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Breizhadig
Inscrit le: 12 Nov 2004 Messages: 860 Lieu: Penn ar Bed / Finistère
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écrit le Wednesday 05 Nov 08, 14:52 |
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La terminaison -(i)ad indique en Breton un contenu, par exemple: ur werenn (un verre), ur werennad (le contenu d'un verre), il y a une nuance entre contenu et contenant.
Dans un sens plus large, ca peut faire appel à un contenu plus abstrait: ur c’hlas (une classe, salle de cours), ur c’hlasad (une classe, dans le sens d'un ensemble d'élèves).
En Français, on traduit aussi par la terminaison -ée, par exemple on dit "une bolée" pour du cidre et non "un bol", en revenche, il y a chez certain un suremploi de cette terminaison qu'ils ne comprennent plus comme "contenu" et utilisent le terme "bolée" pour parler du bol alors qu'il s'agit du cidre qui s'y trouve: un bol de cidre devient une bolée de cidre quand il est plein. |
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Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3509 Lieu: Nissa
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écrit le Wednesday 05 Nov 08, 16:43 |
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Et une cuiller devient une cuillerée quand elle est pour maman, pour papa ou pour tata. D'après le TLFi, le suffixe -ée (< lat. *-áta) dans cette dérivation (substantif sur substantif) et ce sémantisme (contenu d'un contenant) aurait été productif en français du milieu du XIIe (matinée 1150) à la fin du XIXe (fourchée 1872).
Mais, d'après Bourciez (Éléménts, § 68 ), ce serait dès l'époque latine que, sur le modèle de participes féminins de verbes populaires (*), on a formé des mots comme *buccata (it. boccata, roum. bucată, fr. bouchée).
Ce suffixe -ad du breton pourrait-il être un emprunt à ce système roman ou possède-t-il des équivalents en celtique insulaire ?
* diurnō, annō « passer le jour, passer l'an » > diurnata, annata > journée, année |
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Breizhadig
Inscrit le: 12 Nov 2004 Messages: 860 Lieu: Penn ar Bed / Finistère
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écrit le Wednesday 05 Nov 08, 19:26 |
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En Gallois il existe la terminaison -aid, qui est -as en Cornique. Cependant, il ne semble pas exister d'équivalent dans les langues gaéliques, on trouve ce phénomène que dans les langues brittoniques qui, elles, se trouvent sur des territoires où l'Empire Romain s'est étendu, je pense qu'il s'agit donc d'un emprunt direct au Latin qui doit être assez ancien.
Sinon, c'est marrant l'exemple de "matinée" car en Breton, quand il s'agit d'un contenu temporel, on utilise la terminaison -vezh. Selon le dictionnaire étymologique d'A. Deshayes, le mot viendrait du vieux breton gued (aspect). Cependant, je suis plus tenté de croire F. Favereau qui explique que le -vezh vient du mot gwezh/gwech (fois) qui en Vieux Breton (gueth) avait aussi la signification de "temps", d'autant plus que si c'était bien "gued" on aurait plutôt "devez" que "devezh" dans le mot qui sert à dire "journée" (certes on peut trouver ce mot écrit "devez" chez certains qui utilisent une orthographe non unifiée et qui rendent compte uniquement de la prononciation locale). |
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Kophos
Inscrit le: 08 Jan 2008 Messages: 177 Lieu: Limousin
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écrit le Wednesday 05 Nov 08, 23:12 |
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Outis a écrit: | - la suffixation kaoter > kaoteriad évoque fortement le -ade provençal dont on sait qu'il a été très productif en français. L'aurait-il été aussi en breton ? |
En breton, le suffixe -ad indique le contenu (comme le suffixe -ée en français) : on a donc kaoter = chaudron, et kaoteriad = contenu du chaudron. On de même bolenn = bol et bolennad = bolée ou contenu d'un bol, ou encore sac'h = sac et sac'had = contenu d'un sac ou sachée.
Ce qu'on mange, ce n'est pas le récipient lui-même mais son contenu ! Si on dit qu'on mange une assiette de soupe, il faut comprendre : une "assiettée".
Pardon pour la redite : je n'avais pas vu les trois précédents messages... et mon intervention était donc inutile. |
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meuuh
Inscrit le: 12 Jun 2006 Messages: 982 Lieu: Mie en ole opaštuja Karjalašša
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écrit le Thursday 06 Nov 08, 22:05 |
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Le morphème lui même est un emprunt au latin, ou bien seulement le système de dérivation ? |
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myris
Inscrit le: 25 Nov 2008 Messages: 253 Lieu: Tournus France
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écrit le Wednesday 14 Jan 09, 1:41 |
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Citation: | En Bourgogne, une bouette c'est un petit soupirail dans une cave par exemple, visible de la rue. |
En Bourgogne, la réserve, donc la cave, à vin, était la boiterie. Bouette = fenêtre de la boiterie?? |
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Volubilis
Inscrit le: 28 Jun 2014 Messages: 6 Lieu: Jargeau, Loiret
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écrit le Sunday 29 Jun 14, 12:26 |
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La locution "à califourchon" semble d'origine obscure ; une des hypothèses, controversée mais amusante, la rattache au breton "kall" (testicules). Voir le TLFI :
Citation: | Composé pour la 2e part. d'un dér. de fourche* (lat. furca); la 1re part. est d'orig. discutée : d'apr. FEW (t. 3, p. 892b et 893a) et BL.-W.5 elle serait issue du bret. kall « testicules » (HENRY; TROUDE), califourchon étant une formation tautologique (fourche pris au sens d'« arcade pubienne ») originaire de l'ouest; d'apr. DAUZAT 1973, elle serait une forme de caler*; d'apr. EWFS2 califourchon serait une altération, d'apr. le préf. ca-, cali- [v. caboche], d'un type *confurcus (établi par THOMAS (A.) Nouv. Essais, p. 191) d'où dérivent de nombreux topon. de la Dordogne et du Cantal, du type La Cafourche, La Cofourche, désignant des carrefours, ainsi que le prov. cafour « enfourchure d'arbre, carrefour ». Les hyp. de Schuchardt (Z. rom. Philol., t. 42, pp. 9-12) : croisement de caballus « cheval » et de fourche*, et de Spitzer (ibid., t. 27, p. 614) : formation à partir de carrefour*, ne sont pas recevables du point de vue phonétique.
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Jeannotin Animateur
Inscrit le: 09 Mar 2014 Messages: 879 Lieu: Cléden-Poher
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écrit le Sunday 29 Jun 14, 22:17 |
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Volubilis a écrit: | une des hypothèses, controversée mais amusante |
Tu as raison de le souligner, cela sent vraiment l'étymologie populaire.
Voici ce qu'écrit Littré à l'entrée "califourchon" de son dictionnaire :
Citation: | HISTORIQUE
XVIe s. "S'estant avancé à cafourchons sur les gardes du pont...." [D'Aubigné, Hist. I, 336] ".... ah ! avant que le sort T'eust fait flotter à mes bords demi-mort à calfourchons sur les aiz de ta proue", [Ronsard, 946]
ÉTYMOLOGIE
Bas-lat. calofurcium, fourches, gibet. On reconnaît fourche dans fourchon ; mais le préfixe calo, cali, cal ou ca reste inexpliqué.
SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE
CALIFOURCHON. - ÉTYM. M. Fr. Dame, de Bucarest, suggère, pour expliquer la première partie du mot, de prendre en considération le roumain cal, cheval, calul, le cheval, calare, monter à cheval. Il est certain que ce cal, qui vient sans doute de caballus, offre une interprétation de califourchon. Mais est-il permis d'introduire cette forme néo-latine orientale dans nos langues néo-latines occidentales, qui ne la connaissent pas ? Le mieux est de considérer califourchon comme composé de fourchon et de la particule péjorative cali ou ca (on a dit cafourchon, voy. l'historique).
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Apparemment, la forme ancienne du mot est cafourchon, qui ne peut s'expliquer par le breton kall.
Dernière édition par Jeannotin le Monday 30 Jun 14, 18:01; édité 1 fois |
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embatérienne Animateur
Inscrit le: 11 Mar 2011 Messages: 3875 Lieu: Paris
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écrit le Monday 30 Jun 14, 9:35 |
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Je n'appellerais pas Littré à la rescousse en matière d'étymologie pour l'opposer à des auteurs plus récents comme ceux qui sont la source de l'article du TLF. L'étymologie du mot reste et restera probablement toujours mystérieuse. Cependant, la forme ancienne du mot n'est pas cafourchon : cette forme n'apparaît qu'au XVIe siècle alors qu'on trouve a caleforchies dès 1262. |
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Jeannotin Animateur
Inscrit le: 09 Mar 2014 Messages: 879 Lieu: Cléden-Poher
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écrit le Monday 30 Jun 14, 17:59 |
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Merci pour la rectification sur la forme ancienne du mot.
Si j'ai bien compris la citation que donne Volubilis, les auteur du TLF ont trouvé l'hypothèse d'une origine bretonne du préfixe cali- chez le colonel Troude (j'ignore par contre qui est cet "HENRY"). Troude (1803-1885) est un lexicographe breton, on peut lire son dictionnaire en ligne :
http://archive.org/stream/nouveaudictionna00trou/nouveaudictionna00trou_djvu.txt
Cette hypothèse n'est donc pas issu de travaux récents, et Troude me semble même être sorti de son domaine de compétence...
Ce qui me fait tiquer dans cette étymologie, c'est surtout que je ne comprends pas pourquoi et comment l'emprunt est censé s'être fait. Les mots bretons en français standards renvoient tous à des réalités propres à la Bretagne (fest-noz, kig-ha-farz...) ou alors, ce sont des emprunts savants qui relèvent de la celtomanie (menhir, dolmen...). Pourquoi les francophone auraient-ils eu besoin de prendre la racine kall au breton ? De plus je ne vois pas comment elle a pu passer du breton au français. Le rapport entre "testicule" et "califourchon" me semble quand même lointain. En breton, à califourchon se dit a-haolad (de gaol, l'entre-jambe) ou a-fourch (francisme évident) ; kall n'apparaît pas...
Je pense, en effet, que "califourchon" conservera toujours son mystère... |
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Jeannotin Animateur
Inscrit le: 09 Mar 2014 Messages: 879 Lieu: Cléden-Poher
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écrit le Monday 30 Jun 14, 18:06 |
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Je crois que j'ai mal compris la citation de Volubilis, Troude n'est la référence que pour le sens de kall en breton, pas pour l'hypothèse sur califourchon. Qui sont ces "FEW" et "BL.-W.5" ? |
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Moutik Animateur
Inscrit le: 06 Apr 2008 Messages: 1236
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écrit le Monday 30 Jun 14, 19:37 |
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FEW
[ɛfedubləve]
Walther von Wartburg
Französisches Etymologisches Wörterbuch
1922 - 2002
La somme des sommes en matière d’étymologie gallo-romane. Visiter :
http://www.atilf.fr/FEW/
https://apps.atilf.fr/lecteurFEW/index.php/page/view
BL.-W.5
Oscar Bloch, Walther von Wartburg
Dictionnaire étymologique de la langue française, 5ème édition (sous-réserve)
Première édition : 1932, puis de nombreuses rééditions depuis.
Jeannotin a écrit: | Les mots bretons en français standards renvoient tous à des réalités propres à la Bretagne (fest-noz, kig-ha-farz...) ou alors, ce sont des emprunts savants qui relèvent de la celtomanie (menhir, dolmen...). |
C’est un peu restrictif. Voir balai, bijou…
Dernière édition par Moutik le Monday 30 Jun 14, 20:08; édité 2 fois |
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Jeannotin Animateur
Inscrit le: 09 Mar 2014 Messages: 879 Lieu: Cléden-Poher
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écrit le Monday 30 Jun 14, 19:48 |
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Merci pour la référence !
Je reconnais que bijou est une exception intéressante que j'avais justement à l'esprit en écrivant mon poste. Je suis en revanche plus sceptique quant à balai, qui me semble plutôt provenir du substrat gaulois. Mais puisque le breton est probablement la forme moderne du gaulois, il est toujours difficile de savoir si un mot est un emprunt du breton ou s'il est préroman... |
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Moutik Animateur
Inscrit le: 06 Apr 2008 Messages: 1236
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écrit le Monday 30 Jun 14, 20:34 |
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Si le temps ne manquait il serait d’ailleurs bon de distinguer dans ce fil :
– les mots bretons employés en français mais dénotant toujours une réalité bretonne (fest-noz, kig-ha-farz),
– les mots français empruntés au breton mais dont le lien au breton est oublié (balai [à ta réserve près], bijou).
Le statut de certains mots doit être un peu plus complexe :
– boëtte est bien français, mais ne s’emploie qu’en Bretagne ou dans l’ouest,
– aber ne désigne que des fleuves côtiers du nord de la Bretagne,
– dolmen peut désigner des mégalithes hors de Bretagne mais continue à « sonner » breton pour beaucoup de locuteurs. |
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embatérienne Animateur
Inscrit le: 11 Mar 2011 Messages: 3875 Lieu: Paris
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écrit le Tuesday 01 Jul 14, 12:37 |
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Jeannotin a écrit: | (j'ignore par contre qui est cet "HENRY") |
Il s'agit de HENRY Albert, Études de lexicologie française et gallo-romaine, PUF, 1960. |
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