Voir le sujet précédent :: Voir le sujet suivant |
Auteur |
Message |
Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3509 Lieu: Nissa
|
écrit le Tuesday 15 Oct 19, 16:46 |
|
|
La faux est un instrument agricole à lame incurvée, parfaitement adapté à la récolte des graminées, herbes hautes et céréales (même si, par extension, on peut faucher du trèfle ou de la luzerne). Cette action s'effectue par un mouvement de rotation de grande amplitude et nécessite un entretien rigoureux de la faux. Un bon moissonneur a toujours sur lui une pierre avec laquelle il aiguise et redresse le fil de son outil.
Les dérivés sont naturellement le fauchage, la fauchaison, le faucheur et la faucheuse, le verbe faucher et son participe fauché. Avec une faucille, on y arrive aussi mais ça prend plus longtemps. Quant aux emplois hors de la fauchaison, ils sont tous plus ou moins métaphoriques :
• le judoka qui pratique un fauchage (o-soto-gari ou autre) attaque le pied d'appui de son adversaire pour le faire tomber ;
• la mitrailleuse qui fauche une troupe ennemie en fait passer les hommes de la verticalité à l'horizontalité ;
• idem pour la malaria et ses copines qui fauchent des populations entières ;
• la grande Faucheuse, nom poétique (et chez nous féminin) de l'Ankou, de Yama et de Charon, vient vous chercher quand c'est l'heure ;
• qui vous a fauché quelque chose n'est que l'héritier d'un coupeur de bourse et de son petit couteau à lame courbe ;
• quand vous êtes vraiment fauché vous aimez rajouter : « comme les blés » ;
• l'opilion (fausse araignée à pattes grêles) est appelée faucheux en raison de ces pattes qui semblent des faux ;
quand une vache est perdue il suffit d'interroger un faucheux qui montrera avec sa patte avant la direction où se trouve l'animal ; c'est du moins ce que croient les vachers étazuniens (cf. etymonline s.u. daddy).
Le mot faux vient du latin falx, gén. falcis, probablement non eurindien et probablement sans rapport avec falco, nom du faucon. |
|
|
|
|
Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11198 Lieu: Meaux (F)
|
écrit le Tuesday 15 Oct 19, 19:10 |
|
|
L'origine sémitique du nom latin de la faux ne fait pour moi aucun doute quand je mets falx en regard des verbes arabes qui suivent, tous construits sur l'étymon {f,l} "couper" :
فلا falā u et i porter un coup de sabre à la tête
فلج falaǧa fendre en deux
فلح falaḥa couper, fendre (> fellah "paysan, agriculteur")
فلخ falaḫa pourfendre, couper en deux
فلذ falaḏa couper en morceaux
فلع fala‛a fendre, couper
فلغ falaġa casser (le crâne, la tête à qqn)
فلق falaqa fendre, couper en deux
فلم flm – iftalama couper le nez à qqn
Liste non exhaustive, limitée à l'ordre FL-. |
|
|
|
|
Cligès
Inscrit le: 18 Jul 2019 Messages: 896 Lieu: Pays de Loire
|
écrit le Tuesday 15 Oct 19, 20:06 |
|
|
Ce mot est déjà connu de Caton l'Ancien (IIIème-IIème siècle avant J.-C.). Comment un emprunt à l'arabe peut-il se concevoir ? Et à quels peuples arabes d'ailleurs ? |
|
|
|
|
embatérienne Animateur
Inscrit le: 11 Mar 2011 Messages: 3875 Lieu: Paris
|
écrit le Tuesday 15 Oct 19, 20:23 |
|
|
Il paraît que les Scythes connaissaient la faux, avec laquelle ils moissonnaient le chanvre. Et la faux se dit en anglais scythe.
Mais c'est pure coïncidence ; une orthographe un peu fantaisiste pour un mot qui vient, via le rameau germanique, de l'indo-européen, d'une racine signifiant "couper", qu'on trouve aussi dans le sécateur. |
|
|
|
|
Cligès
Inscrit le: 18 Jul 2019 Messages: 896 Lieu: Pays de Loire
|
écrit le Tuesday 15 Oct 19, 20:37 |
|
|
Tiens, c'est drôle, en russe, faux se dit коса (kosa) : les anciens slaves auraient-ils parlé en verlan ! |
|
|
|
|
Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11198 Lieu: Meaux (F)
|
écrit le Tuesday 15 Oct 19, 20:37 |
|
|
Cligès a écrit: | Ce mot est déjà connu de Caton l'Ancien (IIIème-IIème siècle avant J.-C.). Comment un emprunt à l'arabe peut-il se concevoir ? Et à quels peuples arabes d'ailleurs ? |
Lisez-moi bien. Je n'ai jamais parlé d'un emprunt à l'arabe mais d'une origine sémitique.
À propos de verlan, ne riez pas trop vite : quand vous voudrez, je vous mets sous les yeux des centaines de couples de racines arabes biconsonantiques dans lesquels le même sémantisme se retrouve, que l'ordre soit C1C2 ou C2C1. Idem pour l'hébreu et probablement pour toutes les langues sémitiques. Le phénomène, appelé "non ordonnancement des radicales", existe aussi en indo-européen mais il semble beaucoup plus rare. Surtout il a été moins étudié.
embatérienne a écrit: | Il paraît que les Scythes connaissaient la faux, avec laquelle ils moissonnaient le chanvre. Et la faux se dit en anglais scythe.
Mais c'est pure coïncidence ; une orthographe un peu fantaisiste pour un mot qui vient, via le rameau germanique, de l'indo-européen, d'une racine signifiant "couper", qu'on trouve aussi dans le sécateur. |
Voir la grande famille SÉCATEUR. |
|
|
|
|
Cligès
Inscrit le: 18 Jul 2019 Messages: 896 Lieu: Pays de Loire
|
écrit le Tuesday 15 Oct 19, 21:28 |
|
|
Oui, je sais, il y a aussi des métathèses dans l'histoire du français, dans formage/fromage, par exemple. |
|
|
|
|
Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11198 Lieu: Meaux (F)
|
écrit le Tuesday 15 Oct 19, 21:46 |
|
|
Avec une grande différence : la métathèse est - dans n'importe quelle langue - un accident assez rare affectant n'importe quelle syllabe d'un mot, alors que le non ordonnancement des radicales en sémitique est d'une telle fréquence qu'il ne peut être considéré comme accidentel mais bien plutôt comme systématique. |
|
|
|
|
Cligès
Inscrit le: 18 Jul 2019 Messages: 896 Lieu: Pays de Loire
|
écrit le Tuesday 15 Oct 19, 21:50 |
|
|
Oui, dans le cas de fromage, il s'agit d'aboutir à une séquence plus conforme à l'ordre le plus fréquent des sons en français. |
|
|
|
|
Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3509 Lieu: Nissa
|
écrit le Wednesday 16 Oct 19, 10:24 |
|
|
Sur une origine sémitique du latin falx, je reste très sceptique. La proximité sémantique entre « fendre » et « faucher » me semble faible. Pour moi, le geste du corps reste une composante essentielle du sens des verbes d'action.
Et la remarque de Cligès est pertinente, l'arabe est trop éloigné historiquement de Rome pour servir de critère. Nous n'avons plus, hélas, que des dictionnaires comme spécialistes des langues sémitiques anciennes …
Mais je ne fais que donner mon sentiment, je ne souhaite pas débattre d'hypothèses. |
|
|
|
|
Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11198 Lieu: Meaux (F)
|
écrit le Wednesday 16 Oct 19, 10:47 |
|
|
Je rappelle tout de même que Rome a été longtemps en contact étroit avec Carthage, où l'on parlait une langue sémitique.
Et plus tard, en Méditerranée orientale, avec l'araméen et l'arabe du nord de la péninsule. |
|
|
|
|
Jeannotin Animateur
Inscrit le: 09 Mar 2014 Messages: 879 Lieu: Cléden-Poher
|
écrit le Wednesday 16 Oct 19, 19:18 |
|
|
Le nom breton de la faux est falc'h, évidemment un romanisme qui doit dériver du radical latin falc-. La spirantisation des consonnes KTP (> c'h, zh, f) précédées d'un l ou d'un r est le traitement normal du brittonique. Ce mot est muni de tous les dérivés qu'on attend dans une société agraire falc'had "fauchée", falc'had/falc'hiñ "faucher", falc'hadeg "fauche (collective)", falc'her "faucher", falc'héres "faucheuse (la machine)".
Falc'h fait son pluriel filc'her ['filhəʁ] par suffixation et altération vocalique. Dans mon parler, ce mot est sujet comme tout ceux qui se terminent par la séquence voyelle + lc'h à l'épenthèse d'un élément vocalique qui donne la prononciation ['falᵃx]. Comme tous ses dérivés, falc'h voit souvent sa spirante initiale voisée en [̬f̬] ou [v]. Le parler de Cléden-Poher, où viennent échouer les influences trégorroises qui propagent le voisement des spirantes et les influences vannetaise qui y résistent hésite ainsi entre ['falᵃx] et ['valᵃx], souvent chez un même locuteur.
Falz ou valz [ꞌfalz-s] ['falᵃz-s] [ꞌvalz-s], pluriel filjer ['filʒəʁ] (par suffixation, altération vocalique et palatalisation), est le nom breton de la faucille (< lat. falcīcula). Je soupçonne la différence de traitement du -c- latin en falc'h et falz d'être dû à un réemprunt du même mot à deux époques différentes : au latin pour falc'h, au roman pour falz. Il eut fallu que ce second emprunt se produisît après l'évolution -c-+i > z mais avant la vocalisation du L en gallo-roman. Xavier, qui dispose du Deshayes (que j'ai oublié dans mes pérégrinations), a-t-il des lumières sur ce point ? |
|
|
|
|
Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11198 Lieu: Meaux (F)
|
écrit le Thursday 17 Oct 19, 7:34 |
|
|
Cligès a écrit: | Tiens, c'est drôle, en russe, faux se dit коса (kosa) |
Pouvez-vous nous en dire plus sur la famille slave de ce mot, si tant est qu'il en ait une ? |
|
|
|
|
Cligès
Inscrit le: 18 Jul 2019 Messages: 896 Lieu: Pays de Loire
|
écrit le Thursday 17 Oct 19, 22:11 |
|
|
Eh bien, c'est compliqué.
Je vous répondrai demain ou samedi. J'ai vu votre message trop tard, sans quoi je lui eusse donné la priorité.
Mais c'est sur la famille ou sur l'étymologie que vous voulez des éclaircissements ? Les autres langues slaves ne vous apporteront pas grand chose, tant elles sont proches les unes des autres dans ce genre de mots. |
|
|
|
|
Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11198 Lieu: Meaux (F)
|
écrit le Thursday 17 Oct 19, 22:32 |
|
|
Tout m'intéresse, la petite famille russe, la grande famille slave, et éventuellement la racine IE si elle est connue. En fait, ce qui m'intéresse, c'est le sémantisme premier du mot. Je voudrais savoir, par exemple, si de même que scythe est de la même famille que sécante et sécateur, la faux russe est un outil lexicalement coupant, si je puis dire. |
|
|
|
|
|