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prstprsi
Inscrit le: 22 Oct 2005 Messages: 396 Lieu: Bratislava
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écrit le Sunday 20 Nov 05, 19:35 |
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Je vous propose un "aperçu comparatif". Voici l'évolution d'un texte entre le 1er et le 5e-6e siècle. Je travaille en ce moment sur l'évolution phonétique de la langue française, alors un petit aperçu à l'intérieur de notre langue-mère ne peut pas faire de mal
Latin vulgaire
Hoc tetolo fecet Montana, coniu sua, Mauricio, qui uisit con elo annus dodece et portauit annus qarranta. Trasit die VII kl. lunias.
Ce texte est pris d'une inscription du Ve ou VIe siècle après JC, retrouvée en Allemagne :
Voici ce que cela donnerait en latin classique:
Latin classique
Hunc titulum fecit Montana, coniux eius, Mauricio, qui uixit cum ea annos duodecim et portauit annos quadraginta. Transit die octauo ante kalendas lunias.
Et puis cette comparaison fait apercevoir les points majeurs d'évolution de notre langue, notamment le boulversement du système vocalique entre le 1er et le 4e siècle grosso-modo.
Ensuite y'a tout un tas de trucs drôles comme les diphtongaisons spontanées et conditionnées, mais ça c'est en ancien français que ça se passe. Enfin si ça vous interesse dites-le moi je peux en parler longuement....je peux même vous refaire l'évolution d'un mot du latin au français moderne avec tous les détails phonétiques inhérents.
Si vous avez des questions je suis à votre disposition. Vos remarques ne pourront que me faire plaisir.
Vivien |
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Maurice
Inscrit le: 25 May 2005 Messages: 435 Lieu: Hauts de Seine
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écrit le Sunday 20 Nov 05, 20:55 |
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Ca aiderait beaucoup à mieux apprécier si tu mettais la traduction en français.
Merci d'avance |
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prstprsi
Inscrit le: 22 Oct 2005 Messages: 396 Lieu: Bratislava
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écrit le Sunday 20 Nov 05, 20:59 |
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Oupss pardonnez moi !!!
Alors je ne sais plus ce que j'ai fait de mon papier alors je me lance moi-même
Pour Mauricius, Motana, son épouse, à fait cette épitaphe, lui qui vécut avec elle pendant douze ans et qui avait quarante ans. Il mourut le 8eme jour avant les calendes de juin. |
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Glossophile Animateur
Inscrit le: 21 May 2005 Messages: 2283
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écrit le Sunday 20 Nov 05, 22:20 |
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Mauricius, « le noir », est un nom grec. De plus, un personnage de l'époque classique est toujours nommé par ses pranomen, nomen et cognomen.
Cicéron ne dirait pas non plus portauit annos quadraginta, mais plutôt vixit annos quadraginta. |
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Xavier Animateur
Inscrit le: 10 Nov 2004 Messages: 4088 Lieu: Μασσαλία, Prouvènço
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écrit le Monday 21 Nov 05, 11:15 |
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prstprsi a écrit: | je peux même vous refaire l'évolution d'un mot du latin au français moderne avec tous les détails phonétiques inhérents. |
oui !
en voici une belle idée de page à réaliser !
d'autant plus qu'enseigner est aussi un excellent moyen pour apprendre |
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prstprsi
Inscrit le: 22 Oct 2005 Messages: 396 Lieu: Bratislava
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Glossophile Animateur
Inscrit le: 21 May 2005 Messages: 2283
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écrit le Monday 21 Nov 05, 20:48 |
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Aïe !
Ceci me fait tiquer :
version prétendument classique :
Transit die octauo ante kalendas lunias...
Ce n'est pas ainsi que l'on formule les dates en latin classique !
Transit ante diem octauum kalendas Iunias,
et on écrit en abrégé :
Transit a.d. VIII kalendas Iunias.
Oui, la date en latin, c'est toute une affaire... |
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prstprsi
Inscrit le: 22 Oct 2005 Messages: 396 Lieu: Bratislava
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écrit le Monday 21 Nov 05, 21:06 |
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C'est pour developper la manière, il n'y a pas de prétendue similarité. C'est une manière d'exposer les choses. |
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Jean-Charles
Inscrit le: 15 Mar 2005 Messages: 3124 Lieu: Helvétie
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écrit le Monday 21 Nov 05, 21:27 |
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Ce qui m'intéresse en l'occurence, c'est la manière dont les mots étaient prononcés. Deux graphies différentes peuvent représenter les mêmes sons.
D'autre part, dans certaines graphies, les mêmes codes scripturaux peuvent se prononcer de manières différentes. C'est alors plutôt la transformation orthographique qui a coupé les ponts entre des langues soeurs (ou filles des langues précédentes, si on préfère)
En résumé, les transformations se sont probablement opérées alternativement à l'oral et à l'écrit. Dans les cas comme le français, c'est pire: On a opéré des modifications orthographiques sur des bases erronées, et les locuteurs surcorrigent en prononçant des lettres qui ne le sont plus ou ne l'ont jamais été (ou du moins pas comme on l'écrit de nos jours). |
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Glossophile Animateur
Inscrit le: 21 May 2005 Messages: 2283
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écrit le Tuesday 22 Nov 05, 1:12 |
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De toutes façons l'exercice n'a pas grande valeur scientifique : on ne peut rien tirer de la comparaison d'un texte authentique avec une forgerie, forgerie qui pis est entachée d'une faute que ne font pas les candidats au baccalauréat !
Ce travail de comparaison a déjà été fait, d'où les résultats publiés, il se poursuit, mais comparaison de texte authentique à texte authentique...
En ce qui concerne la prononciation dont nous ne pourrons qu'approcher, les graffiti de Pompéi sont une mine par leurs écarts avec l'orthographe des manuscrits. Ainsi, là où les manuscrits mettent x, le ptit gars de Pompéi écrit cs...
Tout ce que nous avons pu reconstituer de la prononciation se trouve dans la Phonétique historique du latin de Niedermann. |
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Glossophile Animateur
Inscrit le: 21 May 2005 Messages: 2283
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écrit le Tuesday 22 Nov 05, 15:18 |
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Latin vulgaire
Hoc tetolo fecet Montana, coniu sua, Mauricio, qui uisit con elo annus dodece et portauit annus qarranta. Trasit die VII kl. lunias.
Hoc a remplacé hunc. Soit dit entre nous, hunc est imprononçable ! La graphie de l'épitaphe reflète la prononciation.
Tetolo : le m d'accusatif, qui ne se prononçait plus dès le second siècle avant notre ère a disparu de l'écriture.
Le i bref initial, accentué, est passé à e, selon un mécanisme bien connu sous le nom d'apophonie. L'apophonie ne devrait pas jouer ici, c'est entendu, mais l'équivalence i bref= e bref est bien connue : miles, militis, flumen, fluminis...
Le u bref central est passé à o. Sans pouvoir l'expliquer, je note que ce traitement est parallèle à celui du u de hunc.
Fecet : la forme classique est fecit. S'agit-il d'un solécisme de ces braves gens dont le latin n'est pas la langue maternelle, ou est-ce le reflet de la prononciation ? En ce cas nous voyons encore i bref aboutir à e bref.
coniu sua : à l'époque classique, ce qui va sans dire ne se dit pas. L'épouse qui fait une épitaphe à un mort est forcément l'épouse du mort, on n'aurait pas précisé. Montana précise, à l'aide du possessif suus, d'un maniement nettement plus aisé que eius.
Elle n'écrit pas le X de coniux, preuve qu'il s'était amuï dans la prononciation.
qui graphie inchangée : le mot a traversé les siècles et nous est parvenu sous cette forme.
Le rapprochement avec qarranta montre que le [w] n'était plus prononcé, et que le son [kw] s'était réduit à [k].
uisit : le [ks] de vixit a aboutit à un simple [s], moins difficile à produire.
con elo : ici, nous voyons naître une langue romane, espagnol ou italien : dans ces deux langues cum a donné con. Elo, pour illa, annonce le français elle.
annus dodece : annus pour annos : solécisme, ou évolution de la prononciation ?
Dodece rapproché de quarranta montre que le digamma consonne est perdu dans la prononciation. Montana ne prononce pas le -im final, Plaute ne le faisait pas non plus !
portauit : forme classique, mais Cicéron n'aurait pas emplyé ce verbe dans ce contexte. Ici, c'est l'évolution de la syntaxe que nous surprenons.
qarranta. C'est notre quarante, tout formé à partir de quadraginta.
Remarquable stabilité du a final...
Trasit die VII kl. lunias. Rien à tirer de trasit sans avoir l'original sous les yeux. Dès l'époque classique, les Romains remplaçaient le n par un tilde : cos. pour consul... La graphie trasit reflète cette habitude.
La date est indiquée à l'ablatif, conformément aux règles de grammaire, mais contrairement à l'usage classique. Les abréviations sont les abréviations classiques.
Au terme de cette analyse-TGV, je conclus que mes conclusions ne sont pas concluantes : sur cet unique échantillon, il est difficile de décider si les écarts constatés sont des formes générales, ou des erreurs spécifiques au tailleur de pierre.
Bref, c'est intéressant à lire, mais ce n'est pas suffisant pour en tirer des conclusions solides. |
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Jean-Charles
Inscrit le: 15 Mar 2005 Messages: 3124 Lieu: Helvétie
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écrit le Tuesday 22 Nov 05, 19:47 |
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Citation: | Dès l'époque classique, les Romains remplaçaient le n par un tilde : cos. pour consul... La graphie trasit reflète cette habitude. |
Où ? Je ne vois nulle tilde ci-dessus |
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Glossophile Animateur
Inscrit le: 21 May 2005 Messages: 2283
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écrit le Tuesday 22 Nov 05, 20:16 |
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Parce que y en a pas...
Je m'explique : au moment même où je frappais ma phrase, ma mémoire visuelle me restituait un document archéologique où le mot consul est réduit à cos, sans tilde. Parfois y en avait, parfois y en avait pas...
Ma source : le Clipeus uirtutis , d'Arles, actuellement au musée d'Aix en Provence. Il date du Ir siècle de l'ère commune. |
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Lou caga-blea
Inscrit le: 05 Sep 2006 Messages: 513 Lieu: Nissa
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écrit le Monday 20 Nov 06, 14:46 |
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Une question sur la "tilde": je ne connais pas le document cité, mais est-ce la même chose que l'apex qui, dans certaines inscriptions (ça se généralise, si je ne m'abuse, sous la dynastie julio-claudienne) frappe les voyelles longues ou est-ce autre chose ? Dans le premier cas, ce n'est qu'un diacritique largement facultatif dans la graphie. Il reste que le passage -Vns- (V = voyelle de timbre indifférent) -Vs- (où V est allongé: on parle d'allongement compensatoire dans ce cas) est très ancien: les inscriptions d'époque médio-républicaine fournissent de nombreux exemples de cesor ou cosul pour censor ou consul. |
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