Voir le sujet précédent :: Voir le sujet suivant |
Auteur |
Message |
rejsl Animatrice
Inscrit le: 14 Nov 2007 Messages: 3665 Lieu: Massalia
|
écrit le Monday 04 Jun 12, 19:23 |
|
|
Zores :
Citation: | Ute Bock: Zores mit den Nachbarn | die Presse 3 juin 2012
= Ute Bock : des ennuis ( tracas) avec les voisins.
Le terme Zores ( prononcer tsores) désigne en allemand des ennuis, de l'énervement ou des disputes. D'après le dictionnaire, il est donné comme substantif masculin , sans pluriel. Ce qui n'empêche nullement de le trouver employé dans des phrases au pluriel...
Pour le yiddish auquel le mot est emprunté, le terme est un pluriel. צרהות = tsores est le pluriel du substantif féminin די צרה = di tsore qui signifie difficulté, souci, malheur, voire souffrance. Autrement dit, le sens est plus fort en yiddish.
Quelques exemples:
* דאָס יז די צרה = dos iz di tsore ! = c'est là où le bât blesse = c'est là le souci.
* אױף צרהות = oyf tsores = pour mon malheur, pour son malheur...
* צו אַלע צרהות = tsu ale tsores =par tous les malheurs = pour comble de malheur
* קױם מיט צרהות = koym mit tsores = à grand -peine
* אָנטאָן צרהות = onton tsores = donner du tracas, en faire baver
* Il y a aussi l'adjectif dérivé, formé sur cette racine d'origine hébraïque plus ajout d'un suffixe germanique:צרהדיק = tsoredik = lamentable, misérable, malheureux. |
|
|
|
|
Athanasius
Inscrit le: 23 Feb 2009 Messages: 242 Lieu: Dinant
|
écrit le Thursday 07 Jun 12, 22:24 |
|
|
rejsl a écrit: | Le terme Zores (prononcer tsores) désigne en allemand des ennuis, de l'énervement ou des disputes. [...] צרהות = tsores est le pluriel du substantif féminin די צרה |
En néerlandais aussi, et sans doute plus particulièrement dans la région d'Amsterdam, on emploie sores (familier) dans le même sens.
Cela rappelle également l'anglais sore, mais j'ignore s'il y a un rapport.
Ce qui m'étonne, c'est la prononciation du tav final, qui devient systématiquement celle d'un [s] au lieu d'un [t]; on lit sur cette page plusieurs exemples qui vont dans ce sens. Cette prononciation (finalement comparable, je suppose, à celle du -th- anglais) est-elle propre au yiddish? |
|
|
|
|
Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11166 Lieu: Meaux (F)
|
écrit le Thursday 07 Jun 12, 23:31 |
|
|
Athanasius a écrit: | Cela rappelle également l'anglais sore, mais j'ignore s'il y a un rapport. |
Il semble que oui.
Etymonline a écrit: | O.E. sar "painful, grievous, aching," influenced in meaning by O.N. sarr "sore, wounded," from P.Gmc. *sairaz (cf. O.Fris. sar "painful," M.Du. seer, Du. zeer "sore, ache," O.H.G. ser "painful"), from PIE root *sai- "suffering" (cf. O.Ir. saeth "pain, sickness"). |
Et aussi avec le plus célèbre sorry qui est apparenté à sar.
(En revanche, sorrow est un faux frère.)
Est-on sûr que le mot est du yiddish emprunté par l'allemand ? Ne serait-ce pas plutôt le contraire ? |
|
|
|
|
Athanasius
Inscrit le: 23 Feb 2009 Messages: 242 Lieu: Dinant
|
écrit le Thursday 07 Jun 12, 23:56 |
|
|
Papou JC a écrit: | Est-on sûr que le mot est du yiddish emprunté par l'allemand? Ne serait-ce pas plutôt le contraire? |
En attendant la réponse de rejsl: צרה (tsarah), pluriel צרות (tsarot), est indiscutablement du vieil hébreu biblique.
D'autre part, l'origine yiddish du sores néerlandais est également incontestable. |
|
|
|
|
Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11166 Lieu: Meaux (F)
|
écrit le Friday 08 Jun 12, 4:55 |
|
|
Eh bien alors il s'agit d'une remarquable coincidence morphosémantique qui rappelle ce que nous avons connu avec mesquin.
On peut simplement encore se demander pourquoi l'allemand, qui avait sous la main quasiment le même mot germanique, est allé emprunté Zores au yiddish... |
|
|
|
|
Athanasius
Inscrit le: 23 Feb 2009 Messages: 242 Lieu: Dinant
|
écrit le Friday 08 Jun 12, 6:54 |
|
|
Papou JC a écrit: | On peut se demander pourquoi l'allemand, qui avait sous la main quasiment le même mot germanique, est allé emprunter Zores au yiddish. |
Entendez-vous par «quasiment le même mot germanique» un adjectif/adverbe comme sehr, «très», littéralement «grave(ment)» (en néerl. zeer), et un verbe comme sehren, «faire du mal», «infliger une douleur» (en néerl. bezeren ou zeer doen)? Il y a une ressemblance, oui. |
|
|
|
|
Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11166 Lieu: Meaux (F)
|
écrit le Friday 08 Jun 12, 7:10 |
|
|
Je me référais seulement à cette partie de ma citation : Citation: | P.Gmc. *sairaz (cf. O.Fris. sar "painful," M.Du. seer, Du. zeer "sore, ache," O.H.G. ser "painful") |
Il n'est pas impossible que cette ressemblance ait facilité l'emprunt, dont je ne doute plus. D'ailleurs Dubsar avait déjà relevé ce mot dans sa petite liste alsacienne.
Je n'en ai pas encore identifié la racine sémitique, mais ça viendra. (J'ai une petite curiosité pour savoir si ce mot a un correspondant en arabe.) |
|
|
|
|
rejsl Animatrice
Inscrit le: 14 Nov 2007 Messages: 3665 Lieu: Massalia
|
écrit le Friday 08 Jun 12, 8:26 |
|
|
Tiens, cette discussion m'avait échappé!
Citation: | Ce qui m'étonne, c'est la prononciation du tav final, qui devient systématiquement celle d'un [s] au lieu d'un [t]; on lit sur cette page plusieurs exemples qui vont dans ce sens. Cette prononciation (finalement comparable, je suppose, à celle du -th- anglais) est-elle propre au yiddish? |
Oui, je confirme, c'est propre au yiddish. Ce qui est amusant, c'est que les hébraïsmes du yiddish continuent de s'écrire exactement comme le terme initial puisque l'hébreu est loshn-koydesh, langue sainte, sacrée, dont on ne change pas le moindre iota.
Ainsi, צרהות se prononce en yiddish tsores mais lorsque le locuteur de la langue yiddish lit un texte en hébreu, ce qui arrive souvent, et qu'il voit les mêmes caractères צרהות, il prononcera tsarot, car il s'agit bien de deux langues différentes. Ces évolutions de prononciation ont une explication, mais ce serait l'objet d'un autre fil.
Signalons que de même, la plupart des mots féminins hébraïques tels que צרה au singulier, qui se terminent par la lettre hey en yiddish, hé en hébreu,
se prononcent -ah en hébreu: tsarah =צרה et -e en yiddish = tsore =צרה |
|
|
|
|
Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11166 Lieu: Meaux (F)
|
écrit le Friday 08 Jun 12, 8:32 |
|
|
Voilà, je crois avoir trouvé le cognat arabe. Il s'agit probablement du mot ضرر [ḍarar], "atteinte, blessure morale, mal, méfait, misère, dommage, tort, préjudice, etc." La racine ضرر [ḍrr] est riche en nombreux et très usuels dérivés qu'il n'y a pas lieu d'énumérer ici mais que les arabophones et arabisants connaissent bien.
Voici ce qu'en dit Rajki : Citation: | harm [Sem sz-r-r, Akk sserru (enemy), Heb tzar, Uga ssrt] |
|
|
|
|
|
rejsl Animatrice
Inscrit le: 14 Nov 2007 Messages: 3665 Lieu: Massalia
|
écrit le Friday 08 Jun 12, 8:39 |
|
|
Citation: | On peut simplement encore se demander pourquoi l'allemand, qui avait sous la main quasiment le même mot germanique, est allé emprunté Zores au yiddish...
|
Les mots yiddish entrés en allemand sont souvent venus via les territoires de l 'Autriche-Hongrie où le nombre de yiddishophones était important. Parfois à l'occasion de contacts commerciaux, parfois par le Rotwelsch, l'argot des voleurs... Le lien de Wikipedia en montre quelques exemples.
La page suivante de Wikipedia qui concerne les hébraïsmes de l'allemand présente un tableau, non exhaustif, de termes venus du yiddish (ces termes pourront être présentés à une autre occasion), elle congfirme par ailleurs le rôle du Rotwelsch dans la propagation de nombre de ces termes.
Le Zores ne se superpose pas exactement à un mot germanique . Sehren lui-même est archaïque.
Les termes allemands qui correspondraientt à peu près au sens actuel de Zores en allemand, serait Ärger ou Unannehmlichkeit, éventuellement Kummer. |
|
|
|
|
Mechthild
Inscrit le: 01 Sep 2011 Messages: 119 Lieu: Wien/Vienne, Autriche
|
écrit le Friday 08 Jun 12, 9:18 |
|
|
La traduction la plus simple pour Zores, qui ressemble même un peu au mot, serait Sorgen (soucis). Unannehmlichkeiten n'est pas tout à fait la même chose: ce sont des évènements qui causent du souci, pas le souci soi-même. |
|
|
|
|
rejsl Animatrice
Inscrit le: 14 Nov 2007 Messages: 3665 Lieu: Massalia
|
écrit le Friday 08 Jun 12, 12:28 |
|
|
Sorgen ( soucis) convient également.
Mais ce qui caractérise un tel mot, justement parce que c'est un emprunt et que les locuteurs ne sont pas obligatoirement conscients de son étymologie, c'est l'aspect polysémique. Selon le contexte, le sens sera légèrement différent.
Voir l'exemple , en contexte, que j'ai donné au départ:
Citation: |
Ute Bock: Zores mit den Nachbarn
die Presse 3 juin 2012 |
il n'y est nullement question du souci que cette personne ( Ute Bock) se fait, mais bien des ennuis, des altercations , avec le voisinage. Dans ce contexte, c'est Ärger et Unannehmlichkeiten qui conviendraient le mieux.
Contexte: cette personne Ute Bock s'occupe de cas sociaux, d'intégration, a ouvert un foyer pour demandeurs d'asiles dans un quartier de Vienne. Elle se heurte à des manifestations d'hostilité de la part du voisinage, protestations, pétitions, coups de téléphone, plaintes...
Le Zores mit Nachbarn , ce sont les tracas , tracasseries, les problèmes réels avec les voisins. Pas seulement le souci qu'elle se fait... Ici, on pourrait même traduire en français par troubles de voisinage
Enfin ( aïe, argument d'autorité) le Duden donne aussi Unannehmlichkeit comme synonyme de Zores...
Citation: | Synonyme zu Zores: Anstand, Ärger, Stunk, Unannehmlichkeit |
Dernière édition par rejsl le Friday 08 Jun 12, 17:50; édité 1 fois |
|
|
|
|
Charles Animateur
Inscrit le: 14 Nov 2004 Messages: 2521 Lieu: Düſſeldorf
|
écrit le Friday 08 Jun 12, 13:32 |
|
|
Je me demande si l'expression "gib ihm Saures" ne viendrait pas de là... |
|
|
|
|
Mechthild
Inscrit le: 01 Sep 2011 Messages: 119 Lieu: Wien/Vienne, Autriche
|
écrit le Friday 08 Jun 12, 14:46 |
|
|
D'après Krämer/Sauer, Lexikon der populären Sprachirrtümer, Sauregurkenzeit (morte-saison) vient probablement de Zores.
@rejsl: On ne cesse jamais d'apprendre... |
|
|
|
|
rejsl Animatrice
Inscrit le: 14 Nov 2007 Messages: 3665 Lieu: Massalia
|
écrit le Tuesday 12 Jun 12, 20:45 |
|
|
Citation: | D'après Krämer/Sauer, Lexikon der populären Sprachirrtümer ( dictionnaire des étymologies populaires), Sauregurkenzeit (morte-saison) vient probablement de Zores. |
Cette expression, attestée à Berlin depuis la fin du 18ème siècle, viendrait selon une étymologie populaire de ce qu'à la fin de l'été, les stocks de cornichons de la région du Spreewald ( dans le Brandebourg) auraient été presque épuisés. Par extension le terme ( époque de cornichons) aurait désigné au départ une période de difficulté d'approvisionnement alimentaire. Aujourd'hui, le sens a évolué et ce serait une expression du monde du commerce pour désigner une période d'activité commerciale creuse, par exemple l'été.
Donc, comme il a été dit , la morte-saison.
Plusieurs linguistes dont Röhrich ( Lexikon der sprichwörtlichen Redensarten) s'accordent pour dire qu'il s'agit d'une étymologie erronée et que l'expression, comme le dit Mechthild, est entrée dans la langue allemande via le Rotwelsch ( l'argot) à partir de mots yiddish:
* צרהות = tsores : ennuis , déjà évoqué
et יקרות = yakres = flambée des prix, cherté de la vie, mais aussi pénurie.
Par exemple: עס יז אַ יקרות אױף עפּל = es iz a yakres oyf epl: les pommes sont chères ( il y a pénurie de pommes)
ou bien: דער יקרות ברענט = der yakres brent = les prix flambent
Au départ, il s'agirait d'une tsores-un yakres-tseyt , une époque de soucis et de flambée des prix ( ou de pénurie). L'expression aurait gardé son sens mais on aurait attribué l'origine à l'été et aux cornichons par une vague parenté phonétique.
Selon Röhrich, l'expression serait ensuite passée au néerlandais " Het is in den komkommer-tijd" |
|
|
|
|
|