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ἐγείρω [egeirō] (grec) / égrégore (français) - Le mot du jour - Forum Babel
ἐγείρω [egeirō] (grec) / égrégore (français)

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Xavier
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Messageécrit le Saturday 25 May 19, 0:21 Répondre en citant ce message   

Je viens de découvrir ce mot :
égrégore : un terme rare dont on trouve une définition dans le Grand Robert :
Chacun des anges qui s'unirent aux filles de Seth, qui veillèrent sur le mont Hermon avant de les posséder

Et dans le dictionnaire terminologique de l'Office québécois de la langue française, 1989
Chacun des anges qui, selon le livre d'Énoch, s'unirent aux filles de Seth et qui veillèrent sur le mont Hermon avant de les posséder.
Note :
Les égrégores furent introduits en occultisme par Stanislas de Guaita, pour personnifier des forces physiques ou psychophysiques non surnaturelles en forme d'êtres collectifs.


Pour l'étymologie, le dictionnaire indique :
grec ecclésiastique egrêgoros, proprement « qui veille, vigilant », parce que les égrégores veillèrent, installés sur le mont Hermon, jusqu'à ce qu'ils pussent posséder les filles de Seth.

Voir Wikipédia : Stanislas de Guaita (nom d'origine italienne) est un occultiste et poète lorrain du XIXe siècle, fondateur de l'Ordre kabbalistique de la Rose-Croix.

Voir Wikipédia : égrégore pour plus d'information sur le sens du mot

Ce nom apparait chez Victor Hugo dans La légende des siècles (1859) :
Un vieillard
Se troublerait devant ce jeune homme; il sait l'art
D'évoquer le démon, la stryge, l'égrégore ;
Il teint sa dague avec du suc de mandragore;


Pierre Mabille, médecin et écrivain, proche d'André Breton et du courant surréaliste, donne à ce terme le sens suivant :
J'appelle égrégore, mot jadis définit par les hermétistes, un groupe humain doté d'une personnalité différente de celle des individus qui le forment. Bien que les études sur ce sujet aient été toujours ou confuses ou tenues secrètes, je crois possible de connaître les circonstances nécessaires à leur formation. [...]
J'indique aussitôt que la condition indispensable, quoique insuffisante, réside dans un chaos émotif puissant. Pour employer le vocabulaire chimique, je dis que la synthèse nécessite une action énergétique intense.


Je ne sais pas trop dans quel sens ce terme est utilisé.
Il est intéressant cependant de se pencher sur le grec :

ἐγείρω : éveiller, réveiller, dresser.
Aussi utiliser dans le sens de ressusciter dans le Nouveau Testament.

ἔγερσις : réveil, résurrection
ἐγερτίκος : qui éveille
ἐγρήγορσις : état de veille
ἐγρήγορος : qui veille d'où égrégore On devrait plutôt écrire égrègore.

Ce terme ἔγερσις se trouve dans l'Évangile de Matthieu (27, 53)
καὶ ἐξελθόντες ἐκ τῶν μνημείων μετὰ τὴν ἔγερσιν αὐτοῦ εἰσῆλθον εἰς τὴν ἁγίαν πόλιν καὶ ἐνεφανίσθησαν πολλοῖς
Au moment où Jésus expire :
la terre trembla et les rochers se fendirent et les tombeaux s’ouvrirent et de nombreux corps de saints qui s'étaient endormis ressuscitèrent
et sortis des tombeaux après sa résurrection, ils entrèrent dans la ville sainte et apparurent à beaucoup.


Ce terme n'apparaît qu'une seule fois dans le Nouveau Testament.
En général le terme utilisé est : ἀνάστασις d'où en français : anastasie.
Ce terme aurait pu donner : égersie.

Ce terme est aussi présent dans la Septante, Psaume 139, 2 :
σὺ ἔγνως τὴν καθέδραν μου καὶ τὴν ἔγερσίν μου σὺ συνῆκας τοὺς διαλογισμούς μου ἀπὸ μακρόθεν
tu sais quand je m'assieds et quand je me lève
tu discernes de loin ma pensée.


Il traduit l'hébreu קוּם (qum) : se lever (d'un siège, d'un lit). Ce terme mérite d'être étudié à part.
Il a aussi le sens d'ériger, établir...
"J'établirai mon alliance avec toi" dit Yahvé-Élohim à Noé dans le Livre de la Genèse (6, 13)


Le verbe ἐγείρω (se lever) apparaît plusieurs fois (plus d'une centaine) dans le Nouveau Testament
Ἔγειραι καὶ περιπάτει : lève-toi et marche (Mat 9, 5) (cf. péripatéticien)

On a aussi le sens de ressuscité :
Hérode (le térarque) dit à ses serviteurs en parlant de Jésus :
"Celui-là est Jean le baptiste ! le voilà ressuscité des morts, d'où les pouvoirs miraculeux qui se déplient en sa personne !"
(Mat 14, 1)
De même pour Paul (Romains 6, 4 & 9)
Christ ressuscité des morts : ηγέρθη Χριστός εκ νεκρών

En général le grec utilise :
Χριστός ανέστη : Christos anesti pour Christ ressuscité
On a donc aussi cette forme :
Χριστός ηγέρθη que l'on pourrait transcrire : "Christos igerthi" (avec un g dur)

Ce serait intéressant de connaître la différence de deux termes au niveau du sens...


Pour revenir à égrégore, le mot grec apparait dans le Livre d'Enoch (1, 6)
On le compare à l'hébreu עִיר (ʻir)
Ce terme apparaît dans (seulement) le Livre de Daniel (4, 10) et la Bible de Jérusalem le traduit par :
le Vigilant (c'est à dire un ange, toujours en éveil au service de Dieu)
Il est très fréquent dans les apocryphes comme le Livre d'Enoch, les Jubilés, Testaments des Patriarches : il désigne les archanges.
Dans la tradition postérieure, les Vigilants sont des anges gardiens.
(Note de la Bible de Jérusalem)


Dernière édition par Xavier le Saturday 25 May 19, 20:12; édité 2 fois
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Outis
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Messageécrit le Saturday 25 May 19, 10:59 Répondre en citant ce message   

(ci-dessous, des extraits d'une conférence que j'avais faite il y a quelques années. désolé pour les doublons)

Le verbe ἐγείρω

Ce très ancien verbe, formé sur la racine indo-européenne *ger-, a dès les origines le sens d'éveiller, de tirer du sommeil ou de la non-existence. Au passif, le sens d'être éveillé conduit naturellement à celui de veiller. Il est apparenté au latin expergere « éveiller, réveiller » ainsi qu'au sanskrit jāgarti « être éveillé, veiller ».

Grèce antique

Pour les auteurs grecs, le verbe ἐγείρω peut être simplement descriptif de l'action de tirer du sommeil:

À l'injonction d'Athéna, Télémaque, qui séjourne chez Nestor, prend la décision de rentrer à Ithaque:
αὐτὰρ ὁ Νεστορίδην ἐξ ἡδέος ὕπνου ἔγειρεν.
Alors il réveille le fils de Nestor de la douceur du sommeil. (Homère, Odyssée, xv, 44).

Mais toutes sortes d'emplois métaphoriques restent bien sûr possibles:

Pendant le siège de leur ville, les Troyens, inspirés par Zeus, lancent une contre-attaque vers les navires des Grecs:
Διὸς δ᾽ ἐτέλειον ἐφετμάς, ὅ σφισιν αἰὲν ἔγειρε μένος μέγα.
Exécutant l'ordre de Zeus, qui, à chaque instant, réveille leur fougue puissante. (Homère, Iliade, xv, 593ss).

Dans une comédie d'Aristophane, les vieillards transportent un feu dans une marmite afin de brûler la porte de la Citadelle où se sont retranchées les femmes:
τουτὶ τὸ πῦρ ἐγρήγορεν θεῶν ἕκατι καὶ ζῇ.
Voilà un feu bien éveillé, grâce aux Dieux, et il vit. (Aristophane, Lysistrata, v. 306)

Les débuts du christianisme

Le grec des premiers textes du christianisme n'utilise guère le verbe ἐγείρω que dans le sens de ressusciter, aussi bien à propos des miracles que dans le contexte du Jugement Dernier:

Dans les instructions que Jésus donne à ses disciples (les douze apôtres) l'évangéliste Matthieu écrit:
ἀσθενοῦντας θεραπεύετε, νεκροὺς ἐγείρετε, λεπροὺς καθαρίζετε, δαιμόνια ἐκβάλλετε.
Guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, chassez les démons. (Matthieu, Évangile, 10.8).

À propos de la Résurrection des Morts, Paul de Tarse écrit dans une de ses lettres:
σπείρεται ἐν φθορᾷ, ἐγείρεται ἐν ἀφθαρσίᾳ: σπείρεται ἐν ἀτιμίᾳ, ἐγείρεται ἐν δόξῃ: σπείρεται ἐν ἀσθενείᾳ, ἐγείρεται ἐν δυνάμει: σπείρεται σῶμα ψυχικόν, ἐγείρεται σῶμα πνευματικόν.
[Le corps] est semé corruptible, il ressuscite incorruptible; il est semé méprisable, il ressuscite glorieux; il est semé infirme, il ressuscite plein de force; il est semé corps animal, il ressuscite corps spirituel. (Paul de Tarse, Épître aux Corinthiens I, 15.42-44).

Enfin, on trouve chez l'évangéliste Jean un parallèle qui ne nous étonnera guère entre le temple et le corps du Christ, plus explicitement entre la reconstruction du Temple et la Résurrection. Les deux étant sujet du même verbe ἐγείρω, la première fois au futur actif quand il s'agit de relever le temple détruit, la seconde fois au passé passif quand il s'agit de résurrection:
Jésus répond aux Juifs qui lui demandent un miracle:
Λύσατε τὸν ναὸν τοῦτον καὶ [ἐν] τρισὶν ἡμέραις ἐγερῶ αὐτόν.
εἶπαν οὖν οἱ Ἰουδαῖοι Τεσσεράκοντα καὶ ἓξ ἔτεσιν οἰκοδομήθη ὁ ναὸς οὗτος, καὶ σὺ ἐν τρισὶν ἡμέραις ἐγερεῖς αὐτόν;
ἐκεῖνος δὲ ἔλεγεν περὶ τοῦ ναοῦ τοῦ σώματος αὐτοῦ.
Ὅτε οὖν ἠγέρθη ἐκ νεκρῶν, ἐμνήσθησαν οἱ μαθηταὶ αὐτοῦ ὅτι τοῦτο ἔλεγεν

[Jésus dit] Détruisez ce temple, et en trois jours je le relèverai. Les Juifs dirent: Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce temple, et toi, en trois jours tu le relèveras! Mais il parlait du temple de son corps. C'est pourquoi, lorsqu'il fut ressuscité des morts, ses disciples se souvinrent qu'il avait dit cela. (Jean, Évangile, 2.18-22).

L'égrégore

La langue grecque connaît de nombreux dérivés du verbe ἐγείρω, tels que ἔγερσις « réveil, résurrection » formé sur le thème de présent ou έγρήγορσις « état de veille » formé sur le parfait ἐγρήγορα « je suis éveillé », un sens qui n'est guère loin de « avoir été éveillé » et, métaphoriquement, « avoir été suscité ». Dès lors, nous n'avons guère de difficulté à imaginer la formation d'un substantif égrégore pour désigner une créature, une puissance, née, appelée ou créée, par l'effet d'un rituel magique.

C'est clairement ce sens qui est sous-tendu par Victor Hugo dans La Légende des siècles, premier témoignage du mot dans la langue française:

C’est à Malaspina de parler. Un vieillard
Se troublerait devant ce jeune homme; il sait l'art
D'évoquer le démon, la stryge, l'égrégore;
Il teint sa dague avec du suc de mandragore;
(Victor Hugo, La Légende des siècles, première série, VII, 12.)

D'où le poète tire-t-il cette connaissance? Probablement d'une tradition occultiste regroupant sous ce terme tiré du grec toute créature ayant été conjurée ou suscitée, même si cette tradition, éventuellement restée dans l'oralité de cercles restreints, n'a pas eu l'honneur d'entrer dans les grands dictionnaires.

D'après René Guénon (Initiation et Réalisation Spirituelle, ch. VI, pp. 59-64), c'est Eliphas Lévi (1810-1875) qui a utilisé ce mot pour désigner une entité collective prétendument créée par les états fusionnels de la dynamique des groupes. En 1873 Éliphas Lévi avait été présenté à Victor Hugo qui avait déjà lu ses ouvrages et qui n'avait certainement pas ignoré une si belle rime à mandragore, même s'il en fait usage en un sens qui n'est pas exactement celui que lui donnait le célèbre occultiste.
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Xavier
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Messageécrit le Saturday 25 May 19, 20:44 Répondre en citant ce message   

Merci !

J'ajoute aussi le verbe γρηγορέω (grēgoréō) : veiller, être vigilant

Marc 14, 34 Jésus dit à ses disciples :
"Mon âme est triste à en mourir, demeurez ici et veillez"
ἐστιν ἡ ψυχή μου ἕως θανάτου μείνατε ὧδε καὶ γρηγορεῖτε

Marc 14, 38 :
veillez et priez
γρηγορεῖτε καὶ προσεύχεσθε


Et, plus curieux, ce terme chez Homère, dans l'Odyssée : νήγρετος (nēgretos) : sans réveil
Lire : Du « sommeil sans réveil » à la résurrection comme réveil, par Michelle Lacore (Gaia, revue interdisciplinaire sur la Grèce ancienne, 2010)

νήγρετος ύπνος : sommeil sans réveil (nègretos hypnos)

καΐ τω νήδυμος ύπνος έπι βλεφάροισιν έπιπτε, νήγρετος ήδιστος, θανάτω αγχιστα έοικώς.
en même temps tombait sur les paupières d'Ulysse un sommeil profond, sans réveil, très doux, ressemblant à la mort de très près.

à noter aussi chez Aristote : Du sommeil et de la veille, 454a :
άναγκαίον υπνον πάντα έγερτόν είναι
tout sommeil doit permettre le réveil


À propos de la différence entre les deux termes grecs ήγέρθη et άνέστη, l'auteur site le grammairien Ammonius :
<ήγέρθη> και <άνέστη> διαφέρει, ήγέρθη μέν, λεκτέον, άπο ύπνου, ανέστη δε από κλίνης.
il y a une différence entre ήγέρθη et ανέστη : on doit dire « il s'est réveillé » du sommeil, mais « il s'est levé » du lit.

Dans l'Épître aux Éphésiens, (6, 14) les deux verbes sont présents :
Έγειρε, ό καθεύδων, και ανάστα έκ των νεκρών, καΐ έπιφαύσει σοι ό Χριστός.
Éveille-toi, ô toi qui dors, relève-toi d'entre les morts et le Christ sera ta lumière.

Les Pères de l'Église utilisent le terme anastasis, plutôt que egersis.
Le premier évoque mieux la résurrection corporelle.

Dans la vulgate, les deux termes sont traduits par le seul resurrectio.
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Papou JC



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Messageécrit le Saturday 25 May 19, 22:30 Répondre en citant ce message   

Xavier a écrit:
Il traduit l'hébreu קוּם (qum) : se lever (d'un siège, d'un lit). Ce terme mérite d'être étudié à part.

Tu as bien raison, la racine QWM est probablement l'une des plus riches racines sémitiques. Les Babéliens n'en ont pour le moment qu'un faible apercu à travers le MDJ goum.
Mais si j'ai bien compris, alors QWM est plus proche de l'anastasis que de l'egersis.

Cela dit, je lis chez Chantraine que le grec moderne γλήγορα glêgora (apparenté à ἐγείρω egeírô) a la sens de "vite", lequel se dit قوام qawām en arabe égyptien actuel (racine QWM). On n'est donc pas loin d'une évolution sémantique parallèle s'éveiller (en grec) / se lever (en arabe) > vite (dans les deux langues).
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Outis
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Messageécrit le Sunday 26 May 19, 10:39 Répondre en citant ce message   

Bien sûr, le grec moderne γρήγορα « vite » se prononce [grígora]. Et Chantraine a un drôle d'accent, je n'ai jamais entendu ni vu dans un dictionnaire cette dissimilation r-r > l-r.

Quelques expressions :
κάνω γρήγορα [kanô gr.] « faire vite, se grouiller »
αργά η γρήγορα [argá i gr.] « tôt ou tard »
στα γρήγορα [sta gr.] « au plus vite, vite fait »
όσο γρηγορότερα τόσο το καλύτερο [óso grigorótero tóso to kalítero] « le plus tôt sera le mieux »
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Outis
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Messageécrit le Monday 27 May 19, 8:40 Répondre en citant ce message   

Le mot égrégore a acquis un nouveau sens dans la pratique de la Franc-Maçonnerie. Quand il arrive, à l'issue d'une Tenue (réunion de la Loge) qu'une ambiance de satisfaction générale, de bonheur d'avoir bien travaillé tous ensemble, soit clairement perceptible, on dit avoir perçu/senti l'égrégore.
S'il est clair que cet emprunt est probablement lié aux contacts épisodiques entre Franc-Maçonnerie et certains mouvements se réclamant de l'occultisme, une grande majorité des Frères ne croient plus qu'une créature quelconque ait été suscitée par leur entente. C'est seulement une façon poétique d'exprimer que les Travaux se sont heureusement placés sous le signe de la Fraternité et du rassembler-ce-qui-est-épars.

Le bonheur, lui, est réel, mais il faut aussi reconnaître que cette manifestation de l'égrégore est plutôt rare. Bien que les rituels maçonniques soient conçus pour éviter les conflits liés aux débats et respecter toutes les diversités, il n'est jamais facile d'éviter que les soucis de la vie profane et les problèmes d'ego ne troublent, ne serait-ce qu'un peu, l'accès à la sérénité.

Il n'est évidemment pas exclu que cette apparition de bonheur calme (avec peut-être production d'ocytocine très content ) puisse se produire dans n'importe quel groupe de travail, c'est simplement plus difficile et on n'y parle pas d'égrégore …
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Papou JC



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Messageécrit le Monday 27 May 19, 11:37 Répondre en citant ce message   

Je trouve ce fil particulièrement intéressant, et je ne suis sans doute pas le seul.

Au vu du parallélisme sémantique relevé plus haut éveil // rapidité aussi bien en grec qu'en arabe, je me suis demandé si ce ne serait pas le cas dans d'autres langues. J'ai naturellement été amené à la grande famille VIGUEUR dans laquelle ce parallélisme est patent et dont la racine IE est *weg- « vigoureux, vif, vigilant ».

Les quelques ouvrages basiques dont je dispose ne mentionnent pas la racine *ger- dont parle Outis. On lui fait confiance, il ne l'a certainement pas inventée, mais elle ne doit pas être très connue ni très riche, surtout si on la compare à d'autres racines *ger- homonymes.

Ma question est : y a-t-il une possibilité pour que ἐγείρω [egeirō] ait quelque chose à voir avec *weg- ?
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Outis
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Messageécrit le Monday 27 May 19, 17:07 Répondre en citant ce message   

Pokorny a écrit:
ger-4, grēi-
English meaning to grow; to awake
German meaning `wachsen, wecken'
Material Ai. járate `erwacht', jā-gar-ti `wacht', Perf. jā-gā́ra, Partiz. jā-gṛ-váṁs- `munter, eifrig', jā́gr̥vi- `aufmerksam, wach, munter', аv. jaɣārayantəm `den wachenden', Perf. jagāra, Partiz. Perf. Akt. jagāurvah-, jigāurvah- `wach, wachsam', Kaus. ā-garayeiti `weckt', mit fra- inchoativ fra-ɣrisəmnō `erwachend' (*grī-sk-), Kaus. fra-ɣrā-ɣrāyeiti, dissimil. fra-ɣrā-rayeiti `erweckt', mpers. vīgrās `erwache', vīgrāsēnāg `Erwecker';
gr. ἐγείρω `wecke' (ob ἐ- das Adv. *e? vgl. ē oder ō in av. ā-garayeiti und oben S. 280; anders Schwyzer Gr. Gr. I 6483), Aor. ἔγρετο, ἐγρέσθαι, Perf. ἐ-γρή-γορα (für ε-γη-γορα - vgl. ai. jā-gā́ra - mit dem ρ von ἐγρέσθαι; Med. (spät) ἐ-γή-γερ-μαι; vom Perf. gingen aus ἐγρηγορτί `im Wachen', ἐγρήγορσις); ἐγρήσσω `wache' zu *γρη-τ- (vgl. av. fra-ʒrātō `beim Erwachen'); kaum aus *ἐγρήσκι̯ω (Schwyzer Gr. Gr. I 7082);
alb. tosk. ngrē̈ (woraus ngrē), geg. ngrêi `hebe auf, errichte, wecke, spanne ein Gewehr'(*n-grə-n-i̯ō), Partiz. n-gritë (*-grī-t-);
vermutlich anord. karskr, kerskr `frisch, lebhaft', mnd. karsch `frisch, munter', alem. chärzsch.

On remarque que Pokorny ne cite pas le latin expergō « éveiller, réveiller, exciter », ni sa famille. Ernout et Meillet (DELL, sub uerbum) ont considéré que ce verbe pouvait être issu par dissimilation (haplologie ?) d'un *expergerō et ça me semble raisonnable.

En revanche, aucun autre mécanisme ne permet de faire intervenir une autre racine connue.
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Papou JC



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Messageécrit le Monday 27 May 19, 17:33 Répondre en citant ce message   

Merci.
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Xavier
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Messageécrit le Monday 27 May 19, 17:50 Répondre en citant ce message   

À rattacher à cette racine, le prénom Grégoire du grec Γρηγόριος
le sens du prénom : vigilant

Prénom populaire au début du christianisme.
Selon le Dictionary of first names (Oxford), c'est l'influence de ce verset de 1 Pierre, 5, 6 :
Νήψατε γρηγορήσατε (Nḗpsate grēgorḗsate)
Soyez sobres, veillez !
(car le diable rôde, comme un lion rugissant, prêt à dévorer...)

d'où aussi, le chant grégorien, du pape Grégoire Ier, le calendrier grégorien (instauré en 1582) du pape Grégoire XIII. Ces deux papes étaient sur le trône pontifical à un millénaire d'intervalle.
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Papou JC



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Messageécrit le Friday 06 Mar 20, 13:21 Répondre en citant ce message   

Outis a écrit:
Le verbe ἐγείρω : Ce très ancien verbe, formé sur la racine indo-européenne *ger-, a dès les origines le sens d'éveiller, de tirer du sommeil ou de la non-existence. Au passif, le sens d'être éveillé conduit naturellement à celui de veiller.

De l'helléniste Jean-Victor Vernhes, on lira une intéressante étude dans laquelle il considère ce verbe et sa famille comme la probable origine du mot égérie, via le latin Egeria, nom d'une nymphe que Numa Pompilius disait consulter avant de donner les lois aux Romains.
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