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dubsar

Inscrit le: 07 May 2007 Messages: 448 Lieu: Altkirch (F68)
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écrit le Monday 21 Jun 10, 19:11 |
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Merci pour tes informations, Outis.
Ceci me conforte dans mon idée que les mots indo-européens sont d'une racine différentes des sémitiques pour deux raisons :
- en sémitique les lettres z et g sont de vraies radicales, en i-e, le g est un suffixe ; évidemment, comme contre-argument on connait la capacité des langues sémitiques à former une racine sur des consonnes empruntées ailleurs.
- ces mots sont attestés dans différents sous groupes : cananéen, arabe, éthiopien, ce qui me parait trop large pour un emprunt, malgré l'opinion de Nöldeke qui postulait grec > araméen > arabe. Il faudrait alors rajouter arabe > éthiopien ? Ca paraît beaucoup. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11235 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Monday 21 Jun 10, 19:24 |
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Oui, tout cela est très intéressant, et malmène donc l'hypothèse de Rajki. C'est dommage pour lui, et c'est dommage pour les autres étymologies qu'il donne, notamment celle de lascar qui nous a fait beaucoup gamberger il y a quelques mois, et qui dériverait -via l'arabe et le persan - du latin exercitus. Je sais bien que tout le monde peut se tromper, souvent par manque de recherche personnelle, ou par trop grande confiance aux ainés ou aux savants, mais avant d'écrire quelque chose, il serait bon, parfois, d'ajouter "peut-être", surtout dans cette science si souvent "inexacte" qu'est l'étymologie ... |
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R_Camus
Inscrit le: 19 Apr 2010 Messages: 230
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écrit le Tuesday 22 Jun 10, 1:03 |
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J'avais indiqué la segmentation et les formes védiques et baltes qui la soutiennent dans les pages précédentes; la nouveauté, c'est l'hypothèse de la laryngale initiale pour rendre compte de *i>z (mais Rix ne la reprend pas dans ses travaux ultérieurs). J'y reviens juste pour une question de terminologie:
- attention à "suffixe" qui, dans l'usage reçu dans les théories de morphologie dérivationnelle isolant de telles choses, renvoie à une unité douée de sens: un morphème (suivant d'autres théories qui opèrent uniquement par règles, il n'y a plus de morphèmes dérivationnels).
Sur -G-, la position post-radicale ne suffit pas à fonder son statut de morphème suffixal. Je prends un exemple simple dans ma crèmerie: r. да da "oui", ну "allez!" > дакать dakat' "dire oui", нукать nukat' "dire'allez'!" (idem avec les glides J, W et le V pour d'autres formations).
Suffixe? Dans ce cas, il faut accepter que les suffixes ne soient pas des morphèmes, ou que les morphèmes ne soient pas nécessairement investis de sens. C'est possible, mais assez rarement précisé. |
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Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3509 Lieu: Nissa
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écrit le Tuesday 22 Jun 10, 8:54 |
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Les questions de vocabulaire sont toujours délicates car, d'une part il y a loin d'y avoir uniformité dans les usages érudits, d'autre part je ne suis pas persuadé que ce serait souhaitable (faut-il évoquer ici la biodiversité ?) et on peut toujours résoudre les ambiguïtés éventuelles en précisant le contexte théorique.
Dans le cadre de sa théorie de la racine, la distinction que fait Benvéniste entre suffixe et élargissement est strictement formelle. Le plus simple est que je donne ici ses propres définitions :
Benvéniste (op. cit. p. 148) a écrit: | Nous opérerons constamment avec les termes de « suffixe » et d' « élargissement », bien que le même élément puisse être l'un ou l'autre. Nous distinguons un suffixe d'un élargissement d'une manière purement formelle : le suffixe est caractérisé par sa forme alternante (-et-/-t-, -en-/-n-, -ek-/-k-, etc.), l'élargissement par sa forme fixe et consonantique (-t-, -n-, -k-, etc.). Cette distinction, qui est capitale, sera ici substituée à la notion de « déterminant de racine » (« Wurzeldeterminativ ») dont on a fait un usage inconsidéré. |
Peut-être faut-il dire deux mots rapides sur la justification de cette distinction.
Un thème verbal peut être constitué d'une racine et éventuellement d'un suffixe, éventuellement élargi :
TV ::= rac. + [suff. + [él.]]
comme deux éléments consécutifs ne peuvent être au même degré (plein ou zéro) on s'aperçoit que seuls les thèmes II (zéro de la racine, plein du suffixe) peuvent recevoir un élargissement, d'où, en remontant aux causes :
Quand une racine ne montre pas de suffixations mais uniquement des élargissements, il y a de fortes présomptions qu'il s'agisse en fait d'un thème II formé sur une racine plus simple. Exemple :
*nek- « porter atteinte, faire périr » admet des élargissements en -y- (skr. naśyati « faire périr »), en -s- (lat. noxa « préjudice, crime »), en -t- (gr. νέκ-τ-αρ « nectar, boisson des dieux ») mais aucun suffixe.
On la comprendra donc comme un thème II en supposant une laryngale initiale, *Hn-ek-, et on découvrira que, effectivement, son thème I, *Hen-k-, est attesté par hittite ḫenk-an « mort fatale », celtique *ank- (bret. Ankou « la Mort ») et grec *ank- (ἀν-αγκ-ή « nécessité »), le grec précisant en outre le timbre h₂ de la laryngale.
On unifie ainsi des faits de vocabulaire en substituant à la racine illusoire *nek- une alternance *h₂en-k-/*h₂n-ek-. De nombreuses autres racines apparentes ont ainsi été expliquées par Benvéniste.
Quand, dans une théorie, une définition est productive, elle mérite d'être conservée, même si les termes utilisés ont un autre sens dans d'autres théories … |
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José Animateur
Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 10941 Lieu: Lyon
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écrit le Monday 27 Sep 10, 13:19 |
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La biga est un char léger à 2 roues, pour la course ou la guerre, tiré par 2 chevaux et destiné à un seul "passager", dont l'usage était répandu dans le monde antique.
Etymologie de biga (pluriel : bighe) :
- du lat. biga, et plus couramment au pluriel, bigae, de biiugae, comp. de : bi- «deux» et iugum «joug»
Source : l'encyclopédie en ligne Treccani
Ce dimanche (26.09.2010), Umberto BOSSI, leader de la Lega Nord (Ligue du Nord) a déclaré, à propos du projet de déplacer le Grand Prix de Formule 1 de Monza (Lombardie) à Rome :
- Monza non si tocca e a Roma possono correre con le bighe !
= On ne touche pas à Monza (= à son GP), à Rome ils peuvent bien courir en bighe (chars) ! |
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Chusé Antón
Inscrit le: 25 Feb 2005 Messages: 739
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écrit le Monday 27 Sep 10, 13:47 |
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En espagnol yugo (pas jugo comme écrivait Guillaume au commencement).
En aragonais, chugo. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11235 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Monday 27 Sep 10, 16:32 |
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Citation: | Le suffixe *-g- ne se laisse pas interpréter et, autant que je sache, on ignore même si son rôle est sémantique, aspectuel ou autre. C'est un suffixe banal qui forme de nombreux thèmes à partir de diverses racines. |
Serait-il possible qu'il n'ait qu'un banal rôle phonologique, une consonne dure s'interposant entre une racine "hyper vocalique" et des suffixes également vocaliques ? Inutile avec des suffixes consonantiques, on sent bien le rôle qu'un tel élément pourrait jouer avec une telle racine dans les cas où elle doit être complétée par des suffixes vocaliques. Sans ce g, les mots formés seraient-ils prononçables ? |
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José Animateur
Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 10941 Lieu: Lyon
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écrit le Tuesday 20 Sep 11, 12:44 |
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- Obama yokes benefit cuts to new taxes
= Obama adjoint une baisse des avantages sociaux (allocations) à la hausse des impôts
The Wall Street Journal - 20.09.2011
yoke : joug
to yoke : atteler - FIG joindre |
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Jacques
Inscrit le: 25 Oct 2005 Messages: 6533 Lieu: Etats-Unis et France
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écrit le Tuesday 20 Sep 11, 16:11 |
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Parenthèse :
L'angl. benefits , tout comme le francais "avantages sociaux", ne désigne pas seulement les allocations, il comprend aussi l'accès à divers services etc. ... |
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embatérienne Animateur
Inscrit le: 11 Mar 2011 Messages: 3887 Lieu: Paris
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écrit le Wednesday 07 Dec 11, 12:25 |
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José a écrit: | La biga est un char léger à 2 roues, pour la course ou la guerre, tiré par 2 chevaux et destiné à un seul "passager", dont l'usage était répandu dans le monde antique.
Etymologie de biga (pluriel : bighe) :
- du lat. biga, et plus couramment au pluriel, bigae, de biiugae, comp. de : bi- «deux» et iugum «joug»
Source : l'encyclopédie en ligne Treccani
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C'est donc le bige en français, qui est au quadrige ce que deux est à quatre. |
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José Animateur
Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 10941 Lieu: Lyon
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écrit le Tuesday 07 May 13, 12:43 |
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- La persona in ostaggio è soggiogata, minacciata, teme per la sua vita.
= La personne en détention est dominée, menacée, elle craint pour sa vie.
[ Il Corriere della Sera - 07.05.2013 ]
soggiugare
- subjuguer / dominer / dompter
du latin subiugare (= mettre sous le joug / assujettir)
composé de sub (= sous) et iugum (= joug)
subjuguer
- emprunt au bas-latin subjugare « faire passer sous le joug; soumettre, réduire » [ TLFi ] |
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Jacques
Inscrit le: 25 Oct 2005 Messages: 6533 Lieu: Etats-Unis et France
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écrit le Wednesday 16 Oct 13, 21:05 |
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jugulaire : qui appartient au cou ou a la gorge,
courroie jugulaire : courroie passant sous le cou, jugulaire d'un casque
artère jugulaire, jugulaire :
Extrait du fil : Expressions sur les parties du corps José a écrit: | - Kathy Bates goes for jugular on ‘American Horror Story’.
= L'actrice Kathy Bates frappe le film AHS en son point le plus faible.
[ Titre d'un article du NY Post - 16.10.2013 ]
to go for the jugular
- frapper au point le plus faible
- attaquer avec vice |
Je crois que l'expression est une allusion aux pratiques des vampires. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11235 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Sunday 30 Nov 14, 21:55 |
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Une nouvelle pièce versée à ce dossier, un mot découvert aujourd'hui : l'arabe هجّ huǧǧ, "joug d'un taureau". Celui-là, je doute qu'il vienne du grec !
La relation entre هجّ huǧǧ et زوج zawǧ pourrait n'être que fortuite. La métaphore du joug conjugal, si je puis dire, fonctionne aussi en sémitique, mais pas avec ce mot-là. Elle fonctionne avec la racine qrn où le sens premier du verbe est "atteler deux chameaux ensemble" et dont un dérivé signifie "compagne ou compagnon, époux ou épouse". En Arabie on a plus de chameaux que de boeufs et on ne laboure guère les sables. Ceci explique cela, et que le mot هجّ huǧǧ est probablement un emprunt au persan. D'ailleurs, au sein de la racine hǧ rien ne le rattache aux autres mots.
Je regarde du côté du persan.
Beaucoup de mots pour désigner le joug, parmi lesquels un ǧuġ ou ǧūġ qui sonne presque comme le français. Et aussi ǧuft, ou encore ǧū ou ǧūh, qui pourrait bien être l'étymon de l'arabe, et encore čuk, ou čūġ, ou waǧǧ qui serait un mot arabe, d'après Johnson, mais dont ne parlent ni Lane ni Kazimirski, du moins avec ce sens-là. Ce n'est probablement qu'une variante de plus. Et enfin yū ou yūġ.
Une petite citation pour terminer, qui expliquerait peut-être le statut de la consonne finale, apparemment instable et non radicale : « Les langues évitent d’employer comme mots normaux, autonomes, à valeur pleine, des éléments trop courts. » (Robert Gauthiot, La fin de mot en indo-européen, Paris, Paul Geuthner, 1913, chap. III, Le cas des monosyllabes, p. 66.) |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11235 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Monday 01 Dec 14, 9:19 |
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Papou JC a écrit: | Les racines arabes dites "trilittères" sont parfois des "bilittères" avec une extension. Si bien que le G sémitique pourrait bien lui aussi être une pièce rapportée ...
Je n'ai aucune preuve, bien entendu, je fais comme tout le monde, je m'étonne de ce G ... |
Eh bien, je l'ai enfin cette preuve : il existe en arabe un tout petit mot dont nous n'avons pas encore parlé, c'est زوّ zaww, "paire, couple, deux", d'où le verbe زوّى zawwā "reconduire la mariée chez son mari". À lui tout seul, ce petit mot (obsolète) nous prouve
- que زوج zawǧ ne vient pas du grec mais est bel et bien sémitique,
- qu'en sémitique comme en indo-européen la gutturale finale est un crément.
- et que tout de même, Ruhlen ou pas Ruhlen, les couples signifiant/signifié en sémitique et en indo-européen ont un sacré air de famille... Mais, bien sûr, il ne s'agit, encore une fois, que d'une pure et simple "coïncidence"...
Ah, une dernière chose : et si le grec zugon, avec son z initial, unique en indoeuropéen et qui, comme tel, semble gêner tout le monde, était d'origine sémitique ? Rajki aurait partiellement raison : il y aurait bien un lien entre le grec et l'arabe mais pas celui qu'il croit.
Je rappelle ce qu'Outis a dit plus haut : Citation: | le traitement du yod initial en grec est un tout autre problème car il donne des fois z-, des fois h- sans qu'on en sache vraiment la cause |
Je redis ici, une fois de plus, qu'il y a en grec beaucoup de mots d'origine sémitique, certains probablement phéniciens, d'autres empruntés à une langue inconnue encore plus ancienne. (Cf. Michel Masson, Du sémitique en grec, que j'ai déjà cité à plusieurs reprises.) |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11235 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Monday 01 Dec 14, 17:29 |
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On pourrait déduire de ce qui précède qu'il n'existe pas de terme arabe d'origine sémitique désignant le joug. Ce serait bien évidemment une erreur, il y a نير nīr, vieux mot d'origine akkadienne toujours bien vivant. Simplement, ce mot n'a, on le voit, aucun rapport formel avec les autres mots cités dans ce fil. |
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