Projet Babel forum Babel
Contact - Règles du forum - Index du projet - Babéliens
INSCRIPTION - Connexion - Profil - Messages personnels
Clavier - Dictionnaires

Dictionnaire Babel

recherche sur le forum
Évolution linguistique - Langues d'ici & d'ailleurs - Forum Babel
Évolution linguistique

Créer un nouveau sujet Répondre au sujet Forum Babel Index -> Langues d'ici & d'ailleurs
Voir le sujet précédent :: Voir le sujet suivant
Auteur Message
Charles
Animateur


Inscrit le: 14 Nov 2004
Messages: 2522
Lieu: Düſſeldorf

Messageécrit le Friday 26 Jan 07, 0:40 Répondre en citant ce message   

Je suis en train de lire un livre récent et intéressant sur le rhénan. Inutile de chercher le rhénan sur une carte des dialectes allemands, il n'y est pas. Il s'agit de la langue parlée de façon informelle entre le nord de l'Eifel, la Ruhr et le bas-Rhin allemand (Niederrhein).
Son apparition est intéressante car il marque une transition entre l'époque d'avant guerre, quand les gens parlaient en employant les dialectes ripuaires et bas-allemands (Kölsch et différents Platt) et n'avaient qu'une connaissance partielle de l'allemand standard (Hochdeutsch, appris à l'école comme une langue presque étrangère). Même quand ils souhaitaient parler "comme dans les livres" les gens recouraient à des tournures copiées sur le dialecte.
Le dialecte étant aussi une marque sociale (les classes aisées parlant Hochdeutsch, le peuple en dialecte), les gens ont tenté de favoriser l'évolution de leurs enfants en leur parlant en allemand standard, du mieux qu'ils pouvaient (= déconnexion du dialecte pur, Adenauer étant un locuteur représentatif).
Maintenant, avec deux générations plus ou moins coupées du dialecte on arrive à une nouvelle langue régionale reposant sur l'allemand standard mais reproduisant une partie des éléments du dialecte (les plus courants, communs à toute la région).

Cette mutation de dialectes vers un régiolecte reposant sur la langue standard se retrouve-t-il ailleurs ?
Voir le profil du Babélien Envoyer un message personnel
Nikura



Inscrit le: 08 Nov 2005
Messages: 2035
Lieu: Barcino / Brigantio

Messageécrit le Friday 26 Jan 07, 1:47 Répondre en citant ce message   

Oui. Je pense que c'est le cas dans de pas mal de langues.

Je crois que le catalan tend largement à cela.

L'italien a très certainement dû subir quelque chose dans le genre mais ça a dû se produire majoritairement entre l'unification et la seconde guerre.

Il me vient aussi à l'esprit le cas du franpitan ou du francitan, mélanges franco-arpitan et franco-occitan. N'est-ce pas quelque chose dans le genre? Quoique dans ce cas, il y a plutôt retour au dialecte à partir du français... C'est un peu l'inverse.

Le cas du marseillais me rappelle un peu ceci. Une langue l'occitan. Le français vient se greffer dessus et s'impose. L'occitan a néanmoins laissé un fort accent, une ribambelle de mots et d'expressions, et moult trait typique de ce parler local. Je prends l'exemple du marseillais parce que cet accent est l'un des plus marqué de France mais il y aurait bien d'autres cas.

Je présume que les Alsaciens parlent le Hochdeutsch à leur façon, et font que dans le fond ce soit du Elsassischhochdeutsch et pas du pur Hochdeutsch... Je sais pas si je m'exprime bien. Je vois la même chose avec les catalans qui parlent espagnol à leur façon. Et n'importe quel habitant de la Péninsule saura tout de suite que celui-ci est catalan à sa façon de parler. Mais après comme je le disais, cela se passe aussi de façon interne au catalan... Je vais réfléchir à des exemples.

En tout cas, ce genre de néo-dialecte est tout à fait représentatif de l'effet de substrat. Une langue vient se superposer sur une autre. La dernière se fond dans la première en lui laissant des traces nettes... Ce genre de chose ne cesse de se produire, mais il y a toute sorte de cas de figure.
Voir le profil du Babélien Envoyer un message personnel
ElieDeLeuze



Inscrit le: 14 Jun 2006
Messages: 1622
Lieu: Allemagne

Messageécrit le Friday 26 Jan 07, 2:19 Répondre en citant ce message   

Ce qui se passe pour le Rhénan se passe aussi dans les autres régions d'Allemagne. Les anciens découpages dialectaux ne sont plus actuels. Le régiolecte du nord, par exemple, reprend la phonologie du bas-allemand avec les mots du haut-allemand, les expressions sont plus ou moins conservée, et ce phénomène de contamination par le hochdeutsch est assez ancien. A Hambourg, la bourgeoisie parle le Mischingsch (mélange hochdeutsch et platt) depuis plusieurs siècles, alors que le peuple conservait l'usage du bas-allemand.
Idem dans les régions saxons et thuringiennes, qui ont un drôle de haut-allemand saxonisé, ou même les Palatins qui ont un régiolefcte "du Rhin supérieur". Même les Bavarois citadins ne parlent plus comme les cieux paysans, et le lexique c'est beaucoup standardisé en s'allignant sur le haut-allemand de l'école et des médias. Ont peut ainsi distinguer les grands ensembles sociolectaux suivants en Allemagne:
- Bavaro-franconien.
- Souabo-badois
- Rhénan supérieur
- Rhénan inférieur
- Francien central
- Thuringo-saxon
- allemand du nord
Il faut rajouter que Berlin est un cas particulier, car mélangeant l'allemand du nord et le Thuringo-saxon.
Voir le profil du Babélien Envoyer un message personnel
Jean-Charles



Inscrit le: 15 Mar 2005
Messages: 3124
Lieu: Helvétie

Messageécrit le Friday 26 Jan 07, 3:07 Répondre en citant ce message   

Sur le fond, il y a une similitude entre franpitan et le phénomène rhénan, mais c'est la chronologie du processus qui diffère, et, dans une certaine mesure, le point de vue.

Le franpitan est l'arpitan actuel qui a pris les formes extérieures du français véhiculaire, à tel point qu'on pourrait le prendre pour du français régional.

Le vocabulaire s'est transmis, mais la prononciation de ce vocabulaire s'est francisée. Le phénomène s'est développé très lentement, car les locuteurs du patois (la forme traditionnelle) ont adopté les formes du français standard. Le phénomène a été rendu possible de par le fait que la zone arpitane est le cordon ombilical qui relie les langues d'oïl au latin.

On peut pérorer longtemps au sujet des diférentes strates qui composent l'arpitan actuel et pourquoi ce parler est si homogène sans centralisation, et presque sans existence officielle.

Par contre, si le continuum linguistique entre le haut et le bas de la vallée du Rhin a été rompu, ce n'a pas été le cas à l'Ouest des Alpes. Après l'invasion alémanique et l'arrivée des Valser, les échanges par voie terrestre sur l'axe Rome-Paris-Londres ont continué via les cols du Nord-Ouest des Alpes.

Du fait que les principales voies commerciales entre la zone d'oïl et l'Italie passaient par les plaines arpitanes, on y a pratiquement tout le temps utilisé la langue véhiculaire du Nord-Ouest, qui se trouve être devenue le français.

Le résultat est qu'on se retrouve pratiquement avec trois langues en parallèle: Le français véhiculaire, le franpitan (l'arpitan compatible avec la la langue véhiculaire) et l'arpitan traditionnel.

En résumé:
- Le franpitan n'est pas le résultat d'un va-et-vient entre français et arpitan: C'est un phénomène plus que millénaire. Et c'est une évolution de l'arpitan, pas une évolution du français.
- La langue véhiculaire, le français véhiculaire, n'a pas été imposée, mais choisie (sauf là où la France s'en est mélé, mais c'est un autre débat).
- La prise de conscience des points communs aux différents endroits de la zone arpitane (que certains nomment Arpitanie) est relativement récente et n'a pas grand chose à voir avec les mouvements de retour aux sources. On ne redécouvre pas: On découvre.
Voir le profil du Babélien Envoyer un message personnel
Jean-Charles



Inscrit le: 15 Mar 2005
Messages: 3124
Lieu: Helvétie

Messageécrit le Friday 26 Jan 07, 3:19 Répondre en citant ce message   

J'ai mis pas mal de temps à écrire ce qui précède. Ce que je conclus de ce qu'écrit ElieDeLeuze est que que ce qu'il constate est, dans une certaine mesure, semblable à ce qui s'est produit avec le franpitan: La langue traditionnelle s'est modifiée, mais existe encore. Elle a pris certains aspects extérieures de l'allemand écrit, mais n'est pas pour autant devenue une variante régionale dudit allemand écrit.

La principale différence est peut-être que, dans les Allemagnes, on avait plus de langues. De ce fait, on a plus de langues du type franpitan.
Voir le profil du Babélien Envoyer un message personnel
Nikura



Inscrit le: 08 Nov 2005
Messages: 2035
Lieu: Barcino / Brigantio

Messageécrit le Friday 26 Jan 07, 3:58 Répondre en citant ce message   

L'arpitan était tout de même fort dialectalisé. En Savoie en tout cas, mais après de longues études de l'ALJA (Atlas Linguistique du Jura et des Alpes du Nord), j'ai pu constater également une forte dialectalisation en Bresse et en Suisse Romande.
Le Val d'Aoste, le Bas Dauphiné semblent relativement homogènes par contre.

Je sais qu'en Maurienne, les habitants de deux villages voisins avaient souvent du mal à se comprendre, voir si le village était isolé, ils ne se comprenaient pas.

Cela a pu aussi favoriser une "standardisation" de l'arpitan faite à partir du français, car l'Arpitanie était en situation de diglossie: variété haute et écrite, français et variété basse, arpitan.
Voir le profil du Babélien Envoyer un message personnel
Skipp



Inscrit le: 01 Dec 2006
Messages: 739
Lieu: Durocortorum

Messageécrit le Friday 26 Jan 07, 11:08 Répondre en citant ce message   

Je pense qu'en Champagne nous avons eû la même chose... Nous avons des tournures de phrases, des expressions, certains mots spécifiques, mais au nord de la Marne je ne connais absolument personne qui saurait encore parler l'ancien patois local.
Voir le profil du Babélien Envoyer un message personnel
Maisse Arsouye



Inscrit le: 10 Nov 2004
Messages: 2037
Lieu: Djiblou, Waloneye

Messageécrit le Friday 26 Jan 07, 11:23 Répondre en citant ce message   

Le phénomène existe aussi en Wallonie. On appelle ce régiolecte "français de Wallonie". Il y a toute une série de tournures typiques utilisées en français. Certaines sont communes avec Bruxelles ou la Picardie, mais la plupart sont propres à la Wallonie car héritées du wallon (d'où d'ailleurs mon agacement face à l'utilisation intempestive du terme belgicisme qui tend à cacher la réalité).
Voir le profil du Babélien Envoyer un message personnel
Charles
Animateur


Inscrit le: 14 Nov 2004
Messages: 2522
Lieu: Düſſeldorf

Messageécrit le Friday 26 Jan 07, 12:25 Répondre en citant ce message   

Pour le rhénan on peut distinguer deux aires dans la zone indiquée : la partie ripuaire (du sud et jusqu'à Cologne) et la partie bas-rhénane (Düsseldorf et plus au nord).
Dans le sud et particulièrement à Cologne l'influence du dialecte est plus forte, au nord il a pratiquement disparu et est remplacé par le régiolecte.

Des exemples de termes en dialecte, rhénan, Hochdeutsch :

Rester : blieve, bleibe, bleiben
dit : jesaakt, jesacht, gesagt

On voit bien l'influence du dialecte et de l'allemand standard sur le rhénan.

Désormais seule une minorité est capable de s'exprimer dans le dialecte, la majorité est bilingue rhénan-hochdeutsch et les allogènes (comme moi) se cantonnent au Hochdeutsch avec quelques emprunts au rhénan de temps en temps.
Voir le profil du Babélien Envoyer un message personnel
Maisse Arsouye



Inscrit le: 10 Nov 2004
Messages: 2037
Lieu: Djiblou, Waloneye

Messageécrit le Friday 26 Jan 07, 12:35 Répondre en citant ce message   

Quelques précisions pour le français de Wallonie.

La prononciation est "wallonisée", c'est à dire que de nombreux mots français sont prononcés comme si c'était du wallon, par exemple en nasalisant à outrance, en assourdissant les consonnes finales ou en simplifiant les combinaisons consonnantiques finales.
rouge -> rouche
merde -> merte
fontaine -> fontin-ne
aigle -> aike
tigre -> tîke
socialiste -> socialisse

Certains mots wallons restent à la place de mots français. Parfois le mot français adopte le sens d'un faux-ami wallon. Il arrive aussi que le mot existe déjà en français mais soit désuet, et soit donc "ressuscité" par l'influence du wallon.
espiègle -> arsouille
tasse -> jate

Il y a aussi une influence grammaticale qu'on retrouve dans un usage incorrect du conditionnel ou du subjonctif ou dans l'utilisation de formules infinitives.
si j'avais su -> si j'aurais su
pour que je parte -> pour moi partir


On voit bien que ça reste du français, mais influencé par la langue régionale.
Voir le profil du Babélien Envoyer un message personnel
Montrer les messages depuis:   
Créer un nouveau sujet Répondre au sujet Forum Babel Index -> Langues d'ici & d'ailleurs
Page 1 sur 1









phpBB (c) 2001-2008