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Concepts spatiaux - Langues d'ici & d'ailleurs - Forum Babel
Concepts spatiaux
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Alceste



Inscrit le: 27 May 2006
Messages: 196

Messageécrit le Wednesday 26 Jul 06, 15:43 Répondre en citant ce message   

Je reposte ici une contribution que j'ai déjà postée sur le forum du Kotava, car apparemment, un simple lien ne suffit pas, il faut fournir son nom d'utilisateur et son mot de passe. Comme j'aborde le domaine maudit de la cognition, qui me vaut généralement des volées de pierres, je poste dans le Café Babel puisqu'il est annoncé "convivial". Qu'y a-t-il de plus convivial que de discuter cognition autour d'un bon café ? Il va sans dire que des retours argumentés m'intéresseraient...

1. Définition du périmètre de l’étude

L’étude comporte deux parties :
- la localisation statique (paragraphes 3 à 6)
- le mouvement (localisation dynamique, paragraphe 7)

Sont considérés comme hors périmètre les concepts suivants :
- la quantification (mesure) : distances, angles…
- la précision (exactement à un endroit…)
- les comparatifs et superlatifs (plus loin que, le plus haut…)
- les notions proprement physiques (posé sur, caché derrière, traversant par force…)
- les concepts sociaux (chez…)

2. Postulats de base

a. une localisation est relative à quelque chose (un référent)

b. l’espace est conçu comme étant en 3 dimensions, même s’il est possible de raisonner sur 1 ou 2 dimensions seulement

c. la 3ème dimension (haut / bas) est conçue instinctivement de manière spécifique parce que notre environnement géo-physique nous le suggère

d. les directions significatives, quels que soient l’axe ou la combinaison d’axes considérés, sont basées sur les angles remarquables suivants :
- 0° (ex : face à)
- 90° (ex : zénith, par rapport à la surface de référence)
- 180 ° (dans la direction opposée à, derrière)
- 45° et ses multiples (ex : nord-est, sud-ouest ; à l’avant droit…). Les orientations de type « nord-nord-est » sont moins significatives.
- éventuellement 120° (division de l’espace en 3 aires)

e. les concepts étudiés ici doivent s’entendre comme relevant de « la conception que le locuteur se fait du monde » et non pas de « la réalité du monde ».

f. une langue peut toujours exprimer une localisation de manière imprécise et/ou partiellement implicite, toutefois une langue logique devrait être en mesure d’exprimer précisément les concepts étudiés ici lorsque nécessaire

3. Différenciation, discret / continu, unité / multiplicité

a. Un objet abstrait x peut être considéré comme spatialement confondu avec un objet y, ou spatialement différencié.

b. Un objet x peut être considéré comme une entité spatiale discrète (localisation délimitée), ou comme un continuum (localisation diffuse)

c. Une localisation statique peut être considérée comme : unique (à un endroit donné par rapport au référent) ; multiple (à plusieurs endroits) ; globale (partout) ; inexistante (nulle part).

4. Notion de distance relative centrifuge

Par rapport à un référent R, la localisation d’un objet x peut être positionnée sur un axe centrifuge (partant du centre de R).
x peut être considéré comme :
- au centre de R
- à l’intérieur de R [cas particulier : confondu avec R]
- proche de la limite interne de R
- contigu à la limite interne de R
- à la limite de R (seuil)
- contigu à la limite externe de R
- extérieurement proche de R
- à distance externe modérée de R
- extérieurement loin de R
- infiniment loin de R

[la suite arrive...]
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Alceste



Inscrit le: 27 May 2006
Messages: 196

Messageécrit le Wednesday 26 Jul 06, 15:44 Répondre en citant ce message   

5. Types d’orientations envisageables

L’orientation d’un objet x peut se concevoir comme :

a. intrinsèque à x, de par sa configuration propre (ex : une voiture a un avant, un côté droit, un haut…, et ces caractéristiques ne changent pas même si la voiture est renversée)

b. intrinsèque de fait (pour la 3ème dimension), parce que x est considéré comme fixe et solidaire du référent (une montagne, un arbre, une maison…). Dans ce cas, le « haut » intrinsèque de x se confond avec le « haut » du référent.

c. relative à un observateur et/ou un repère. Il s’agit d’une localisation conventionnelle et variable. Ex : dans la direction de, en-deça de, derrière l’observateur, derrière le repère, à droite du repère pour l’observateur…

d. relative à un système de coordonnées, géométrique (axes x, y, z), géospatial (points cardinaux)... Il s’agit de conventions générales partagées.

e. définie par la position relative de x par rapport à un objet référent y (configurations remarquables) :
- parallèle / sécant / adjacent / tangent / dissocié / bout à bout
- en V / en Y…
- formant un angle droit (en + / en T / en L…)
- formant 3 angles à 120° (en triskell)

f. dépendante d’une configuration topologique remarquable (ex : droite / plan / volume, objet plein / creux, ouvert / fermé, à une ou plusieurs ouvertures [tubulaire…], parallélépipédique / pyramidal / conique, annulaire…) [complément d’étude à prévoir]

Remarque : toutes les orientations de type symétrique (en bas / en haut, devant / derrière, à droite / à gauche…) peuvent toujours se voir affecter une valeur duale :
- soit liée par ET (à droite ET à gauche de)
- soit liée par OU inclusif (à un bout OU à l’autre, ou les deux)
- soit liée par OU exclusif (en haut OU en bas, mais pas les deux)
Il n’est pas sûr que cette notion doive être incorporée dans les concepts spatiaux, sauf peut-être dans le cas du ET (ex : des deux côtés de) ?

Remarque : une orientation peut être définie par un concept intrinsèque combiné à un repère, sans intervention du concept d’observateur. Ex : le café est en face de la prison.

6. Notion de lieu enclos

Ce concept constitue une abstraction de lieux physiques tels que : un enclos à bestiaux, un abri, une maison ; une voiture ; un meuble ; le ventre maternel… (c’est donc une configuration topologique remarquable).

Un tel lieu a la particularité d’être relié à l’extérieur par (au moins) une ouverture, un point de passage. Il ne s’agit donc pas d’un lieu hermétiquement fermé.

Outre les concepts d’intérieur / extérieur, il implique aussi des concepts tels que :
- à l’entrée, au seuil
- (éventuellement) à la sortie (si distincte)
- au fond de, dans le sens de « à l’endroit le plus éloigné / le plus inaccessible par rapport à l’entrée »

7. Mouvement
La notion de mouvement se plaque par-dessus les concepts spatiaux statiques. Elle implique en effet la notion supplémentaire de temps, absente des précédents.

On peut concevoir les orientations générales suivantes pour les mouvements, à partir d’un référent R :
- en direction de R (ex : aller à Paris)
- en provenance de R (venir de Paris)
- en passant par, en traversant R (traverser Paris)
- mouvement interne à R (circuler dans Paris)
- mouvement périphérique à R (circuler autour de Paris)
- mouvement externe à R (circuler hors de Paris)
- mouvement tangent à R (longer Paris)
- (autres ?)

Tout mouvement peut être considéré comme :
- orienté, dirigé, +/- « en ligne droite »
- aléatoire, erratique

Tout mouvement peut être considéré comme :
- linéaire (d’une origine vers une destination unique)
- cyclique (passage répété par les mêmes points)

Un mouvement circulaire peut être défini comme :
- s’effectuant dans le sens des aiguilles d’une montre
- s’effectuant dans le sens inverse

Tout mouvement peut être précisé au moyen de concepts aspectuels, comme n’importe quel concept d’action :
- inchoatif
- ingressif
- progressif
- terminatif
- duratif
- intermittent
- répétitif…

8. Note additive

A priori, l’ensemble des concepts spatiaux statiques pouvant s’appliquer dans le cadre d’une dimension unique (univers à 1 dimension, genre ligne, fil…) devrait pouvoir être recyclé dans le domaine temporel, et peut-être d’autres encore (causal ?...) Il s’agit des mêmes concepts abstraits, seul le domaine d’application diffère.
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Jean-Charles



Inscrit le: 15 Mar 2005
Messages: 3124
Lieu: Helvétie

Messageécrit le Wednesday 26 Jul 06, 19:10 Répondre en citant ce message   

Je crois que ta question n'est pas assez ciblée. ça manque peut-être de dessins.

Ce n'est pas facile de tout se représenter en trois dimensions (ou plus) roulement des yeux
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Alceste



Inscrit le: 27 May 2006
Messages: 196

Messageécrit le Wednesday 26 Jul 06, 20:57 Répondre en citant ce message   

J'avais d'abord réalisé une présentation PowerPoint. Si ça t'intéresse, je peux te l'envoyer, envoie-moi un message perso pour dire à quelle adresse.
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Leo



Inscrit le: 23 Jul 2006
Messages: 137

Messageécrit le Thursday 27 Jul 06, 0:14 Répondre en citant ce message   

Il serait intéressant de comparer comment les langues expriment ces concepts, chacune faisant son propre découpage au travers des mots, et plus encore par les constructions verbe + préposition ou verbe + adverbe.

Quant aux métaphores temporelles et abstraites tirées des expressions spatiales, elles sont foison mais varient énormément selon les langues. Le parallèle devant-avant (fore-before) et derrière-après (aft-after) n'est qu'une des méthodes possibles. Pareil pour l'utilisation de out (dehors) et up (en haut) en anglais exprimant qu'une action est complète (sold out: épuisé (stock), die out: s'éteindre (espèce)) ou on (dessus) pour la continuation (go on: continuer, read on: continuer la lecture, hold on: attendre, rester en ligne)...
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Alceste



Inscrit le: 27 May 2006
Messages: 196

Messageécrit le Thursday 27 Jul 06, 8:10 Répondre en citant ce message   

Oui, mais dans un premier temps je pense qu'il faudrait commencer par vérifier que la totalité des concepts spatiaux qui se peuvent se manifester dans telle ou telle langue ont bien été pris en compte dans ma proposition, d'une façon ou d'une autre (vérifier l'exhaustivité). Ensuite on pourrait s'attacher aux détails d'implémentation effective de ces concepts dans telle ou telle langue.

A vrai dire, je pense avoir recensé plus de concepts que ceux qui se manifestent réellement, mais je ne connais pas toutes les langues non plus. J'ai vérifié en tout cas que l'intégralité des notions qui ressortent des 47 prépositions du Kotava (ce qui est déjà pas mal) était pris en compte, en précisant celles que j'écartais car à la périphérie, comme "chez", qui n'est pas purement spatial, mais spatial + social.

Si on peut considérer que le recensement est à peu près exhaustif, alors on peut vérifier de plus près les articulations que je propose entre ces concepts. Par exemple, j'ai inclus la notion fondamentale de "contigu" dans l'axe de la distance centrifuge, autrement dit j'ai fusionné les concepts de "distance" et de "contigüité"; d'autres feraient peut-être autrement.

Par ailleurs, j'ai tendance à penser avec Bernard Pottier (Sémantique générale, PUF) qu'il n'y a pas vraiment de "métaphores temporelles et abstraites tirées des expressions spatiales", il y a des concepts généraux (des noèmes) qui s'incarnent dans les domaines spatial, temporel et notionnel. Il se trouve juste que le domaine spatial est le plus facile à "visualiser" (le plus concret en quelque sorte). Par exemple en français "dans" a une signification:
- spatiale in "dans la maison"
- temporelle in "dans la matinée"
- notionnelle in "dans l'embarras".

Il y aurait donc un concept abstrait "dans" qui transcenderait ces différents domaines, un noème.

NB. Je rectifie un point. Plutôt que d'essayer de vérifier l'exhaustivité des concepts en allant vérifier dans la totalité des langues vivantes et mortes, il vaudrait mieux noter les principaux concepts qui se manifestent dans, disons une douzaine de langues caractéristiques (de familles différentes), et ensuite essayer, par introspection ou par brain-storming, d'imaginer des concepts significatifs complémentaires, qui ne figureraient pas dans la liste. Tout est question de méthodologie.
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Leo



Inscrit le: 23 Jul 2006
Messages: 137

Messageécrit le Thursday 27 Jul 06, 8:56 Répondre en citant ce message   

Les listes que tu donnes sont-elles des listes de noèmes? Les concepts sont-ils des combinaisons de noèmes dans le système de B. Pottier? Quand je dis "métaphore" j'entends le recyclage d'un mot dont on arrache une partie de ses sous-entendus (noèmes?) pour lui en coller d'autres. Le mot désigne alors plusieurs concepts, entre lesquels seul le contexte permet de choisir. Est-on sur la même longueur d'onde? Si non, peux-tu nous en dire plus?
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sab



Inscrit le: 07 Oct 2005
Messages: 466
Lieu: Polynésie / France

Messageécrit le Thursday 27 Jul 06, 10:41 Répondre en citant ce message   

Alceste a écrit:
...J'ai vérifié en tout cas que l'intégralité des notions qui ressortent des 47 prépositions du Kotava (ce qui est déjà pas mal) était pris en compte, en précisant celles que j'écartais car à la périphérie, comme "chez", qui n'est pas purement spatial, mais spatial + social.

En Kotava, chaque préposition locative comporte en réalité 4 formes :
- le lieu où l'on va (mouvement) : forme 1. Ex. ko (à, dans)
- le lieu où l'on est (fixe) : forme 2. Finale -e. koe (dans, en, à)
- le lieu d'où l'on vient (mouvement) : forme 3. Finale -u. kou (de, depuis)
- le lieu où l'on passe (mouvement) : forme 4. Finale -o. koo (par)

Donc, en réalité 188 variantes différentes possibles (47 x 4) au titre des prépositions locatives. Si avec tout çà on ne trouve pas son bonheur...!

Citation:
...il y a des concepts généraux (des noèmes) qui s'incarnent dans les domaines spatial, temporel et notionnel. Il se trouve juste que le domaine spatial est le plus facile à "visualiser" (le plus concret en quelque sorte)....

Toujours en Kotava, la plupart des prépositions temporelles sont "dérivées" des prépositions locatives (avec une finale caractéristique en -i) :
rem (à travers) --> remi (pendant)
radim (après, plus loin que) --> radimi (après, temp.)
mon (aux environs de, lieu) --> moni (aux environs de, temp.)
ist (au milieu de) --> isti (à la mi-...)
idée !
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Alceste



Inscrit le: 27 May 2006
Messages: 196

Messageécrit le Thursday 27 Jul 06, 12:45 Répondre en citant ce message   

Leo a écrit:
Les listes que tu donnes sont-elles des listes de noèmes?


D'après moi, des concepts tels que:
- la différenciation # l'indifférenciation
- l'unicité # la multiplicité
- la distance, la contigüité...
- l'ordre (le séquencement)

etc, sont des noèmes, qui peuvent s'incarner dans les domaines spatial, temporel et notionnel. Par exemple je peux dire que deux objets sont contigus (se touchent), mais aussi que deux instants se succèdent immédiatement (ils sont considérés comme contigus dans le temps). Idem pour deux lieux / moments / notions confondus.

De même, si j'imagine une ligne spatiale Paris - Strasbourg - Berlin, je vois bien que ces deux objets se succèdent dans un ordre donné, de même qu'aujourd'hui, après-demain et le 1er janvier prochain se succèdent dans un ordre donné (et que: les agissements de technocrates incompétents ont provoqué l'explosion de Tchernobyl qui a entraîné la multiplication des cancers et malformations dans cette région, et non pas l'inverse).

sab a écrit:
Si avec tout çà on ne trouve pas son bonheur...!


Justement, j'ai des réclamations à formuler ! mort de rire

1/ le Kotava ne donne que 4 formes pour chaque préposition locative, or il en faudrait davantage. Où se trouve par exemple le mouvement interne (le lieu à l'intérieur duquel on se déplace) ?

2/ il me paraît illogique de prendre comme base "le lieu où l'on va", et d'en dériver "le lieu où l'on est". C'est "le lieu où l'on est" (notion statique) qui devrait servir de base à toutes les notions dynamiques.

3/ comme dit, je ne pense pas que les formes des notions temporelles doivent être dérivées des notions spatiales. J'envisagerais plutôt des formes correspondantes aux noèmes (plus abstraits), et différentes dérivations spatiales, temporelles et notionnelles. Par exemple (supposons):
rem = noème général "à travers"
rema = "à travers" (spatial)
remi = "pendant" (temporel)
etc.
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Leo



Inscrit le: 23 Jul 2006
Messages: 137

Messageécrit le Thursday 27 Jul 06, 13:51 Répondre en citant ce message   

La notion du noème qui s'incarne dans différents concepts me paraît un peu platonicienne, et ne prend pas en compte l'évolution des idées, chez l'enfant, et chez l'espèce.

L'expression "Albert est arrivé avant moi" vient historiquement de la notion qu'Albert est devant moi sur la route, non? Et les mots temporels ne sont pas très alignés sur les spatiaux. "Dans le mois" signifie "avant la fin du mois" tandis que "dans un mois" signifie "après qu'un mois ait passé", et ces mots ont probablement subi des changements de sens et d'usage assez conséquents au cours de l'histoire.

Je comprends ce que tu veux dire par noèmes, et je pense que c'est une réalité de la cognition, mais la façon dont ils sont liés aux mots est très probablement extrêmement tordue. Le langage a sa vie propre qui se sépare pas mal du reste de l'esprit.

Je veux dire par là qu'il existe à mon sens des métaphores d'origine ancienne qui ont perdu les connotations noémiques de leur création, et qu'on doit les traiter comme des métaphores, pas comme des incarnations d'un noème suivant docilement les fantaisies du langage.
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Alceste



Inscrit le: 27 May 2006
Messages: 196

Messageécrit le Thursday 27 Jul 06, 15:13 Répondre en citant ce message   

Nul ne prétend qu'aucune langue reflète rigoureusement une logique transcendante. On ne peut pas raisonner uniquement sur des exemples comme "dans" en français, pour la bonne raison que dans d'autres langues les mêmes concepts s'expriment autrement (par exemple en russe v # tcherez). L'exemple que j'ai donné n'avait pas d'autre but que de facilité l'explication de mon propos: il se trouve juste que, dans certaines langues et dans certains cas de figure, les concepts sous-jacents resurgissent d'une façon plus ou moins logique, de même que le tracé d'une villa romaine peut apparaître sous la surface d'un champ dans certaines conditions (vue aérienne, bonne visibilité, lumière rasante).

Je ne suis d'ailleurs pas convaincu par l'exemple d'Albert. Si je viens de Patagonie et Albert de Vincennes, et qu'Albert est arrivé avant moi, ça m'étonnerait qu'il ait été devant moi sur la route, vu qu'on n'a pas pris la même route.

D'autre part, les perspectives historiques, dans le cas de l'espèce comme dans celui de l'apprentissage de l'enfant, ne doivent pas être confondues avec l'organisation interne de l'esprit. Si le fonctionnement de l'esprit est conditionné par quelque chose, à mon avis, c'est avant tout par notre environnement géophysique (la terre, le ciel, les montagnes, le soleil, les saisons, etc) et les caractéristiques physiques de notre espèce et de celles que nous côtoyons (différenciation mâle / femelle, présence d'une tête, de bras, de jambes,...). Or ces caractéristiques datent de bien avant le langage et ne se sont pas modifiées essentiellement depuis.

Si on voulait se baser sur l'apprentissage de l'enfant, alors on en conclurait que les concepts fondamentaux sont: maman, pipi, caca, lolo. Or ce n'est apparemment pas le cas. (On note toutefois qu'une des toutes premières révolutions intellectuelles du petit enfant consiste en la différenciation entre lui-même et le reste du monde, lorsqu'il comprend par exemple que ce pied qu'il voit bouger est le sien, qu'il peut le commander).

Bref, tout le problème est précisément de se débarrasser des apparences induites par le langage (essentiellement par notre langue maternelle) pour retrouver les concepts profonds cachés sous tout ce fatras irrationnel de surface, quitte à ensuite, dans un mouvement de balancier, revenir des concepts vers telle ou telle langue, mais avec un regard éclairé cette fois.

Par exemple si je prends le cas du Kotava, j'ai l'impression (arrêtez-moi si je me trompe) que les concepts à prendre en compte ont été rassemblés de façon partiellement empirique et échelonnée, sans qu'aient été au préalable jetées les bases d'un véritable système cohérent (par exemple, des "conjonctions de liaison" aussi fondamentales que "et néanmoins / et donc / plutôt que / tout aussi bien que" n'ont été proposées qu'en 2006, alors que les bases du langage datent de 1978). C'est d'ailleurs assez naturel, vu la complexité du problème, vu aussi qu'on travaille en général par la méthode des essais et erreurs.

A peu près tout le monde convient que le langage est la source de tous les malentendus. Si je prends au hasard, disons Wittgenstein:

"Le langage usuel est une partie de l'organisme humain, et n'est pas moins compliqué que lui.
Il est humainement impossible de se saisir immédiatement, à partir de lui, de la logique du langage.
Le langage déguise la pensée. Et de telle manière que l'on ne peut, d'après la forme extérieure du vêtement, découvrir la forme de la pensée qu'il habille; car la forme extérieure du vêtement est modelée à de tout autres fins qu'à celle de faire connaître la forme du corps
" (sauf dans le cas du bikini, mais celui-ci n'existait pas encore au moment où il a écrit ça).

Pour une fois que je tombe sur un propos de Wittgenstein qui soit compréhensible, je suis ravi de constater qu'il pense comme moi ! mort de rire
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Leo



Inscrit le: 23 Jul 2006
Messages: 137

Messageécrit le Thursday 27 Jul 06, 16:29 Répondre en citant ce message   

Il va falloir que je m'applique plus dans la rédaction de mes posts, parce que la précipitation génère des malentendus. On va finir par écrire une thèse en direct... choqué

Bon, première constatation, on est d'accord en gros, même si à première vue ça ne semble pas être le cas. On va essayer d'éviter les caricatures parce que, même si c'est rigolo, ça ne fait pas avancer le schmilblick.

Oublions dans un premier temps l'évolution des idées et du langage, pour nous concentrer sur des clichés instantanés.

Je verrais bien qu'on s'attache tout d'abord aux concepts les plus simples, comme dedans/dehors, proche/éloigné, avant de rechercher les cas plus particuliers du genre "à l'intérieur de la limite et la touchant". Rien qu'avec les cas les plus simples, il y a amplement matière à surprises en analysant les divers moyens qu'ont différentes langues de les exprimer, et les connotations qu'elles y mettent.

On peut déjà éliminer la préposition "à", qui a un sens bien plus vaste que simplement spatial. "On a hébergé les sinistrés à l'école" sonne faux, au contraire de "On a hébergé les sinistrés dans l'école".

"dans la rue" mais "on the street". Le français représente la rue comme un contenant, l'anglais comme une surface. En évitant de prendre en compte l'historique des usages, que peut-on en déduire de la perception spatiale? Y a-t-il deux perceptions différentes, ou bien simplement deux habitudes linguistiques sur la même perception? Selon l'hypothèse retenue, le traitement des noèmes sera différent.

L'espagnol dit "en la calle", mais "en" en espagnol couvre un champ sémantique beaucoup plus large que "dans". "en la nevera" peut tout aussi bien dire "dans le frigo" que "sur le frigo" (le magnet du Mont Saint-Michel, par exemple), selon le contexte.

La suite plus tard...
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Alceste



Inscrit le: 27 May 2006
Messages: 196

Messageécrit le Thursday 27 Jul 06, 22:52 Répondre en citant ce message   

Leo a écrit:
Le français représente la rue comme un contenant, l'anglais comme une surface.


Je dirais plutôt comme un milieu qu'un contenant, au même titre qu'on dit dans la forêt, dans la savane (il a grandi dans la rue).

Il n'y a pas que la rue qui soit une surface pour les Anglais, aussi les moyens de transport: on the train, on the bus. I stepped on the bus= je suis monté dans le bus.

En russe aussi, d'ailleurs, on dit sur la poste au lieu de à la poste. Mais en fait il n'y a pas de à en russe, le choix est entre v (dans) et na (sur). Pourquoi "sur" la poste mais "dans" la maison ? A mon avis, parce que la poste est considérée de la même manière qu'un marché (na rynke = au marché), une sorte de surface commerciale, et non pas un abri, un domicile. Ce serait donc la fonction qui primerait sur la forme, ou sur la structure physique.

Les Anglo-Saxons sembleraient donc considérer les véhicules publics comme des sortes de plate-formes à roulettes, fermées ou non ? Possible.

Dans tous les cas, je suis bien convaincu qu'un Anglais se fait sensiblement la même idée que nous d'un bus, à part la couleur, l'impériale et la conduite à gauche, le problème, c'est que la langue impose un choix. Ni "dans" ni "sur" ne conviennent parfaitement dans certains cas, mais il faut bien choisir, donc on prend tantôt dans, tantôt sur. Ou à. Et une fois que l'habitude est ancrée, difficile d'en changer, juste comme pour la conduite à gauche.
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Qcumber



Inscrit le: 28 May 2006
Messages: 357
Lieu: France, région parisienne

Messageécrit le Thursday 27 Jul 06, 23:09 Répondre en citant ce message   

Sab, je trouve que ce que vous nous apprenez à propos du kotava est absolument passionant. Où cette langue est-elle parlée?
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Leo



Inscrit le: 23 Jul 2006
Messages: 137

Messageécrit le Friday 28 Jul 06, 7:41 Répondre en citant ce message   

Qcumber, le kotava est parlé ici sourire Sab t'en dira plus et mieux que moi.

----- Message de sab ------------
Je place volontairement ma réponse rapide ici, afin de conserver au sujet son orientation "Les concepts spaciaux".

Qcumber, outre le lien cité ci-dessus vers le site officiel, le Kotava est une langue construite dont on parle dans plusieurs sujets sur Babel dans le forum des langues construites. Poses-y toute question. Clin d'œil
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