il provoque bien le dévoisement de la consonne qui le précéde.
Sinon, où prononce-t-on ['jawãk] pour yowank ?
http://sbahuaud.free.fr/ALBB/Kartenn-599.jpg |
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Kenel ha Gwerin Non-inscrit
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écrit le Saturday 24 Sep 16, 16:55 |
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Jeannotin a écrit: | C'est un exemple très théorique puisque le mot arzh (ours) est sorti d'usage depuis des siècles. Même le Catholicon n'a déjà que le francisme ours. Pour se faire une idée de l'extension de la prononciation du h initial, on peut regarder la carte elle, elle fut de l'ALBB :
http://sbahuaud.free.fr/ALBB/Kartenn-072.jpg |
Cette différence de prononciation du "h" dans différents dialectes est perceptible sur de nombreux mots tels que celui que vous présentez ou encore "hent" qui en est, à mon avis, l'une des meilleures illustrations. J'ai pris l'exemple de "arz/harz/arzh/harzh" car il m'amuse d'imaginer un jeu de virelangue qui pourrait permettre de distinguer la prononciation du "h" à partir de ces mots.
Jeannotin a écrit: | Je ne suis pas sûr que le h du possessif féminin he soit prononcé quelque part. Ce n'est pas juste un artifice graphique pour le différentier du possessif masculin e ? |
Le texte que je mentionne fait bien une différence entre "hac e" (possessif masculin) et "ha he" (possessif féminin) de façon systématique. Et d'autres exemples de ce type se retrouvent encore dans Buhez sante Barba ou Buhez Genovefa a Vrabant (toutes ces œuvres sont publiées dans leur orthographe d'origine aux éditions TIR). Si rien ne prouve que le "h" du possessif féminin était expiré en moyen-breton, du moins a-t-on la preuve que la liaison ne se faisait pas, comme avec certains mots du français : pensons à "haricot"...Ce qui, en soi, constitue un trait phonologique : coup de glotte ou h aspiré. La raison d'être du "h" dans ce mot tient assez sûrement là-dedans comme celle du "h" dans le mot "ha / hag".
Si je n'ai pas trouvé — ni vraiment cherché, il faut bien le dire — de trace de la non-liaison avec le possessif féminin dans les dialectes modernes du breton, celle de "ha / hag" est bel et bien attestée : il n'est que d'entendre cette phrase archi-célèbre de nombre de chansons bretonnes "didostait kozh ha yaouank, didostait da glevet" pour s'en apercevoir.
Quoiqu'il en soit, la tendance est à considérer que le "h" est inutile et n'a pas vraiment de raison d'être phonologiquement si l'on en croit les prononciations du breton majoritairement en cours actuellement. Ce qui me semble faux. |
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Jeannotin Animateur
Inscrit le: 09 Mar 2014 Messages: 879 Lieu: Cléden-Poher
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écrit le Saturday 24 Sep 16, 18:51 |
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Kenel ha Gwerin a écrit: | Le texte que je mentionne fait bien une différence entre "hac e" (possessif masculin) et "ha he" (possessif féminin) de façon systématique. |
Intéressant, en effet, si c'est systématique, cela suggère que le h était prononcé. Il faudrait chercher des parlers où il s'est conservé. Étrange que ce ne soit pas le cas en Centre-Bretagne qui conserve très bien les h dans les autres cas.
Kenel ha Gwerin a écrit: | Si je n'ai pas trouvé — ni vraiment cherché, il faut bien le dire — de trace de la non-liaison avec le possessif féminin dans les dialectes modernes du breton, celle de "ha / hag" est bel et bien attestée |
Oui, bien sûr que la "non-liaison" devant ha(g) est abondamment attestée. Par contre, en Centre-Bretagne, la liaison est fréquente dans ce cas :
Toud ar boued vis(e) gwraet ['gʁɛd] hag e, memes d'ar lon(ed) vis(e) tommet traou dê wa'n tan 'è,
On faisait toute la nourriture et, même pour les bêtes, on leur chauffait des choses sur le feu aussi, (Kleden)
Med vich(e) ket, vich(e) ket na glaw, na, na, na trous ['tʁu:z] ha oa ket dañjerus kwa heñ !
Mais il n'y avait, il n'y avait ni pluie, ni, ni, ni bruit et ce n'était pas dangereux quoi hein ! (Kleden)
https://brezhoneg-digor.blogspot.fr/2016/09/dared-dra-se-oa-un-espess-harne-mor.html
Ouïent ket, houzoh walc'h, ar mikrob oa ket aneet [ɑ̃'ne:d] hag an dud a ree an eil goud(e) egile ha oa familhou a-bezh ha' vije klañw
Ils ne savaient pas, vous savez bien, le microbe n'était pas connu, les gens faisaient l'un après l'autre et des familles entières étaient malades (Skrigneg)
https://brezhoneg-digor.blogspot.fr/2015/11/paskan-boued-dar-vugale.html
Kenel ha Gwerin a écrit: | Quoiqu'il en soit, la tendance est à considérer que le "h" est inutile et n'a pas vraiment de raison d'être phonologiquement si l'on en croit les prononciations du breton majoritairement en cours actuellement. |
C'est la prononciation de la majorité des néo-locuteurs, mais la majorité des bretonnants natifs prononcent les h. Pour des raisons idéologiques, la plupart des enseignants refusent que les néo-locuteurs apprennent un parler breton naturel. Ils ne peuvent donc pas prendre modèle sur les locuteurs natifs et très logiquement calquent le français. Pour remédier à ce mal, il faut que les néo-locuteurs apprennent à parler auprès de bretonnants natifs. Cela dit, un néo-locuteur qui voudrait apprendre un parler où les h ne sont pas prononcés n'aurait pas de raison de les rétablir. |
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