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Helene
Inscrit le: 11 Nov 2004 Messages: 2846 Lieu: Athènes, Grèce
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écrit le Thursday 24 Mar 05, 1:24 |
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Ce mot provient du grec ancien ἐλεγεῖον, et ελεγεία en grec moderne. C'était au départ une sorte de poème lyrique composé de distiques élégiaques en hexamètre ou vers à six pieds et pentamètre, vers à cinq pieds. L'élégie était annoncé sous font de flûte afin de donner une dimension mélancolique, alors que les poèmes lyriques proprement dit étaient accompagnés à la lyre. Les thèmes utilisés pour les élégies elegia sont variés : il est question de morale, de guerre, de politique, etc. comme dans les élégies de Kallinos, Tyrtéos et Solon. Par la suite, environ IIIe siècle av. J.-C., des poètes comme Kallimakos et Philitas commencent à utiliser le distique élégiaque pour exprimer le sentiment amoureux mais surtout les échecs.
Il faudra ensuite attendre les poètes latins de l'époque d'Auguste mais surtout les poètes de la Renaissance pour que l'élégie définisse ses contours, mais ses principales caractéristiques, resteront à peu près les mêmes à travers les siècles ses principaux sujets resteront, douleurs de l'exil, angoisse du temps qui fuit, peur de la mort, etc. |
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Glossophile Animateur
Inscrit le: 21 May 2005 Messages: 2281
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écrit le Sunday 22 May 05, 23:14 |
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Je me suis laissé vendre l'étymologie suivante : dire hélas, de legein et eia.
L'élégie serait au départ un chant funèbre.
Selon les universitaires, mais faut-il les croire ? |
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Helene
Inscrit le: 11 Nov 2004 Messages: 2846 Lieu: Athènes, Grèce
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écrit le Monday 23 May 05, 0:57 |
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Étymologiquement ça donne plutôt: λέγειν, ελέγην dire et εία interjection qui a disparu du grec moderne et signifie : allons, courage, de l'avant |
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Horatius Animateur
Inscrit le: 11 Apr 2008 Messages: 695
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écrit le Thursday 17 Nov 11, 21:35 |
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En réalité, l'étymologie de "élégie" est très incertaine.
Dans les textes anciens, on trouve trois étymologies:
1. Celle dont parle Glossophile : ἐλεγεῖον < ἒ λέγειν : "dire hélas !"
2. ἐλεγεῖον < ἐλεεῖν : "avoir pitié !"
3. ἐλεγεῖον < εὖ λέγειν : "dire du bien"
Souvent, par exemple chez Suétone, ces trois étymologies se complètent : l'élégie devient le chant des morts, où l'on crie "hélas !", où l'on a pitié d'eux, et où l'on fait leur éloge.
Même si ces étymologies sont loin d'être totalement rejetées, d'autres ont été proposées depuis :
- une parenté avec le cri rituel de lamentation chez les Thraces : ololye
- un rapprochement avec la racine arménienne elegn elegneay, signifiant la flûte, le roseau. L'idée est intéressante, je trouve, même si je n'ai pas les compétences en étymologie pour pouvoir en juger. A plusieurs reprises, dans les textes grecs, ἐλεγεῖον est qualifié d'ἄλυρον, "sans lyre". Et de fait, traditionnellement, tandis que les vers épiques sont accompagnés de la lyre, l'élégie est, elle, chantée au son de la flûte plaintive.
Pour ce qui est du sens, comme le dit Hélène, avant les élégiaques romains, l'élégie n'a pas de sujets de prédilection aisément définissables. En réalité, c'est sa forme métrique, le distique formé d'un hexamètre et d'un pentamètre dactylique, qui définit ce poème. Quel que soit le sujet, cette forme très close du distique, où les répétitions rythmiques sont nombreuses, qui forme toujours une unité de sens, crée une atmosphère singulière, qui est, en fait, le propre même de l'élégie.
J'aimerais citer ici Pierre Grimal, dans une intervention qu'il avait faite à l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, en 1994. Cet article est, à mon sens, essentiel pour qui voudrait comprendre la poésie élégiaque antique.
Pierre Grimal a écrit: | Le distique élégiaque, entre le moment où il apparaît, sept siècles, peut-être, avant notre ère et l'époque alexandrine, devient peu à peu, par lui-même, une forme, qui, comme un thème musical, a sa signification propre, indépendamment du contenu que, chaque fois, il peut recouvrir, qu'il s'agisse de la disparition d'un être cher ou d'un amour comblé, ou déçu, ou d'une loi morale, ou d'un mythe destiné à expliquer un aspect déterminé du réel. Il a sa place chaque fois que notre fragilité vivante se trouve confronté à un arrêt, quel qu'il soit, du devenir. Il exprime, par sa forme même, le choc que produit en nous la brusque rencontre avec l'éternel, cet éternel fut-il celui de la beauté. Et le contraste ne va pas sans tristesse. |
Dernière édition par Horatius le Saturday 14 Jan 12, 20:32; édité 1 fois |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11202 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Thursday 17 Nov 11, 22:43 |
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De l'arménien, poussons une pointe vers le sémitique, au cas où...
Il existe en arabe une racine لعج [lʿǧ] qui exprime l'échauffement d'un sentiment, l'amour ardent, mais aussi la peine, la douleur, l'angoisse.
Un amour ardent, un chagrin brûlant, seront qualifiés de لاعج [lāʿiǧ].
À creuser, peut-être.
Et voir du côté de l'hébreu.
Ceux qui connaissent l'anglais profiteront de ce MDJ pour lire ou relire ICI la plus célèbre élégie de la littérature anglaise, ELEGY WRITTEN IN A COUNTRY CHURCH-YARD, de Thomas Gray (1716-71). |
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Horatius Animateur
Inscrit le: 11 Apr 2008 Messages: 695
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écrit le Friday 18 Nov 11, 15:55 |
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Un emprunt au sémitique ? C'est osé, tout de même, tu ne crois pas...
Pour l'hypothèse que je citais, de la parenté avec l'arménien (langue indo-européenne), je précise qu'évidemment elle n'est pas de moi : on la trouve, entre autres, énoncée par A Sabot (dans "Hommages à J Cousin", 1983). D'ailleurs, il est établi, par de nombreux spécialistes, que l'arménien ancien a des proximités avec le grec ancien. Les contacts entre la Grèce et l'Asie Mineure sont puissants.
Pour ce qui est de la racine arabe, je suis moins convaincu. D'abord, il faudrait peut-être se demander si l'on peut expliquer les évolutions phonétiques de l'un à l'autre : sur ce point, je suis incompétent. Voyons plutôt le domaine sémantique. Tu dis que l'idée première est celle de "l'échauffement d'un sentiment". Je trouve que cela correspond mal à la poésie élégiaque de la Grèce Archaïque. Je cite Jacqueline de Romilly :"Pour le contenu, la poésie élégiaque grecque est d'abord guerrière. l'inspiration de Kallinos semble avoir été héroïque; Tyrtée nous est connu par quelques élégies qui sont une invitation au combat ; Mimnerme, en revanche, chante la brièveté de la vie".
De toute façon, il faut bien comprendre que, dans la poésie gréco-romaine, les classements par genre dépendent bien moins du thème du poème, que de ses caractéristiques, j'allais dire, matérielles, soit le contexte social où le poème est utilisé (dithyrambe > hymne à Dionysos ; thrène > lamentation funèbre ; épinicie...) soit le type de vers utilisé. L'élégie, c'est un poème en distique élégiaque. Point. Si, par ailleurs, on peut prouver que le distique élégiaque était toujours accompagné de flûte, le rapprochement avec la racine arménienne me semble particulièrement intéressant. (mais réel sur le plan étymologique ? pour ça, je ne m'avance pas : je suis un littéraire, pas un linguiste...) |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11202 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Friday 18 Nov 11, 16:47 |
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Je me suis bien gardé d'affirmer quoi que ce soit, ni même d'émettre une hypothèse, je voulais simplement verser une pièce de plus au dossier. Quand on tourne en rond en eurindien sans trouver la sortie, il arrive que le sémitique apporte la solution, c'est tout. |
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Horatius Animateur
Inscrit le: 11 Apr 2008 Messages: 695
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écrit le Friday 18 Nov 11, 16:47 |
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Mais oui, Papou, c'est bien ainsi que je l'avais compris.
J'ajoute un lien avec ce qui est dit dans le MDJ éloge |
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