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embatérienne Animateur
Inscrit le: 11 Mar 2011 Messages: 3875 Lieu: Paris
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écrit le Thursday 29 Dec 11, 15:19 |
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Dans ces deux expressions péjoratives travailler comme un sabot, jouer comme un sabot, n'y a-t-il pas plutôt un rapprochement à faire avec saboter ou son origine ?
Dernière édition par embatérienne le Thursday 29 Dec 11, 17:05; édité 1 fois |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11198 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Thursday 29 Dec 11, 16:05 |
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Le problème est que saboter semble bien être dérivé de sabot ... |
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embatérienne Animateur
Inscrit le: 11 Mar 2011 Messages: 3875 Lieu: Paris
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écrit le Thursday 29 Dec 11, 16:40 |
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Ce n'est pas un problème, c'est évident que ça vient de "sabot", mais pas forcément dans le sens du mauvais instrument de musique évoqué par Jacques. C'était le sens de mon intervention succincte. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11198 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Thursday 29 Dec 11, 17:03 |
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Je ne suis pas sûr de bien comprendre le sens de ton intervention.
Je crois que les sabots , chaussures emblématiques des paysans, généralement "tout crottés" comme ceux d'Hélène, portent sur eux toutes les connotations péjoratives généralement associées à cette classe sociale par les autres. Voir péquenot, cul-terreux et autres gentillesses du même tonneau. Il ne faut donc pas s'étonner du sens du verbe "saboter" et de la locution adverbiale "comme un sabot".
Dernière édition par Papou JC le Wednesday 22 Aug 12, 19:55; édité 2 fois |
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embatérienne Animateur
Inscrit le: 11 Mar 2011 Messages: 3875 Lieu: Paris
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écrit le Thursday 29 Dec 11, 17:16 |
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Les sabots crottés expliquent éventuellement un sens péjoratif, mais pas le sens d'agir de manière bâclée. L'évolution sémantique vers "saboter" n'est pas claire ; certains auteurs rappellent les sens anciens de "heurter", "secouer", "piétiner bruyamment" "maltraiter". En tout cas, c'est plutôt à ce sens "bâcler" de "saboter" que je rattache le sens de "travailler comme un sabot". D'ailleurs Duneton, d'après le peu que je vois en ligne, dérive l'expression "travailler comme un sabot" de "saboter". |
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giòrss
Inscrit le: 02 Aug 2007 Messages: 2778 Lieu: Barge - Piemont
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écrit le Friday 30 Dec 11, 12:27 |
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En Piémont, maintenant, le sabò est une chaussure de mauvaise qualité, grossière ou démi-ouverte.
Autrefois, le sabò était une chaussure faite d'une seule pièce de bois évidée, appellée aussi grola(pron. groula).
La sòca était une chaussure des paysans (avec semelle de bois). |
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dawance
Inscrit le: 06 Nov 2007 Messages: 1896 Lieu: Ardenne (belge)
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écrit le Friday 30 Dec 11, 16:19 |
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Un ouvrage très fouillé, même si certaines pages sont cachées: Sabots et sabotiers d'ici et d'ailleurs de Yann Krysztoforski
Photos nombreuses p121 et suivantes;
Textes avec nombreuses étymologies possibles de la p 123 à 134.
Une petite lacune de la part d'un chauviniste: il manque la mention de mon petit village ardennais habité jadis de sabotiers (et de charbonniers).
Il subsiste quelques "ateliers" de ces artisans et le nom d'une des rues du hameau: rue des Sabotiers.
La matière première: le hêtre.
Ils travaillaient essentiellement pour les ouvriers métallurgistes du bassin liégeois. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11198 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Tuesday 07 Aug 12, 14:38 |
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Dans le même champ sémantique, voir aussi le MDJ galoche. |
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yves
Inscrit le: 07 Aug 2007 Messages: 397 Lieu: Nevers
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écrit le Tuesday 07 Aug 12, 17:14 |
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giòrss a écrit: | Autrefois, le sabò était une chaussure faite d'une seule pièce de bois évidée, appellée aussi grola(pron. groula). |
En français (familier), on parle de "grolles" pour des chaussures. |
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Andrew
Inscrit le: 14 Aug 2012 Messages: 139 Lieu: Isère rhodanienne
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écrit le Tuesday 14 Aug 12, 11:48 |
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Il existe dans la panoplie des outillages ferroviaires le "sabot d'enrayeur."
Il s'agit d'une pièce métallique oblongue, présentant à l'avant une languette suivie d'une platine, servant à caler les wagons lors des opérations de débranchement.
On n'utilise plus beaucoup cet accessoire dans les gares de triage, les enrayeurs ayant été remplacés par des rails-freins automatiques.
Dans le jargon des cheminots on disait "enrayer" ou "caler" plutôt que "saboter" ce qui eut consisté à saboter le travail, provoquer un accostage violent et détruire la marchandise transportée...
"Saboter" signifierait donc "caler, empêcher le roulement, le fonctionnement d'un système complexe par la simple interposition d'une pièce de calage." Comme par exemple un sabot de bois.
Faire un croche-pattes.
Mettre un grain de sable dans l'horlogerie.
Plus subtil, il a existé des sabots de braconnier qui étaient façonnés à l'envers, le talon devant et la pointe derrière.
Aimable facétie ou gadget avant la date ? Comme par exemple la vis à deux têtes... Toujours est-il que les gendarmes devaient se trouver bien quinauds, suivant à l'envers la trace du voleur de poules...
"Saboter" se rattache à notre récente histoire et au célèbre message "les violons de l'automne..." diffusé pour partie les 4 et 5 juin 1944 par la BBC.
Beaucoup prennent là pour acquis l'annonce du débarquement.
Il n'en est rien.
En réalité, ce message s'adressait aux Groupes Action de la Résistance Intérieure, leur enjoignant de mettre en œuvre le "plan vert" qui consistait à couper toutes les voies de communication, empêcher par tous les moyens les déplacements des armées occupantes.
"Ohé saboteur, prends bien garde à ton fardeau..."
Les cheminots saboteurs s'en sont donné à cœur-joie... |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11198 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Tuesday 11 Jun 13, 13:54 |
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À la lumière de ce que nous avons appris dans le mot du jour sambucus sur l'insertion d'une nasale m ou n avant un b, je voudrais aujourd’hui envisager une autre piste pour l’origine de sabot.
Ce mot, on le sait, a le sens bien connu de « chaussure de paysan » mais il a aussi, on a tendance à l’oublier, celui d’ongle de quadrupède (équidés, cervidés, etc.) Quel sens a précédé l’autre ? Il est bien difficile de le savoir mais il est raisonnable de penser que le sens zoologique a précédé celui de chaussure, qui doit découler du premier par métaphore. C’est en tout cas mon opinion.
Or il se trouve que le sabot des quadrupèdes se dit en persan sumb, lequel est devenu سنبك sumbuk en arabe. (On remarquera que, devant b, le n écrit se prononce /m/).
Ce même mot a, à son tour, pris le sens de “barque” avec des graphies diverses où le deuxième u peut être long et le k devenir q. Mais c'est toujours le même objet qui est ainsi désigné.
Un tel glissement de sens d’une chaussure - ou d'une partie du pied de l'animal qui s'y apparente - à une embarcation est chose fréquente dans diverses langues. Peut-être en rencontrerons-nous un jour d’autres cas. Sans aller plus loin, c’est déjà le cas de sabot, comme on peut le lire dans le TLF :
D. − P. métaph., fam.
1. Mauvais bateau. Il a fallu monter dans le sabot, quitter la France, et mettre la mer entre moi et M. Rodolphe (SUE,Myst. Paris, t. 8, 1843, p. 258). Escartefigue, envieux : Je trouve tout de même un peu fort qu'on fasse un discours pour ce bateau et jamais pour les autres. César : Tu voudrais peut-être une cérémonie à chaque voyage de ton sabot ? (PAGNOL,Marius, 1931, IV, 1, p. 206).
Je ne m’avancerai pas au point de déduire une quelconque parenté entre notre sabot et l’arabe sumbuk. Je tenais néanmoins à verser au dossier cette pièce orientale.
Dernière édition par Papou JC le Wednesday 12 Jun 13, 4:29; édité 1 fois |
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embatérienne Animateur
Inscrit le: 11 Mar 2011 Messages: 3875 Lieu: Paris
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écrit le Tuesday 11 Jun 13, 15:25 |
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Comment concilier ces hypothèses avec le fait que le sens le plus ancien de sabot soit plutôt "toupie" ?
Il peut s'agir bien sûr de mots différents, mais ce n'est généralement comme cela que les choses sont présentées par les étymologistes. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11198 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Tuesday 11 Jun 13, 16:47 |
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Explique-nous d'abord le passage sémantique de la toupie à la chaussure. Ou à l'ongle du cheval. |
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embatérienne Animateur
Inscrit le: 11 Mar 2011 Messages: 3875 Lieu: Paris
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écrit le Tuesday 11 Jun 13, 17:41 |
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Je crois que tu en sauras plus en lisant Guiraud. Je suis à mon bureau et ne l'ai pas sous les yeux. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11198 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Tuesday 11 Jun 13, 20:59 |
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Si je suis souvent d'accord avec Guiraud, je ne le suis pas du tout en ce qui concerne sabot et savate. On a vu ailleurs d'où vient savate, indiscutablement. Sur sabot, je ne sais pas encore grand chose, mais je ne suis pas du tout convaincu d'un rapport quelconque entre un sabot et une toupie, au prétexte que les deux objets ressembleraient à un crapeau et que la bave de ce dernier aurait quelque chose à voir avec la sève des arbres !
Heureusement pour Guiraud, il a dit ailleurs des choses plus intelligentes et plus intéressantes, que je n'ai pas manqué de relever, comme on l'aura probablement noté.
Guiraud, comme à peu près tout le monde, y compris dans ce fil, fait l'impasse totale sur le sens zoologique de sabot, alors qu'il me semble fondamental. On voit bien que le cheval a été rayé de notre vie et de notre vision, lui qui était omniprésent dans celles de nos ancêtres, il n'y pas si longtemps.
Le sabot d'enrayeur (appelé sabot d'arrêt dans le TLF) dont Andrew nous parle si bien plus haut, tient d'ailleurs plus, à mon avis, du sabot de cheval que de celui du paysan. C'est ainsi, me semble-t-il, qu'on voit les choses dans le TLF lui-même, qui fait dériver, "par analogie de forme, de fonction", les sens techniques (C) du sabot de son sens zoologique (B), et non du sens de chaussure (A).
Mais soyons justes avec Guiraud, qui a l'honnêteté d'avouer ceci (Dictionnaire des étymologies obscures, p. 479) :
Des mots comme sabot, saboter, sabouler, sabord, savate, saper posent des problèmes difficiles qui ont donné lieu à de nombreuses conjectures dont aucune n'est pleinement satisfaisante. Disons, tout de suite, que celle qui est envisagée ici ne vaut guère mieux, mais que dans la perspective "structurale" qui est celle du présent ouvrage, nous nous devions de l'examiner.
Tout est dit.
Revenons donc au sabot du cheval.
1. Un coup d'oeil à Calvert Watkins m'apprend ceci :
- Le mot qui désigne en anglais cette partie du pied de l'animal, à savoir hoof, serait issu d'une racine indoeuropéenne *kop-, "battre, frapper".
- Le k indoeuropéen se réalise par h en germanique, par s en avestique, langue mère du persan.
2. Un coup d'oeil à Pokorny (racine *kapho- nº 530, donnée par Watkins) m'apprend ceci : le sabot du cheval se dit safa en avestique.
3. Je me tourne vers Ali Nourai (p. 211) : ce safa avestique est bien l'ancêtre du pehlvi sumb, réduit à som en persan. Et tous ces mots sont bien apparentés à l'anglais hoof.
Je crois que c'est le maximum de ce que je peux dire pour le moment sur les dénominations indoeuropéennes de cette partie du pied du noble animal.
Quant au sabot chaussure, je suis de plus en plus persuadé qu'il découle métaphoriquement du précédent, tout en ayant peut-être subi l'influence de la voyageuse savate. |
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