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embatérienne Animateur
Inscrit le: 11 Mar 2011 Messages: 3875 Lieu: Paris
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écrit le Tuesday 22 Aug 17, 21:52 |
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FIL CRÉÉ À LA SUITE DU POST DE MOUTIK SUR UN BAR D'ATHÈNES DANS LE MDJ bois, buis, etc. (21 août 2017)
Wikipedia est assez disert sur le tsipouro, en grec bien sûr, en anglais aussi et un peu en français. |
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embatérienne Animateur
Inscrit le: 11 Mar 2011 Messages: 3875 Lieu: Paris
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écrit le Tuesday 22 Aug 17, 22:00 |
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Papou JC a écrit: | Quand on déroule les menus, ce n'est pas si nul que ça, et ça ne me gêne pas que le mot qui désigne la dorade soit en relation paronymique avec celui qui désigne le marc. Où est le mal ? |
Outis en donne d'ailleurs peut-être un début d'explication dans sa page sur la daurade :
http://dominique.thillaud.free.fr/Poissons/Fiches/daurade.html
Citation: | Les teintes vineuses
Grèce
Τσιπούρα [tsipúra]
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11202 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Tuesday 22 Aug 17, 22:45 |
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J'ai un peu cherché : tsipouro correspond très exactement au français marc. Le mot désigne donc à la fois le résidu obtenu après pressurage et, par métonymie, l'alcool obtenu par distillation de ce résidu.
Malgré une place différente de l'accent, le nom grec de la daurade "vineuse" pourrait donc bien effectivement avoir quelque rapport avec la couleur du marc de raisin, et le rapport entre les deux mots pourrait donc bien aller au-delà de la simple paronymie.
Merci, Embatérienne !
Dernière édition par Papou JC le Wednesday 23 Aug 17, 13:48; édité 1 fois |
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Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3509 Lieu: Nissa
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écrit le Wednesday 23 Aug 17, 1:02 |
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Restons calme !
Et arrêtez un peu de me citer à tout bout de champ et hors contexte !
Si j'avais parlé de « teinte vineuse », c'est uniquement à cause de la paronymie (que j'avais remarquée, bien sûr, sans attendre Papou !), ce n'était que de mon cru, rien d'autre !
Mais ce document n'a jamais été qu'un brouillon, un projet que j'aurais aimé développer si on avait pu former une petite équipe là-dessus. Hélas, ça n'a pas vraiment intéressé les Babéliens ; moi, j'ignorais tout des langues du Sud de la Méditerranée, j'avais autre chose à faire, j'ai laissé tomber, simplement …
Et, cette « teinte vineuse », je pense aujourd'hui que c'était une ânerie :
1) allez au marché acheter une daurade et cherchez la teinte vineuse !
2) le plus probable (et c'est le point de vue de Sakellarios), c'est que τσιπούρα < ἵππουρα < gr. ancien ἵππουρος « queue de cheval » par confusion avec un autre poisson, le coryphène, que j'avais également abordé dans ce projet. Il reste possible que la Coryphaena hippurus ait le même goût que la Sparus aurata, je n'en sais rien, le seul point commun que je leur connaisse est la petite tache jaune sur le nez ! Suffisant pour évoquer la dorure …
Dernière édition par Outis le Wednesday 23 Aug 17, 16:26; édité 1 fois |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11202 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Wednesday 23 Aug 17, 5:41 |
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Bon, on en sait un peu plus sur la désignation grecque de la daurade, c'est déjà quelque chose... Laissons donc le poisson et revenons à la boisson.
De mon côté, j'ai trouvé que le marc se dit cibre en turc, mais je n'arrive pas à remonter au-delà, le mot étant malheureusement et curieusement absent du dictionnaire de Sevan NİŞANYAN. Dommage... On n'est pas loin de tsípouro ...
En turc ottoman, le mot se prononçait djibrè et s'écrivait جبره mais aucun correspondant ni en arabe ni en persan.
Peut-être, après métathèse, un rapport avec le grec ancien τρίϐω [tribô] "frotter, écraser" ? Et avec l'allemand Treber "drêche" ? (La drêche est à la bière ce que le marc est au vin.)
On serait là dans la grande famille TOURNER où l'on perce, presse, broie et triture à qui mieux mieux.
NB : Le français marc est un déverbal de marcher (= fouler, piétiner). Oui, j'ai vu des vignerons quitter leurs chaussures, remonter leur pantalon et piétiner le raisin à l'intérieur de la cuve... puis, après le passage par le pressoir, porter le marc à l'alambic pour finir d'en extraire la substance.
Dernière édition par Papou JC le Friday 25 Aug 17, 4:29; édité 1 fois |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11202 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Thursday 24 Aug 17, 19:08 |
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Papou JC a écrit: | ... le mot étant malheureusement et curieusement absent du dictionnaire de Sevan NİŞANYAN. |
J'ai écrit à Sevan NİŞANYAN. Voici sa réponse :
Thank you for bringing this beautiful word to my attention. It was missing in my dictionary. I added it now.
The Turkish word appears in Meninski's Thesaurus (1680) who defines it as "Marc de raisins, & autres, apres etre pressez". It looks very much like an Arabic or Persian loan-word, but I cannot find an equivalent in the best Ar. and P. dictionaries. I have no other clue to its origin.
Greek tsipouro is obviously a loan from the Turkish, as are almost all Greek words with /ts/. No Greek dictionary that I know attempts to give it an etymology.
There we are. Not much help I suppose.
Regards,
Sevan
Voilà. Le grec viendrait du turc ... mais on ignore d'où vient le turc.
Comme je l'ai dit plus haut, je ne suis pas aussi sûr que le turc ne vienne pas du grec. Outis nous a d'ailleurs donné plus haut un exemple de mot en /ts/ qui ne vient pas du turc. À moins que ce ne soit une erreur. |
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Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3509 Lieu: Nissa
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écrit le Thursday 24 Aug 17, 23:42 |
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Le groupe ts à l'initiale en grec moderne peut avoir plusieurs origines, tant par emprunts que par des mécanismes internes à la langue, avec des influences dialectales (je pense ici à la Crète où ce groupe est très fréquent). Je regrette que nous n'ayons plus l'aide d'Hélène qui, je crois m'en souvenir, avait des connaissances en dialectologie.
En attendant que j'en aprenne plus (Moutik ?), parlons des emprunts. L'initiale τσ- du grec moderne peut provenir :
• d'un z- allemand comme dans τσίγκος [tsínkos] < Zinc « zinc » ;
• d'un c- italien (avant e ou i) comme dans τσιγάρο [tsigáro] < cigaro « cigarette » ;
• d'un ç- [tch-] turc comme dans τσιγκέλι [tsinkéli] < çengel « crochet ».
Pour des raisons historiques variées, les deux derniers cas sont relativement fréquents … |
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Moutik Animateur
Inscrit le: 06 Apr 2008 Messages: 1236
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écrit le Thursday 24 Aug 17, 23:55 |
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Chantraine écrit, sous ἵππoς « cheval » :
ἵππουρις « queue de cheval, avec une queue de cheval » […] avec ἵππουρος nom d’un poisson, probablement la coryphène.
Chantraine donne aussi, sous κορυφή « sommet, extrémité » :
κορύφαινα nom d’un poisson = ἵππουρος, Coryphaena hippurus, « coryphène ».
Et encore :
κόρυς, -υθος « casque ».
Le grec ancien avait donc vraisemblablement deux synonymes pour désigner le même poisson.
Et peut-être un même mot pour désigner plusieurs espèces, la daurade, le coryphène...
Mais bien entendu, que les naturalistes aient baptisé la daurade coryphène Coryphaena hippurus, ne veut pas dire que ἵππουρος désignait ce poisson chez les Anciens.
Notez que Chantraine écrit la coryphène.
En français l’on dit indifféremment le coryphène, parfois donc la coryphène, souvent la daurade coryphène.
Comme quoi la langue commune considère ce poisson comme une sorte de daurade.
Et le mot daurade désigne plusieurs espèces.
En grec moderne τσιπούρα ne désignerait que la daurade royale (Sparus aurata).
Selon le Triantafyllides τσιπούρα vient bien de ἵππουρος, après agglutination de l’article τις.
Ces daurades et ces coryphènes ont tous le front proéminent. C’est peut-être ce qui leurs a valu leurs noms de ἵππουρος ou de κορυφαινα , ce front pouvant rappeler la forme d’un casque au cimier en queue-de-cheval. Pour le coryphène, très long, en fouet, c’est peut-être la forme globale du poisson qui a joué.
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Voir aussi le Mot du jour lampuga.
Jules Verne écrit : « des coryphènes, sortes de dorades géantes, longues de trois pieds ». Voir ici.
H. S. : la Grèce est le premier producteur européen de daurades royales. Une dorade sur deux consommées en France provient de l’aquaculture grecque.
Dernière édition par Moutik le Friday 25 Aug 17, 6:28; édité 5 fois |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11202 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Friday 25 Aug 17, 8:01 |
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Je m'étais permis d'insister auprès de Sevan NİŞANYAN. Voici son complément de réponse :
I am pretty sure it is the other way around. In approx. 80 percent of the cases Greek /ts/ represents Turkish /c/ or /ç/, and the rest is Italian.
Also, a large part of Greek slang, and most Greek words connected with distilled alcohol (raki, ouzo, tsikoudo etc.) and drugs are Turkish loans.
Also, lexicalized Greek borrowings in Turkish are common enough at the end of 19th century but would be very unusual in the 17th century.
Also, Greek tsipouro MIGHT give Turkish çipur or çupur or even çopur, but certainly not cibre.
I suspect some sort of native derivation from the Arabic cebr "force, push" but cibre/cebre/cübre as such doesn't seem to exist in any language other than Turkish.
Je vais donc voir si je trouve quelque chose du côté de l'arabe. Sans garantie. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11202 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Friday 25 Aug 17, 11:02 |
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Bon, bien sûr, dans la racine جبر ǧbr il y a l'idée de forcer, de contraindre qqn à faire quelque chose, mais je ne vois pas le sens concret "presser un fruit", par exemple, pour en extraire le jus, qui aurait été le sens premier.
À moins que dans un dialecte...
En passant, c'est de cette racine que vient le mot algèbre dont on a dû parler ailleurs (= réunion de plusieurs parties en un seul corps). |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11202 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Saturday 26 Aug 17, 6:33 |
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Je recopie ici ce que je dis dans algèbre:
Bien qu'on n'en ait pas d'attestation en arabe classique, cette même racine جبر [ǧbr] pourrait avoir signifié "presser le raisin" (pour en extraire le jus), à juger par le mot turc cibre "marc de raisin" (dans les deux sens du mot), qui s'écrivait جبره en turc ottoman, et se prononçait djibrè. On comprendrait mieux alors l'origine du sens "forcer qqn" (à faire qqch).
Et ce même mot turc est probablement à l'origine du grec tsípouro qui a les mêmes sens.
(Voir ÉTUDE SUR LE «TSIPOURO», EAU-DE-VIE DE MARC TRADITIONNELLE DE GRÈCE, PRÉCURSEUR DE L'OUZO. E. SOUFLEROS* et A. BERTRAND** )
On dit d'ailleurs aussi en français "presser qqn":
La pression exercée est une pression morale
a) Exercer, (être ressenti comme) une forte contrainte. Synon. tourmenter, accabler. Le besoin, la fatalité le presse; les dettes pressent qqn. (TLF, presser) |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11202 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Saturday 26 Aug 17, 10:40 |
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De ce dernier, lu trop rapidement, il m'avait échappé ceci : Les grappes pressées ou foulées sont appelées "tsípoura".
Alors tout s'éclaire :
tsípoura : grappes pressées ou foulées, marc (sens 1)
tsípouro : eau-de-vie obtenue par distillation de la "tsípoura", marc (sens 2)
tsipoúra (sans lien étymologique avec les précédents) : daurade.
NB : Sans doute à cause de la paronymie, il semble que τσίπουρα tsípoura tende à être remplacé par στέμφυλο stémphulo (signalé ailleurs par Outis). Mais il n'a pas disparu : dans les citations relevées par les dictionnaires, citations qui confirment donc ce que dit Wikipedia, il est encore régulièrement donné comme synonyme de στέμφυλο. Par ailleurs le traiteur grec - devenu un ami - à qui j'achète mes feuilles de vigne farcies au marché du samedi matin connaissait le premier mais pas le deuxième. Mais un traiteur ne fait pas plus le printemps qu'une hirondelle... |
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