Jeannotin Animateur
Inscrit le: 09 Mar 2014 Messages: 879 Lieu: Cléden-Poher
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écrit le Thursday 28 May 20, 13:12 |
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Archaïsme partagé avec les langues celtiques d'Outre-Manche, le breton du Centre-Bretagne connaît les consonnes /l, m, n, ʁ, j/ sous une forme voisée (faible) et sous une forme dévoisée (forte). La forme de base, qu'on rencontre dans tous les dialectes bretons, est celle voisée. Les variantes dévoisées n'apparaissent que devant le possessif ho "votre" et la particule verbale o, qui, souvent élidé, n'apparaît que sous la forme de ce dévoisement. Favereau remarque justement dans sa grammaire que ces provections sont fréquentes au sud de Carhaix, mais qu'au nord, dans les Monts d'Arrée, elles sont rares et se rencontrent surtout dans les registres de langue élevés ("contes notamment...").
J'ai fait un montage à partir d'enregistrements que j'ai fait, ou emprunté pour le dernier à la collecte de Christiane Fer, et qui permettent d'entendre les phonèmes /l̥ m̥ ʁ̥ j̊/. Je n'ai pas encore eu l'occasion d'entendre /n̥/, mais il existe sans doute :
hoh lost /o 'l̥ɔs/ "votre queue" (Cléden-Poher)
hoh mamm /o 'm̥ɑ̃m/ "votre mère" (Carhaix)
(o)h roïñ laezh /'ʁ̥ɔj 'lè:s/ "à donner du lait" (Laz)
hoh yontr oa /o 'j̊ɔ̃nd wa/ "votre oncle était" (Carhaix)
https://soundcloud.com/jeannotin/consonnes-fortes
Je ne suis pas sûr de la transcription phonétique. Ainsi, on note /ʁ̥/ par convention, mais qu'est-ce phonétiquement, un [x] ou un [χ] ? Mon incertitude est encore plus grande pour les autres sons. J'ai fait écouter l'enregistrement au linguiste indien Gopalakrishnan Ramamurthy, qui m'a décrit le /j̊/ comme une consonne fricative palatale sourde ; quelque chose comme le ich-laut allemand /ç/, donc.
On ne sait pas trop non plus comment noter ces sons, qui sont étrangers aux dialectes qui ont inspiré la plus grande part de la tradition littéraire du breton. Faut-il écrire hoh mamm, comme devant voyelle, ou utiliser comme le gallois un groupe de consonne pour noter /m̥/ : ho hmamm ou ho mhamm ? Le cas me semble d'autant plus important que je pense qu'il s'agit de vrais phonèmes. Il y a ainsi des paires minimales comme /o 'm̥ɑ̃m/ "votre mère" ≠ /o 'mɑ̃m/ "leur mère" ou /l̥abu:ʁ(ə)t/ "à travailler" (gérondif) ≠ /labu:ʁ(ə)t/ "travailler" (infinitif).
Quoi qu'il en soit, au vu du faible nombre de cas où apparaissent ces phonèmes, mêmes dans les dialectes où ils existent, il est miraculeux que cet archaïsme ait survécu jusqu'à nous ! |
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